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Législatives : les dilemmes du second tour

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Message par Lumen Jeu 4 Juil 2024 - 21:23

Législatives : les dilemmes du second tour

Les duels annoncés entre le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national attestent d’une bipolarisation extrême. Comment les catholiques peuvent-ils se positionner ?
François Huguenin et Joseph Thouvenel en débattent.


Législatives : les dilemmes du second tour Huguenin_-_thouvenel
À l’heure de l’entre-deux tours, en cette période particulièrement incertaine, François Huguenin (à g.)
et Joseph Thouvenel nous aident à discerner. - ARNAUD ROBIN - DIVERGENCE POUR FC


Depuis le début de cette campagne éclair, on nous répète que les «extrêmes» sont aux portes du pouvoir. Quel sentiment vous inspire ce qualificatif ?

Joseph Thouvenel – Je suis très gêné par ce terme qui ne veut rien dire. Dans l’histoire de l’Église, c’est une bande d’extrémistes qu’on nous donne en exemple : les saints ! Il ne s’agit pas de gentils centristes mous ! Être extrémiste, ça peut être bien ou mal. Mon père a été condamné par un tribunal allemand pendant la guerre… Il était considéré comme un extrémiste. Était-ce mal ? Je ne crois pas.

François Huguenin – Ce n’est pas le mot «extrême» qui me choque, c’est qu’on le brandisse en permanence comme un épouvantail. Les expressions «extrême droite» et «extrême gauche» peuvent avoir un sens. Dans le système politique, il y a bien une droite qui est plus radicale que la droite de gouvernement ; idem pour la gauche. Mais cela n’a de sens que celui qu’on concède au clivage droite-gauche, dont l’intérêt est limité…



Législatives : les dilemmes du second tour Francois_huguenin_0
François Huguenin : Historien des idées et essayiste, il est l’auteur du Pari chrétien (Tallandier, 2018) et de La Grande Conversion (Éditions du Cerf, 2023). Il enseigne l’histoire des idées politiques à l’Ircom de Lyon et à l’Institut catholique de Paris.


Le Rassemblement national (RN) est-il encore un parti d’extrême droite, avec tout ce que cela suppose ?

J. T. – Revenons sur la définition du fascisme. Trois critères sont à retenir: l’appel à la violence, le rejet de l’avis démocratique et l’antisémitisme. Quelle formation incarnent ces trois critères aujourd’hui en France ? Cela me paraît clair : La France insoumise (LFI) ! Ces critères ne transparaissent pas du côté du RN. Où est l’extrémisme !

F. H. – L’extrémisme de LFI est avéré. Mais le RN joue la carte de la confusion, savamment orchestrée. Pour répondre à votre question, le RN est-il encore d’extrême droite? Je ne sais pas. Le RN est totalement opaque et cette opacité est entretenue par ses dirigeants. Ils veulent le pouvoir comme les autres, car ce sont des politiciens comme les autres. Dans le RN, oui, il y a de l’extrémisme, et oui il y a un héritage patriotique laissé en jachère par la droite républicaine. Mais je suis incapable de vous dire ce qu’ils pensent vraiment. C’est ce qui me fait peur chez eux ! Dans les autres partis, c’est plus clair…

J. T. – Et est-ce beaucoup plus rassurant ?



Législatives : les dilemmes du second tour Joseph_thouvenel
Joseph Thouvenel : Ancien secrétaire général adjoint de la CFTC, il est directeur de la rédaction de la revue Capital Social. Il est aussi vice-président du Centre européen des travailleurs, qui rassemble soixante-dix organisations sociales chrétiennes en Europe.


F. H. – Non, mais on sait pourquoi on est inquiet. Quand je vois que Raphaël Glucksmann nous vante la social-démocratie de Jacques Delors et, quelques jours plus tard, s’allie avec La France insoumise, un parti avec des tendances antisémites réelles, là c’est très clair. Quand on voit le programme d’Emmanuel Macron, qui est de continuer ce qui a été fait, au mépris du peuple français, c’est également clair. Pour le RN, je ne sais pas.

J. T. – C’est un programme qui évolue… Sans doute évolue-t-il rapidement, car personne n’avait pensé qu’on aurait des élections législatives aussi proches dans le temps. Cela peut avoir un côté inquiétant, mais je le vois plutôt d’une façon rassurante: ils sont pragmatiques et ne sont pas prisonniers d’une idéologie. Les évolutions économiques que l’on observe aujourd’hui dans leur programme, c’est du pragmatisme ! Une de leurs promesses était la retraite à 60 ans. Aujourd’hui, leur programme s’affine avec réalisme.

Est-il possible de renvoyer dos à dos le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national ?

J. T. – Je n’ai jamais eu une confiance absolue dans les partis politiques… Mais les dangers ne sont pas les mêmes. Il suffit de regarder les comportements des élus à l’Assemblée nationale.

F. H. – À mes yeux, le Nouveau Front populaire est une coalition de la carpe et du lapin. Elle ne tient pas la route d’un point de vue intellectuel et politique, rassemblant des gens qui n’ont rien à voir ensemble et se sont alliés par opportunisme électoral. Je ne traiterais pas LFI de fasciste, mais ce qu’a dit Joseph sur la violence dont ils pourraient être capables est juste. Ces personnes ont pour stratégie la violence dans la rue.

Depuis 2017, on constatait un vote plus important des catholiques pour le parti présidentiel. Cela ne semble plus être le cas. Comment l’expliquer ?

F. H. – Cela signifie que les catholiques ne sont pas hors sol et différents de leurs compatriotes. Ils sont comme les autres et ont des problématiques similaires. Le fait que les catholiques aient une sociologie bourgeoise plutôt aisée a peut-être poussé au vote macroniste qui était celui du parti de l’ordre. Cela ne marche plus. Parce que ce parti de l’ordre est devenu celui du désordre, celui de la dette qui explose, celui des lois sociétales inadmissibles comme sur la fin de vie.

J. T. – L’une des causes de ce rejet chez les catholiques est quelque chose de très présent en politique, qui s’appelle le mensonge. On peut se tromper, mais mentir sciemment entraîne naturellement un phénomène de rejet.

La question de l’immigration est centrale depuis plusieurs années. Un chrétien peut-il, selon vous, voter pour un parti favorisant une politique très stricte ?

J. T. – On ne va évidemment pas laisser des personnes se noyer en Méditerranée ou en mer du Nord. Cela ne se discute pas. Maintenant, quels sont les moyens à mettre en place pour éviter ces drames ? Pour certains, il faut continuer à faire venir du monde, quitte à ce que certains coulent et que d’autres finissent par dormir sur nos trottoirs. C’est une honte. Un autre problème me paraît essentiel, c’est celui de l’islamisme. Les islamistes nous font la guerre. Je ne la souhaite pas et ferai tout pour l’éviter. Mais notre devoir est de nous protéger de cette menace, en partie due à l’immigration. Si nous ne posons pas ces problèmes sur la table, nous disparaîtrons.

F. H. – En tant que chrétien, on ne peut, par principe, refuser l’accueil de l’étranger. Si quelqu’un est en train de mourir à ma porte, je dois bien évidemment lui venir en aide… Il y a des cas d’urgence face auxquels on ne peut pas tergiverser. À part ça, tout est de l’ordre du politique. C’est là que l’on peut réfléchir à notre capacité à accueillir de façon décente les gens qui arrivent sur notre territoire. La question importante est : qu’est-ce que notre société est capable d’absorber ? Aujourd’hui, elle ne semble plus en mesure ni désireuse d’accueillir encore et encore. Je suis d’accord avec Joseph Thouvenel concernant l’islamisme. Je suis de plus en plus ulcéré quand on parle des « religions » qui seraient un problème dans notre république laïque… Il y a une religion qui, dans sa forme extrémiste qui est l’islam politique, est source de problèmes en France. Les juifs, les chrétiens ne posent pas de problèmes, les hindouistes non plus… Depuis le 7 octobre, l’islamisme a encore passé un cap. Il y a clairement une guerre mondiale menée par les islamistes contre les sociétés héritières de la culture judéo-chrétienne.

Au cœur des préoccupations des Français, il y a celle du pouvoir d’achat. Pourquoi ?

J. T. – Ce que beaucoup de chrétiens ne font pas, c’est de mettre les choses dans le bon ordre. L’économie est importante mais elle est secondaire. Elle ne doit pas faire notre société, elle doit être à son service. Il faut d’abord réhabiliter la valeur travail, car travailler, c’est participer au bien commun.

F. H. – Je vais prolonger le raisonnement. Nous sommes face à un phénomène nouveau : la montée en puissance de la mondialisation d’un capitalisme ultra-financiarisé. Les États souverains n’ont plus vraiment de marge de manœuvre… Je pense qu’en tant que chrétien nous devons nous interroger sur la nocivité de ce système.

J. T. – Quand François dit : « Les États souverains n’ont plus vraiment de marge de manœuvre », je crois que c’est inexact. L’État a renoncé, mais il peut encore reprendre la main, c’est une question de volonté politique.

Comment peut-on évaluer le « moindre mal » avant de voter ?

J. T. – Cela n’est pas si complexe que ça. Il faut se fixer de grandes lignes, des points essentiels. Le moindre mal, par exemple, c’est la liberté de conscience contre le totalitarisme. C’est aussi la protection de la vie ou le rejet de toute marchandisation de l’humain comme la GPA, ou bien encore la sauvegarde du repos dominical, ce temps où la production et la consommation sont entre parenthèses pour permettre la vie familiale, personnelle, associative et spirituelle.

F. H. – Je ne suis pas d’accord. Il est difficile de définir des critères pour le moindre mal. Ils ne sont pas objectivables facilement. On met parfois la poussière sous le tapis pour simplifier notre vote. Je pense, par ailleurs, comme saint Augustin, que le but ultime de la cité est de pouvoir vivre ensemble dans la paix. Pouvonsnous aimer ensemble quelque chose dans la concorde ? Les chrétiens qui sont le sel de la terre portent ce souci. Voter pour le Nouveau Front populaire, est-ce voter pour l’euthanasie ?

F. H. – Il faut revenir aux « principes non négociables » de Benoît XVI. Je peux choisir de mettre un bulletin dans l’urne pour quelqu’un qui n’est pas en accord avec tous mes principes. Ce qui serait condamnable, ce serait de voter pour un parti parce qu’il défend l’euthanasie ! Je peux voter pour quelqu’un qui est en contradiction avec certains principes non négociables, si je le fais au nom d’un bien commun de la nation. « On considère cet acte comme une coopération matérielle éloignée [avec le mal], permise en vertu de raisons proportionnées », a pu écrire Joseph Ratzinger aux évêques américains en 2004.

J. T. – Toute consigne de vote en faveur d’un bloc est un non-sens chrétien. Au sein des systèmes politiques, nous privilégions la personne humaine. C’est elle qui fera vivre la politique. Ce sont des personnes que nous élisons, des députés. Les programmes seront plus ou moins respectés. Il faut les analyser. Mais le plus important n’est-il pas de savoir quel candidat se rapproche le plus de nos idéaux ? Nous devons scruter les comportements des candidats. Comment ont-ils voté sur tel ou tel sujet essentiel s’ils sont députés sortants ? Sont-ils en cohérence avec leurs idées ?

Les chrétiens n’ont-ils pas la tentation d’instrumentaliser l’Évangile pour faire voter contre un camp ou contre un autre ?

J. T. – Pour le chrétien, l’Évangile est une boussole. Pas un programme à brandir pour dire en faveur de quel candidat il faut voter. Je trouve cela très choquant. Je ne suis pas d’accord avec les 6000 – catholiques «de gauche» – signataires d’une tribune dans La Croix contre le RN. La méthode est mauvaise. On peut interpréter de manière toute différente la parabole du Bon Samaritain qu’ils invoquent. Évidemment, je dois m’occuper de quelqu’un en difficulté devant ma porte. Mais où est-il écrit que je suis obligé de l’accueillir chez moi pour toujours ? Dans la parabole, une fois soigné, ce dernier repart !

F. H. – L’instrumentalisation de l’Évangile est en effet quelque chose de dramatique. C’est presque un péché contre l’Esprit ! Pourquoi est-ce que la gauche cède plus facilement que la droite à cette tentation? Parce que dans notre pays, la gauche, c’est « le camp du bien» ; la droite, c’est « le camp du mal ». Ce schéma vient de la Révolution française. Dans le premier hémicycle, la Révolution était poussée par les rangs de gauche alors que la droite freinait le mouvement. La mise en équivalence de l’Évangile et d’un positionnement politique est moins prononcée à droite qu’à gauche, ce qui est plus sage.

À chaque élection, la question du vote blanc se pose pour un certain nombre de catholiques. Choisir de ne pas choisir, n’est-ce pas une forme d’abandon de ses responsabilités ?

J. T. – À mon sens, le vote blanc n’est pas souhaitable. Cependant, dans certains cas, on peut considérer que le fait de ne pas choisir entre l’un et l’autre est un véritable choix. Entre un escroc et un escroc, on a le droit, voire le devoir, de ne pas choisir. Le fait d’aller voter rend encore plus fort le message de méfiance et de mécontentement.

F. H. – Il y a des pays où le vote est obligatoire et où le vote blanc est comptabilisé. Je crois que c’est souhaitable. Le vote blanc peut être une manière de dire, pour des chrétiens par exemple: « Je ne me retrouve pas suffisamment dans les offres qu’on me propose. » Ce n’est jamais agréable de regretter son vote. Le vote blanc peut parfois éviter ce sentiment… Au fond, le vote « en conscience » s’oppose-t-il au vote « utile » ?

J. T. – Peut-il exister un vote utile sans conscience ? Le vote utile politicien n’est pas intéressant. Mais si notre vote est vraiment utile pour la société, il est forcément en conscience. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas nous tromper.

F. H. – Chaque vote nous engage, c’est vrai. Cela dit, l’action politique ne se réduit pas à mettre un bulletin dans l’urne ! C’est un acte citoyen important, mais il existe d’autres moyens de s’engager dans la société. Je ne suis pas un fétichiste démocratique, même si le vote a des conséquences. Pourquoi les chrétiens ne sont-ils pas capables de converger vers un même idéal ?

J. T. – Nous pouvons partager un même idéal, mais les voies et les moyens pour le réaliser peuvent différer. Cela dépend par exemple du lieu où nous habitons, si nous sommes salariés ou patrons, etc. Le devoir des chrétiens, c’est toujours d’éviter l’opposition systématique, comme la lutte des classes, et de promouvoir le bien commun. Étant imparfaits, nous pouvons nous tromper.

F. H. – La politique n’est pas d’abord une question d’idéal mais d’action. Nous pouvons partager la même foi chrétienne et voter de manière différente en fonction de nos histoires et de nos tempéraments. C’est normal qu’il existe des chrétiens de droite et des chrétiens de gauche ! Le contraire me ferait très peur. Chacun vote en conscience mais pas de manière unanime.



Propos recueillis par Cyriac Zeller et Samuel Pruvot
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