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Défense et illustration de la sainte-Église catholique

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Défense et illustration de la sainte-Église catholique Empty Défense et illustration de la sainte-Église catholique

Message par MichelT Sam 24 Juil 2010 - 15:20

Par Jean Renaud

Ces dernières semaines, l’Église catholique et le pape Benoît XVI furent attaqués plus vivement que jamais. Il ne faut ni finesse ni perspicacité particulières pour deviner que cette offensive médiatique est empreinte d’hystérie et de déloyauté.

Mettons à part un certain degré de sottise qui n’est malheureusement pas exceptionnel au Québec. Il n’en reste pas moins qu’il faut supposer pour l’honneur de l’esprit humain que les scribes les plus bornés, les plus obtus, les plus naïfs, les plus fanatiques sont au moins capables de deviner que quelque chose cloche ; la vague intuition que les cas de pédophilie ne sont ici qu’un prétexte se glisse certainement dans l’esprit des moins doués des échotiers. Il est vrai que dans l’Église, surtout en cette période de grande noirceur que furent les années 1960 à 1980, la culture du secret préconciliaire combinée au libéralisme de l’après-concile a constitué un mélange pervers (c’est le cas de le dire), idéal pour ces abominables outrages à l’enfance. Aujourd’hui les affaires de pédophilie chez les catholiques ont beaucoup diminué et, en proportion, elles sont probablement moins nombreuses que dans la société civile en général. L’un de ceux ayant le plus fait pour réprimer ce mal ? Josef Ratzinger devenu Benoît XVI !

Comment expliquer alors l’acharnement des médias et d’une partie de la population ? Car on crache sur l’Église avec autant de délectation que de partialité. Jour après jour, s’ajoutant aux analyses asthmatiques et prévisibles de l’intelligentsia, des incultes et des sots hargneux appartenant à la pire lie intellectuelle et mentale noircissent sites et blogues de commentaires bilieux, vils, plats et redondants. Le goût d’avilir a toujours possédé les foules, et la populace a envahi depuis longtemps cette vaste agora ressentimentale que l’on nomme le Web.


Je n’emploierai pas le mot « complot ». Nul besoin de complot : un instinct très sûr, un flair quasi bestial envers une menace toujours présente, agissante, contrariante, a suffi pour créer cette espèce de cristallisation haineuse. L’Église ne constitue-t-elle pas l’obstacle par excellence au désir moderne d’abolition radicale de la loi naturelle au profit d’un moi et de ses caprices les plus inhumains? Ce que les papes enseignent à temps et à contretemps contredit les divers catéchismes de la modernité et leur évangile subjectiviste. Dans l’ébranlement général des coutumes et des mœurs, la sublime voix – forte, claire et pourtant si indulgente – de Benoît XVI transmet un enseignement plus nécessaire que jamais. Le catholicisme apparaît un peu comme la mauvaise conscience d’une humanité ayant cru bon de s’adorer elle-même. L’Internationale du vrai et du bien, l’arche de salut des sociétés, de toutes les sociétés – celles d’Amérique, d’Afrique, d’Europe, d’Asie et d’Océanie –, est située à Rome et non à New York ou à Bruxelles. Voilà ce qui irrite naufrageurs, incendiaires et faux prophètes. Que de biens politiques, sociaux, moraux, métaphysiques, esthétiques, religieux protégés avec autant de douceur que de fermeté par l’Église une, sainte, catholique, apostolique et romaine !

Ce n’est ni le premier assaut ni le dernier que subira l’Église. Et nous verrons certainement pire. Avec le prétendu affaiblissement de cette institution, certaines forces auront plus que jamais le sentiment que la voie est enfin libre. Et l’on appliquera des solutions radicales à la mystérieuse détresse des personnes et des communautés. Attendons-nous à une offensive sans précédent de l’esprit révolutionnaire sous toutes ses formes. Parmi les configurations insolites d’un futur proche, prédisons que des conservateurs dégoûtés du libéralisme et désespérés d’un christianisme (selon eux) déliquescent se tourneront vers l’islam. Seule une spiritualité vivante rend sobre et nous sauve de l’hybris, de la démesure. Rome se tient au centre, dans un parfait équilibre, au faîte des choses humaines. Ce qui se détache d’elle s’assèche ou pourrit. Ce qui s’en sépare aboutit inévitablement à la dissolution libérale ou à l’abrutissement musulman, et finalement à ces pathologies de l’espérance exacerbée par le nihilisme. La politique sans le frein d’une autorité spirituelle indépendante se métamorphose inévitablement en religion immanente. Et toute religion politique est eschatologique. Elle exige du monde ce que le monde ne saurait donner et qu’il est condamné à contrefaire.



Je parle ici en politique et en moraliste, c’est-à-dire en impuissant. S’il est sot quoiqu’habituel de nier l’utilité sociale de la religion catholique, je n’oublie pas que la mission de l’Église n’est pas de sauver le Québec ou l’Occident ni d’apporter la prospérité aux nations. Sa véritable grandeur ne résulte nullement de dividendes politiques, aussi précieux soient-ils. Les bienfaits de ce genre ne sont que les scories d’un legs ininterrompu, proprement divin, et tous les avantages sociaux du catholicisme s’estompent devant la Vérité suprême dont il est le dépositaire. Cette grande puissance morale est avant tout rénovatrice. Et l’Église, bien qu’elle renferme des pécheurs, et souvent de grands pécheurs (« Le trésor divin est porté dans des vases d’argile », dit saint Paul), demeure sainte et sanctifiante, tout simplement parce qu’elle se rattache au Christ crucifié et ressuscité : L'Église, c’est Jésus-Christ continué, répandu et communiqué. « Elle est une, ma colombe et mon immaculée », chante le Cantique des Cantiques, « glorieuse au-dedans, écrit Newman, dans ce sanctuaire intérieur que lui font les cœurs fidèles qu’habite l’Esprit de grâce. »

Je suis loin d’être un exemple et mon témoignage ne vaut que parce qu’il est celui d’un homme ordinaire. À cinquante-trois ans, j’ai vu des amis, des camarades succomber au scepticisme, au désenchantement, au désespoir. Je n’étais pas meilleur qu’eux, loin de là, mais j’ai eu la chance de pouvoir me « cramponner » à une fidélité, à une confiance, à un sentiment très ferme et très stable de la valeur de l’existence. Et cela je le dois à la résurrection du Christ, à l’Esprit-Saint, à la sainte Église catholique, à la communion des saints, à la rémission des péchés, à la résurrection de la chair et à la vie éternelle, c’est-à-dire à ce lien vivant avec ce qu’enseigne l’admirable Credo catholique transmis par le Concile de Nicée.

Je me rappelle avoir beaucoup douté et avoir été tenté par le nihilisme. Durant la dernière guerre, André Malraux a interrogé un prêtre appartenant à la Résistance contre le nazisme sur ce qu’il avait appris des hommes à force d’entendre les confessions de toutes sortes de gens (souvent extrêmement courageux). Et lui de répondre : « Il n’y a pas de grandes personnes ». Par ces mots, il voulait dire, je suppose, que même les êtres apparemment forts étaient, lorsqu’on va au-delà des apparences, pleins de doutes et d’incertitudes, que les uns et les autres avaient dû subir des vexations et des offenses. Quand on descend au fond de son cœur, on sent bien comme on est fragile, on constate que nos craintes d’enfant nous possèdent encore et on est bien obligé de reconnaître (à moins de s’illusionner soi-même) que seul on ne peut pas grand chose, qu’on a besoin de s’appuyer sur quelqu’un, et sur quelqu’un de plus solide et de plus stable que soi. Notre sensibilité, pour être davantage qu’un trouble sans suite et sans constance, réclame une étoile directrice au-dessus d’elle-même. Ceux qui prient ne s’effondrent jamais complètement, justement parce qu’ils sont guidés et soutenus par cette étoile spirituelle : Notre Père, qui êtes aux cieux !

Nous portons tous au fond de notre être plusieurs blessures, les nôtres et celles de nos parents, de nos ancêtres, de nos compatriotes. Avec l’âge, la vieille doctrine du péché originel (que l’on enseigne assez peu de nos jours, même dans les cours d’éthique et de culture religieuse) nous étonne de moins en moins. On constate combien les souffrances et les maux se transmettent de génération en génération, s’accrochent à nous, s’incrustent et nous enveloppent d’un tartre dégoûtant que toute la bonne volonté du monde ne saurait nettoyer. La vie de la plupart des hommes ressemble assez à une interminable fuite : escapades, faux-fuyants, combines et stratagèmes pour s’éloigner loin de leur mal, de ce mal qu’ils ne sauraient semer, qui les suit à la trace, plus fidèle qu’une ombre. Et cette fuite est facile à expliquer. Personne ne veut souffrir, nul ne désire demeurer dans la tristesse. Aussi, lorsque cette sensation d’abattement, d’affliction ou d’amertume réussit, après avoir pénétré notre sensibilité, à s’établir dans les zones les plus secrètes de notre pauvre cœur, nous devons, pour la fuir (et qui ne le souhaiterait ?), nous détourner de ce que nous sommes. Alors l’âme, attristée et dévastée, n’étant plus un habitat valable, se cache, se trompe elle-même. Jeu étrange et incongru propre à entraîner de consternantes, de singulières métamorphoses. De là tant d’expériences extrêmes et malheureuses par lesquelles l’âme humaine risque le naufrage. J’aurais succombé sans le Christ et son Église à cette tentation, à ce bizarre désir de ne plus être soi, qui va jusqu’à ne plus vouloir exister. Malheur à celui qui renie les mystères joyeux de la paternité, de la naissance, de l’héritage !

Qu’il est ardu, privé du soutien de la foi chrétienne, de réagir sans tricher, mentir ou dissimuler à ces maladies souterraines qui, lentement et furtivement, nous dévorent tel un cancer ! Quand je redis le Credo catholique, il me semble retrouver à chaque fois non seulement un ciel, mais une Terre, cette Terre qu’à cause de notre tristesse ou de notre désespérance, nous avons désappris à aimer. « Je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre. » La Terre, la vie, la nature nous ont été offertes, sans que nous les méritions, par Dieu. Et si le Christ « a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort », puis « le troisième jour est ressuscité des morts », c’est pour que nous et toutes les choses qui nous entourent, c’est-à-dire la totalité de la création, soient restaurés.

Le Christ peut nous guérir de nos maux, parce qu’il est vérité, vérité d’abord douloureuse (il faut porter sa croix), puis libératrice. Mais cette vérité sans pareille se confond avec l’amour. La grâce de Dieu nous aide à supporter les véritables noms des choses (et en premier lieu le nôtre), parce qu’elle restitue en nous l’amour qui les éclaire et les justifie. Sans amour, le vrai et le faux, le bien et le mal, la logique et la folie, l’ordre et le chaos, l’être et le néant se valent et s’égalent. Avec l’amour, cet amour qui vient du Christ et qui, plus encore, est le Christ, l’univers nous est redonné. Les choses, pour retrouver un nom, doivent nous devenir précieuses. Nous ne saurons les nommer à nouveau que lorsque nous aurons appris à les aimer. Un grand poète disait un jour : « Hélas! nous savons encore à peine aimer, et nous voudrions penser juste. »

J’ose affirmer (même si cela apparaîtra comme un paradoxe) que la foi sauvegarde notre « sens critique », je veux dire la capacité de résister aux slogans, aux modes, aux idées régnantes, à la fâcheuse tendance qu’a notre époque de se croire la meilleure et la seule digne de mention depuis cinq mille ans. Pour ma part, si j’ai acquis la capacité de conserver du recul face à ce que professent l’État, les journaux, les écoles, si je prends la peine d’examiner ce qui est proposé et souvent imposé par « la société » ou les médias, et si j’ose rejeter fermement ce qui ne correspond en rien à mes convictions, j’en rends grâce à ma foi. Je suis aussi tributaire envers elle d’une assurance intérieure, qui ne m’est pas du tout naturelle : elle a fortifié en moi l’espérance qu’à la fin, à la toute fin, tout s’arrangera et que chacun de nous est appelé à un grand bonheur.

Dans la journée du Samedi saint, je me suis confessé à un vieux prêtre. Avant l’absolution, qui est le pardon du Christ en personne – le prêtre a reçu cet incroyable pouvoir ! –, ce bon père m’a demandé quel était à mon avis mon principal progrès spirituel. J’ai trouvé la question difficile. Me suis-je vraiment amélioré, suis-je devenu meilleur ? J’en doute. Pourtant, après avoir hésité, j’ai osé répondre ceci : En moi, le goût de la vérité n’a cessé de croître.

Hors de l’Église, point de salut intellectuel. La foi catholique restaure l’intelligence assez large et libérale pour se laisser éclairer par elle. Cela ne signifie pas que les catholiques « pratiquants » ne soient toujours très libres, ni très aimables, ni très intelligents. La foi chez certains ressemble à une sorte de castration intellectuelle et morale, à une façon de s’enfermer et de refuser la vie et ses risques. Mais ce défaut accidentel quoique commun ne modifie en rien le fond des choses. Il n’est pas surprenant que les mystères de notre religion ne s’expliquent guère, puisqu’ils expliquent tout le reste. La raison, libérée des basses évidences et des vaines apories d’un rationalisme myope et primaire, est déniaisée, renforcée et fécondée par les lumières de la foi. Il lui est ainsi permis d’accueillir, d’héberger, de concilier et de hiérarchiser des vérités à première vue contradictoires. Ces accords ne se réalisent pas toujours aisément. La grande synthèse catholique romaine unit tant de voix diverses, et avec une telle ampleur, qu’elle dépasse en sa richesse polyphonique l’intelligence individuelle la plus déliée, toujours incapable de la contenir en entier. La vérité totale, pleinement catholique, s’enracine dans l’invisible, parce qu’elle en provient. Si l’enfer ne peut prévaloir contre l’Église du Christ, comment Radio-Canada ou le New York Times le pourraient-ils ?

Publié par Revue Égards à l'adresse 4/16/2010 0 commentaires Liens vers ce message

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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Message par Francesco Lun 2 Aoû 2010 - 1:35

Ce que les papes enseignent à temps et à contretemps contredit les divers catéchismes de la modernité et leur évangile subjectiviste. Dans l’ébranlement général des coutumes et des mœurs, la sublime voix – forte, claire et pourtant si indulgente – de Benoît XVI transmet un enseignement plus nécessaire que jamais. Le catholicisme apparaît un peu comme la mauvaise conscience d’une humanité ayant cru bon de s’adorer elle-même. L’Internationale du vrai et du bien, l’arche de salut des sociétés, de toutes les sociétés – celles d’Amérique, d’Afrique, d’Europe, d’Asie et d’Océanie –, est située à Rome et non à New York ou à Bruxelles. Voilà ce qui irrite naufrageurs, incendiaires et faux prophètes.
Je partage cette vais.Tres beau message en passant.A+

Ce n’est ni le premier assaut ni le dernier que subira l’Église. Et nous verrons certainement pire. Avec le prétendu affaiblissement de cette institution, certaines forces auront plus que jamais le sentiment que la voie est enfin libre. Et l’on appliquera des solutions radicales à la mystérieuse détresse des personnes et des communautés. Attendons-nous à une offensive sans précédent de l’esprit révolutionnaire sous toutes ses formes. Parmi les configurations insolites d’un futur proche, prédisons que des conservateurs dégoûtés du libéralisme et désespérés d’un christianisme (selon eux) déliquescent se tourneront vers l’islam. Seule une spiritualité vivante rend sobre et nous sauve de l’hybris, de la démesure. Rome se tient au centre, dans un parfait équilibre, au faîte des choses humaines. Ce qui se détache d’elle s’assèche ou pourrit. Ce qui s’en sépare aboutit inévitablement à la dissolution libérale ou à l’abrutissement musulman, et finalement à ces pathologies de l’espérance exacerbée par le nihilisme. La politique sans le frein d’une autorité spirituelle indépendante se métamorphose inévitablement en religion immanente. Et toute religion politique est eschatologique. Elle exige du monde ce que le monde ne saurait donner et qu’il est condamné à contrefaire.
J'ai déja lu certains articles de cette tres bonne revue....C'est un must...


Je me rappelle avoir beaucoup douté et avoir été tenté par le nihilisme. Durant la dernière guerre, André Malraux a interrogé un prêtre appartenant à la Résistance contre le nazisme sur ce qu’il avait appris des hommes à force d’entendre les confessions de toutes sortes de gens (souvent extrêmement courageux). Et lui de répondre : « Il n’y a pas de grandes personnes ». Par ces mots, il voulait dire, je suppose, que même les êtres apparemment forts étaient, lorsqu’on va au-delà des apparences, pleins de doutes et d’incertitudes, que les uns et les autres avaient dû subir des vexations et des offenses. Quand on descend au fond de son cœur, on sent bien comme on est fragile, on constate que nos craintes d’enfant nous possèdent encore et on est bien obligé de reconnaître (à moins de s’illusionner soi-même) que seul on ne peut pas grand chose, qu’on a besoin de s’appuyer sur quelqu’un, et sur quelqu’un de plus solide et de plus stable que soi. Notre sensibilité, pour être davantage qu’un trouble sans suite et sans constance, réclame une étoile directrice au-dessus d’elle-même. Ceux qui prient ne s’effondrent jamais complètement, justement parce qu’ils sont guidés et soutenus par cette étoile spirituelle : Notre Père, qui êtes aux cieux !
En fait,l'article au complet est délicieux.


Vraiment c'est a lire:
Nous portons tous au fond de notre être plusieurs blessures, les nôtres et celles de nos parents, de nos ancêtres, de nos compatriotes. Avec l’âge, la vieille doctrine du péché originel (que l’on enseigne assez peu de nos jours, même dans les cours d’éthique et de culture religieuse) nous étonne de moins en moins. On constate combien les souffrances et les maux se transmettent de génération en génération, s’accrochent à nous, s’incrustent et nous enveloppent d’un tartre dégoûtant que toute la bonne volonté du monde ne saurait nettoyer. La vie de la plupart des hommes ressemble assez à une interminable fuite : escapades, faux-fuyants, combines et stratagèmes pour s’éloigner loin de leur mal, de ce mal qu’ils ne sauraient semer, qui les suit à la trace, plus fidèle qu’une ombre. Et cette fuite est facile à expliquer. Personne ne veut souffrir, nul ne désire demeurer dans la tristesse. Aussi, lorsque cette sensation d’abattement, d’affliction ou d’amertume réussit, après avoir pénétré notre sensibilité, à s’établir dans les zones les plus secrètes de notre pauvre cœur, nous devons, pour la fuir (et qui ne le souhaiterait ?), nous détourner de ce que nous sommes. Alors l’âme, attristée et dévastée, n’étant plus un habitat valable, se cache, se trompe elle-même. Jeu étrange et incongru propre à entraîner de consternantes, de singulières métamorphoses. De là tant d’expériences extrêmes et malheureuses par lesquelles l’âme humaine risque le naufrage. J’aurais succombé sans le Christ et son Église à cette tentation, à ce bizarre désir de ne plus être soi, qui va jusqu’à ne plus vouloir exister. Malheur à celui qui renie les mystères joyeux de la paternité, de la naissance, de l’héritage !

Qu’il est ardu, privé du soutien de la foi chrétienne, de réagir sans tricher, mentir ou dissimuler à ces maladies souterraines qui, lentement et furtivement, nous dévorent tel un cancer ! Quand je redis le Credo catholique, il me semble retrouver à chaque fois non seulement un ciel, mais une Terre, cette Terre qu’à cause de notre tristesse ou de notre désespérance, nous avons désappris à aimer. « Je crois en Dieu, créateur du ciel et de la terre. » La Terre, la vie, la nature nous ont été offertes, sans que nous les méritions, par Dieu. Et si le Christ « a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort », puis « le troisième jour est ressuscité des morts », c’est pour que nous et toutes les choses qui nous entourent, c’est-à-dire la totalité de la création, soient restaurés.

Le Christ peut nous guérir de nos maux, parce qu’il est vérité, vérité d’abord douloureuse (il faut porter sa croix), puis libératrice. Mais cette vérité sans pareille se confond avec l’amour. La grâce de Dieu nous aide à supporter les véritables noms des choses (et en premier lieu le nôtre), parce qu’elle restitue en nous l’amour qui les éclaire et les justifie. Sans amour, le vrai et le faux, le bien et le mal, la logique et la folie, l’ordre et le chaos, l’être et le néant se valent et s’égalent. Avec l’amour, cet amour qui vient du Christ et qui, plus encore, est le Christ, l’univers nous est redonné. Les choses, pour retrouver un nom, doivent nous devenir précieuses. Nous ne saurons les nommer à nouveau que lorsque nous aurons appris à les aimer. Un grand poète disait un jour : « Hélas! nous savons encore à peine aimer, et nous voudrions penser juste. »

J’ose affirmer (même si cela apparaîtra comme un paradoxe) que la foi sauvegarde notre « sens critique », je veux dire la capacité de résister aux slogans, aux modes, aux idées régnantes, à la fâcheuse tendance qu’a notre époque de se croire la meilleure et la seule digne de mention depuis cinq mille ans. Pour ma part, si j’ai acquis la capacité de conserver du recul face à ce que professent l’État, les journaux, les écoles, si je prends la peine d’examiner ce qui est proposé et souvent imposé par « la société » ou les médias, et si j’ose rejeter fermement ce qui ne correspond en rien à mes convictions, j’en rends grâce à ma foi. Je suis aussi tributaire envers elle d’une assurance intérieure, qui ne m’est pas du tout naturelle : elle a fortifié en moi l’espérance qu’à la fin, à la toute fin, tout s’arrangera et que chacun de nous est appelé à un grand bonheur.

Dans la journée du Samedi saint, je me suis confessé à un vieux prêtre. Avant l’absolution, qui est le pardon du Christ en personne – le prêtre a reçu cet incroyable pouvoir ! –, ce bon père m’a demandé quel était à mon avis mon principal progrès spirituel. J’ai trouvé la question difficile. Me suis-je vraiment amélioré, suis-je devenu meilleur ? J’en doute. Pourtant, après avoir hésité, j’ai osé répondre ceci : En moi, le goût de la vérité n’a cessé de croître.

Hors de l’Église, point de salut intellectuel. La foi catholique restaure l’intelligence assez large et libérale pour se laisser éclairer par elle. Cela ne signifie pas que les catholiques « pratiquants » ne soient toujours très libres, ni très aimables, ni très intelligents. La foi chez certains ressemble à une sorte de castration intellectuelle et morale, à une façon de s’enfermer et de refuser la vie et ses risques. Mais ce défaut accidentel quoique commun ne modifie en rien le fond des choses. Il n’est pas surprenant que les mystères de notre religion ne s’expliquent guère, puisqu’ils expliquent tout le reste. La raison, libérée des basses évidences et des vaines apories d’un rationalisme myope et primaire, est déniaisée, renforcée et fécondée par les lumières de la foi. Il lui est ainsi permis d’accueillir, d’héberger, de concilier et de hiérarchiser des vérités à première vue contradictoires. Ces accords ne se réalisent pas toujours aisément. La grande synthèse catholique romaine unit tant de voix diverses, et avec une telle ampleur, qu’elle dépasse en sa richesse polyphonique l’intelligence individuelle la plus déliée, toujours incapable de la contenir en entier. La vérité totale, pleinement catholique, s’enracine dans l’invisible, parce qu’elle en provient. Si l’enfer ne peut prévaloir contre l’Église du Christ, comment Radio-Canada ou le New York Times le pourraient-ils ?

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