France: embryon, conscience et vérité
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France: embryon, conscience et vérité
France: embryon, conscience et vérité
Visées utilitaristes d'une société du bien-être
Paris, 10 juillet 2013 (Zenit.org) P. Brice de Malherbe
Ce soir les députés français discutent d’une proposition de loi, soutenue par le gouvernement, visant à lever l’interdiction de principe des recherches sur l’embryon humain, ou les cellules souches issues d’embryons détruits, au profit d’un régime d’autorisation sous conditions. La discussion aura lieu dans une précipitation fort peu démocratique. En effet, la loi de bioéthique actuellement en vigueur en France demande que toute réforme sur les questions éthiques et de société soit précédée par un débat public sous forme d’états généraux. Il n’en a rien été. C’est d’ailleurs à l’issue d’un tel débat que les parlementaires, il y a deux ans, avaient maintenu le principe d’interdiction de recherches portant atteinte à l’intégrité de l’embryon humain, tout en autorisant sous certaines conditions, il est vrai, des dérogations.
Certains veulent donc aller plus loin et sacrifier totalement l’embryon humain à la passion intellectuelle de certains chercheurs et aux espoirs commerciaux de quelques industriels en faisant appel à ce qui devient chez nous une obsession de la santé parfaite. Pour ce faire nous avons pu entendre ces derniers jours un langage séducteur qui, comme toujours dans ces cas-là, prend de singulières libertés avec la vérité.
L’embryon humain, nous dit-on, est un simple « amas de cellules » sans conscience. C’est scientifiquement faux : l’embryon humain n’est pas un tas de cellules assemblées sans ordre, il est dès le début de sa vie un être dont le développement est prodigieusement organisé en vue d’une finalité précise : constituer une personne dans toutes ses capacités. C’est éthiquement hasardeux : faut-il qu’un être humain soit conscient pour être pleinement respectable ? La réalité est que tout corps humain vivant manifeste une présence humaine. Mais peut-être que notre orgueil prométhéen ne supporte pas d’avoir commencé avec le diamètre d’un cheveu.
Ouvrir en grand la porte des recherches sur l’embryon permettrait des grands progrès thérapeutiques, par exemple pour les personnes atteintes de maladies neurodégénératives ? La réalité est que, là où elle est autorisée, la recherche sur les embryons humains piétine depuis des années et que les espoirs thérapeutiques sont aujourd’hui proches de zéro. Les équipes ont rencontrées de grosses difficultés liées à des questions de rejet immunitaires et à des développements de tumeurs.
Peut-être, nous dit-on, mais la recherche sur l’embryon reste importante pour tester l’efficacité de futurs médicaments. Dans ce domaine, les cellules reprogrammées (iPS) travaillées par le prix Nobel Shinya Yamanaka apparaissent aujourd’hui aussi efficaces. Rappelons que ce grand scientifique a été stimulé dans ses recherches par la volonté éthique de ne plus avoir à détruire des embryons. A partir de ses travaux des essais cliniques sont déjà envisagés.
Loin de favoriser une plus grande coopération dans la recherche internationale, la proposition de loi discutée ce soir, si elle est votée, creusera un peu plus le retard français en matière de recherche cellulaire. D’autant plus qu’elle supprimerait le devoir inscrit dans la loi actuelle de favoriser des recherches alternatives conformes à l’éthique à partir de cellules souches, par exemple issues de l’organisme adulte ou du sang de cordon ombilical, qui aujourd’hui permettent déjà de soigner et de guérir des malades (maladies de peau et du sang).
Résister à ce discours séducteur nécessite un sursaut de la conscience. Conscience des politiques bien sûr – et certains s’y engagent courageusement –, conscience des scientifiques mais aussi conscience de chacun de nous. Quel effort déployons-nous pour nous informer alors que les technologies actuelles de l’information nous facilitent la tâche ? Sommes-nous prêts à plus de tempérance en matière de santé ? Sommes-nous prêt à des renoncements pour préserver une société solidaire ? Pour citer un exemple : sommes-nous prêt à remettre en cause la logique des techniques de fécondation artificielle à l’origine des 170 000 embryons congelés stockés en France aujourd’hui ?
En rendant visite aux migrants désemparés de Lampedusa, le Pape François nous rappelle avec la vigoureuse douceur de l’Evangile que nos pays ne peuvent être réduits à des espaces marchands au détriment des plus vulnérables. Ne sacrifions pas cet être hautement vulnérable qu’est l’embryon humain aux visées utilitaristes d’une société du bien-être.
Père Brice de Malherbe
Professeur à la Faculté Notre-Dame de Paris
Co-directeur du département d’éthique biomédicale
Collège des Bernardins
(10 juillet 2013) © Innovative Media Inc.
France: recherche sur l'embryon à l'Assemblée nationale... "Simulacre de démocratie"
France: recherche sur l'embryon à l'Assemblée nationale...
"Simulacre de démocratie"
Paris, 12 juillet 2013 (Zenit.org) Fondation Jérôme Lejeune
L’examen de la proposition de loi visant la libéralisation de la recherche sur l’embryon a pris fin hier soir. En catimini, lors d’une session extraordinaire et à la veille des vacances parlementaires, le texte n’a pas fait l’objet du débat qu’il mérite. Mutisme de la ministre et du rapporteur, réserve de vote, absence des partisans du texte sur les bancs de l’hémicycle : le débat a été tronqué alors que le Parlement s’apprête à entériner mardi lors du vote solennel sans suspens, le bouleversement du droit, celui de chaque être humain à être protégé dès le commencement de sa vie (art. du Code civil).
Les opposants à la recherche sur l’embryon humain, députés ou simples citoyens, peuvent s’indigner de la tournure qu’a prise le simulacre de débat à l’Assemblée nationale. Après avoir non seulement refusé de répondre à la seconde motion déposée par les défenseurs du régime actuel, la ministre a finalement décidé d’utiliser la réserve de vote pour vider de son intérêt tout examen des amendements. La conséquence immédiate de cette manœuvre rare fut la désertion tranquille des députés de la majorité.
Enfermée dans le mutisme et le refus du débat, la ministre n’a pas répondu à des questions posées à plusieurs reprises par les opposants au texte dans l’hémicycle, questions qui concentrent pourtant les enjeux de fond des discussions en cours :
La ministre peut-elle affirmer que l’embryon humain n’est pas un être humain ?A-t-elle reçu des représentants des lobbys de l’industrie pharmaceutique ?Puisqu’elle-même s’indigne des soupçons portés sur la proposition de loi, qui répondrait davantage aux attentes des industriels que des patients, pourquoi refuse-t-elle d’inscrire dans le texte que le recours aux embryons humains soit réservé aux équipes publiques de recherche, comme le proposent certains ? Une libéralisation de la recherche sur l’embryon ne mettra-t-elle pas à mal la clause de conscience des chercheurs qui refuseraient de détruire des embryons humains dans le cadre de leurs travaux ? Quel budget précis la France alloue-t-elle et prévoit-elle d’allouer à la recherche sur les cellules iPS qui focalisent les crédits et les ressources humaines dans certains pays, au Japon en particulier ? Comment ose-t-elle appeler à plus d’indépendance de l’Agence de la Biomédecine alors que l’ABM a été épinglée par la Cour administrative d’Appel de Paris pour une dérogation de recherche sur l’embryon accordée illégalement, d’autres recours étant en cours d’examen ? La ministre, qui a feint de ne pas comprendre l’interrogation, peut-elle garantir que la recherche sur l’embryon ne sera pas utilisée dans le but d’améliorer des techniques de PMA, et notamment la mise au point de l’utérus artificiel ?
La majorité socialiste a franchit deux caps dans cette affaire. Elle érige en normes des atteintes à la vie humaine qui n’étaient jusqu’à présent que dérogatoires. Elle stigmatise comme des ennemis ceux qui veulent garantir le respect de chaque être humain dès le commencement de sa vie. C’est peu dire qu’en livrant une guerre contre la vie des plus fragiles d’entre nous, une telle majorité a perdu toute légitimité.
La Fondation Jérôme Lejeune participait hier à une scénographie à côté de l'Assemblée nationale. Les participants, rassemblés par le collectif Un de nous ([Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ont symbolisé et dénoncé la recherche utilisant des embryons humains.
Pour en lire davantage: [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
(12 juillet 2013) © Innovative Media Inc.
Supplément d'informations
France: « Autorisation de la recherche sur l'embryon »
Vote mardi prochain à l'Assemblée nationale
Paris, 12 juillet 2013 (Zenit.org) Alliance Vita
Le décryptage d’Alliance VITA sur l’actualité de la proposition de loi
« Autorisation de la recherche sur l’embryon »
L’EVENEMENT
Mercredi 10 et jeudi 11 juillet 2013, l’Assemblée nationale a terminé l’examen de la proposition de loi visant à autoriser la recherche sur l’embryon humain. Le vote solennel de la loi aura lieu mardi 16 juillet 2013. La loi sera alors définitive, puisque votée par les deux chambres dans les mêmes termes, puis deviendra applicable sauf recours devant le Conseil constitutionnel.
Le texte modifie la loi bioéthique du 7 juillet 2011 pour que la recherche sur l’embryon, actuellement interdite avec des dérogations, soit désormais autorisée dans son principe et avec des conditions encore moins contraignantes. Il serait désormais « normal », puisque « légal », de détruire un être humain pour une utilisation à visée scientifique.
Cette proposition de loi, initialement déposée par des sénateurs Radicaux de gauche en juin 2012, a été votée le 4 décembre dernier au Sénat, puis mise en échec à l’Assemblée nationale le 28 mars 2013 grâce à la détermination de députés de l’opposition. Le Gouvernement l’a alors reprise à son compte, l’a inscrite à l’ordre du jour de la session extraordinaire de juillet, puis a limité au maximum les débats en recourant au vote bloqué.
LE CHIFFRE
Sur les 171.417 embryons surnuméraires congelés, 29.779 feraient l’objet d’un « abandon du projet parental » (Rapport de l’Agence de la biomédecine, page 66, statistiques au 31/12/2010). Pour près de 15.000 d’entre eux, le principe d’un don à la recherche serait accepté par les parents, selon l’INSERM citée par la ministre Mme Fioraso pendant les débats.
En réalité, les informations sur le nombre d’embryons utilisés pour la recherche restent très peu transparentes. Avec des autorisations certainement plus nombreuses à l’avenir, il serait indispensable d’obtenir des données fiables, en distinguant les centres de recherche publics et les laboratoires privés.
LE RESUME DU DEBAT
a) Le débat refusé
La proposition de loi, qui ne concerne qu’un seul article du Code de la santé publique (l’article L.2151-5), a fait l’objet :
- d’une motion de rejet préalable défendue par Jean Leonetti, député des Alpes-Maritimes, et d’une motion de renvoi en commission défendue par Philippe Gosselin, député de la Manche. Ces deux motions ont été rejetées.
- de près de 300 amendements déposés par les députés de l’opposition, pour tenter de refuser ou limiter les dérives qui résulteront du nouveau texte de loi.
Très vite après l’examen des premiers amendements, le Gouvernement a mis en œuvre l’article 44-3 de la Constitution : il a supprimé ainsi les votes sur chacun des amendements, et tout renvoyé à un seul vote sur l’ensemble du texte mardi prochain (procédure du « vote bloqué », voir plus loin notre Coup de gueule).
Sur le fond, les principaux changements par rapport à la loi bioéthique du 7 juillet 2011 sont les suivants (voir l’analyse contenue dans le Décodeur n°21 du 22 mars 2013) :
b) La suppression du principe d'interdiction
Le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon, même assorti de dérogations, est fixé depuis les premières lois bioéthiques de 1994. Il reste un symbole extrêmement fort de la reconnaissance de l’embryon comme être humain à part entière : le fait qu’il soit à son tout premier stade ne lui retire pas sa qualité d’être humain.
Cette référence éthique fondamentale est basée sur l’article 16 du Code civil, qui dispose : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».
Inverser le principe et fixer la règle que la recherche est autorisée sous certaines conditions, c’est accomplir un virage à 180° sur le plan symbolique et philosophique (à titre d’exemple, comme si le principe que tout citoyen « est présumé innocent » devienne « est présumé coupable »).
c) L'assouplissement des quatre conditions pour autoriser une recherche
Les quatre conditions sont détaillées en annexe. Deux points essentiels sont à souligner :
- Il ne serait plus nécessaire de viser des « progrès médicaux majeurs » (cf condition n°2), mais simplement « une finalité médicale », terme flou qui en fait une condition très facile à atteindre.
- D’autre part, la volonté de privilégier les « recherches alternatives », c’est-à-dire celles qui ne détruisent pas l’embryon, disparaît complètement (cf condition n°3 et dernière phrase supprimée). La modification de la condition n° 3 avait été demandée au Sénat par la ministre de la Recherche elle-même, avec la justification suivante : « Cet alinéa est très restrictif pour les chercheurs (…). Les recherches liées au screening à visée pharmaceutique ou à la modélisation des pathologies pourraient se heurter à cet alinéa. D’où la nouvelle rédaction que je suggère. »
d) La suppression de la motivation obligatoire des autorisations données
La loi du 7 juillet 2011 obligeait l’Agence de la Biomédecine (ABM) à motiver ses décisions, ce qui n’était pas le cas auparavant. Il en est de même pour son Conseil d’orientation, qui donne un avis scientifique sur tout projet de recherche.
La motivation des autorisations données constitue un élément essentiel pour comprendre la pertinence de la recherche en cause, et au besoin pouvoir contester la validité de cette décision.
En supprimant la motivation des actes, alors que dans le même temps les conditions d’acceptation des dossiers deviennent beaucoup plus souples et vagues, les promoteurs du texte prennent un risque considérable de dérives scientifiques et éthiques.
e) Autres modifications importantes
- Suppression de l’obligation d’informer les parents de la nature des recherches effectuées sur les embryons surnuméraires qu’ils ont consenti à donner.
- Diminution importante du pouvoir des deux ministres concernés (Santé et Recherche) pour s’opposer à un programme qui ne semblerait pas répondre aux conditions fixées dans la loi.
- Suppression de l’accord préalable de l’ABM pour conduire des études sur les embryons (les « études » doivent être distinguées des « recherches », en ce sens qu’elles ne portent pas atteinte à l’embryon).
Au total, le texte voté par le Parlement apporte un changement majeur de notre législation, tant sur le plan des principes que sur les modalités de vérification du bien-fondé des recherches sur l’embryon.
NOTRE COUP DE COEUR
Le happening du 11 juillet organisé par le Collectif « Un de nous » près de l’Assemblée nationale, au moment de l’examen de la loi autorisant la recherche sur l’embryon en France.
Un de nous est une Initiative citoyenne européenne animée en France par Alliance VITA, la Fondation Jérôme Lejeune, les Associations Familiales Catholiques (AFC) et le Comité Protestant évangélique pour la Dignité Humaine (CPDH). A ce jour, plus de 66 000 signatures ont déjà été recueillies en France, pour un objectif de 100 000 d’ici la fin de l’été. Pour l’ensemble des 28 pays européens, 752 000 signatures sont recensées, pour un objectif d’un million.
NOTRE COUP DE GUEULE
Le passage en force du Gouvernement, par le recours à la procédure du « vote bloqué » prévu à l’article 44-3 de la Constitution : « Si le Gouvernement le demande, l'assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie du texte en discussion, en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement.»
Cette procédure assez exceptionnelle est utilisée par le Gouvernement quand il se trouve mis en difficulté, soit pour contraindre sa majorité à accepter un texte sans le déformer, soit pour éviter tout risque que l’opposition parvienne à faire voter un amendement au cours du débat. En l’occurrence, ce second cas de figure aurait pu se produire jeudi en milieu de journée, compte tenu de l’insuffisance de députés de la majorité présents dans l’hémicycle.
Ce dernier acte est à l’image du débat confisqué tout au long de la procédure : initiative parlementaire lancée en catimini, pas d’états généraux comme prévu par la loi quand on aborde des questions de bioéthique, examen confidentiel au Sénat au cours d’une nuit de décembre, démarches politiciennes du Gouvernement pour satisfaire un parti allié, et finalement manœuvre d’obstruction à l’Assemblée nationale pour éviter tout vote risquant d’obliger à une seconde lecture.
(12 juillet 2013) © Innovative Media Inc.
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