LA TRIPLE COURONNE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MÈRE DE DIEU par le R. P. François POIRÉ de la Compagnie de JESUS
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LA TRIPLE COURONNE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MÈRE DE DIEU par le R. P. François POIRÉ de la Compagnie de JESUS
LA TRIPLE COURONNE
DE LA
BIENHEUREUSE VIERGE
MÈRE DE DIEU
tissue de ses principales grandeurs
d’Excellence, de Pouvoir et de Bonté
et enrichie de diverses inventions
pour l’aimer, l’honorer et la servir
PAR LE R. P. FRANÇOIS POIRÉ
de la Compagnie de Jésus
NOUVELLE ÉDITION
REVUE, COLLATIONNÉE ET PUBLIÉE
PAR LES RR. PP. BÉNÉDICTINS DE SOLESMES
Préface des éditeurs
DE LA
BIENHEUREUSE VIERGE
MÈRE DE DIEU
tissue de ses principales grandeurs
d’Excellence, de Pouvoir et de Bonté
et enrichie de diverses inventions
pour l’aimer, l’honorer et la servir
PAR LE R. P. FRANÇOIS POIRÉ
de la Compagnie de Jésus
NOUVELLE ÉDITION
REVUE, COLLATIONNÉE ET PUBLIÉE
PAR LES RR. PP. BÉNÉDICTINS DE SOLESMES
Préface des éditeurs
[...]
Le P. François Poiré naquit en 1584, à Vesoul, dans cette catholique province de Franche-Comté qui a conservé jusqu’à nos jours les traces toujours vives de l’esprit de foi qui y régna si longtemps sans altération. Dès l’âge de dix-sept ans, il entra dans la Compagnie de Jésus, où l’on apprécia de bonne heure les dons précieux que l’Esprit-Saint avait déposés en lui. On le chargea successivement d’enseigner les humanités, la rhétorique, la philosophie et l’Écriture Sainte, et son mérite lui ouvrit bientôt la voie des supériorités. Il gouverna d’abord la maison professe de Nancy, et après avoir été recteur du collège de Lyon, il exerçait les mêmes fonctions au collège de Dole, lorsqu’il mourut, dans un âge peu avancé, le 25 novembre 1637.
L’attrait du P. Poiré le portait vers les travaux de la littérature mystique et ascétique, et il les aborda avec tous les secours de la haute science théologique qu’il possédait. Nous citerons comme monuments de son génie en ces matières son beau Traité de la science des Saints (1638), et son Recueil de méditations publié après sa mort (1641).
Mais son plus important ouvrage, celui auquel il a laissé son cachet plus énergiquement empreint, est celui que nous reproduisons aujourd’hui. Nourri au sein d’un Institut qui a toujours paru au premier rang, entre les moyens dont Dieu s’est servi, dans ces derniers siècles, pour maintenir et promouvoir dans son Église la religion et l’amour envers la Reine du ciel, le P. Poiré était digne de servir d’interprète aux sentiments de sa Compagnie.
La Triple Couronne de la Mère de Dieu parut d’abord en 1630, à Paris, sous le format in-4º, qu’elle conserva dans sa seconde édition qui fut donnée en 1633. Dix ans après, en 1643, l’ouvrage s’éleva à l’in-folio, chez Sébastien Gramoisy. Outre la dédicace de l’auteur à la MÈRE DE DIEU, il en portait une seconde à la pieuse Duchesse d’Aiguillon, et signée par l’imprimeur. C’est sur cette édition que nous donnons le livre au public.
Le plan suivi par le P. Poiré, dans cette œuvre immense où il s’agissait de faire entrer tout ce que les siècles ont produit de plus riche et de plus éloquent à la louange de Marie, répondit à la grandeur et à la magnificence du sujet. Comme il s’agissait d’exalter la grande Reine du ciel et de la terre, le pieux auteur pensa que l’offrande d’une Couronne était l’hommage qui représentait le mieux les sentiments dont son livre devait être l’expression.
Mais une simple Couronne n’eût pas exprimé suffisamment la haute royauté de la MÈRE DE DIEU. Sur la terre, l’Église place sur le front du Vicaire du Christ une Couronne triple pour signifier la plénitude de la royauté spirituelle qui réside en lui. Marie devait à plus forte raison recevoir les honneurs du Trirègne, et avec d’autant plus de justice que nous honorons en elle trois qualités principales en lesquelles se résument toutes ses grandeurs. Ces trois qualités sont l’Excellence, le Pouvoir et la Bonté. L’excellence, qui consiste dans une prérogative tellement élevée qu’on ne peut concevoir au-dessus que la Divinité même ; cette prérogative ineffable est la Maternité divine. Le pouvoir de Marie procède de son excellence même, et n’a pas de limites ; elle règne après Dieu et avec Dieu. La bonté est l’apanage de cette immense suprématie ; la MÈRE DE DIEU devient par adoption la Mère des hommes et de toute créature ; le sceptre de la miséricorde est placé entre ses mains. Excellence, pouvoir, bonté, s’unissant par une triple alliance sur le front de Marie, tel est le diadème dont l’érudit et dévot auteur a voulu la couronner.
Mais comme la gloire d’une couronne est dans les joyaux dont elle resplendit, le P. Poiré s’est mis à la recherche des pierres les plus précieuses pour en embellir ses trois diadèmes. Le nombre nécessaire à chacun était déterminé dans la prophétie du Disciple bien-aimé, qui nous apprend que sur la tête de la Femme mystérieuse douze Étoiles brillaient en couronne. Appuyé sur les nombres les plus sacrés, le trois et le douze, il a donc composé avec un art merveilleux son œuvre tout entière, et nous allons voir que la matière ne lui a pas fait défaut.
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Dernière édition par Lumen le Sam 20 Avr 2024 - 16:47, édité 1 fois (Raison : Formatage du titre modifié)
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Re: LA TRIPLE COURONNE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MÈRE DE DIEU par le R. P. François POIRÉ de la Compagnie de JESUS
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Il s’agissait d’abord de former la Couronne d’Excellence, c’est-à-dire de mesurer la nature et l’étendue de la prérogative de MÈRE DE DIEU, qui est le fondement de toutes les grandeurs de Marie. Il fallait dérober au ciel la notion de ces douze premières Étoiles dont l’éclat se réfléchit sur celles qui forment la seconde et la troisième Couronne.
1º L’auteur assigne pour première Étoile la prédestination éternelle de Marie à devenir Mère du Fils de Dieu incarné. Éternellement la pensée d’un Homme-Dieu a été présente à la très sainte Trinité ; or, l’Homme-Dieu suppose une Mère au sein de laquelle il puisera la nature humaine par l’opération de l’Esprit-Saint. Du Fils à la Mère, le rapport est nécessaire ; la Maternité divine, en tant que conçue et préparée dans l’intelligence de Dieu, associe donc Marie aux plans éternels, au moyen d’une prédestination qui n’a au-dessus d’elle que celle même de Jésus-Christ, à laquelle elle est inséparablement liée.
2º Mais avant de se produire au dehors, cette prédestination ineffable est annoncée et figurée par des symboles. Ce nouveau rapport de Marie avec Jésus-Christ, qui doit être son Fils dans le temps, comme il l’est du Père dans l’éternité, forme la seconde Étoile. Les figures tirées des sujets insensibles sont choisies au nombre de six : le buisson ardent, la verge d’Aaron, la toison de Gédéon, l’Arche d’alliance, le trône de Salomon et la nuée d’Elie. Douze symboles vivants sont pareillement empruntés à l’Écriture : Ève, Sara, Rébecca, Marie, sœur de Moïse, Axa, Jahél, Judith, Esther, Bethsabée, Abigaïl, Marthe, et enfin la contemplative Marie-Madeleine.
3º La MÈRE DE DIEU, prédestinée et figurée, est enfin créée dans la plénitude des temps par la puissance divine. La qualité de Fille du Père céleste lui est magnifiquement conférée, et c’est la troisième Étoile. La création est une paternité ; sur quel être le Père de toutes choses l’a-t-il exercée avec plus de munificence ? L’adoption est une seconde paternité ; qui d’entre nous a été adopté plus étroitement par le Créateur, lui qui admet en quelque sorte Marie à son auguste puissance de Filiation ?
4º L’Esprit-Saint a fait de Marie son Épouse véritable et l’a rendue divinement féconde dans l’incarnation. Il l’a parée pour cette vocation sublime de toutes les richesses des vertus et des dons de sa grâce, et se répandant en elle, il a développé dans un degré incommensurable les trésors de perfection qu’il avait préparés. Celle qualité d’Épouse de l’Esprit-Saint est la quatrième Étoile.
5º La cinquième éclate dans l’assemblage des perfections naturelles qui font de Marie le chef-d’œuvre de la puissance de Dieu, la merveille de la création : noblesse d’origine, beauté incomparable, intelligence sublime, bonté qui s’épanche sur toutes les créatures.
6º Mais les dons de la grâce dont la réunion forme la sixième Étoile sont bien plus élevés encore en Marie, et ceux de la nature n’en forment qu’une image imparfaite. Cette grâce versée en elle avec tant d’abondance dès l’instant de sa conception, s’est développée dans une progression que la pensée de l’homme ne saurait sonder, et elle est devenue en Marie le principe d’un mérite qui surpasse celui de tous les Saints ensemble.
7º L’exemption totale du péché nous révèle dans la MÈRE DE DIEU un degré de gloire que nous, hommes pécheurs, devons proclamer avec une sainte envie, comme la septième Étoile de la première Couronne. Cette harmonie parfaite avec la Sainteté incréée de Dieu se manifeste d’abord dans la Conception immaculée de Marie, qui n’a pas été soumise à la flétrissure du péché d’origine ; ensuite dans l’exemption absolue du péché actuel, qui jamais n’a approché d’elle, ni altéré en la moindre chose la Sainteté créée dont elle resplendit.
8º Marie est bénie entre toutes les femmes ; c’est la huitième Étoile. La malédiction d’Ève ne s’est point arrêtée sur elle. Bénie dans sa fécondité virginale, bénie par l’acclamation de tous les êtres qui la célèbrent, elle remplit tous les caractères de bénédiction figurés dans cette Terre promise que Dieu aima, dans le Tabernacle de l’Alliance où reposa sa majesté au désert.
9º La neuvième Étoile nous signale Marie comme la Reine et la Mère des vertus. Dans le sanctuaire de son cœur, les sept Dons de l’Esprit-Saint ont établi leur séjour ; les douze Fruits de ce divin Esprit, énumérés par l’Apôtre, y résident pareillement ; les huit Béatitudes exaltées par la bouche même du Sauveur, sont réalisées et couronnées en elle avec magnificence.
10º Les merveilles de la gloire qui éclatent en Marie sont signifiées par la dixième Étoile : la gloire de sa mort, qui surpassa en douceur celle des plus insignes amis de Dieu ; la gloire de son Assomption en corps et en âme, qui rappelle l’Ascension de son divin Fils ; la gloire de son triomphe, qui émut toute la cour céleste ; la gloire de son corps, qui illumine le ciel des rayons de sa splendeur ; la gloire de son âme, qui dépasse en éclat et en perfections toutes les hiérarchies angéliques ; la gloire de son trône, qui domine tout ce qui n’est pas Dieu.
11º Selon la prédiction de Marie elle-même, toutes les générations doivent la proclamer Bienheureuse. La onzième Étoile figure ce concert unanime dans lequel nous entendons successivement les gentils, qui vécurent dans l’attente du Fils de cette Vierge dont l’enfantement devait produire le libérateur universel ; les Juifs, qui l’attendaient comme devant sortir de leur race ; les musulmans, qui l’ont toujours honorée, malgré les ténèbres de leur infidélité ; les princes et les princesses, qui se sont fait honneur d’abaisser leurs couronnes à ses pieds ; les nations chrétiennes des deux mondes, qui ont toutes élevé à sa gloire quelques uns de ces augustes sanctuaires tout resplendissants de l’éclat des prodiges qui annoncent que Marie se plaît à y résider ; les Ordres religieux, qui tous à l’envi comblés de ses faveurs, sont autant de monuments à sa gloire et de trompettes à sa louange.
12º Enfin la douzième Étoile consiste dans la réunion de toutes les perfections départies aux divers ordres de la création et rassemblées par la main de Dieu même en celle qu’il a choisie pour la Mère de son Fils. L’auteur les résume en cette manière : la plus suave des fleurs, la plus brillante des perles, la plus étincelante des pierres précieuses ; la lune, le soleil, le jardin de délices, le temple de Dieu, le monde de Dieu, le trône de Dieu, le char de Dieu, la glorieuse couronne de tous les Saints.
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Passant ensuite au second Diadème, celui du Pouvoir, sur lequel brillent aussi douze Étoiles merveilleuses, le P. Poiré trouve :
1º La première dans ce pouvoir glorieux qu’a eu Marie d’attirer le Verbe divin sur cette terre, par l’ardeur de ses désirs, plus véhéments que ceux de tous les patriarches et de tous les prophètes par les cé- lestes attraits de sa virginité, qui préparait au Fils de Dieu un sanctuaire en rapport avec sa souveraine sainteté ; par la profondeur de son humilité sans égale ; par l’acquiescement qu’elle donna à la de- mande du ciel proposée par l’ange, et sans lequel le mystère de l’In- carnation ne devait pas s’opérer.
2º Le pouvoir de Marie paraît encore en ce qu’elle a fourni d’une manière ineffable et du plus pur de son sang la matière de cette chair qui devait être unie au Verbe divin ; en ce qu’elle a exercé une autorité réelle, par sa qualité de Mère, sur le Fils de Dieu incarné, et c’est là la deuxième Étoile.
3º La troisième exprime cette autre forme de puissance que Marie a exercée sur le Fils de Dieu et le sien, en l’allaitant a ses chastes mamelles, et en dirigeant ses premiers pas.
4º Épouse du Verbe divin qui s’unit aux âmes fidèles, tous les mystères du sacré Cantique se sont accomplis en Marie, et cette glorieuse alliance à laquelle elle a participé plus que toutes les autres ensemble, l’a fait entrer en partage du pouvoir de ce sublime Époux. Honorons en ce mystère la quatrième Étoile.
5º Son Fils est appelé le Père du siècle à venir, le réparateur de la race humaine. Marie, dans la cinquième Étoile de son pouvoir, nous apparaît comme partageant avec lui ces glorieux titres. Elle a offert sur le Calvaire la victime qui nous ouvrait par son sang les portes de l’éternité ; elle a souffert avec le Rédempteur, et mêlé ses larmes au sang qui s’épanchait des blessures de l’Homme-Dieu. S’il a changé par sa mort la malédiction, c’est parce que Marie a été d’abord substituée à Ève.
6º Le pouvoir de Marie paraît dans la sixième Étoile, en ce que le Verbe, qui a pris pour lui la qualité de Chef de son Église, l’en a établie la Reine, et a placé entre ses mains la puissance de propager la foi dans le monde, de détruire les hérésies, de diriger les Apôtres, d’encourager les Martyrs, d’éclairer les Pontifes, d’inspirer les Docteurs, de sanctifier les Confesseurs, de susciter les Vierges, de veiller avec sollicitude sur les fidèles qui vivent dans le lien conjugal.
7º Mais Marie n’est pas seulement la Reine de l’Église, elle en est encore la puissante protectrice, et cette autre branche de son pouvoir est figurée par la septième Étoile. Elle aime d’un amour invincible cette famille qui forme le Corps de son Fils ; par elle, ce vaisseau immortel défie tous les orages ; elle est cette Tour de David d’où pendent mille boucliers, et qui protège à jamais la Cité sainte.
8º Et comme l’Église est aussi l’armée du Seigneur, Marie, revêtue d’un pouvoir de commandement que représente la huitième Étoile, s’avance à l’encontre de tous les ennemis qui veulent arrêter la marche de cette invincible armée. Ces ennemis se divisent en quatre classes : les démons, les magiciens, les hérétiques et les blasphémateurs. L’histoire témoigne de la quadruple victoire que Marie a remportée sur eux.
9º La neuvième Étoile de Pouvoir dans la MÈRE DE DIEU, figure la richesse du trésor dont elle est dispensatrice. Ce trésor inépuisable se compose des grâces de son Fils, à la distribution desquelles elle est préposée, et qui passent toutes par ses mains pour arriver à nous.
10º L’Homme-Dieu est établi par son Père sur un tribunal d’où il jugera les vivants et les morts. Au pied de ce tribunal, Marie exerce le pouvoir d’Avocate et de Médiatrice, symbolisé dans la dixième Étoile ; pouvoir immense, parce qu’il s’appuie sur les droits d’une Mère à l’égard de son Fils, et qu’il est reconnu par le Cœur plein de tendresse de ce Fils, qui voudrait que tous les hommes fussent sauvés.
11º Avant la divine Incarnation, Satan était le prince de ce monde, qui s’était assujetti à lui par le péché. Le Fils de Marie l’a détrôné et, s’asseyant à la droite de Dieu, il est devenu Roi du monde racheté. Marie en est la Reine et la Dame souveraine, et toute l’œuvre de Dieu est placée sous ses lois ; c’est la onzième Étoile de Pouvoir.
12º La douzième et dernière Étoile de cette seconde Couronne est la toute-puissance de Marie. Son Fils, par son union avec la personne du Verbe, est entré en possession du pouvoir divin ; rien ne lui résiste, et son opération ne connaît point de limites. Il a voulu que sa Mère participât, autant qu’il est possible à une pure créature, à l’irrésistible force qui réside en lui ; voilà pourquoi tous les siècles retentissent de la renommée des prodiges de tous genres opérés par Marie, pourquoi toutes les générations ont espéré en elle d’un espoir qui ne fut jamais trompé.
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Étincelante de ses douze pierres précieuses comme les deux premières, la Couronne de Bonté apparaît à son tour, et l’éclat des Étoiles qui la composent, plus doux aux regards des hommes, réjouit leurs cœurs et les ouvre aux émotions d’une confiance invincible.
1º Le premier de ces astres représente la part que Marie a été appelée à prendre dans la prédestination des élus. Son Fils est le principe de cette faveur suprême ; le Père y associe Marie d’une manière ineffable, en sauvant tous ceux sur lesquels il voit, avec la ressemblance de Jésus- Christ, les marques de l’adoption maternelle de sa Fille bien-aimée.
2º Marie est appelée la Mère du bel Amour, parce que la charité di- vine habile dans son cœur comme dans un centre ; elle épanche sur nous cet amour, et nous enfante à la dilection, par mille moyens de sa tendresse, en sorte que si nous aimons Dieu, c’est à ses soins et à ses influences que nous en sommes redevables, après l’Esprit-Saint. Celle prérogative de bonté est figurée par la seconde Étoile.
3º Notre puissante Reine a de nobles faveurs pour ceux qui ont l’honneur de l’approcher de plus près. D’abord, elle leur procure l’avancement dans la cour de son Fils ; près d’elle, ils obtiennent un crédit auquel rien n’est refusé ; elle aime à leur faire part de ses plus signalées caresses. L’histoire des Saints est remplie des monuments de cette ineffable courtoisie qui est représentée par la troisième Étoile.
4º La quatrième signifie les attentions et les soins de toute nature que Marie daigne prendre de ceux qui ont trouvé le facile chemin de son Cœur maternel. Elle se plaît à disposer toutes choses pour les placer dans la voie de leur salut et de leur perfection ; les annales de la sainteté en témoignent à toutes les pages.
5º Qui pourrait dire jusqu’où s’étend la libéralité de cette auguste Souveraine ? Dans l’ordre de la nature, la santé, le succès dans les entreprises, le développement de l’intelligence, la conservation des fa- milles près de s’éteindre : tout lui a été demandé, et tout a été obtenu. Dans l’ordre de la grâce, les vertus pour l’acquisition desquelles on avait travaillé sans succès descendent d’elles-mêmes dans l’âme qui s’ouvre à Marie par l’abandon et la prière. Cette libéralité tant éprouvée est la cinquième Étoile.
6º Le Cœur d’une si puissante princesse tient à honneur de montrer une noble gratitude envers ceux qui se font gloire d’être ses sujets. Que de faveurs n’a-t-elle pas accordées aux nations qui la servaient comme leur Reine, tant qu’elles lui sont restées fidèles ? Que n’a-t-elle pas fait pour les villes qui ont sollicité son patronage, et s’en sont rendues dignes par leur zèle à confesser cette heureuse dépendance ? Et les empereurs, les rois, les généraux d’armée qui ont placé sous son égide leurs États ou leurs bataillons, n’ont-ils jamais été frustrés dans leur confiance ? Marie ne leur a-t-elle pas toujours rendu leurs avances avec usure ? Cette gratitude de son Cœur si fidèle est comptée pour la sixième Étoile de la Couronne de Bonté.
7º Nous trouvons la septième dans ce beau titre de Mère de miséricorde que l’Église affecte à Marie, et que cette aimable Reine a daigné mériter par sa commisération envers les pécheurs. Il serait inutile de chercher à assigner des bornes à la miséricorde de Marie ; le Seigneur étend la sienne sur toutes ses œuvres, et il a voulu que la Mère de son Fils l’assistât toujours dans l’exercice de cette divine prérogative.
8º La huitième Étoile est dans la qualité de Protectrice que Marie exerce sur les siens. Elle les défend des dangers du corps, elle les arrache aux périls de l’âme, elle déjoue les stratagèmes des esprits de malice, elle met en fuite les tentations et dissipe les illusions qui pour- raient jeter ses serviteurs hors de la voie du salut.
9º La MÈRE DE DIEU est pour les âmes de ses enfants une maîtresse qui les instruit dans toute la doctrine de son Fils. Elle les exerce afin de les faire arriver à tous les développements que Dieu désire en ses élus ; s’ils s’écartent, elle les corrige et les remet dans la voie. Ce ministère de sollicitude est représenté, sur la Couronne de Bonté, par la neuvième Étoile.
10º Le beau titre de Consolatrice des affligés resplendit dans la dixième. Que d’angoisses Marie a calmées ! Que de cœurs brisés ont retrouvé par elle le repos et la consolation ! Que de désespoirs ont fait place à la confiance, aussitôt qu’elle a daigné, comme un doux arc-en-ciel, luire au sein des tempêtes d’une âme ulcérée !
11º Marie, Refuge des pécheurs : c’est la onzième Étoile. L’ancienne loi avait ses villes de refuge, les gentils avaient leurs asiles : faibles symboles de la sécurité que le pécheur trouve entre les bras de Marie. Les foudres du Seigneur ne peuvent plus l’atteindre ; la MÈRE DE DIEU prend sa défense et lui sert de bouclier.
12º La douzième et dernière Étoile du Diadème de Bonté désigne le ministère d’amour que Marie exerce sur ses enfants, au moment suprême. Elle est leur puissant secours à l’heure de la mort. L’appréhension naturelle de cette heure terrible se calme dans le cœur du moribond qui sent près de lui une Mère si compatissante. C’est elle aussi qui veille à écarter de ses favoris les périls de cette redoutable surprise que nous appelons la mort subite. Les assauts que l’ennemi avait préparés de longue main pour ce moment critique tournent à sa confusion. L’âme est-elle enfin sortie du corps, Marie l’assiste devant le tribunal de son Fils. Si elle est envoyée au lieu des expiations, la MÈRE DE DIEU daigne y descendre souvent, et tempérer par sa douce présence les rigueurs de l’exil.
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Re: LA TRIPLE COURONNE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MÈRE DE DIEU par le R. P. François POIRÉ de la Compagnie de JESUS
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Tel est l’ensemble de cette magnifique composition dans laquelle l’auteur remplit surabondamment tout ce qu’il promet. Les témoignages innombrables des Pères et des Docteurs, un luxe de faits, tous plus intéressants les uns que les autres, étalé avec une sainte complaisance pour éclairer la doctrine, un style naïf, mais richement coloré, un accent de piété qui touche et ravit, donnent à cette œuvre un caractère d’originalité peu commune. L’auteur ayant écrit son livre avant les grands travaux de la critique moderne, a donné, il est vrai, trop d’autorité à certains écrits attribués à divers Pères de l’Église, et qui, dans la suite, ont été reconnus un peu plus modernes. Cet inconvénient inévitable, que le P. Poiré a l’honneur de partager avec Baronius et Bellarmin, ne saurait nuire sérieusement à la Triple Couronne de la Mère de Dieu, pas plus qu’il n’a effacé le mérite des Annales Ecclésiastiques de l’Oratorien, ni diminué la valeur des Controverses du Jésuite. Dans des ouvrages de cette importance, les conclusions sont résumées d’un trop grand nombre de témoignages incontestables pour perdre quelque chose de leur solidité, parce qu’on est obligé de reculer de quelques siècles certains textes que l’auteur alléguait comme plus anciens. Le livre n’en demeure pas moins ce qu’il est, un monument de l’érudition la plus profonde, aussi bien qu’un trophée de la plus ardente et de la plus tendre dévotion envers Marie.
Après avoir couronné la MÈRE DE DIEU de son triple Diadème, le P. Poiré emploie le reste de l’ouvrage à proposer aux fidèles les devoirs qui les enchaînent à une si Grande Reine, et les hommages qu’ils doivent lui rendre. Cette partie toute pratique du livre est la conséquence de ce qui précède, et n’abonde pas moins que la première envers Marie en doctrine et en onction. La reconnaissance envers Marie est la conclusion primordiale qu’il intime à tous ceux dont il a ravi le cœur et les yeux par l’éclat des trois Couronnes d’Excellence, de Pouvoir et de Bonté qui embellissent le front de celle qui est la MÈRE DE DIEU et la leur.
De cette reconnaissance imposée à l’univers entier, dérive la haute et profonde estime que les fidèles doivent avoir des grandeurs et des prérogatives de la MÈRE DE DIEU, la confiance que tant de puissance et de bonté fait naître dans leurs cœurs ; l’amour que leur inspirent tant de perfections et tant de bienfaits ; le zèle à lui gagner des cœurs ; les œuvres de miséricorde que son amour pour les hommes lui rend si chères ; les actions de grâces dans lesquelles ses dévots se plaisent à épancher la gratitude qui les presse ; les pratiques de son culte qui, sous leurs formes gracieuses et variées, font la joie de l’Église et le bonheur des âmes pieuses ; les œuvres de la mortification offertes a la justice de Dieu en l’honneur de cette Mère de miséricorde, et agréés de lui avec une bienveillance particulière ; l’ardeur à imiter les vertus dont Marie fournit l’exemple à toutes les classes de fidèles ; l’empressement à entrer dans les Associations et Confréries érigées a son honneur et pour son service ; enfin, l’attention a procurer sa gloire par tous les moyens ; car tel est le bon plaisir de Dieu, que Marie soit louée et exaltée au ciel et sur la terre, dans tous les siècles des siècles.
Ces douze sortes d’hommages, inspirés par la reconnaissance envers la MÈRE DE DIEU, sont le sujet d’autant de chapitres que le P. Poiré a traités avec complaisance et enrichis de toutes les ressources de sa science et de sa piété. Ils aboutissent à une consécration de l’auteur et de son œuvre à l’auguste Reine dont il a célébré avec tant d’effusion les grandeurs et la souveraine miséricorde.
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Un tel livre paraissant à une époque où le souffle glacé du Jansénisme ne s’était pas fait encore sentir à nos pères, devait être accueilli avec une haute faveur. On en peut juger par les trois éditions dont il fut l’objet, malgré son volume considérable. La dernière était, comme on a vu, de 1643. Tout le monde sait que la littérature religieuse changea de caractère après cette époque. Le siècle qui goûtait la Fréquente Communion d’Arnauld, et les Essais de Nicole, ne pouvait plus avoir de sympathies pour des ouvrages écrits sous l’inspiration d’une foi ardente et d’une pieuse tendresse. On oublia promptement tous les livres antérieurs à la réaction ; un grand nombre périrent, et les autres restèrent ensevelis dans la poudre des bibliothèques. Plusieurs de ces ouvrages méritaient cependant un autre sort, et on est à même d’en juger aujourd’hui, depuis la réimpression de la Théologie affective de Louis Bail, et des Conférences théologiques du P. d’Argentan. Le succès de ces publications, dans ces dernières années, a montré que notre siècle savait mieux apprécier les œuvres du génie catholique que les deux qui l’ont précédé.
Nous offrons donc ce livre au clergé, avec la confiance qu’il y puise- ra de précieux secours, pour éclairer de plus en plus les fidèles sur les avantages de la dévotion envers Marie, et pour raviver les sentiments de foi et d’amour que fera toujours naître la contemplation des perfections de celle que Dieu a daigné associer à l’œuvre de la régénération de l’homme. Les Gloires de Marie de Saint Alphonse de Liguori, paraphrase du Salve Regina, ont été accueillies avec faveur parmi nous ; mais on ne peut, en aucune manière, comparer ces touchants monuments de la science et de la piété du Saint Évêque avec la Somme Mariale que nous reproduisons aujourd’hui.
Les communautés religieuses trouveront aussi dans cet important ouvrage un aliment solide et substantiel de cette piété envers Marie, qui forme le bien commun de tous les instituts que l’esprit de Dieu a suscités dans l’Église pour la pratique de la perfection évangélique. Enfin les simples fidèles auront désormais un trésor de lumières et d’affections, dans lequel ils pourront toujours aller chercher de nouveaux motifs de s’attacher au culte et à l’imitation de la très sainte Vierge, sans crainte de jamais épuiser ce fond aussi riche que varié. Tel a été notre but en donnant nos soins à cette importante réimpression.
En réduisant à deux volumes in-8º l’in-folio du P. Poiré, nous avons rencontré plus d’une difficulté d’arrangement typographique. Nous espérons qu’on nous en tiendra compte. L’ensemble de l’ouvrage n’y a rien perdu ; quant à la fidélité de la réimpression, nous l’avons poussée jusqu’au scrupule, et en cela nous avons pensé remplir un devoir. Les ouvrages du genre de la Triple Couronne de la Mère de Dieu peuvent s’analyser ; mais si on veut les reproduire, leur originalité même commande le respect, et on doit se garder de leur imprimer en la moindre chose le cachet des temps postérieurs. Au reste, nous le répétons avec assurance, s’il est possible de critiquer cette grande œuvre, il serait moins aisé de la refaire et de la remplacer. Pour nous, tout en reconnaissant les imperfections qu’elle présente, nous nous sommes sentis impuissants pour la corriger.
Et maintenant que nous avons exposé au public l’idée qui nous a portés à lui offrir cette nouvelle édition d’un livre du règne de Louis XIII, et que nous attendons avec confiance son jugement sur l’opportunité de cette entreprise, qu’il nous soit permis d’exprimer le désir de voir éprouver, par tous les catholiques entre les mains desquels parviendra cet ouvrage, une confiance illimitée dans le pouvoir et dans la bonté de Celle qui est tant glorifiée dans ce beau livre.
Dom Prosper Guéranger
Abbé de Solesmes
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Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
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Re: LA TRIPLE COURONNE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MÈRE DE DIEU par le R. P. François POIRÉ de la Compagnie de JESUS
Dédicace de l’auteur
à la Mère de Dieu
à la Mère de Dieu
Princesse de la terre et du ciel, pardon, s’il vous plaît, si j’ai été si téméraire que de toucher à vos Excellences pour vous en faire une Couronne. Car, hélas ! qui suis-je pour mettre en œuvre de si rares pièces comme sont vos Royales Grandeurs ? Et qu’ai-je fait autre chose, sinon tirer les étoiles du ciel pour les enchâsser dans la terre ?
J’ai failli, je l’avoue. Mais ne vous offenserez-vous point, si je dis que ç’a été davantage par affection que par dessein, et plus par respect que par témérité ?
Par aventure, vous me direz que j’ai trop présumé de mes forces. Ce reproche me serait insupportable si je m’y étais engagé de moi-même. Mais quel moyen de refuser ce devoir à tant de personnes d’honneur qui m’en ont fait si souvent de très instantes poursuites ? Ne vous souvient-il pas combien de fois vos enfants bien-aimés, les très honorables confrères de la grande Congrégation qui est érigée en la noble ville d’Avignon, l’une des illustres Assemblées qui soit au reste de la France, m’ont allégué que ces discours que j’avais faits en leur faveur, n’étaient plus à moi, mais à eux, et qu’ils se chargeaient de la confusion que j’avais sujet d’appréhender si je les couchais sur le papier ? N’en sont-ils pas venus jusqu’à une amiable contrainte, et ne m’ont-ils pas protesté qu’au cas que je fisse le rétif, les moyens ne leur manquaient pas pour me faire condescendre par force à leur équitable requête ?
Mais pourquoi, malavisé que je suis, me mets-je en peine de rechercher des justifications auprès de vous ? Non, je consens d’être coupable, seulement pour avoir un nouveau sujet de vous offrir, en satisfaction de la faute que j’ai commise, mon cœur, mon âme, ma vie et tout ce qui vous appartient déjà par un million de titres ; et afin de pouvoir dire que malgré la mort et l’enfer, je serai acquis à Marie au temps et à l’éternité.
Le dessein de l’auteur
[1] Le Saint-Esprit l’a tracée en deux endroits des sacrés cahiers. Le premier est au douzième chapitre de l’Apocalypse, où l’on voit une femme entourée de plusieurs symboles mystérieux, et portant sur la tête une Couronne de douze Étoiles, d’où ne sortent pas moins de merveilles que de rayons ; femme qui est la vraie figure de la MÈRE DE DIEU, comme l’ont reconnu Saint Epiphane 1, Saint Ambroise 2, Saint Augustin 3, Saint Méthodius 4, Saint Bernard 5, Saint Bernardin le Siennois 6, Saint Antonin 7, Denys le Chartreux 8 et les autres.
[2] Le second est au vingt-cinquième de l’Ecclésiastique, où, après avoir publié diverses grandeurs de la Sainte Vierge, comme de celle à qui l’Église et les saints Pères attribuent, par droit de participation, les privilèges de son très honoré Fils, qui est la Sagesse incréée et incarnée, il lui fait faire comme un recueil de toutes ses prérogatives, disant selon la version grecque 9 : Trois choses m’ont fait trouver belle et agréable en la présence de Dieu.
[3] En ces deux admirables traits, il m’a semblé que le Saint-Esprit me fournissait le dessein de cette œuvre. Mais pour lui donner plus d’ouverture, il faut que j’emprunte un riche discours que fait l’éloquent Saint Ambroise au livre de l’Instruction des Vierges 10, où, expliquant ces paroles du Cantique d’Amour : Accourez, filles de Jérusalem, et avancez-vous pour voir le roi Salomon avec le Diadème dont sa Mère l’a couronné au jour de ses épousailles et de sa plus grande réjouissance, il dit que la Vierge couronna son Fils, le Roi de gloire, lors- qu’elle le conçut, d’autant que le revêtant de la robe de notre humanité, par le même moyen elle lui mit sur la tête une couronne d’éternelle débonnaireté, à ce que, moyennant la foi des nations, il fût avoué pour chef de notre race. L’abbé Guerric 11 en dit tout autant que Saint Ambroise. Mais ou je me trompe, ou Saint Bernard 12, maître du même Abbé, relève dignement la belle pensée de ces deux grands hommes, disant que le Prince du ciel, se voyant ainsi couronné, ne voulut pas se laisser vaincre en libéralité, mais qu’à même temps il mit sur l’adorable chef de sa très immaculée Mère une Couronne qu’il avait façon- née de sa propre main, et autant incomparable en son prix que rare en son invention. Je ferais conscience de laisser ses belles paroles ; voici donc le propos qu’il adresse à la Reine des Anges :
De quel mérite faut-il que vous soyez, ô Sainte Dame ! puisque vous avez contracté une alliance si ferme et une familiarité si étroite avec Dieu ? Quelle faveur est la vôtre ? Quel est votre bonheur ? Dieu demeure avec vous et vous avec lui. Vous lui taillez un habit de votre propre chair, et il vous revêt de la gloire de sa Majesté. Vous couvrez le Soleil d’une nue, et vous êtes parée du même Soleil. Et tout ainsi que Dieu a opéré une merveille en la terre, faisant qu’une femme enceignit un homme qui tout ensemble fût un Soleil ; de même il en a opéré une autre au ciel, faisant qu’une femme fût environnée de Dieu même, qui surpasse en clarté mille Soleils. Vous l’avez couronné, et réciproquement vous avez été couronnée de lui. Sus donc, filles de Jérusalem, venez saluer votre Reine, et voyez sur sa tête le Diadème que son Fils y a mis par honneur. Admirez cette riche Couronne, et dites-nous si ce Chef Royal ne mérite pas d’être couronné d’Étoiles, puisqu’il a plus d’éclat lui seul que toutes les Étoiles du Firmament, et qu’elles reçoivent mille fois plus d’honneur en le couvrant qu’elles ne lui en font. Mais pourquoi ne porterait-elle pas la Couronne d’Étoiles, puisque le Soleil même lui sert de manteau ? Oh ! que de merveilles se retrouvent en cette Couronne étoilée, et qui est celui qui nous en découvrira quelque par- tie ? À mon petit avis, ces douze Étoiles nous représentent assez naïvement douze Grandeurs ou douze prérogatives de la MÈRE DE DIEU.
[4] Tout ceci et encore davantage, dit ce brave Docteur François, de qui la conception tombe si à propos à mon sujet que je ne m’en veux nullement écarter. Bien est-il vrai que m’appuyant de l’autorité de la Vierge Mère, qui nous a dit que sa parfaite beauté consistait en trois choses, je ne prétends pas borner mon discours à une seule manière de passe-droits, mais étaler trois sortes de Grandeurs, qui paraissent en elle comme autant de pièces de l’incomparable beauté qui arrête les yeux des Citoyens du ciel et de la terre.
[5] Et pour le dire plus nettement, mon dessein est de la faire voir sur le théâtre d’honneur, avec une triple Couronne en tête, qui marquera trois sortes de perfections qu’elle possède en souverain degré, c’est à savoir : ses grandeurs d’EXCELLENCE, de POUVOIR et de BONTÉ. La première Couronne contiendra ses excellences de nature, de grâce et de gloire. La seconde représentera son pouvoir et ses influences sur tout le corps mystique de l’Église. La troisième, les rares effets de sa non pareille bonté. La Couronne d’Excellence, à la bien prendre, sera tissue des prérogatives qui lui conviennent privativement à toute autre, sans avoir encore autrement égard à nous. La Couronne de Pouvoir sera comme une montre de l’autorité que Dieu lui a donnée sur toute l’Église en général, et des merveilles qu’elle fait pour la maintenir et pour l’avancer. La Couronne de Bonté regardera plus particulièrement les dévots de cette sainte Vierge, qui, ayant plus de part que les autres à ses bonnes grâces, l’ont aussi meilleure à ses faveurs.
[6] Chacune de ces Couronnes sera composée de douze Grandeurs comme de douze Étoiles, qui seront en tout douze grandeurs d’Excellence, douze de Pouvoir et autant de Bonté. Je me suis d’autant plus volontiers attaché à ce nombre, que moins je me devais départir de la figure que j’avais choisie, et que plus je reconnaissais que le Saint- Esprit avait pris plaisir à l’honorer ; et, s’il est permis de le dire, à le consacrer, comme il se voit clairement ès douze Patriarches anciens, ès douze tribus, ès douze titres ou autels qui furent érigés par Moïse ; ès douze cailloux qui furent pris au fond du Jourdain par le commandement de Josué ; ès douze pierres précieuses enchâssées dans le tissu que le grand prêtre portait sur sa poitrine ; ès douze bœufs qui soutenaient le grand vase d’airain qu’ils appelaient la mer, et en la plupart des ustensiles du temple ; les douze lions qui étaient à côté du trône de Salomon ; les douze Apôtres, les douze corbeilles de relief, et plus particulièrement encore en la sainte Cité que Saint Jean vit en l’Apocalypse, où il aperçut douze fondements, douze portes, douze stades en carré, douze pierres précieuses, douze fruits de l’arbre de vie et douze mille de chaque tribu, qui étaient marqués du sang de l’Agneau. Ces douze Grandeurs, distribuées en autant de Chapitres, en fourniront déjà douze à chaque Traité, à quoi ajouté le Discours fondamental, qui partout marchera devant comme un flambeau, et la Conclusion qui, par voie d’abrégé, recueillera les obligations que nous avons pour toutes ces Grandeurs d’aimer, d’honorer et de servir la MÈRE DE DIEU, il se trouvera que chacun de ces Traités sera composé de quatorze Chapitres. Finalement, pour promouvoir en quelque façon les louables sentiments de ceux qui seront touchés des extrêmes obligations qu’ils re- connaîtront avoir à la Reine du Ciel, j’ai attaché aux trois précédents un Traité entier, contenant la pratique des reconnaissances qui sont dues à tant de Grandeurs.
[7] Je confesse que je n’ai pas eu le courage de rechercher grands ornements pour enjoliver la besogne, d’autant que je me suis persuadé que la simple représentation de tant de Grandeurs serait plus agréable au lecteur que toutes les curiosités dont on les pourrait embellir. Joint que je me fie tant à l’affection qu’il porte à la MÈRE DE DIEU, que je croirais lui faire tort si je lui présentais d’autres attraits que sa propre inclination, pour lui faire prendre goût aux louanges de celle qu’il a au milieu de son cœur. La Reine du Ciel est trop aimable d’elle-même pour la vouloir faire aimer par artifice. Partant, puisqu’il n’y a rien désormais qui nous retarde, et que l’excellence du sujet a assez de force pour gagner les cœurs et pour captiver les esprits, entrons dans le discours des Grandeurs de cette incomparable Princesse.
1 Serm. de S. Deipara.
2 In c. 12 Apoc.
3 Lib. IV de Symbol. ad Catech., c. 1.
4 Apud Aretam in c. 12 Apoc.
5 Serm. in Signum magnum.
6 T. I, conc. LXI, art. 2, c. 1.
7 IV part., tit. XV, c. 20.
8 Lib. III de Laudibus Virg., art. 29.
9 Eccles. 25.
10 Cap. 16.
11 Serm. 4 de Assumpt
12 Serm. in Signum magnum.
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La Couronne d’Excellence
de la Mère de Dieu
de la Mère de Dieu
Premier Traité
L’ORIGINE DES COURONNES
[1] La Majesté, Mère de l’Excellence, ne fut pas sitôt née en terre, ou, pour mieux dire, ne fut pas sitôt descendue du ciel, qu’elle fut in- continent chargée de Couronnes. En quoi ceux qui s’avisèrent de lui rendre cet honneur eurent d’autant plus de raison, que les Couronnes ne furent jamais inventées que pour servir de marques d’Excellence et de Majesté. De fait, comme elle eut commencé de converser parmi les hommes et de les ranger à quelque sorte de vie sociale et commune, ce fut elle qui donna la Couronne à ceux qui avaient plus de mérite, leur faisant porter ses livrées et ses faveurs. Les premiers à qui elle en fit part furent les princes et les rois, au visage desquels elle imprima de telles marques de Majesté et d’Excellence, que ceux qui les virent ne se purent empêcher de leur rendre de l’honneur et du respect. Ces Couronnes furent au commencement douze rayons de lumière qui semblaient sortir de leurs faces, comme il se voit ès premiers rois d’Italie 1 pour les rendre plus vénérables à leurs sujets, et pour leur faire appréhender que ceux qui les gouvernaient tiraient leur extraction du ciel.
[2] Tirons le rideau de ces inventions poétiques pour faire voir la vérité. Il est assuré que Dieu est seul l’éternelle Majesté, la souveraine Excellence, et la source de toute Excellence et de toute Majesté, à qui originairement appartiennent toutes les Couronnes de grandeur. Aussitôt que ce Monarque de l’univers eut pris la résolution d’envoyer en terre la Majesté et la Sagesse incréée, c’est-à-dire son Fils unique, il le couronna de gloire et d’honneur, comme enseigne le Roi-Prophète 2, il l’établit sur toutes les œuvres de ses mains, et lui donna le pouvoir de faire porter la Couronne à qui il trouverait bon, non seulement çà bas en terre, mais encore là-haut dans le ciel. À votre avis, par qui devait-il commencer que par sa Mère, qui l’avait couronné du diadème de notre humanité ; et quelle tête pouvait-il rencontrer parmi les créatures plus digne de porter la Couronne ? Il l’honora donc avant toute autre d’une Couronne, composée, non de douze rayons de lumière, mais de douze belles Étoiles, dont chacune épandait autour de soi mille rayons de lumière. Je pourrais dire que par ce nombre de douze, lequel, au rapport de Saint Augustin 1, de Saint Grégoire 2, et de plusieurs autres, est un nombre de perfections, nous devons entendre toutes les perfections sortables à la qualité de Mère, de Fille et d’Épouse de Dieu dont il a honoré la très sacrée Vierge. Néanmoins je veux me tenir précisément à ce nombre, et en toutes les excellences de la Sainte Vierge faire choix de douze principales, qui me semblent lui donner plus d’éclat et de majesté. Ce seront douze marques de Grandeur qui la relèveront par- dessus toutes les pures créatures, et qui ne conviendront à nulle autre qu’à elle. Le sujet sera plein de majesté, et, comme j’espère, de douceur ; permettez seulement qu’avant que d’y entrer je donne quelque petit éclaircissement, par forme d’avant-discours, au glorieux titre de MÈRE DE DIEU.
1 Virg., de Latino.
2 Psal. 8.
1 Lib. III de Doctrin. Christi, c. 35, et in Psal. 86.
2 Lib. X Moral., c. 30.
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Chapitre 1
DISCOURS FONDAMENTAL DU PREMIER TRAITÉ
Du titre de Mère de Dieu, vraie source
de toutes les Grandeurs de la glorieuse Vierge
DISCOURS FONDAMENTAL DU PREMIER TRAITÉ
Du titre de Mère de Dieu, vraie source
de toutes les Grandeurs de la glorieuse Vierge
L’axiome du Philosophe est très véritable, qu’à proprement parler chaque chose est ce qui est de meilleur et de plus parfait en elle. De là vient qu’encore que le Roi soit ensemble Duc, Marquis, Comte, et tout ce que vous voudrez, néanmoins nous l’appelons simplement le Roi, d’autant que cette qualité ayant l’ascendant sur les autres, elle les contient toutes en perfection, et couvre leur lueur ne plus ne moins que le soleil celle des moindres étoiles. C’est ce qui se présente d’abord en la MÈRE DE DIEU, à qui, dès que nous avons donné ce nom, nous avons tellement choisi le Roi de ses titres, qu’il faut demeurer d’accord non seulement que les autres lui doivent hommage, mais encore qu’ils dépendent de lui comme la lumière du soleil, et le ruisseau de la fontaine. C’est l’occasion qui m’a fait résoudre à traiter avant toute chose du très excellent titre de MÈRE DE DIEU, et de faire marcher, en tête de toutes ses Grandeurs, celle qui est l’origine et la mesure de toutes les autres.
§ 1. De l’excellence du titre de MÈRE DE DIEU
[1] Mais quoi ! petit esprit, penses-tu pouvoir pénétrer les Excellences qui sont renfermées dans cet illustre titre ? Crois-tu avoir les ailes assez fortes pour te guinder si haut, et les yeux assez fermes pour supporter l’éclat de ce divin Soleil ? Sais-tu bien que ces Grandeurs que tu vas recherchant sont plus hautes que le ciel, plus profondes que les abîmes, plus larges que la région de l’air, et aussi longues que l’éternité même ? Prévois-tu point la confusion qui est inséparable- ment conjointe à un si téméraire dessein ? Crains-tu point que, t’approchant plus qu’il ne serait convenable de la Majesté, tu ne sois accablé de sa gloire ? As-tu point d’appréhension de te perdre dans cet Océan de merveilles, et d’être enseveli dans ce golfe de Grandeurs ? Considères-tu pas que les Chérubins les plus clairvoyants et les plus embrasés Séraphins tiennent leurs ailes baissées en la présence de Celle dont tu veux parler, et qu’ils n’ont pas l’assurance d’arrêter les yeux sur son visage ? Peux-tu ignorer de quel tremblement ont été saisis les plus grands esprits et les premiers hommes du monde, lorsqu’ils ont voulu faire essai de leurs forces à ce sujet ? Le grand évêque de Néo Césarée, Saint Grégoire Fait-Miracle 1, tout éloquent qu’il est, et enseigné d’en haut, ne sait toutefois où trouver des paroles, et il lui semble que la pointe de son esprit s’émousse, et que son éloquence est muette lorsqu’il est question d’en parler. Le très savant prélat de Constance, ou de Salamine en Chypre, Saint Épiphane 2, se dit malheureux et infortuné pour avoir eu la présomption de tenir ferme contre les brillants éclairs qui sortent de la face majestueuse de la Reine du Ciel ; il assure qu’une pensée si profonde et une contemplation si relevée ont rempli son âme de frayeur, et que peu s’en est fallu que son cœur n’ait séché d’épouvante ; il maintient que cette entreprise surpasse la portée des forces humaines, et qu’il n’y a esprit, pour perçant qu’il soit, qui la puisse mener à chef, ni langue qui soit capable d’en parler comme il faut. Saint Bernard 3, quoique nourri dans le sein de la très sacrée Vierge, proteste néanmoins qu’il n’est rien qui l’étonne davantage que de traiter de la MÈRE DE DIEU, et ce à cause que la créance commune étant que ses Grandeurs sont inexplicables, il fâche à ceux en présence de qui l’on parle qu’on se mette seulement en devoir de les vouloir expliquer. Vaudrait-il donc pas mieux quitter une pensée si téméraire, se prosterner contre terre, admirer de loin avec Moïse le Buisson qui brûle dans les flammes de la Divinité, sans être réduit en cendres, et adorer du fond du cœur, et avec un chaste silence, le sanctuaire de Dieu tout plein de prodiges célestes ?
[2] J’avoue que je me trouve en grande perplexité, et ce d’autant plus, que plus j’entre avant dans les sentiments des Saints, qui me font connaître la défiance qu’ils ont de pouvoir déclarer l’excellence de cet incomparable titre. Car quelques-uns d’entre eux, comme Saint Anselme 4, assurent que penser seulement de la Sainte Vierge qu’elle soit MÈRE DE DIEU, c’est prendre l’essor aussi haut qu’il se peut, et avoir le plus noble entretien dont un esprit soit capable au-dessous de la majesté de Dieu. Quelques autres, comme Saint Grégoire de Néo Césarée 5, que nous avons déjà ouï une fois, disent haut et clair que ce seul mot surpasse toutes les louanges qu’on lui saurait donner.
[3] Il y en a, dit Saint Bernardin le Siennois 6, qui en font avec proportion, comme nous faisons lorsque nous voulons discourir de Dieu.
1 Serm. 2 in Annuntiat.
2 Serm. de Sanct. Deipara.
3 Serm. 4 de Assumpt.
4 Lib. de Excellentia Virginis, c. 2.
5 Serm. 2 in Annuntiat.
6 T. III Concionum, serm. 1 de Nomine Virg.
Car, faute de connaître sa nature très simple, nous ramassons de tous côtés les perfections qui se retrouvent ès créatures, et en revêtons la Divinité, ajoutant qu’il y en a infiniment plus que nous n’en concevons. De même ils rallient toutes les raretés qu’ils trouvent éparses çà et là, et disent que celle qui les possède toutes en perfection, et incomparablement davantage, c’est la MÈRE DE DIEU. Il en est d’autres, comme Saint Jean Damascène 1 et Saint Ildefonse 2, qui prennent leur ton et leur mire plus haut. Car pour faire voir jusques où arrive ce point d’honneur d’être MÈRE DE DIEU par la génération temporelle, ils ne se proposent pas moindre idée que celle de la génération éternelle du Verbe, disant que tout ainsi que le Fils de Dieu est émané de l’entendement fécond du Père Éternel, avec communication de sa substance sans altération ou division quelconque ; de même il est né de la sainte Mère temporellement, sans corruption et sans altération de son intégrité. D’autres, comme Saint Thomas 3, passent encore plus outre et semblent tenir des discours plus relevés. Car, au travers de cette lumière inaccessible, ils remarquent que la Vierge, ayant reçu l’honneur d’être MÈRE DE DIEU, elle est unie à un terme d’infinie perfection, et qu’ainsi elle est en certaine manière élevée à l’ordre divin, et que par une suite nécessaire elle entre en possession d’une perfection infinie. Mais n’attendez pas qu’ils en disent davantage, car enfin il faut s’arrêter là.
[4] Je ferais tort à plusieurs grands personnages uniquement affectionnés à la Reine du Ciel, si je passais sous silence la gentille invention que la dévotion leur a fournie. Car, comme ils ne trouvaient point d’ouverture pour déclarer l’Excellence du titre de MÈRE DE DIEU, ils se sont jetés à l’écart, et par diverses figures énigmatiques ils se sont efforcés de dire ce qu’ils en pensaient. Le bienheureux Proclus, Archevêque de Constantinople, en l’admirable harangue qu’il fit au Concile d’Éphèse le jour de la naissance du Sauveur, ayant donné à connaître, non seulement son particulier sentiment, mais encore celui de toute la nature, il décrit en cette sorte la MÈRE DE DIEU :
C’est, dit-il, le pur trésor, l’ornement et l’honneur de la virginité ; le paradis spirituel du second Adam, le cabinet du divin mariage qui a été célébré entre les deux natures ; la grande salle de la réconciliation générale du monde ; le lit nuptial du Verbe éternel ; le buisson ardent, mais non consumé par les flammes du céleste enfantement ; la belle nue qui a ponté en son sein Celui qui est assis sur les Chérubins ; la toison remplie de l’agréable rosée du ciel, d’où fut faite la robe de notre divin Pasteur lorsqu’il prit la livrée de sa brebis perdue ; l’esclave et la Mère, la Vierge et le ciel tous ensemble ; le pont par où Dieu même est descendu en terre ; la pièce de drap de laquelle a été travaillée l’admirable robe de l’union hypostatique, dont l’ouvrier est le Saint-Esprit, la main, la vertu du Très Haut, la laine, la vieille dépouille d’Adam, la trame, la chair immaculée de la bienheureuse Vierge, la navette, l’incompréhensible bonté de Dieu, qui nous a apporté la personne ineffable du Verbe. Qui a jamais ouï parler d’une semblable pièce ?
1 Orat. 1 de Nativit. beatæ Mariæ.
2 Lib. de Virginitate, et parturitione Mariæ.
3 I part., q. 28, art. 6, ad 4.
Avant lui le bienheureux Méthodius, premièrement Évêque d’Olympe, en Lycie, et après de Tyr, en Phénicie, et glorieux Martyr de Jésus- Christ, l’avait saluée en cette sorte 1 :
Très noble et très désirable, vous êtes le flambeau des fidèles ; l’enceinte de Celui qui enferme tout, et qui ne peut être enfermé ; la racine de la première et de la plus belle fleur du monde ; la Mère du Créateur de toutes choses, la nourriture du grand père et du pourvoyeur de l’univers ; le carrosse animé de Celui qui porte toutes choses ; la porte par où Dieu est venu en terre ; la pincette du charbon Séraphique ; le sein de Celui qui renferme tout dans son sein ; la robe sans tache de Celui qui est entouré de lumière ; le pavillon du Saint-Esprit ; la fournaise que Dieu tout-puissant a embrasée des flammes de son divin amour.
[5] Après tous les deux, Saint André de Jérusalem 2, Archevêque de Crète ou Candie, l’apostrophe en ces termes :
Dieu vous garde, Temple du Sauveur, trône d’une vie incorruptible, char du Soleil flambant, terre qui seule êtes propre à porter le froment d’où nous sommes nourris, levain sacré qui avez donné goût à toute la race d’Adam, et enflé la pâte d’où a été fait le vrai pain de nos Ames ; arche d’honneur où Dieu a reposé, et où la gloire même a été sanctifiée ; cruche d’or qui contenez Celui qui rend la manne douce, et qui tire le miel de la pierre en faveur du peuple méconnaissant ; miroir spirituel de la sainte contemplation, par qui les Prophètes inspirés du ciel ont figuré la descente de Dieu en terre.
En un autre endroit il en dit encore davantage. Voici ses mots :
Sainte Dame, vous êtes l’incompréhensible secret de la divine économie, que les Anges désirent de contempler sans cesse ; vous êtes l’admirable logis de l’abaissement de Dieu ; vous êtes la terre désirable qui l’avez fait descendre du ciel, et lui avez donné entrée parmi nous ; vous êtes le trésor du mystère caché avant tous les siècles ; le livre animé où le Verbe du Père Éternel a été écrit par la plume du Saint-Esprit ; l’instrument authentique de l’accord fait entre Dieu et les hommes ; l’auguste chariot chargé de mille millions que vous avez conduits là-haut en triomphe, et présentés à Dieu ; la montagne de Sion, où le Seigneur prend ses ébats ; la colonne de vie qui conduisez non le peuple captif au moyen d’une lumière périssable, mais qui éclairez le vrai Israélite pour le rendre au pays de conquête ; la terre virginale d’où le second Adam a été moulé. Vous êtes agréable comme Jérusalem, et l’odeur qui sort de vos habits surpasse toutes les délices du mont Liban. Vous êtes la boite du céleste parfum, qui ne s’exhale jamais, l’huile de l’onction sainte, la fleur incorruptible, la pourpre tissue d’en haut, le vêtement royal, le diadème impérial, le trône de Dieu, la porte du ciel, la reine de l’univers, la coupe pleine de la sapience divine, le cabinet de la vie, la fontaine toujours coulante des saintes illustrations.
Enfin il conclut :
Les paroles me manquent, et mes conceptions sont trop languissantes pour suivre les ardeurs de mon âme.
Néanmoins, incontinent après il reprend courage avec ces termes :
Que vous dirai-je, très Sainte Vierge MÈRE DE DIEU, seule capable de la sapience, qui subsiste dans soi-même, et qui donne la vie à tout le reste ? Ô Sainte Vierge, principe de notre vie, et la vie des vivants ! Ô lien qui nous unissez indissolublement à Dieu ! Ô royaume assuré par la force de la gloire et de la puissance de Celui qui est en vous ! Ô sacré boulevard des Chrétiens, et divin asile de tous ceux qui se retirent devers vous !
1 Orat. in Hipapante.
2 Serm. de Annuntiat.
[6] Saint Épiphane 1 n’est pas moins extasié que ce grand Évêque de Candie que nous venons d’ouïr.
Je vous salue, lui dit-il, l’honneur des vertus, divin falot où est enclose la lampe allumée d’un feu qui ne s’éteint jamais, et qui est plus clair que le Soleil, arche mystique de la gloire, riche vase d’or qui avez gardé la manne venue du ciel ; fontaine inépuisable de douceur, mer spirituelle d’où a été tirée la vraie perle du monde ; ciel luisant, qui enserrez Celui que le ciel ne peut contenir, trône de Dieu, plus brillant que celui des Chérubins ; nue façonnée en colonne, qui avez dans vous le même Dieu qui jadis conduisit le peuple le long du désert ; racine de la gloire, ciel, temple et siège de la Divinité.
Sophronius, à qui désormais, avec plusieurs graves auteurs 2, j’attribuerai le Sermon de l’Assomption de la Vierge dédié à Sainte Paule et à Sainte Eustochium sa fille, jaçoit qu’il y ait près de mille ans qu’il court sous le nom de Saint Jérôme, comme il appert par les discours de Saint Ildefonse 3 sur le même mystère, et ailleurs (mais l’auteur de cette éloquente pièce se confessant tout au commencement peu versé en la lan- gue latine, il ne peut dire que ce soit Saint Jérôme) ; Sophronius donc, in- time ami du même Saint Jérôme, avec l’Époux des Cantiques 4, l’appelle le verger clos, le parterre délicieux, le jardin des agréables fleurs dont toute la terre est embaumée ; si bien fermé que l’ennemi n’y saurait entrer ; la fontaine scellée du sceau de la très sainte Trinité, d’où sort la fontaine de vie et de lumière.
[7] D’autres, comme Saint Pierre Chrysologue, Archevêque de Ravenne 5, maintiennent que celui-là est peu savant en la connaissance de la grandeur de Dieu, qui ne sait contempler avec extase la hauteur de sa Sainte Mère.
1 Orat. de Sanct. Deipara.
2 Marianus Victorius in censura t. IX operum sancti Hier., etc.
3 Serm. 5 et 6.
4 Vere hortus deliciarum, in quo consita sunt universa florum genera, et odoramenta virtutum, sicque conclusus ut nesciat violari, neque corrumpi ullius insidiarum fraudibus, fons signatus sigillo totius Trinitatis, ex quo fons vitæ manat, in cujus lumine omne videmus lumen.
5 Serm. de Annuntiat.
Vrai Dieu ! dit ce Saint, qu’est-ce ceci ? Le Ciel a peur, les Anges tremblent, toutes les créatures sont interdites, la nature ne sait où elle en est, et néanmoins dans cette émotion générale une seule fille demeure sans crainte, et non seulement elle loge Dieu dans son sein, mais de plus, avec une assurance nonpareille, elle lui fait payer le gîte, et ne lui demande rien moins que l’accord d’une paix universelle, la gloire pour les habitants du ciel, la grâce pour les criminels de la terre, la vie pour les morts, la parenté des hommes avec les bienheureux Esprits, et l’alliance de Dieu avec la chair. Que vous semble de cette confiance ?
[8] Parmi cet établissement des Saints, j’en trouve encore quelques-uns plus étonnés que tout le reste ; car ils demeurent comme éperdus, et ne savent faire autre chose que crier merveille ! miracle ! Le grand Patriarche d’Antioche, Saint Ignace 1, l’appelle un prodige céleste et un sacré spectacle ; Saint Jean Chrysostome 2, un grand miracle ; Saint Bernardin 3, le miracle des miracles ; Saint Jean Damas- cène 4, un abime de miracles.
Ô miracles ! ô prodiges ! s’écrie Saint Augustin 5, les droits de la nature sont altérés, Dieu naît dans l’homme, la Vierge conçoit de la seule parole de Dieu ; elle devient mère, et si demeure vierge ! Elle est mère, mais sans corruption ; elle est vierge, mais elle a un fils ; elle demeure entière, mais pourtant elle n’est pas moins féconde ; et l’unique des enfants des hommes qui est né sans péché, vient au monde, non par la concupiscence de la chair, mais par l’obéissance de l’esprit.
Miracle ! dit Saint Jean Damascène 6, mais le plus nouveau de tous les miracles : une femme a été élevée par-dessus les Séraphins à mesure que Dieu s’abaissait au-dessous des Anges.
Ô Vierge très sainte ! dit Saint Épiphane 7, qui avez arrêté toutes les troupes angéliques, et leur avez planté l’ébahissement dans le cœur ! car, à vrai dire, c’est un prodige tout extraordinaire dans le ciel qu’une femme qui enferme la Lumière en ses bras ; qu’un trône de Chérubins tout nouveau ; que le fils d’une femme, qui est le père de sa mère, de même qu’il l’est de tous les siècles ; que le lit nuptial de la Vierge dressé pour recevoir l’Époux céleste, qui ensemble est son fils, et le vrai et unique Fils de Dieu.
Qu’on ouvre les oreilles, dit Saint Anselme 8, et qu’on s’apprête à ouïr l’admirable état que le Père Éternel a fait de la bienheureuse Vierge, et l’amour inestimable qu’il lui a témoigné. Car pouvait-il, à votre avis, passer plus outre ? Il n’avait qu’un seul Fils en tout et partout égal à soi et de même substance. Croirez-vous bien que l’affection l’ait emporté jusque-là, que de vouloir avoir ce Fils commun avec Marie, en sorte qu’elle l’eût pour vrai Fils par nature comme lui-même ?
1 Epist. ad Joann.
2 Serm. de B. Virg.
3 T. I, conc. 61, art. 1, c. 11.
4 Orat. 1 de Nativit. B. Virg.
5 Serm. 11 de Tempore.
6 Orat. 1 de Nativit.
7 Orat. de Sanct. Deipara.
8 Lib. de Excellentia Virg., c. 3.
[9] Bref, pour laisser le dévot lecteur avec appétit de repasser encore une fois 1 sur ces mêmes grandeurs, j’en trouve quelques-uns qui en tiennent des discours par proportion semblables à ceux que nous tenons de Dieu, lorsque nous disons qu’il est plus haut que toute hauteur, plus profond que toute profondeur, plus clair que toute lumière, plus resplendissant que toute splendeur, plus fort que toute force, plus courageux que tout courage, plus beau que toute beauté, plus vrai que toute vérité, plus grand que toute grandeur, plus puissant que toute puissance, plus riche que toute richesse, plus sage que toute sagesse, plus doux que toute douceur, meilleur que toute bonté, plus juste que toute justice 2 ; qu’il est inimaginable, indicible, inexplicable, inaccessible, incompréhensible à tout autre qu’à soi-même 3.
Que pensez-vous, dit Saint Bernard 4, que voulut signifier l’ambassadeur du grand Dieu, lorsqu’il dit à la Vierge : La vertu du Très Haut vous ombragera ? Possible que Celle qui a eu le bonheur de l’expérimenter et d’être exposée aux rayons de ce divin Soleil, qui, par une merveille inouïe, la tenait à l’ombre de sa propre clarté, le vous pourrait bien déclarer. Mais, hors de Celle-là qui a mérité d’avoir part au secret de la très sainte Trinité, qui a opéré ce mystère en elle, n’en cherchez point d’autre qui le puisse expliquer, car il ne s’en trouvera plus.
Encore semble-t-il au grand Saint Augustin que ce soit trop dire que la Princesse même qui a été appelée au conseil, et qui, à si bonnes enseignes, a eu communication de tout ce qui s’est passé en elle, le puisse déclarer.
Je ne me feindrai pas de dire (ce sont ses paroles 5) que Celle-là même qui a pu enserrer dans ses entrailles le Verbe divin, ne saurait dire ni com- prendre, à pur et à plein, tout ce qui est de ce mystère.
Je vous laisse penser si ce Saint, qui était si jaloux de l’honneur de la MÈRE DE DIEU, a prétendu lui déroger en chose quelconque ? Tant s’en faut, qu’au contraire, parlant en faveur de la vérité, il a cru parler à l’avantage de la MÈRE DE DIEU, de qui le mérite est si relevé, qu’elle-même ne le peut pas comprendre. Ni plus ni moins que nous ne croyons pas offenser un homme très riche, quand nous disons qu’il a tant de moyens, qu’il n’en sait pas lui-même le compte.
1 Tract. II, c. 3.
2 Tertull. sive Novatianus Presbyt. Rom., lib. de Trinit.
3 Damasc., lib. I Fidei, c. 8 ; Trismegist. in Pimandro, etc.
4 Homil. 4 in Missus.
5 T. IX operum supra Magnificat.
En cette manière, la grandeur de la MÈRE DE DIEU se trouvera inaccessible a tout esprit créé, et la gloire en demeurera au Père, qui a une telle Fille ; au Fils, qui s’est préparé une telle Mère ; au Saint-Esprit, qui a tellement enrichi et orné son Épouse ; et se vérifiera ce que Saint Bernardin 1 a emprunté de l’Ecclésiastique pour l’approprier à la Sainte Vierge, que Celui seul qui l’a faite a pu comprendre la hauteur de son ouvrage, et s’en est réservé la parfaite connaissance. Qui sera maintenant celui qui, oyant parler ces grands hommes d’une telle façon, n’appréhende la recherche des grandeurs de la MÈRE DE DIEU ? Pour moi, je confesse franchement que, dès à présent, je m’en déporterais, si mon dessein n’était de suivre plutôt la trace des Pères, qui en ont si dignement parlé, que de me laisser flatter et emporter à mes inventions. Mais sous la conduite de si sages nochers, je ne crois pas que je doive craindre de m’exposer au vaste océan des excellences de la Reine des Grandeurs, vu nommément que j’ai confiance que le Saint-Esprit, grand pilote de l’Église, qui les a eux-mêmes dressés, gouvernera mon esprit et ma plume en cette navigation, et que la belle Étoile de la mer, pour qui je travaille, ne m’abandonnera pas en ce dessein que je n’ai entrepris que pour lui plaire.
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Re: LA TRIPLE COURONNE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MÈRE DE DIEU par le R. P. François POIRÉ de la Compagnie de JESUS
§ 2. Que le titre de MÈRE DE DIEU est l’origine et la mesure
de toutes les Grandeurs de la Sainte Vierge
de toutes les Grandeurs de la Sainte Vierge
[1] Il faut avouer que l’Évangéliste Matthieu 2 a avancé un grand mot de la Sainte Vierge, quand il a dit : Marie, de qui est né Jésus. Car c’est le mot qui, jusqu’à présent, étonne les hommes et les Anges, dit Saint Bernard 3, qui leur fait baisser les yeux à tous tant qu’ils sont, et qui est la source et la mesure de toutes les perfections qui se retrouvent en la Vierge. Le même Jésus, Fils de Marie, enseigna un jour cette divine leçon à Sainte Catherine de Gênes 4, l’avisant que, lorsqu’elle réciterait l’Ave Maria, elle prit pour guide le mot de Jésus qui s’y re- trouve, comme celui qui lui devait fournir les sentiments d’honneur, de respect et d’amour nécessaires pour parler comme il faut à une telle Dame. Saint Thomas 5 remarque fort à propos qu’à cette occasion les Saints Évangélistes, qui mieux que nul autre ont su les qualités de la très sacrée Vierge, comme secrétaires d’état de son Fils, ne lui donnent pour l’ordinaire autre titre que celui de Mère de Jésus.
1 T. II, serm. 51, art. 3, c. 1 : Tanta fuit perfectio ejus, ut soli Deo cognoscenda reservetur, juxta il- lud Eccl. 1.
2 Cap. 1.
3 Serm. in Signum magnum.
4 Vitæ ipsius, c. 6.
5 III p., q. 28, art. 3.
Nous n’ignorons pas, dit Saint Bernardin le Siennois 1, que ce soit un grand avantage de notre bonne Mère qu’elle soit Dame et Maîtresse de tout ce que Dieu a créé ; néanmoins, nous l’appelons plus volontiers MÈRE DE DIEU, d’autant que cette qualité est la racine et la source de l’autre.
Ce que ce Saint met en avant du titre de Dame de l’univers, nous le pouvons étendre à toutes ses autres excellences, d’autant qu’il n’est nulle d’entre elles qui ne tire de là son origine. De manière qu’après que nous l’avons considérée comme une mer immense de grâces, comme un chef-d’œuvre de gloire, comme l’honneur du ciel et de la terre, l’abrégé des œuvres de Dieu, la demeure choisie de la très Sainte Trinité, le principe de notre bonheur, la porte du ciel, la merveille du monde, et tout ce que je ne saurais dire ni penser, il en faut toujours revenir là comme au principe, et confesser que toutes ces excellences dépendent du titre de MÈRE DE DIEU.
L’excellence de Jésus-Christ
[2] Qui sera donc celui qui, pour nous faire comprendre quelque chose des Grandeurs de Marie, nous donnera l’entrée dans le Saint des Saints, c’est-à-dire dans le Sanctuaire du sacré cœur de Jésus ? Qui nous déclarera les merveilles du mystère caché de toute éternité dans la plus secrète pensée de l’Ancien des jours et dans le sein propre du Père Éternel, qui s’est accompli en la plénitude des temps pour être l’objet de la loi des peuples, l’ancre de leurs espérances, la cause de leur salut et l’accomplissement de la gloire de Dieu au monde ? Qui nous représentera la gloire de l’unique de Dieu, plein de grâce et de vérité, qui fut montrée au Disciple bien-aimé ? Qui nous expliquera les paroles du Fils du tonnerre, que jusqu’à présent le monde n’a pas en- tendues ? Qui nous fera leçon de ce Verbe, qui était au commencement dans Dieu, et qui était Dieu lui-même ; par qui toutes choses ont été faites, et sans qui rien n’a été produit ? Qui nous fera entendre que veut dire un Dieu qui soutient un homme ; un homme qui subsiste en Dieu ; un homme qui est Dieu et un Dieu qui est homme ; l’œuvre singulière que Dieu a faite, et qui seule a un parfait rapport à l’excellence de son ouvrier ? œuvre qui est le triomphe d’amour, le trésor de sa- gesse et le miracle de pouvoir ; œuvre qui est le milieu de l’être créé et de l’incréé ; où Dieu s’est lui-même enclos pour faire partie de son ouvrage, et pour le relever par-dessus tous les ouvrages de ses mains ; l’échelle mystérieuse qui joint la terre au ciel, et le ciel à la terre ? Qui nous fera monter les échelons des perfections incompréhensibles qui se retrouvent en l’une et en l’autre de ces natures ? Qui nous parlera dignement de la filiation divine de Jésus, de sa puissance suprême et de l’éternité de son empire ?
1 T. I, serm. 52.
Qui nous dira comment nous connaîtrons en lui la majesté de la divine essence, la distinction de ses personnes, la profondité de ses conseils ? Comme il est la sapience adorable, la parole ineffable, l’image admirable du Père Éternel, son Verbe divin, par qui il parle et à soi-même et à ses créatures, et l’idée de toutes choses créées ? Comme il émane de lui sans dépendance et sans indigence ; comme il a en soi la plénitude de l’être incréé ; comme il est un principe avec lui et par lui d’une personne divine ; comme il est la lumière éternelle de la lumière éternelle, lumière en son essence et en sa personne procédant comme la lumière et la splendeur du Père ? Qui nous dira comme, selon son humanité, il est le principe et l’exemplaire de la Divinité créée, pour parler avec Dieu même, qui nous fait l’honneur de nous appeler Dieux et les enfants du Très Haut ? Comme en cette qualité il a reçu une nouvelle essence dans le sein de sa Mère, par l’opération temporelle du Saint-Esprit, à qui, en qualité de Dieu dans le sein de son Père, par une opération éternelle, il communiquait l’essence qui est sans nul commencement ? Comme, parmi toutes les créatures, il entre seul dans l’état de la filiation divine, non adoptive, mais naturelle ; comme il est Saint par la même sainteté qui rend Dieu Saint, et le Saint des Saints ? Comme il est le centre, le cercle et la circonférence de toutes les émanations de Dieu hors de soi-même, et le trône de gloire et de grandeur où la divinité habite uniquement et corporellement, comme dit le grand Apôtre 1 ? Qui nous ouvrira les trésors de la sagesse et de la science qui sont cachés en cet Homme- Dieu ? Qui nous fera savoir des nouvelles de ces souffrances divinisées et de ces prodiges humanisés, de ces actions divinement humaines et humainement divines qui se retrouvent en lui seul ? Qui nous fera sonder les abîmes de sa grâce, d’où puisent et puiseront à jamais tous les élus de Dieu ? Qui nous dénombrera tous les effets qu’elle a pro- duits dans le ciel ès saints, et dans la terre ès justes et ès pécheurs ? Qui nous étalera les merveilles de cette qualité, qui en tous ses usages n’est autre que sainteté ? Qui nous fera voir le Beau des beaux, le Grand des grands, le Bon des bons, l’Époux des âmes choisies, le Souverain Pontife des enfants de l’Église, le Roi de la gloire et les Délices de l’univers ? À qui me fera part de ces secrets, je promets réciproquement de dire des merveilles non jamais ouïes de la MÈRE DE DIEU. Car enfin Marie n’est autre que la digne Mère de Jésus, comme Jésus est l’adorable Fils de Marie. Mais tandis que nous n’en saurons pas davantage qu’il s’en découvre avec la courte vue de la Foi, il ne se faut pas étonner si tout ce qu’on met en avant de ce titre non-pareil est moindre que ce que nous désirerions en savoir. Car, veuillions-nous ou non, il faut de nécessité succomber à ces Grandeurs, et reconnaître avec humilité que ce sont lettres closes pour nous. À qui des Anges a jamais dit Dieu (c’est Saint Paul qui parle) : Vous êtes mon Fils, et je vous ai aujourd’hui engendré ? Et moi, j’ose dire après lui : À qui des Anges a jamais dit le Sauveur : Vous êtes ma mère, vous m’avez aujourd’hui engendré ? Et quiconque ne pourra répondre à la première demande, il se trouvera bien en peine de satisfaire à la seconde.
1 Col. 2, 9.
[3] À la même aune des Grandeurs et des Excellences de Jésus, se doit mesurer tout ce qui se dit des Grandeurs et des Excellences de Marie, Mère de Jésus. Car si l’argument de Saint Paul est pressant pour nous tous, que Celui qui nous a accordé son propre Fils n’aura jamais le cœur de nous refuser chose quelconque, il l’est sans comparaison davantage pour Marie, à qui il a donné son Fils d’une manière très singulière, et incommunicable à tout autre. Et si le Père se doit montrer libéral envers sa fille, le Fils ne le doit pas moins être envers sa mère. C’est la règle dont s’est jadis servi Saint Hippolyte, Évêque du Port près de Rome, et Martyr, il y a plus de quatorze cents ans, disant 1 que celui qui nous a commandé d’honorer père et mère, pour observer la loi qu’il a publiée, n’a pas manqué de faire ce qu’il a pu raisonnablement pour combler sa Mère d’honneur.
C’est la règle dont après lui s’est servi le dévot Saint Bernard, écrivant aux chanoines de la Cathédrale de Saint-Jean de Lyon 2, où il maintient que c’est une grande faiblesse d’esprit et non moins grande témérité de dénier à la MÈRE DE DIEU quelque prérogative qui ait été accordée à qui que ce soit d’entre les Saints.
C’est la règle dont après l’un et avant l’autre s’est servi avec une emphase inexplicable le grand Archevêque de Crète 3, que nous entendrons souvent désormais tenir des discours très avantageux à la MÈRE DE DIEU, lorsqu’il a dit que si Dieu a fait quelque chose en cette sainte Dame que nous ne puissions pas comprendre, nous ne nous en devons pas émerveiller ; mais qu’il nous faut jeter sur le mystère incompréhensible qui a été accompli en elle, mystère qui surpasse une infinie de fois infiniment toute sorte d’infinité.
Ce sera la règle dont je me servirai dorénavant en la recherche des Excellences et des Grandeurs de la MÈRE DE DIEU, et qui me fera aisé- ment condescendre à lui accorder tout ce qui sera convenable à la majesté de ce titre, et qui ne répugnera ni à la foi que nous professons, ni à la droite raison que nous devons prendre pour guide. Finalement, c’est à cette même règle que je supplie le dévot lecteur vouloir mesurer ce qui se dira des prérogatives de la Reine des Cieux, et ne se pas rendre rétif à y ajouter une pieuse créance, lors nommément qu’il le verra appuyé de l’autorité de quelque Docteur digne de foi. Je n’ignore pas ce qu’a dit autrefois Saint Bernard 4, que
la MÈRE DE DIEU n’a pas besoin d’être honorée avec des titres et avec des louanges qui ne lui appartiennent pas, vu qu’elle a de quoi fournir d’assez véritables sujets de panégyriques à ceux qui s’entremettront de la louer.
Mais aussi sais-je bien qu’il appartient à un cœur affectionné à son service de s’éjouir de tout l’honneur convenable qui lui est rendu, comme doit faire un fils bien né de celui qui est déféré à sa mère. Avec cette persuasion, je vais donner commencement aux Grandeurs d’Excellence de la MÈRE DE DIEU, et avec l’espérance que j’ai que le lecteur ne les aura jamais parcourues, qu’il n’aime d’amour Celle qui a tant d’attraits pour se faire aimer ; et, s’il l’aime déjà, qu’il ne redouble l’affection qu’il a pour elle.
1 Orat. de Sanctificat.
2 Epist. 174.
3 Orat. 1 de Dormit. B. Virg.
4 Epist. 174 cit.
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Re: LA TRIPLE COURONNE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MÈRE DE DIEU par le R. P. François POIRÉ de la Compagnie de JESUS
Chapitre 2
LA PREMIERE ÉTOILE OU GRANDEUR DE LA
COURONNE D’EXCELLENCE DE LA MERE DE DIEU
Qu’elle soit l’Aînée des pures créatures par le droit
de sa prédestination éternelle
LA PREMIERE ÉTOILE OU GRANDEUR DE LA
COURONNE D’EXCELLENCE DE LA MERE DE DIEU
Qu’elle soit l’Aînée des pures créatures par le droit
de sa prédestination éternelle
Bien que peu auparavant nous ayons considéré le titre de MÈRE DE DIEU comme le tronc ou la flèche d’un grand arbre d’où naissent tous les rameaux des Grandeurs de la glorieuse Vierge, si faut-il encore aller plus avant et découvrir jusqu’à la racine d’où proviennent le tronc et les branches, qui est la prédestination éternelle de la même Vierge, à raison de la- quelle l’Église, après Saint Cyprien, l’appelle un vaisseau d’élection, c’est- à-dire une créature singulièrement élue de Dieu pour être l’instrument choisi des merveilles qu’il devait faire tant en la terre comme au ciel.
§ 1. Que notre Seigneur Jésus-Christ a été le vrai modèle
sur lequel la Sainte Vierge a été tirée
sur lequel la Sainte Vierge a été tirée
[1] Pour l’éclaircissement du droit d’aînesse de la MÈRE DE DIEU, il faut présupposer tout premièrement que, comme elle ne subsiste point autrement dans le dessein de Dieu, et dans l’ordre des créatures, qu’en qualité de Mère du Sauveur, ainsi que je ferai voir plus amplement au discours fondamental du second Traité : de même la prédestination de notre Seigneur Jésus-Christ, dont parle Saint Paul au commencement de l’Épitre aux Romains, enclôt tellement la Bienheureuse Vierge, que sans elle il lui est impossible d’avoir son effet. De sorte que Jésus et Ma- rie sont joints inséparablement ensemble en fait de prédestination ; et comme Marie n’est autre que Vierge et MÈRE DE DIEU dans le projet immuable de l’éternité, ainsi Jésus ne s’y retrouve point autrement que comme Fils de l’homme, c’est-à-dire comme Fils de la Vierge. Car puis- que l’état de la prédestination du Sauveur ne nous apparaît que par les sacrés oracles du Saint-Esprit, il faut dire, après Saint Augustin 1, que quiconque nie que le Fils de Dieu est prédestiné, il nie quant et quant qu’il est Fils de l’homme, et par conséquent, que quiconque dit avec Saint Paul qu’il est prédestiné, il lui faut avouer qu’il est Fils de l’homme, c’est-à-dire qu’il est Fils de Marie par la lignée d’Abraham et de David, à qui la pro- messe du Messie a été faite.
1 Tract. CV in Joann.
Les mêmes assurances que nous avons de l’un, nous les avons de l’autre, par les mêmes témoins, ès mêmes endroits, par le même Esprit de vérité. Le grave et ancien Docteur Tertullien le publiait jadis en ces termes 1 :
Tournez-vous de quelque côté que vous voudrez, il faut que vous demeuriez d’accord que Celui qui est la semence de David a pris chair de Marie ; et que Celui qui a pris chair de Marie est de la semence de David.
Le même enseignent Saint Justin le martyr 2, Saint Ambroise 3, Saint Épiphane 4, Saint Jérôme 5, Saint André de Jérusalem 6, le vénérable Bède 7, Pierre Damien 8, et généralement tous les saints Pères, tant Grecs que Latins. Le même chantent tous les Prophètes ; et là même aboutissent toutes les vieilles figures, comme je déclarerai plus au long au chapitre suivant.
En second lieu, il faut présupposer que non seulement la prédestination de la Sainte Vierge est enclose dans celle de son Fils ; mais, de plus, que celle-ci est le modèle et le patron de celle-là. À l’établissement de cette maxime sert non seulement l’autorité de la sainte Église et de plusieurs bons Docteurs, qui attribuent à la Mère les mêmes paroles que le Saint-Esprit a employées pour nous représenter l’élection éternelle du Fils, comme il se verra tout incontinent ; mais encore la raison qui dicte qu’elle lui devait ressembler, autant qu’il est loisible à une pure créature. Les qualités de Fille, de Mère et d’Épouse de Dieu, de Compagne et de Coopératrice du Sauveur en l’œuvre de notre rachat, de Gouvernante, de Médiatrice, d’Avocate générale et de Protectrice de l’Église, de Reine de l’univers, de Mère commune de tous les élus, et plusieurs autres que je mettrai en évidence ès Traités suivants, le demandent ainsi. Le dessein que Dieu avait de faire deux chefs- d’œuvre de nature, de grâce et de gloire, le requérait. Mais, à partir de là, ce qui a plus de pouvoir sur mon esprit pour me persuader cette vérité, c’est la ferme opinion que j’ai, et que je mettrai à son jour tout à l’entrée du second Traité, que Marie n’eût jamais été, si Dieu ne se fût fait homme ; et par ainsi qu’elle est un ouvrage fait expressément pour le Verbe incarné, et pour nulle autre fin qui ne soit subordonnée à celle-ci. Car cette créance étant une fois reçue, il faut dire conséquemment qu’il n’est pas de Marie comme des autres hommes ou femmes, dont la production a été conclue et arrêtée, à notre façon de concevoir, avant que Dieu prévit ni la chute d’Adam, ni le remède qu’il y voulait apporter, et qui à cette occasion ne dépendent point de Dieu fait homme en ce qui est de la nature, jaçoit qu’ils le doivent reconnaître pour principe de la grâce et de la gloire. Mais la création de Marie n’ayant été ré- solue qu’après la détermination prise du rachat du monde, et afin seulement qu’elle servît au Rédempteur de Mère, d’Épouse et de Compagne ; il faut dire non seulement qu’elle lui doit tout ce qu’elle est en termes de nature, de grâce et de gloire, mais encore qu’elle a été tirée sur lui comme sur l’original, avec lequel elle doit avoir la plus étroite ressemblance qui puisse échoir en une simple créature. C’est le sujet pour lequel si souvent parmi les Cantiques il l’appelle sa sœur, sa toute belle, sa parfaite, et sa bien-aimée. C’est la raison qui lui fait confesser qu’elle seule, parmi un monde d’autres, lui a blessé le cœur, l’a tiré çà bas en terre. C’est pourquoi il a mis en elle tant de perfections et tant de grandeurs, que le ciel et la terre s’en étonnent. C’est cela même dont nous jugerons beaucoup mieux, après l’avoir plus particulièrement conférée avec son prototype, ainsi que je vais tâcher de faire.
1 Lib. de Carne Christi, c. 22.
2 Apolog. 2 pro Christianis.
3 Lib. II de Spiritu Sancto, c. 5.
4 Serm. de Laudibus Virg.
5 In c. 11 Isaiæ.
6 Serm. 2 de Dormit. B. Virg.
7 Lib. IV, cap. 49 in Luc.
8 Serm. 3 de Nativit. B. Virg.
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Re: LA TRIPLE COURONNE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MÈRE DE DIEU par le R. P. François POIRÉ de la Compagnie de JESUS
§ 2. Que notre Seigneur Jésus-Christ, par sa prédestination
éternelle, est l’Aîné de toutes les créatures
éternelle, est l’Aîné de toutes les créatures
[1] L’Apôtre Saint Paul le dit en termes exprès au premier chapitre de celle qu’il écrit aux Colossiens 1. Et jaçoit que plusieurs Docteurs entendent ses paroles du Verbe Éternel en tant que Dieu ; néanmoins nous serons avoué de tous les Pères du Saint Concile de Sardes 2, et de Saint Athanase 3, de Saint Anselme 4, et de celui 5 qui, sous le nom de Saint Jérôme, a écrit sur ce passage de Saint Paul, quand nous entre- prendrons de l’interpréter de Dieu fait homme par la génération temporelle. Le Sauveur s’attribue lui-même ce titre d’honneur, au chapitre huitième des Proverbes, où, selon la version des Septante, générale- ment suivie de tous les anciens Pères, il s’appelle le Commencement des voies de Dieu. Et de lui l’ont entendu Saint Clément Pape 6, Saint Grégoire de Nazianze 7, Saint Athanase 8, Saint Basile 9, Saint Augustin 1, Saint Cyrille 2, Saint Jérôme 3, et grand nombre d’autres Docteurs des mieux qualifiés 4, qui d’un commun accord ont reconnu que cet éloge appartenait à la Sapience Incarnée. Non que je veuille dire qu’il soit appelé l’Aîné des créatures, ou, ce qui vaut autant, le Commencement des voies de Dieu, pour autant qu’il ait été le premier dans le dessein de Dieu, lorsqu’il prit la résolution de créer le monde ; car je suis déjà engagé à faire paraître, à l’abord du Traité suivant, que Dieu n’a pensé à lui qu’après avoir prévu la déroute générale de notre race, arrivée par le péché. Beaucoup moins veux-je dire que ce nom lui convienne pour avoir été créé le premier entre les hommes selon l’ordre du temps ; d’autant que toutes les écritures anciennes me démentiraient, où il n’était promis qu’au milieu des années, c’est-à-dire après plusieurs siècles expirés ; et les nouvelles me convaincraient de faux.
1 Coloss. 1.
2 Epist. ad omnes fideles.
3 Serm. 3 contra Arianos.
4 In hunc locum.
5 In hunc locum.
6 Lib. V Const. Apost., c. 19.
7 Orat. 4 de Theologia.
8 Serm. 2, 3, 4 contra Arianos.
9 Lib. IV contra Eunomium.
1 Lib. I de Trinit., c. 12.
2 Lib. V Thesauri, c. 4, 7 et 8.
3 In c. 4 Micheæ, lib. II.
4 V. Ferdinand. de Salazar in eum. locum Proverbiorum.
Premier titre par lequel le Sauveur
est l’Aîné de toute créature
est l’Aîné de toute créature
[2] Mais je veux dire en premier lieu qu’il est appelé l’Aîné de toute créature, et le Commencement des voies, c’est-à-dire des actions ou des desseins de Dieu, pour autant que c’est sort chef-d’œuvre, et la pièce la plus rare, la plus excellente et la plus accomplie qui soit sortie de ses divines mains. Ainsi me le persuadent les mots tant hébreu que grec, dont l’Écriture se sert en cet endroit. Ainsi Job 5 l’appelle Behemoth, commencement des œuvres de Dieu. Car soit que par Behemoth il entende l’Éléphant, comme quelques-uns pensent ; soit qu’il le prenne pour la Baleine, ainsi que les autres aiment mieux ; ou vrai- ment pour le premier Ange, suivant l’interprétation de Saint Grégoire 6 ; il veut dire que l’Éléphant surpasse en grandeur tous les animaux de la terre, la Baleine ceux qui nagent dans les eaux, et que Lucifer est la plus excellente des œuvres de Dieu quant à la nature. C’est en ce même sens que Saint Ambroise 7 reconnaît le Sauveur comme l’Aîné des créatures et le Commencement des œuvres de Dieu, parce qu’il est le plus noble et le plus relevé de ses desseins. Voici ce qu’en dit Saint Anselme 8 :
Il s’appelle l’Aîné de toute créature, parce que tout ainsi que l’Aîné est le premier et le plus considérable entre plusieurs frères, de même l’humanité du Sauveur tient le premier rang, quant à la dignité, entre toutes les œuvres de Dieu, comme étant destinée à seoir sur le trône de la gloire au milieu des Principautés.
5 Cap. 10.
6 Lib. XXXIII Moral., c. 28.
7 Lib. de Interpellatione Job.
8 In c. 1 ad Coloss.
Saint Paul a tout dit, quand il a dit qu’il a en soi la plénitude de la Divinité : car à ce mot il faut que tout ce qui est au ciel et en la terre, et même dans les enfers, fléchisse le genou. Cet Aîné de toute créature est celui, dit le même Saint Paul 1, qui en tout et partout emporte la primauté. C’est le Saint des Saints, dit Saint Jérôme 2 après le Roi-Prophète 3, que Dieu a magnifié sur toutes choses. C’est la haute montagne qui est élevée au milieu d’une infinité d’autres, dit le même 4 ; la montagne à laquelle le Prophète Isaïe convie toutes les nations, la montagne où David jette les yeux pour demander le secours d’en haut. C’est la mer d’où sortent toutes les rivières, dit Saint Bernard 5, et la source de tous les Biens dont nous jouissons, de la netteté du corps, de la pureté du cœur, de la droiture de la volonté, de l’esprit, de la science, de l’éloquence, de tout. C’est celui que Dieu a oint, dit David 6, par-dessus tous les Rois, par-dessus tous les Prophètes, et par-dessus tous les Prêtres du monde. C’est le beau des beaux, c’est la beauté même, c’est l’objet qui ravit le ciel et la terre. Adressez-vous à la chaste Épouse, elle vous en dira des merveilles. Elle le trouve si parfait et si beau, qu’elle le considère depuis la tête jusqu’aux pieds ; elle dit qu’il est le cèdre entre les bois du Liban, l’oranger entre les arbres fruitiers, le chevreuil entre les bêtes de la campagne, le lis entre les fleurs, le raisin de Chypre entre les fruits, l’or entre les métaux, le soleil entre les astres, bref qu’il est tout agréable, et choisi entre les milliers. Saint Bernard l’ayant un jour plus particulièrement envisagé, ne se put tenir de témoigner sa joie avec ces douces paroles 7 :
Vous verrez autour du Bien-Aimé les milliers de milliers, et les millions de millions ; mais, au bout du compte, nul d’entre eux n’approche à ses perfections : il n’y a qu’un Bien-Aimé au monde, c’est ce premier qui n’a point de second, c’est le Phénix qui est unique en son espèce.
Car si vous considérez tout le reste des œuvres de Dieu, que d’étoiles vous verrez au ciel, que de plantes en la terre, que d’oiseaux en l’air, que de poissons dans les eaux, que d’animaux dans les forêts, que de milliers d’hommes, que de millions d’Anges ! combien de Patriarches, de Prophètes, de Martyrs, de Confesseurs, de Vierges ! Mais, en l’ordre de l’union hypostatique, il n’y a qu’un seul Jésus-Christ, unique au sein de sa Mère, et unique au sein de son Père, l’Ange du grand conseil, le Prophète singulier 8, le seul Maître 9, l’Apôtre par excellence 10, le Martyr sans parangon 11, l’Agneau sans pair 12, qui est le conducteur des Vierges.
1 Coloss. 1.
2 Epist. ad Suniam et Fretellam.
3 Psal. 137.
4 Lib. XII in Ezech., c. 14.
5 Serm. 13 in Cant.
6 Psal. 44.
7 Serm. 21 in Cant.
8 Deuter. 28.
9 Matth. 23.
10 Hebr. 3.
11 I Tim. 6.
12 Apoc. 14.
Second titre par lequel le Sauveur
est l’Aîné de toute créature
est l’Aîné de toute créature
[3] En second lieu, il s’appelle l’Aîné de toute créature, parce que Dieu les lui a toutes assujetties connue à l’Aîné de la maison, à qui proprement appartient l’héritage et le commandement sur ses frères. Il s’appelle le Commencement des voies et des œuvres de Dieu, parce qu’elles dépendent toutes de lui, et aboutissent toutes à lui, comme au point qui est ensemble le commencement et la fin du cercle. Saint Hilaire me fournit cette pensée sur la fin du douzième livre de la Trinité, où il dit que :
le Verbe incarné s’appelle à très juste raison le Commencement des voies de Dieu (c’est-à-dire la fin, car ainsi l’interprète ce grand Père) ; d’autant que tous les pas que Dieu a faits avant l’Incarnation s’adressaient singulièrement à lui : lorsqu’il vint à la rencontre d’Adam, lorsqu’il se présenta pour le mettre hors du Paradis, lorsqu’il fut reçu d’Abraham, lorsqu’il descendit pour contempler de près les crimes des cités pécheresses, lorsqu’il se fit voir à Moïse au milieu du buisson ardent, lorsqu’il donna la Loi sur le mont Sinaï, et ainsi consécutivement du reste ; parce que tous ces voyages ou actions de Dieu avaient quelque signification particulière dans le mystère caché du Verbe incarné.
Prenez garde, c’est la belle comparaison de Théodoret 6, que tous les sen- tiers se rendent enfin dans le chemin royal, et jugez de là qu’il en est ni plus ni moins de toutes les prophéties et des figures anciennes, qui se terminent toutes à Jésus-Christ.
C’est le sujet pour lequel il s’appelle l’Alpha et l’Oméga, dit Tertullien 7 ; c’est le motif, remarque Saint Jean Chrysostome 8, qui a fait dire à Saint Paul que Dieu a récapitulé et abrégé en lui toutes choses ; c’est la raison, dit Saint Cyprien 9, pourquoi Isaïe 10 l’appelle la parole abrégée que Dieu avait promis de faire au milieu de la terre. À votre avis, fût-ce pas à cette occasion qu’il s’écria sur le lit de la Croix : Tout est parachevé ? Justement comme s’il eût voulu dire : C’est fait de toutes les ombres passées et passagères ; le second Adam a été formé de la terre vierge, les articles de son mariage avec l’Église sont accordés, la mort de l’innocent Abel est conclue, Noé flotte maintenant sur les eaux du dé- luge, Abraham a déjà étendu les bras et haussé le glaive, Isaac est sur le bûcher, Jacob va passer le Jourdain, Joseph est vendu aux mécréants, le Serpent de Moïse est élevé, Samson est fait la risée de ses ennemis, Gédéon va rompre la fiole de son corps, Job est livré au pouvoir de Satan, Jonas est jeté dans la mer ; il ne reste plus que de mettre le sceau à ces prophéties, et le dernier trait à ces peintures par ma mort. Reçois, ma chère épouse, l’esprit que je vais rendre pour te donner la vie.
6 Lib. de Curandis Græcorum affectionibus.
7 Lib. de Monomagia.
8 Ephes. 1.
9 Lib. II contra Judæos, art. 3.
10 Cap. 10.
Troisième titre par lequel le Sauveur
est l’Aîné de toute créature
est l’Aîné de toute créature
[4] En troisième lieu, il est appelé l’Aîné de toute créature, d’autant qu’il les a toutes rétablies, leur rendant le lustre et l’honneur qu’elles avaient perdu, et qu’il a été fait chef et roi d’un peuple nouveau, qu’il s’est acquis au prix de son sang. Il s’appelle le Commencement des voies ou des œuvres de Dieu, d’autant qu’il les a remises en leur première splendeur, et même en meilleur état qu’elles n’étaient auparavant. C’est la raison pourquoi les Septante lisent : Le Seigneur m’a créé le Commencement de ses voies pour ses voies ; c’est-à-dire pour la réparation de ses œuvres, que le péché avait ruinées ; ainsi que l’expliquent Saint Cyrille, Patriarche d’Alexandrie 1, Saint Basile 2, Saint Ambroise 3, Saint Augustin 4, Saint Fulgence 5 et les autres. Saint Athanase a-t-il pas bonne grâce quand il dit que :
c’est ni plus ni moins que si les serviteurs d’un prince, ayant été faits prisonniers par leur faute, le propre fils de ce prince, envoyé par son père pour les tirer des mains de leurs ennemis, prenait par le chemin quelque habit d’esclave, et enquis de l’occasion d’un tel changement, répondait que son père l’a ainsi travesti pour son service, et pour le recouvrement de ses gens ?
Apercevez-vous pas déjà ce Père du siècle à venir, dont parle le Prophète Isaïe 6 ? Voyez-vous pas comme Zaram, avant que de sortir du ventre de sa mère 7, jette le bras dehors pour témoigner, dit Saint Augustin 8, que le Sauveur, quoique chef et réparateur des hommes, ne viendrait au monde qu’après une bonne partie de ses membres, qui ne lairraient pas pourtant de recevoir la vie et le mouvement de lui ?
Voyez-vous comme Jacob, après avoir emporté le droit d’aînesse sur son frère Ésaü, et après avoir souffert en Mésopotamie tout ce qu’un homme de sa condition peut souffrir, retourne en sa maison au milieu de deux bandes qu’il conduit ? C’est pour montrer, dit le même Saint Augustin 9, qu’il n’est pas seulement l’Aîné et le chef de ceux qui l’ont devancé, mais qu’il l’est encore des légions angéliques, afin qu’il n’y ait qu’un seul Roi et un seul Chef en ce grand Royaume de l’Univers. Reconnaissez-vous pas ce brave Éliacim, fils d’Elcias, promis chez Isaïe 10, que Dieu appelle son serviteur par excellence ; qu’il a revêtu de la sainte tunique ; à qui il a ceint le baudrier de guerre ; à qui il fait porter la clef de la maison de David sur ses épaules ; à qui il donne le pou- voir d’ouvrir sans que nul puisse fermer, et de fermer sans que nul puisse ouvrir ; qu’il comble d’honneur et de gloire, le chargeant comme le tronc d’un sacré trophée de toutes les dépouilles des ennemis qu’il a subjugués, ou comme un râtelier d’arsenal, des armes et des meubles de la maison Royale ? Contemplez-vous pas de loin le Victorieux de l’Apocalypse 11, couronné avant que de combattre, qui s’avance tant qu’il peut sur le coursier blanc de son humanité, pour dompter les rebelles, et pour remettre les siens en liberté ? Sus, que tous lui viennent au-devant ; que tous chantent avec David 12 : Au Victorieux, en faveur de ceux qui changeront de condition, et qui seront tirés de l’esclavage. Que tous entonnent avec Saint Grégoire de Nazianze 13 des cantiques de louanges au Roi de gloire, qui avec la pointe de son épée a conquis l’Empire de l’Univers, qui a recueilli en soi toutes choses, et qui les a toutes remises en leur rang, d’autant qu’il est le Roi de gloire, et qu’il est digne de tout honneur.
1 Locis cit.
2 Locis cit.
3 Lib. I de Fide, c. 7.
4 Lib. I de Trinit., c. 12.
5 Lib. adversus Objectiones Arianorum.
6 Cap. 9.
7 Gen. 38.
8 Lib. de Catechizandis rudibus.
9 Serm. 3 in Psal. 36.
10 Cap. 22.
11 Cap. 6.
12 Psal. 44.
13 Orat. de Ascensione Domini.
Lumen- Date d'inscription : 09/11/2021
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Re: LA TRIPLE COURONNE DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MÈRE DE DIEU par le R. P. François POIRÉ de la Compagnie de JESUS
§ 3. Le rapport de la Sainte Vierge
à Notre Seigneur Jésus-Christ, par où il apert
comme elle est l'Ainée des pures créatures
à Notre Seigneur Jésus-Christ, par où il apert
comme elle est l'Ainée des pures créatures
[1] Non, il n’appartient ni à la nature, ni à l’art, non pas même à la grâce, selon que pour l’ordinaire elle agit, de faire un chef-d’œuvre d’un premier coup ; il faut que les uns et les autres s’essaient en quelque ouvrage de moindre conséquence. Les arbres, avant que de porter des fruits qui sont leur chef-d’œuvre, passent leur apprentissage à faire des fleurs, à les épanouir et à les nouer. L’air, avant, que de former le cristal de roche, s’exerce à façonner la glace. La terre ne donne pas les diamants, les rubis et les saphirs, sans s’être auparavant étudiée à faire des diamants d’Alençon et des pierreries d’Allemagne. Le soleil fait l’aube avant le plein jour ; et devant qu’achever l’or, il se joue en mille essais de nature. L’orfèvre, avant que de rencontrer en une pièce de cabinet, la pourtrait, la moule, et la refait par diverses fois. Dieu même ne fit pas le monde tel qu’il est à la première rencontre ; il se contenta de jeter d’entrée une masse sans forme, que par après il perfectionna suivant l’idée qu’il en avait. Avant que de nous donner la loi de grâce, il cassa celle de Moïse, comme une pièce qui ne lui revenait pas. Ce qui me fait espérer que nul n’aura sujet de s’offenser si je dis que, pour faire le chef-d’œuvre qui ravira les esprits créés, aussi longuement qu’il y aura un Dieu et une éternité pour le contempler, qui n’est autre que notre Seigneur Jésus-Christ, après plusieurs et divers crayons et modèles de vieilles figures, il fit un premier coup de Maître, sur l’idée qu’il avait d’un Homme-Dieu, qui fut la Mère de ce même Dieu incarné, approchant de son dessein autant qu’une pure créature y peut arriver.
[2] Un gentil esprit de l’antiquité 6 a bien réussi à mon gré, lorsque, parlant de la fleur que nous appelons liseron ou campanelle, il dit que ce fut un coup d’essai de la nature, quand elle commença de faire le patron du Lis. En effet, si elle lui eût attaché les petits filaments ou boutons d’or qui naissent du milieu du Lis, et lui eût donné plus de fermeté et plus d’ouverture, elle la pouvait faire passer pour un Lis. Oserai-je dire, à l’imitation de ce docte écrivain, que la Sainte Vierge n’est autre chose qu’un coup d’essai de Dieu, lorsque avec la nature il commença de vouloir faire un Homme-Dieu ? Mais pourquoi ne l’oserais-je pas, puisqu’il y a tant de rapports de l’un à l’autre ? Je proteste devant le ciel et la terre que je ne prétends nullement me départir du respect que je dois à la Majesté du Verbe Incarné, et qu’en ce fait, comme en tout autre, je ne veux avoir autre sentiment que celui de l’Église Catholique. J’atteste sa bonté que mon dessein n’est pas d’abaisser sa Grandeur pour élever celle de sa Mère, en qui je ne reconnais nulle sorte de Divinité subsistante, et que, par conséquent, je vois abaissée au-dessous de lui jusques à l’infini. Je sais trop bien que jamais je ne serais regardé d’elle de bon œil, si j’entreprenais de la rehausser au désavantage du Roi de gloire, son très honoré Fils, auprès de qui elle-même se prend pour un petit atome, et pour l’image d’un néant. Mon dessein est seulement de montrer que, sauf en tout et partout la disproportion causée par la personne divine du Sauveur, et ce qui lui convient en- suite de cette union personnelle, qui met toujours une distance infinie entre lui et tout le reste, la très sacrée Vierge s’avoisine, autant qu’il est possible à une pure créature, de ses Grandeurs ; et qu’elle a été tirée sur lui comme sur un patron, et sur une seconde idée au dessin même que Dieu en fit de toute éternité. Je ne le saurais mieux faire voir qu’en présentant le parallèle de sa prédestination avec celle de son Fils, et montrant trait par trait comme le droit d’Aînesse qu’elle a sur toutes les créatures n’est autre qu’une participation et une imitation de celui de son Fils. Ce faisant, je crois sans doute relever la Majesté de Celui de qui est le premier Chef-d’œuvre ; je pense rendre service au Prince de qui elle est Mère, et au Saint-Esprit, de qui elle est Épouse ; et finalement, je me fais fort d’avoir de mon côté la voix de l’autorité de l’Église, qui sans difficulté fait honneur à la Vierge des paroles de Salomon, ci-dessus alléguées 7 pour la prédestination éternelle du Roi de gloire, son très cher Fils.
1 Serm. 3 in Psal. 36.
2 Cap. 22.
3 Cap. 6.
4 Psal. 44.
5 Orat. de Ascensione Domini.
6 Plin., lib. XXI, c. 6.
7 Dominus creavit me initium viarum suarum
Premier titre par lequel la Sainte Vierge
est l'Ainée des pures créatures
est l'Ainée des pures créatures
[3] Je dis donc qu’elle est l’Aînée des pures créatures, par les mêmes titres qui nous obligent à reconnaître le Sauveur pour l’Aîné de toute créature, proportionnément employés, et avec l’inégalité et la dépendance qui toujours est présupposée entre les deux. C’est-à-dire qu’elle porte ce titre, en premier lieu, pour ce qu’elle les passe toutes en dignité, en excellence et en perfection. Saint Bernard, son cher nourrisson, après avoir considéré le Fils, ainsi que peu auparavant je disais, se met à contempler la Mère, et à lui dire, tout transporté qu’il est de joie et de contentement :
Sainte Dame, vous êtes choisie comme le Soleil. Je ne parle pas du Soleil matériel qui nous éclaire, mais de Celui qui l’a fait et créé. Il est choisi entre les milliers d’hommes, et vous entre les milliers de femmes. Il est choisi parmi tout ce qui est créé, et vous parmi tout ce qu’il a créé.
C’est ce qui a fait dire à Saint Bonaventure 2 que :
quand tous les Saints viendraient à croître, autant qu’il est possible, chacun en son rang et en son ordre, jamais ils n’égaleraient les perfections de la MÈRE DE DIEU.
La raison est d’autant que la sainteté, les grâces et les grandeurs ont tellement été partagées entre les Saints, qu’un chacun d’eux en a emporté sa part, qui plus qui moins. Mais pour le regard du sort de la Vierge, c’est un fait à part, car elle ne partage avec personne ; mais elle entre avec son Fils, et moyennant son Fils, dans la plénitude de la sainteté, des grâces et des grandeurs de Dieu. C’est ce qui me donne ouverture pour entendre un grand mot de Saint Augustin 3, qui, avec une emphase admirable, l’appelle l’Ouvrage d’un dessein éternel ; voulant dire, à mon avis, que si Dieu eût eu besoin de temps comme nous, pour former en son esprit l’idée d’une créature si noble et si parfaite, il ne lui fallait pas moins d’une éternité.
2 In I, dist. 44.
3 Serm. de Annuntiat.
Second titre par lequel la Sainte Vierge
est l'Ainée des pures créatures
est l'Ainée des pures créatures
[4] Secondement, elle peut être appelée l’Aînée des pures créatures, parce qu’avec son Fils elle en est comme le centre, et qu’elles la regardent toutes comme leur but et leur blanc. Oïez le bienheureux Archevêque de Crête 1, et remarquez comme les grands Saints parlent de cette Dame.
Je ne la considère point autrement, dit-il, que comme la déclaration des abîmes de l’incompréhensibilité divine, et comme le but que Dieu s’est proposé avant tous les siècles.
Il veut dire que Dieu étant un golfe et un abîme de Grandeurs tout à fait incompréhensible à notre entendement grossier, il a fait une créa- ture en qui nous pussions contempler toutes ses perfections, mieux proportionnées à notre faiblesse. Et, à cette occasion, dès le commencement il l’a eue devant les yeux, conjointement avec son Fils incarné, comme la fin et le but de ses œuvres, et l’accomplissement des prophéties et des figures anciennes.
Ne m’en croyez pas, ajoute Saint Bernard 2, croyez aux Saintes Écritures ; prenez la peine de les feuilleter, et voyez s’il n’est pas vrai que, tout ainsi qu’elles parlent de Marie dès le commencement jusqu’à la fin, de même elles ont été couchées pour la faire connaître.
Par effet, quiconque voudra se donner le contentement de suivre le conseil de ce grand Saint, et de faire le tour des Saintes Lettres, il trouvera que si le nouveau et céleste Adam est formé, c’est de la terre vierge, qui n’est autre que Marie ; s’il est logé dans le Paradis terrestre, que ce Paradis est la même Vierge ; que l’Épouse qui lui est donnée, c’est Ma- rie, qui porte à juste titre le nom de Mère des vivants, dont l’ancienne Ève avait abusé se faisant la mère des mourants ; si le juste Noé est emporté des vagues et des flots impétueux des souffrances, que c’est avec l’Arche, c’est-à-dire avec sa bienheureuse Mère, qui lui tient fidèle compagnie ; si l’innocent Isaac porte le bois du sacrifice et va courageusement à la mort, que Sara sa bonne mère consent à toutes les volontés de Dieu ; si Jacob passe le Jourdain, que sa belle Rachel n’est pas loin. Bref, il faut conclure, avec le Bienheureux André de Jérusalem 3, qu’elle est le Tabernacle mystérieux dont le dessin a été donné de Dieu, où les anciennes prophéties ont été accomplies, et les caractères figuratifs jetés au feu à l’arrivée de la Vérité ; qu’elle est le vrai Propitiatoire que les deux Chérubins, marques des deux Testaments, regardent sans jamais détourner leur vue ; qu’elle est l’attente de tous les siècles passés, le souhait des nations, le désir des collines éternelles, l’exécution des promesses faites aux Patriarches, et l’accomplissement des desseins immuables de Dieu.
1 S. Andræas Cretensis, Orat. 1 de Dormit. B. Virg.
2 Serm. 1 in Salve.
3 Orat. 1 de Dormit. B. Virg.
Troisième titre par lequel la Sainte Vierge
est l'Ainée des pures créatures
est l'Ainée des pures créatures
[5] Tiercement, elle, est l’Aînée des pures créatures par le droit de sa prédestination éternelle, d’autant que dès lors Dieu l’a regardée comme la Réparatrice de toutes avec son Fils, et par conséquent comme la gloire et l’honneur de toutes. C’est en ce sens qu’elle peut dire avec lui que Dieu l’a créée le Commencement de ses voies pour ses voies. C’est en ce sens qu’elle peut dire qu’elle a été préparée dès l’éternité 1, ou, selon le texte originaire, qu’elle a été arborée 2 sur le donjon de ce monde comme un étendard qui marque la victoire remportée sur Sa- tan et la citadelle regagnée sur l’ennemi. Si Saint Jean Damascène et Saint Anselme sont ouïs, ils nous raconteront, brièvement comme le tout s’est passé, attendant qu’il s’en dise davantage.
Dieu avait fait l’homme, dit Saint Jean Damascène 3, comme métif entre les créatures purement intellectuelles et celles qui sont tout à fait matérielles, à ce qu’il fût comme le nœud et le lieu de la bonne intelligence qui se devait rencontrer entre elles. Lui, au contraire, par sa faute, les avait mises en un très mauvais ménage et en un désordre lamentable ; désordre qui à la fin fut rhabillé par l’entremise de la Bienheureuse Vierge, au ventre de laquelle elles furent toutes deux assemblées par Celui qui au commencement les avait faites, et là furent vidés leurs différends, et le traité de paix accordé et signé de part et d’autre.
Saint Anselme a déguisé le même narré en ces beaux termes 4 :
Les créatures qui sont au-dessous de l’homme, dit-il, ne lui doivent obéissance, sinon en tant qu’il garde la soumission et la subordination qu’il doit à Dieu. Car à mesure qu’il s’échappe et qu’il rompt ses liens, elles se dé- bandent aussi, et ne le veulent plus reconnaître. En cette manière, le péché du premier homme avait été suivi d’une rébellion et d’un soulèvement général de toutes les créatures, résolues de secouer le joug du respect qu’elles lui devaient, et de se révolter contre lui. Déjà le Soleil, indigné de servir à un rebelle, faisait dessein de retirer sa lumière, les astres leurs influences, et le feu sa chaleur ; l’air pensait à l’étouffer plutôt qu’à le rafraîchir, et ainsi de toutes les autres pièces de l’univers qui tendaient à une mutinerie générale, si l’Auteur de la nature avec sa Sainte Mère n’eussent fait le holà, et par ce moyen n’eussent rétabli l’homme en ses états et en ses honneurs.
Le même Saint Anselme le raconte encore d’une troisième façon, et la voici 5 :
Dieu, dès le commencement, ayant aimé l’homme, avait aussi désiré d’être aimé et reconnu de lui. La raison le voulait ainsi, considéré nommément que de là dépendait tout le bien et le bonheur de l’homme. Or, afin qu’il fût doucement attiré à la connaissance et à l’amour de son souverain bien, qui ne se voulait pas encore montrer à lui à visage découvert, il avait devant soi une infinité de créatures qui lui devaient toutes servir de miroirs et d’échelles, pour découvrir les perfections de son bienfaiteur et pour se porter à l’aimer. Cet infortuné, tout au rebours dépourvu de sens et de con- duite, au lieu de passer son chemin et de monter à son Créateur, s’arrêta autour des créatures, établissant en elles son contentement et sa félicité ; et par ce moyen se ravalant d’une étrange façon, et ensemble les dégradant de leur noblesse, qui consistait en ce que, comme images et représentations de leur Auteur, elles le conduisissent et l’acheminassent droit à lui. Ainsi tout était en désordre et en confusion, jusqu’à ce que la Sainte Vierge paraissant comme un Astre favorable, l’homme, qui s’était si honteusement égaré, fut remis au chemin de la connaissance et de l’amour de Dieu ; et par même moyen les créatures, qu’il avait avilies et déshonorées, furent rappelées à leurs premières charges et rétablies en leur ancienne splendeur. Qui niera désormais qu’elles ne lui doivent hommage et qu’elles ne soient obligées de la reconnaître pour leur Aînée, puisque par elle le bonheur leur en a voulu d’être remises en leur premier état, et de recevoir par ce moyen une nouvelle naissance ?
[6] J’aperçois bien que ces considérations mériteraient d’être plus amplement déclarées ; néanmoins je me dispense d’autant plus aisément de le faire en ce lieu, qu’elles en doivent toutes rencontrer quelque autre plus commode à la suite de ces discours. Car, pour ce qui est des Excellences et des Grandeurs de la Sainte Vierge, qui font le premier titre de son droit d’Aînesse, les trois premiers Traités ne contiendront autre sujet. Au second titre, qui l’a représentée comme le centre et le but des œuvres de Dieu, outre diverses occasions que nous rencontrons çà et là, j’emploierai tout le chapitre suivant. Quant au troisième, qui la fait voir en qualité de Réparatrice des œuvres de Dieu, je lui garde sa place entière au Traité second 6 ; et, moyennant ce, je me dispose à passer outre.
1 Prov. 8.
2 Ab æterno vexillata sum.
3 Orat. 1 de Nativit. B. Virg.
4 De Excellentia Virg., c. 10.
5 Cap. 12.
6 Cap. 6.
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