Le mondialisme disséqué
Page 1 sur 1
Le mondialisme disséqué
Le mondialisme disséqué
J’entame ici un cycle d’articles qui se propose d’analyser le mondialisme sous son angle spirituel, philosophique, culturel et historique. Ces articles ne prétendent à aucune exhaustivité, ils ont pour modeste ambition de brosser à grands traits les axes principaux du mondialisme. Il s’agit donc de tirer une sorte de portrait robot de cette idéologie pour en comprendre la cohérence d’ensemble et identifier l’étendue de son infiltration dans notre monde culturel, politique et social.
Prologue
Comme le disait Jacques Maritain, rien ne surgit dans l’horizon des hommes qui ne fût auparavant conçu dans son esprit(1). L’homme étant cet être qui a la raison pour motif de son action, il faut requérir son adhésion intellectuelle pour le faire agir et a fortiori participer à un projet politique. C’est pourquoi la politique est toujours articulée à une vision du monde, une conception de l’homme et de sa destinée qui renvoie infailliblement à un positionnement métaphysique, religieux ou les deux sur les questions ultimes : la matière est-elle souveraine, Dieu existe-t-il, une force impersonnelle gouverne-t-elle le monde ????
La grande gageure des modernes est de croire que l’on peut faire de la politique sans promouvoir une métaphysique( ou une religion) qui prend parti sur ces questions(2). Le monde moderne vit dans l’illusion que ces questions ont été expurgées de la scène politique, reléguées dans le sanctuaire de la vie privée. Comme un enfant qui en fermant les yeux croit avoir fait disparaître l’objet de sa peur, le moderne se masque délibérément la vue et prend son aveuglement pour le témoignage le plus authentique de son goût pour la vérité.
Mais il ne suffit pas de décréter que toute les religions ou métaphysiques sont écartées de la sphère publique pour qu’elles le soient dans le réel. Le baron de Münchhausen a peut-être la faculté de s’affranchir de l’attraction terrestre en se tirant par les cheveux, mais uniquement dans notre imaginaire Ainsi, ce n’est que dans un monde imaginaire qu’une théorie politique comme celle qui gouverne nos régimes (laïcisme démocratique libéral) peut décréter que la question de l’absolu n’est pas au fondement du lien politique et social et qu’elle est purement privée. Car cette théorie est belle et bien traversée de part en part par une représentation de l’absolu. Cette théorie prend en effet le parti que l’absolu n’est pas doué d’une volonté exigeant de l’homme qu’il se réfère à elle dans l’organisation de la cité. Position purement pragmatique pour éviter que chaque chapelle ne s’écharpe, rétorqueront les partisans de cette théorie laïciste. On peut le concéder sur un plan purement pragmatique. Mais il n’en reste pas moins que le constat demeure : l’univers des hommes s’organise autour d’une conception de l’homme, d’une métaphysique,( voire d’une religion ?) qui jamais ne se présente comme telle, qui jamais n’est avouée. Le laïcisme est donc, dans les faits, rigoureusement le contraire de ce qu’il prétend être.
Ce premier moment me semblait important avant d’entamer l’étude des ressorts spirituels du mondialisme, car il est le premier des mensonges du mondialisme que l’on peut démasquer. Il est fondateur, tous les autres mensonges du mondialisme sont structurés de la même manière pour leur permettre de s'emboiter les uns dans les autres comme des poupées russes.
Sur la lancée de notre prologue, abordons maintenant la dimension spirituelle du mondialisme.
Rappelons cependant, en préalable, qu’il faut opérer une distinction claire entre mondialisation et mondialisme. La première, par le suffixe « -ation », désigne une action, le fait que le progrès technique d’une part concourt à réduire les distances spatiales entre les hommes et d’autre part favorise une intégration « des marchés de capitaux et de service associée »(1). Le second par le suffixe « -isme » marque une construction intellectuelle.
Le mondialisme est ainsi un système de pensée promouvant le caractère mondial des choses. Si la mondialisation relève essentiellement du progrès technique mettant plus aisément les hommes en lien les uns avec les autres, le fait que les nations se dessaisissent de pans entier de leur souveraineté relève d’un choix idéologique destinant l’humanité à ne former qu’une seule entité politique. Cette idéologie dispose de deux jambes pour progresser irréversiblement dans sa marche : une jambes gauche et une jambe droite. La première a été durant le XXe siècle la plus active au travers de l’internationalisme marxiste, la seconde a pris le relais durant les années 70 au travers du néolibéralisme, obtenant au travers de plusieurs institutions ( FMI, banque mondiale, OMC, UE) la mise sous la coupe des peuples et la déconstruction des souveraineté nationales(2).
Le mondialisme constitue donc un projet politique d’unification du monde tirant prétexte du progrès technique et d’une prétendue globalisation des problèmes pour obtenir la dissolution des souverainetés nationales. Idéologiquement il se présente sous des atours très avantageux : il serait l’aboutissement de la prise de conscience de l’humanité de son unité, l’épanouissement d’une humanité régie par le respect des droits de l’homme, le refus que les repères identitaires des peuples, religieux et culturels, continuent à morceler l’humanité. Le mondialisme a donc comme articulation première le laïcisme ( la relégation des questions religieuses et métaphysiques dans la sphère privée) que nous avons évoqué dans notre prologue et identifié comme un concept sans aucune cohérence interne. Puisque sous couvert d’une prétendue neutralité il prend bel et bien parti pour une certaine représentation de l’absolue, celle qui affranchit la cité d’avoir à s’ajuster à un ordre cosmique préétabli. L’orientation de fond de la société et la politique mise en œuvre se trouvent en effet radicalement changées si l’absolu est conçu comme appelant l’homme à une certaine réalisation( cas du meilleure de la tradition hellénique et romaine) ou si l’homme ne s’ébat que sur un fond d'indifférence.
Par le laïcisme qui lui est inhérent, le mondialisme est donc parfaitement homogène à une certaine métaphysique. La question à creuser consiste à savoir si le mondialisme, en plus d’être la mise en œuvre d’un parti pris métaphysique, ne puise pas dans une certaine religion l’essentiel de ses thèmes, l’essentiel de son dynamisme. Lui qui prétend ne privilégier aucune tradition, aucune religion serait-il la projection d’une tradition religieuse ?
Pour y répondre il suffit de consulter quelques uns des plus éminents représentants du monde intellectuel juif. Schmouel explique ainsi « entre ce monde-ci et l’époque messianique, il n’y a d’autre différence que la fin du joug des nations, de la violence et de l’oppression politique »(cité par Lévinas). Le prophétisme juif aux yeux du judaïsme talmudique a donc pour horizon une humanité sans frontière dont l’unification se fait en parallèle avec la suppression des inégalités sociales. Dans difficile liberté, Lévinas explique que « l’idée même d’une humanité fraternelle unie dans le même destin, est une révélation mosaïque. »(Lévinas, difficile liberté).La suppression des frontières est donc un des jalons du programme « nos vieux textes enseignent l’universalisme épuré de tout particularisme du terroir, de toute souvenance végétale, la solidarité humaine d’une nation unie par les idées ».(Lévinas) Scholem ratifie cette idée de réalisation progressive « l’apparition de la lumière messianique qui doit briller sur le monde ne devait pas arriver subitement, comme le pensent les rêveurs et les visionnaires, mais progressivement. »( le messianisme juif) Scholem cite la Kabbale « car la guérison ne vient pas pour un malade en un instant mais lentement pour qu’il se fortifie peu à peu »Les peuples étrangers ( Esaü et Edom) auront une destinée inverse : ayant reçu leur lumière d’un seul coup, ils la perdront lentement pour permettre à Israël de se fortifier et des les vaincre. Et, lorsque l’esprit d’impureté sera exclu du monde et que la lumière du tout-puissant éclairera Israël sans écran ni obstacle, toutes les choses retrouveront leur état parfait et redeviendront sans défaut comme elles étaient dans le paradis avant le péché d’Adam »( le messianisme juif) Israël a pour vocation de vaincre les nations.
Jospeh Kaplan expose les mêmes idées un peu différemment « d’après la belle image d’un de nos plus célèbres théologiens du moyen âge, Juda Halevi, la communauté juive est, de part la volonté de Dieu, la graine qui fait germer l’humanité future…ainsi, les idées du judaïsme, fortes de la puissance de la vérité et indestructibles par la violence, se répandent dans le monde pour devenir l’aliment spirituel des peuples civilisés. » ( Kaplan, le vrai visage du talmudisme)
Dans la Kabbale d’ARI qui se développe au XVIe, nous retrouvons tous les thèmes des penseurs mondialistes de notre siècle « les kabbalistes doivent libérer les étincelles, et, dans ce but, qui fait partie intégrante du processus messianique, il leur faut détruire les écorces qui les retiennent captives, ou encore les faire éclater, or, comme ces écorces sont identifiées aux nations du monde, écrit Mosh Idel, cela signifie que les pays extérieurs à la terre d’Israël n’ont de valeur en soi et qu’il convient de les dominer. Selon cette conception donc, la terre d’Israël est le centre du monde. »( Moshe Idel, messianisme et mytsique). Dans le grand livre de Rosenzweig, l’étoile de la rédemption, on retrouve la même eschatologie. Il revient au peuple d’Israël de « préparer le monde de la réparation », « la gloire de Dieu est disséminée dans l’univers entier en d’innombrables étincelles : l’homme juif la rassemblera de sa dispersion et un jour il la ramènera à Celui qui s’est dépouillé de sa gloire. Chacun de ses actes, chaque accomplissement d’une loi réalisent une partie de cette unification. Confesser l’unité de Dieu : le juif dit « unifier Dieu »( Rosenzweig, l’étoile de la rédemption)
En 1883 dans l’hebdomadaire juif the jewish world on pouvait lire le texte suivant qui résume les points évoqués par les grands penseurs que j’ai cités « la dispersion des juifs a fait d’eux un peuple cosmopolite. Ils sont le seul peuple vraiment cosmopolite et, en cette qualité, ils doivent agir et ils agissent comme un dissolvant de toute distinction de race ou de nationalité. Le grand idéal du judaïsme n’est pas que les juifs se rassemblent un jour dans quelque coin de la terre pour des buts séparatistes, mais que le monde entier soit imbu de l’enseignement juif et que, dans une fraternité universelle des nations, toutes les races et religions séparées disparaissent. »
Cette petite synthèse de l’eschatologie talmudique permet donc d’établir sans le moindre doute que le mondialisme partage le même horizon. La nation étant le creuset politique dans lequel les occidentaux ont porté jusqu’à l’excellence leur génie respectif, il n’y a en effet aucune raison objective qui puisse les contraindre à les déconstruire, si ce n’est l’espérance de l’accession à un bien supérieur. Or seule une croyance peut susciter une telle espérance.
Le mondialisme a donc comme principal ressort le corpus eschatologique talmudique qui est programmatif : parvenir à l’unification du monde par la dissolution des nations.
Force est de constater qu’un nouveau mensonge vient s’emboiter au premier que nous avons identifié. Non content de favoriser la descente dans nos institutions d’une métaphysique, le mondialisme se met donc entièrement à la remorque d’une eschatologie religieuse ( en soi parfaitement respectueuse) bien précise.
1) Pierre de Senarclens, La mondialisation, Théorie, enjeux et débats
« cette évolution est liée au progrès technologique affectant les secteurs de l’information et de la communication ( on pourrait ajouter des transports). Elle implique une croissance rapide et importante des interactions économiques politique et sociales à l’échelle planétaire ». Régis Bénichy, histoire de la mondialisation
(2) « la mondialisation n’a cessé d’être associée à l’érosion de la souveraineté étatique. Plus largement à l’émergence de réseaux et de mouvents transnationaux affectant les capacités de régulation de l’Etat et la signification des frontières nationales.(…) par rapport à l’ancrage territorial de l’état nation le terme de mondialisation évoque en effet l’image de rivières en crue qui sapent les contrôles aux frontières et risquent de provoquer l’effondrement de l’édifice national. De là la mondialisation accroît l’imbrication entre la sphère interne des états et le domaine des relations internationales. En réalité les nations perdent peu à peu leurs prérogatives et leur souveraineté dans le secret des cabinets des organisations suprnationales de Genève Bruxelles ou de New York et dans la jungle des réglementations internationales. »( Pierre senarclens, La mondialisation, Théorie, enjeux et débats)
Partie 2
J’ai développé, dans un précédent article, que le mondialisme tirait en partie son dynamisme du talmudisme : celui-ci ayant pour horizon messianique (entièrement confondu avec la politique) la suppression des frontières et l’unification du monde sous sa férule. Mais il est une autre tradition spirituelle qui insuffle sa vigueur au projet mondialiste, c’est la tradition hermético-gnostique. En recouvrant ses thèmes principaux d’un verni chrétien, elle s’est souvent présentée, pour mieux le subvertir, comme la vérité cachée du message du Christ. L’infiltration est donc sa principale stratégie de déploiement. Au XIIIe siècle elle a notamment retroussé de l’intérieur l’ordre des templiers, mais elle fut démasquée et l’ordre démantelé dans toute l’Europe. Après une période de latence, elle a repris du poil de la bête à la faveur de la Renaissance. Les différents courants ésotériques de la renaissance ( alchimie, magie, astrologie) s’articulèrent alors progressivement pour donner naissance à un corps de doctrine unifié sous le patronage des rose-croix. Celui-ci investit ensuite la société de métier « des maçons » pour disposer d’un paravent honorable et agir à l’abri du secret régissant les relations entre initiés.
les axes majeurs du gnosticisme
Mais quels sont exactement les axes majeurs de la tradition hermético-gnostique ? Dans son maître livre De la Cabale au Progressisme, Julio Meinvielle écrit « Le noyau essentiel de vérités qui vient de Dieu tourne autour du mystère immuable de l'Unité et Trinité de Dieu; mystère d'où provient par création l'Univers et qui doit constituer l'objet de la vision des élus. Voilà pourquoi la doctrine catholique a pour principe et fondement l'immuable et la métahistoire. Ce principe gouverne l'histoire et le temps. » Pour la tradition hermético-gnostique « le changement ne se trouverait pas dans la créature mais dans le Créateur. Dieu se ferait avec l'univers et avec l'homme. Dieu ne serait pas l'Esse Subsistens (l'Être subsistant), dans la contemplation duquel les élus doivent trouver leur béatitude pour l'éternité, il serait une incessante production, un devenir, une praxis, que la créature doit s'appliquer à fabriquer (...).
Le deuxième mystère de la tradition catholique est celui de l'Incarnation, selon lequel le Logos, ou Deuxième Personne de la Très Sainte-Trinité, se communique comme un don à l'homme afin que celui-ci à son tour puisse s'élever jusqu'au Créateur. » En régime gnostique « la créature humaine a l'insolence de s'élever jusqu'à Dieu et, par son propre effort, d'obtenir la divinisation. Ce n'est pas Dieu qui sauve l'homme en Jésus-Christ, mais l'homme qui complète et termine Dieu»
Il y a donc un monisme de la substance, car l’homme est considéré comme le perfectionnement suprême de la divinité. Il y a un continuum entre Dieu, le monde et l’homme. Mais à ce monisme s’ajoute un dualisme qui relègue la matière dans la catégorie du mal(*)
La tradition hermético-gnostique est donc une sous-espèce du panthéisme, l’ennemi irréductible du christianisme, qui promet, dès l’origine du monde, à Adam et Eve d’être divinisés en dehors de la grâce de Dieu. Pie IX ne s’y est pas trompé en dénonçant le panthéisme dans le premier article du syllabus(**). La maçonnerie est donc l’œuvre des forces hermético-gnostiques soucieuses de pouvoir avancer masquées.
Influence et projet des rose-croix
Les rose-croix qui transformèrent de l’intérieur la maçonnerie opérative ( confrérie rassemblant les maçons de métier ) en maçonnerie spéculative commencèrent à sortir de l’ombre au XVIIe en publiant des manifestes qui révèlent l’existence d’une société secrète consacrée à la recherche des mystères de la nature et du sens hermétique du christianisme, rejetant la tradition catholique et la philosophie d’Aristote. Roland Edihoffer ( universitaire ésotérisant contemporain) écrit « c’est précisément une gnose, c'est-à-dire une appréhension suprarationnelle du réel, transcendant le dualisme du sujet et de l’objet pour devenir une connaissance de l’harmonie entre l’homme et l’univers, entre le microcosme et le macrocosme, que proposaient les premiers écris rosicruciens authentiques, la Fama Fraternitatis, la Confession fraternitatis et les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz. Tout lecteur de ces écrits peut effectivement constater l’importance considérable que la gnose rosicrucienne confère à l’homme, ainsi qu’à la nécessité de sa métanoia »( les rose-croix et la crise de la conscience européenne au 17e)
Jean Vaquié précise « Historiquement, la rose-croix a été choisie comme pavillon par une société de pensée(…) dont le dynamisme est dirigé tout entier vers la réformation universelle, c'est-à-dire dans le sens di renversement des institutions historiques chrétiennes et dans le sens de leur remplacement par autre chose. Autre chose qu’il s’agit précisément d’élaborer. Le pavillon rosicrucien est chrétien dans ses apparences, mais la marchandise qu’il couvre ne l’est pas » (Les manifestes rosicruciens.)
Les rose-croix étaient donc animés du projet de refonte globale de l’univers : la transformation de l’ordre social chrétien par le bouleversement des institutions civiles et religieuses. On le comprend en suivant les manœuvres et intrigues des principaux rose-croix, ou inspirateurs des rose-croix, comme John Dee(***), Jean-Amos Komensky, dit Coemnius, Robert Fludd. Coeminus développa notamment explicitement un projet de monarchie universelle ( gouvernement mondial) et de religion universelle. Or ce qui est très intéressant c’est que le mouvement rose-croix obtint le soutien du gouvernement britannique, celui-ci recrutant des agents secrets dans ses rangs mêmes. John Dee fut ainsi agent du réseau d’espionnage mit en place comme une machine de guerre contre le catholicisme. C’est Sir Francis Walsingham, chef du puissant réseau de services secrets britanniques, violent anti-catholique, qui engagea Dee et l’aida à propager ses pensées en Allemagne.
Le projet de république ou de monarchie universelle s’adossant à une religion de substitution au catholicisme se propagea jusqu’en France. Le rose-croix Barnaud ami intime de Sully, le ministre protestant de HENRI IV, le gagna à ses vues au point que son projet de république universelle obtint un début d’exécution sous Henri IV, avant que le poignard de Ravaillac y mette un terme. Il s’agissait essentiellement de s’allier aux princes protestants pour mettre en pièce l’hégémonie des Habsbourg et ensuite de reconfigurer l’Europe pour permette la naissance d’une sorte de société des nations avant la lettre. C’est ainsi que « Henri IV pousse les Réformés, le 4 mai 1608, à reconstituer une ligue. Ce sera l’Union évangélique, conclue pour dix ans le 29 janvier 1610 ; y participent l’électeur palatin, les margraves d’Anspach et de Bade- Durlach, le comte palatin de Neubourg, le duc de Würtemberg, le landgrave de Hesse Maurice, les villes de Strasbourg, d’Ulm et de Nuremberg. »(Jean Lombard, La Face cachée de l’histoire moderne)
Olivier Cromwell reprit ensuite à son compte le projet de république universelle. C’est ainsi qu’après avoir ravi Dunkerque aux Espagnols David Hume écrivit que Cromwell « était dans la résolution de concerter de nvelles mesures, avec la cour de France, pour la conquête et le partage des Pays-bas. S’il eût vécu plus longtemps, et maintenu son autorité en Angleterre, on ne doute point qu’un projet si chimérique, où plutôt si pernicieux, n’eut été mis en exécution ; et ce premier pas vers la monarchie universelle(…) eut été alors facilement accompli par la politique entreprenante, quoique mal entendue, du protecteur d’Angleterre. » ( David Hume, et ses continuateurs, Histoire d’Angéeterre depuis l’invasion de Jules César). L’historien anti-catholique Villemain confirme « Il(Cromwell) projetait de séparer en quatre départements la surveillance de ce conseil, dirigé tout entier vers la politique extérieure. L’un de ces départements se composait de la France, de la Suisse et de ces vallées du Piémont, où Cromwell avait déjà porté son intervention tutélaire. Le palatinat et les pays calvinistes auraient formé la seconde division ; la troisième devait embrasser l’Allemagne et le Nord. Les colonies des deux Indes formaient une dernière attribution. Ce conseil aurait entretenu des correspondances dans toutes les parties du monde ; et les progrès, les périls, les besoins des sectes protestantes partout répandues, auraient incessamment attiré son attenion et ses secours. Cromwell destinait à cette institution un revenu considérable… »( Villemain, Histoire de Cromwell, d’après les mémoires du temps et les recueils parlementaires)
Lorsque la Maçonnerie spéculative se constituera par l’absorption de la maçonnerie opérative par les hermético-gnostiques rosicruciens, ce sera pour porter plus loin ce double projet d’unification politique et spirituelle du monde : les constitutions d’Anderson prônant une religion universelle, la filiation avec les rose-croix saute aux yeux.. Christian Lagrave dans son opuscule les origines du nouvel ordre mondial ( auquel je me suis beaucoup inspiré dans cet article) retrace le fil suivant :
« Sachant que la plupart des entreprises de subversion qui se sont attaquées à la chrétienté avaient une origine gnostico-cabalistique, on peut essayer de reconstituer le scénario suivant : après l’échec de la tentative de subversion néomanichéenne, qui avait failli submerger l’Occident au 12e siècle avec les cathares, il a subsisté un noyau de gnostiques qui, appuyés par des talmudistes, ont appliqué une tactique nouvelle qui, curieusement, rappelle la tactique de Lénine : d’abord (1ère étape) s’assurer en Europe une base territoriale où ils seraient à l’abri du pouvoir pontifical et de ses organes de répression – ce fut le rôle de la Réforme protestante qui réussit à détacher de Rome une partie de l’Allemagne puis l’Angleterre et la Scandinavie (le rôle de Luther serait à approfondir dans cette perspective) – ; ensuite (2e étape), dans un des territoires ainsi « libérés », établir un noyau dirigeant qui puisse fonctionner clandestinement sous une couverture officielle et légale, qui puisse ssurer sa propre pérennité malgré les aléas possibles de l’histoire (...), qui puisse enfin disposer des moyens financiers, diplomatiques et militaires que donne le contrôle d’un État souverain dont on assurera désormais la sécurité, l’expansion et la puissance, tout en utilisant clandestinement tout cela dans un but de subversion mondiale.
(...)C’est ce qu’a fait le parti communiste de l’URSS pendant trois quarts de siècle. Mais les communistes ne faisaient peut-être que reprendre une méthode mise au point et appliquée constamment, depuis John Dee et ses émules, par l’Intelligence Service. Or, pour réussir ailleurs que dans un seul pays, il fallait créer uneContre-Église internationale qui s’implanterait partout et qui réussirait à changer les mentalités des chrétiens. Pour cela, de même que Lénine et Trotski créeront en 1919 des partis communistes dans le monde entier par le Komintern, les rose-croix anglais vont bâtir la franc-maçonnerie. C’est ce qui explique que, depuis le 17e siècle, la Grande-Bretagne est le carrefour de toutes les subversions. »
(*)«Dans le gnosticisme chrétien, comme dans la Cabale, il y a un monisme ontologique fondamental Toute substance matérielle et spirituelle, bonne et mauvaise, émane d'un unique principe, l'Ensof de la Cabale, le Plérome des gnostiques. Cela doit être considéré comme la caractéristique véritable et fondamentale du gnosticisme chrétien, de sorte qu'il y a une continuité de substance en Dieu et dans la créature et dans le monde matériel et mauvais (...). Cependant, ce monisme ontologique fondamental s'accompagne dans la Cabale et dans le gnosticisme chrétien, d'un dualisme également ontologique, en ce sens que les deux systèmes considèrent
comme mauvais la matière et les êtres matériels. Cette considération de la malignité de la matière peut dériver de la constitution, au commencement des êtres, de deux principes radicaux, l'un bon et l'autre mauvais, comme dans la conception iranienne et manichéenne, ou encore d'un principe unique, comme dans la Cabale, en qui serait renfermé le règne du bien et du mal» (Julio Meinvielle, op cit)
(**)«1. Il n'existe aucun être divin suprême, très sage et très provident, distinct de l'universalité des choses; Dieu est identique à la nature et, par conséquent, sujet au changement. Dieu devient réellement dans l'homme et dans le monde; toutes les choses sont Dieu et la plus intime substance de Dieu; Dieu est avec le monde une seule et même chose, comme le sont, dès lors, l'esprit et la matière, la nécessité et la liberté, le vrai et le faux, le bien et le mal, le juste et l'injuste».(Syllabus, Pie IX)
(***)« le second manifeste rosicrucien, la Confessio de 1615, a été publié avec un tract en latin intitulé Une brève Considération d’une philosophie secrète. Cette Brève considération, basée sur la Monas Hieroglyphica de Dee, est en grande partie une citation mot à mot de la Monas. Cet exposé est indissolublement associé à la Confessio et la Confessio est indissolublement liée au premier manifeste, la Fama de 1614, dont elle reprend les termes. Il est donc évident que la « philosophie plus secrète » cachée derrière les Manifeste est celle de John Dee telle qu’il l’a résumée dans la Monas hieroglyphica(…). On peut donc indubitablement considérer que le mouvement qui sous-tend les trois publications rosicruciennes est, en dernière analyse, issu de John Dee. L’influence de Dee doit avoir pénétré en Allemagne à travers les contacts de l’électeur palatin avec l’Angleterre et a dû s’étendre jusqu’en Bohême ou Dee avait précédemment accompli une mission. »(Frances Yates, la lumière des rose-croix, auteur anti-catholique )
prochain article du cycle: les ressorts philosophiques du mondialisme
Julien Gunzinger
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
J’entame ici un cycle d’articles qui se propose d’analyser le mondialisme sous son angle spirituel, philosophique, culturel et historique. Ces articles ne prétendent à aucune exhaustivité, ils ont pour modeste ambition de brosser à grands traits les axes principaux du mondialisme. Il s’agit donc de tirer une sorte de portrait robot de cette idéologie pour en comprendre la cohérence d’ensemble et identifier l’étendue de son infiltration dans notre monde culturel, politique et social.
Prologue
Comme le disait Jacques Maritain, rien ne surgit dans l’horizon des hommes qui ne fût auparavant conçu dans son esprit(1). L’homme étant cet être qui a la raison pour motif de son action, il faut requérir son adhésion intellectuelle pour le faire agir et a fortiori participer à un projet politique. C’est pourquoi la politique est toujours articulée à une vision du monde, une conception de l’homme et de sa destinée qui renvoie infailliblement à un positionnement métaphysique, religieux ou les deux sur les questions ultimes : la matière est-elle souveraine, Dieu existe-t-il, une force impersonnelle gouverne-t-elle le monde ????
La grande gageure des modernes est de croire que l’on peut faire de la politique sans promouvoir une métaphysique( ou une religion) qui prend parti sur ces questions(2). Le monde moderne vit dans l’illusion que ces questions ont été expurgées de la scène politique, reléguées dans le sanctuaire de la vie privée. Comme un enfant qui en fermant les yeux croit avoir fait disparaître l’objet de sa peur, le moderne se masque délibérément la vue et prend son aveuglement pour le témoignage le plus authentique de son goût pour la vérité.
Mais il ne suffit pas de décréter que toute les religions ou métaphysiques sont écartées de la sphère publique pour qu’elles le soient dans le réel. Le baron de Münchhausen a peut-être la faculté de s’affranchir de l’attraction terrestre en se tirant par les cheveux, mais uniquement dans notre imaginaire Ainsi, ce n’est que dans un monde imaginaire qu’une théorie politique comme celle qui gouverne nos régimes (laïcisme démocratique libéral) peut décréter que la question de l’absolu n’est pas au fondement du lien politique et social et qu’elle est purement privée. Car cette théorie est belle et bien traversée de part en part par une représentation de l’absolu. Cette théorie prend en effet le parti que l’absolu n’est pas doué d’une volonté exigeant de l’homme qu’il se réfère à elle dans l’organisation de la cité. Position purement pragmatique pour éviter que chaque chapelle ne s’écharpe, rétorqueront les partisans de cette théorie laïciste. On peut le concéder sur un plan purement pragmatique. Mais il n’en reste pas moins que le constat demeure : l’univers des hommes s’organise autour d’une conception de l’homme, d’une métaphysique,( voire d’une religion ?) qui jamais ne se présente comme telle, qui jamais n’est avouée. Le laïcisme est donc, dans les faits, rigoureusement le contraire de ce qu’il prétend être.
Ce premier moment me semblait important avant d’entamer l’étude des ressorts spirituels du mondialisme, car il est le premier des mensonges du mondialisme que l’on peut démasquer. Il est fondateur, tous les autres mensonges du mondialisme sont structurés de la même manière pour leur permettre de s'emboiter les uns dans les autres comme des poupées russes.
Sur la lancée de notre prologue, abordons maintenant la dimension spirituelle du mondialisme.
Rappelons cependant, en préalable, qu’il faut opérer une distinction claire entre mondialisation et mondialisme. La première, par le suffixe « -ation », désigne une action, le fait que le progrès technique d’une part concourt à réduire les distances spatiales entre les hommes et d’autre part favorise une intégration « des marchés de capitaux et de service associée »(1). Le second par le suffixe « -isme » marque une construction intellectuelle.
Le mondialisme est ainsi un système de pensée promouvant le caractère mondial des choses. Si la mondialisation relève essentiellement du progrès technique mettant plus aisément les hommes en lien les uns avec les autres, le fait que les nations se dessaisissent de pans entier de leur souveraineté relève d’un choix idéologique destinant l’humanité à ne former qu’une seule entité politique. Cette idéologie dispose de deux jambes pour progresser irréversiblement dans sa marche : une jambes gauche et une jambe droite. La première a été durant le XXe siècle la plus active au travers de l’internationalisme marxiste, la seconde a pris le relais durant les années 70 au travers du néolibéralisme, obtenant au travers de plusieurs institutions ( FMI, banque mondiale, OMC, UE) la mise sous la coupe des peuples et la déconstruction des souveraineté nationales(2).
Le mondialisme constitue donc un projet politique d’unification du monde tirant prétexte du progrès technique et d’une prétendue globalisation des problèmes pour obtenir la dissolution des souverainetés nationales. Idéologiquement il se présente sous des atours très avantageux : il serait l’aboutissement de la prise de conscience de l’humanité de son unité, l’épanouissement d’une humanité régie par le respect des droits de l’homme, le refus que les repères identitaires des peuples, religieux et culturels, continuent à morceler l’humanité. Le mondialisme a donc comme articulation première le laïcisme ( la relégation des questions religieuses et métaphysiques dans la sphère privée) que nous avons évoqué dans notre prologue et identifié comme un concept sans aucune cohérence interne. Puisque sous couvert d’une prétendue neutralité il prend bel et bien parti pour une certaine représentation de l’absolue, celle qui affranchit la cité d’avoir à s’ajuster à un ordre cosmique préétabli. L’orientation de fond de la société et la politique mise en œuvre se trouvent en effet radicalement changées si l’absolu est conçu comme appelant l’homme à une certaine réalisation( cas du meilleure de la tradition hellénique et romaine) ou si l’homme ne s’ébat que sur un fond d'indifférence.
Par le laïcisme qui lui est inhérent, le mondialisme est donc parfaitement homogène à une certaine métaphysique. La question à creuser consiste à savoir si le mondialisme, en plus d’être la mise en œuvre d’un parti pris métaphysique, ne puise pas dans une certaine religion l’essentiel de ses thèmes, l’essentiel de son dynamisme. Lui qui prétend ne privilégier aucune tradition, aucune religion serait-il la projection d’une tradition religieuse ?
Pour y répondre il suffit de consulter quelques uns des plus éminents représentants du monde intellectuel juif. Schmouel explique ainsi « entre ce monde-ci et l’époque messianique, il n’y a d’autre différence que la fin du joug des nations, de la violence et de l’oppression politique »(cité par Lévinas). Le prophétisme juif aux yeux du judaïsme talmudique a donc pour horizon une humanité sans frontière dont l’unification se fait en parallèle avec la suppression des inégalités sociales. Dans difficile liberté, Lévinas explique que « l’idée même d’une humanité fraternelle unie dans le même destin, est une révélation mosaïque. »(Lévinas, difficile liberté).La suppression des frontières est donc un des jalons du programme « nos vieux textes enseignent l’universalisme épuré de tout particularisme du terroir, de toute souvenance végétale, la solidarité humaine d’une nation unie par les idées ».(Lévinas) Scholem ratifie cette idée de réalisation progressive « l’apparition de la lumière messianique qui doit briller sur le monde ne devait pas arriver subitement, comme le pensent les rêveurs et les visionnaires, mais progressivement. »( le messianisme juif) Scholem cite la Kabbale « car la guérison ne vient pas pour un malade en un instant mais lentement pour qu’il se fortifie peu à peu »Les peuples étrangers ( Esaü et Edom) auront une destinée inverse : ayant reçu leur lumière d’un seul coup, ils la perdront lentement pour permettre à Israël de se fortifier et des les vaincre. Et, lorsque l’esprit d’impureté sera exclu du monde et que la lumière du tout-puissant éclairera Israël sans écran ni obstacle, toutes les choses retrouveront leur état parfait et redeviendront sans défaut comme elles étaient dans le paradis avant le péché d’Adam »( le messianisme juif) Israël a pour vocation de vaincre les nations.
Jospeh Kaplan expose les mêmes idées un peu différemment « d’après la belle image d’un de nos plus célèbres théologiens du moyen âge, Juda Halevi, la communauté juive est, de part la volonté de Dieu, la graine qui fait germer l’humanité future…ainsi, les idées du judaïsme, fortes de la puissance de la vérité et indestructibles par la violence, se répandent dans le monde pour devenir l’aliment spirituel des peuples civilisés. » ( Kaplan, le vrai visage du talmudisme)
Dans la Kabbale d’ARI qui se développe au XVIe, nous retrouvons tous les thèmes des penseurs mondialistes de notre siècle « les kabbalistes doivent libérer les étincelles, et, dans ce but, qui fait partie intégrante du processus messianique, il leur faut détruire les écorces qui les retiennent captives, ou encore les faire éclater, or, comme ces écorces sont identifiées aux nations du monde, écrit Mosh Idel, cela signifie que les pays extérieurs à la terre d’Israël n’ont de valeur en soi et qu’il convient de les dominer. Selon cette conception donc, la terre d’Israël est le centre du monde. »( Moshe Idel, messianisme et mytsique). Dans le grand livre de Rosenzweig, l’étoile de la rédemption, on retrouve la même eschatologie. Il revient au peuple d’Israël de « préparer le monde de la réparation », « la gloire de Dieu est disséminée dans l’univers entier en d’innombrables étincelles : l’homme juif la rassemblera de sa dispersion et un jour il la ramènera à Celui qui s’est dépouillé de sa gloire. Chacun de ses actes, chaque accomplissement d’une loi réalisent une partie de cette unification. Confesser l’unité de Dieu : le juif dit « unifier Dieu »( Rosenzweig, l’étoile de la rédemption)
En 1883 dans l’hebdomadaire juif the jewish world on pouvait lire le texte suivant qui résume les points évoqués par les grands penseurs que j’ai cités « la dispersion des juifs a fait d’eux un peuple cosmopolite. Ils sont le seul peuple vraiment cosmopolite et, en cette qualité, ils doivent agir et ils agissent comme un dissolvant de toute distinction de race ou de nationalité. Le grand idéal du judaïsme n’est pas que les juifs se rassemblent un jour dans quelque coin de la terre pour des buts séparatistes, mais que le monde entier soit imbu de l’enseignement juif et que, dans une fraternité universelle des nations, toutes les races et religions séparées disparaissent. »
Cette petite synthèse de l’eschatologie talmudique permet donc d’établir sans le moindre doute que le mondialisme partage le même horizon. La nation étant le creuset politique dans lequel les occidentaux ont porté jusqu’à l’excellence leur génie respectif, il n’y a en effet aucune raison objective qui puisse les contraindre à les déconstruire, si ce n’est l’espérance de l’accession à un bien supérieur. Or seule une croyance peut susciter une telle espérance.
Le mondialisme a donc comme principal ressort le corpus eschatologique talmudique qui est programmatif : parvenir à l’unification du monde par la dissolution des nations.
Force est de constater qu’un nouveau mensonge vient s’emboiter au premier que nous avons identifié. Non content de favoriser la descente dans nos institutions d’une métaphysique, le mondialisme se met donc entièrement à la remorque d’une eschatologie religieuse ( en soi parfaitement respectueuse) bien précise.
1) Pierre de Senarclens, La mondialisation, Théorie, enjeux et débats
« cette évolution est liée au progrès technologique affectant les secteurs de l’information et de la communication ( on pourrait ajouter des transports). Elle implique une croissance rapide et importante des interactions économiques politique et sociales à l’échelle planétaire ». Régis Bénichy, histoire de la mondialisation
(2) « la mondialisation n’a cessé d’être associée à l’érosion de la souveraineté étatique. Plus largement à l’émergence de réseaux et de mouvents transnationaux affectant les capacités de régulation de l’Etat et la signification des frontières nationales.(…) par rapport à l’ancrage territorial de l’état nation le terme de mondialisation évoque en effet l’image de rivières en crue qui sapent les contrôles aux frontières et risquent de provoquer l’effondrement de l’édifice national. De là la mondialisation accroît l’imbrication entre la sphère interne des états et le domaine des relations internationales. En réalité les nations perdent peu à peu leurs prérogatives et leur souveraineté dans le secret des cabinets des organisations suprnationales de Genève Bruxelles ou de New York et dans la jungle des réglementations internationales. »( Pierre senarclens, La mondialisation, Théorie, enjeux et débats)
Partie 2
J’ai développé, dans un précédent article, que le mondialisme tirait en partie son dynamisme du talmudisme : celui-ci ayant pour horizon messianique (entièrement confondu avec la politique) la suppression des frontières et l’unification du monde sous sa férule. Mais il est une autre tradition spirituelle qui insuffle sa vigueur au projet mondialiste, c’est la tradition hermético-gnostique. En recouvrant ses thèmes principaux d’un verni chrétien, elle s’est souvent présentée, pour mieux le subvertir, comme la vérité cachée du message du Christ. L’infiltration est donc sa principale stratégie de déploiement. Au XIIIe siècle elle a notamment retroussé de l’intérieur l’ordre des templiers, mais elle fut démasquée et l’ordre démantelé dans toute l’Europe. Après une période de latence, elle a repris du poil de la bête à la faveur de la Renaissance. Les différents courants ésotériques de la renaissance ( alchimie, magie, astrologie) s’articulèrent alors progressivement pour donner naissance à un corps de doctrine unifié sous le patronage des rose-croix. Celui-ci investit ensuite la société de métier « des maçons » pour disposer d’un paravent honorable et agir à l’abri du secret régissant les relations entre initiés.
les axes majeurs du gnosticisme
Mais quels sont exactement les axes majeurs de la tradition hermético-gnostique ? Dans son maître livre De la Cabale au Progressisme, Julio Meinvielle écrit « Le noyau essentiel de vérités qui vient de Dieu tourne autour du mystère immuable de l'Unité et Trinité de Dieu; mystère d'où provient par création l'Univers et qui doit constituer l'objet de la vision des élus. Voilà pourquoi la doctrine catholique a pour principe et fondement l'immuable et la métahistoire. Ce principe gouverne l'histoire et le temps. » Pour la tradition hermético-gnostique « le changement ne se trouverait pas dans la créature mais dans le Créateur. Dieu se ferait avec l'univers et avec l'homme. Dieu ne serait pas l'Esse Subsistens (l'Être subsistant), dans la contemplation duquel les élus doivent trouver leur béatitude pour l'éternité, il serait une incessante production, un devenir, une praxis, que la créature doit s'appliquer à fabriquer (...).
Le deuxième mystère de la tradition catholique est celui de l'Incarnation, selon lequel le Logos, ou Deuxième Personne de la Très Sainte-Trinité, se communique comme un don à l'homme afin que celui-ci à son tour puisse s'élever jusqu'au Créateur. » En régime gnostique « la créature humaine a l'insolence de s'élever jusqu'à Dieu et, par son propre effort, d'obtenir la divinisation. Ce n'est pas Dieu qui sauve l'homme en Jésus-Christ, mais l'homme qui complète et termine Dieu»
Il y a donc un monisme de la substance, car l’homme est considéré comme le perfectionnement suprême de la divinité. Il y a un continuum entre Dieu, le monde et l’homme. Mais à ce monisme s’ajoute un dualisme qui relègue la matière dans la catégorie du mal(*)
La tradition hermético-gnostique est donc une sous-espèce du panthéisme, l’ennemi irréductible du christianisme, qui promet, dès l’origine du monde, à Adam et Eve d’être divinisés en dehors de la grâce de Dieu. Pie IX ne s’y est pas trompé en dénonçant le panthéisme dans le premier article du syllabus(**). La maçonnerie est donc l’œuvre des forces hermético-gnostiques soucieuses de pouvoir avancer masquées.
Influence et projet des rose-croix
Les rose-croix qui transformèrent de l’intérieur la maçonnerie opérative ( confrérie rassemblant les maçons de métier ) en maçonnerie spéculative commencèrent à sortir de l’ombre au XVIIe en publiant des manifestes qui révèlent l’existence d’une société secrète consacrée à la recherche des mystères de la nature et du sens hermétique du christianisme, rejetant la tradition catholique et la philosophie d’Aristote. Roland Edihoffer ( universitaire ésotérisant contemporain) écrit « c’est précisément une gnose, c'est-à-dire une appréhension suprarationnelle du réel, transcendant le dualisme du sujet et de l’objet pour devenir une connaissance de l’harmonie entre l’homme et l’univers, entre le microcosme et le macrocosme, que proposaient les premiers écris rosicruciens authentiques, la Fama Fraternitatis, la Confession fraternitatis et les Noces Chymiques de Christian Rosenkreutz. Tout lecteur de ces écrits peut effectivement constater l’importance considérable que la gnose rosicrucienne confère à l’homme, ainsi qu’à la nécessité de sa métanoia »( les rose-croix et la crise de la conscience européenne au 17e)
Jean Vaquié précise « Historiquement, la rose-croix a été choisie comme pavillon par une société de pensée(…) dont le dynamisme est dirigé tout entier vers la réformation universelle, c'est-à-dire dans le sens di renversement des institutions historiques chrétiennes et dans le sens de leur remplacement par autre chose. Autre chose qu’il s’agit précisément d’élaborer. Le pavillon rosicrucien est chrétien dans ses apparences, mais la marchandise qu’il couvre ne l’est pas » (Les manifestes rosicruciens.)
Les rose-croix étaient donc animés du projet de refonte globale de l’univers : la transformation de l’ordre social chrétien par le bouleversement des institutions civiles et religieuses. On le comprend en suivant les manœuvres et intrigues des principaux rose-croix, ou inspirateurs des rose-croix, comme John Dee(***), Jean-Amos Komensky, dit Coemnius, Robert Fludd. Coeminus développa notamment explicitement un projet de monarchie universelle ( gouvernement mondial) et de religion universelle. Or ce qui est très intéressant c’est que le mouvement rose-croix obtint le soutien du gouvernement britannique, celui-ci recrutant des agents secrets dans ses rangs mêmes. John Dee fut ainsi agent du réseau d’espionnage mit en place comme une machine de guerre contre le catholicisme. C’est Sir Francis Walsingham, chef du puissant réseau de services secrets britanniques, violent anti-catholique, qui engagea Dee et l’aida à propager ses pensées en Allemagne.
Le projet de république ou de monarchie universelle s’adossant à une religion de substitution au catholicisme se propagea jusqu’en France. Le rose-croix Barnaud ami intime de Sully, le ministre protestant de HENRI IV, le gagna à ses vues au point que son projet de république universelle obtint un début d’exécution sous Henri IV, avant que le poignard de Ravaillac y mette un terme. Il s’agissait essentiellement de s’allier aux princes protestants pour mettre en pièce l’hégémonie des Habsbourg et ensuite de reconfigurer l’Europe pour permette la naissance d’une sorte de société des nations avant la lettre. C’est ainsi que « Henri IV pousse les Réformés, le 4 mai 1608, à reconstituer une ligue. Ce sera l’Union évangélique, conclue pour dix ans le 29 janvier 1610 ; y participent l’électeur palatin, les margraves d’Anspach et de Bade- Durlach, le comte palatin de Neubourg, le duc de Würtemberg, le landgrave de Hesse Maurice, les villes de Strasbourg, d’Ulm et de Nuremberg. »(Jean Lombard, La Face cachée de l’histoire moderne)
Olivier Cromwell reprit ensuite à son compte le projet de république universelle. C’est ainsi qu’après avoir ravi Dunkerque aux Espagnols David Hume écrivit que Cromwell « était dans la résolution de concerter de nvelles mesures, avec la cour de France, pour la conquête et le partage des Pays-bas. S’il eût vécu plus longtemps, et maintenu son autorité en Angleterre, on ne doute point qu’un projet si chimérique, où plutôt si pernicieux, n’eut été mis en exécution ; et ce premier pas vers la monarchie universelle(…) eut été alors facilement accompli par la politique entreprenante, quoique mal entendue, du protecteur d’Angleterre. » ( David Hume, et ses continuateurs, Histoire d’Angéeterre depuis l’invasion de Jules César). L’historien anti-catholique Villemain confirme « Il(Cromwell) projetait de séparer en quatre départements la surveillance de ce conseil, dirigé tout entier vers la politique extérieure. L’un de ces départements se composait de la France, de la Suisse et de ces vallées du Piémont, où Cromwell avait déjà porté son intervention tutélaire. Le palatinat et les pays calvinistes auraient formé la seconde division ; la troisième devait embrasser l’Allemagne et le Nord. Les colonies des deux Indes formaient une dernière attribution. Ce conseil aurait entretenu des correspondances dans toutes les parties du monde ; et les progrès, les périls, les besoins des sectes protestantes partout répandues, auraient incessamment attiré son attenion et ses secours. Cromwell destinait à cette institution un revenu considérable… »( Villemain, Histoire de Cromwell, d’après les mémoires du temps et les recueils parlementaires)
Lorsque la Maçonnerie spéculative se constituera par l’absorption de la maçonnerie opérative par les hermético-gnostiques rosicruciens, ce sera pour porter plus loin ce double projet d’unification politique et spirituelle du monde : les constitutions d’Anderson prônant une religion universelle, la filiation avec les rose-croix saute aux yeux.. Christian Lagrave dans son opuscule les origines du nouvel ordre mondial ( auquel je me suis beaucoup inspiré dans cet article) retrace le fil suivant :
« Sachant que la plupart des entreprises de subversion qui se sont attaquées à la chrétienté avaient une origine gnostico-cabalistique, on peut essayer de reconstituer le scénario suivant : après l’échec de la tentative de subversion néomanichéenne, qui avait failli submerger l’Occident au 12e siècle avec les cathares, il a subsisté un noyau de gnostiques qui, appuyés par des talmudistes, ont appliqué une tactique nouvelle qui, curieusement, rappelle la tactique de Lénine : d’abord (1ère étape) s’assurer en Europe une base territoriale où ils seraient à l’abri du pouvoir pontifical et de ses organes de répression – ce fut le rôle de la Réforme protestante qui réussit à détacher de Rome une partie de l’Allemagne puis l’Angleterre et la Scandinavie (le rôle de Luther serait à approfondir dans cette perspective) – ; ensuite (2e étape), dans un des territoires ainsi « libérés », établir un noyau dirigeant qui puisse fonctionner clandestinement sous une couverture officielle et légale, qui puisse ssurer sa propre pérennité malgré les aléas possibles de l’histoire (...), qui puisse enfin disposer des moyens financiers, diplomatiques et militaires que donne le contrôle d’un État souverain dont on assurera désormais la sécurité, l’expansion et la puissance, tout en utilisant clandestinement tout cela dans un but de subversion mondiale.
(...)C’est ce qu’a fait le parti communiste de l’URSS pendant trois quarts de siècle. Mais les communistes ne faisaient peut-être que reprendre une méthode mise au point et appliquée constamment, depuis John Dee et ses émules, par l’Intelligence Service. Or, pour réussir ailleurs que dans un seul pays, il fallait créer uneContre-Église internationale qui s’implanterait partout et qui réussirait à changer les mentalités des chrétiens. Pour cela, de même que Lénine et Trotski créeront en 1919 des partis communistes dans le monde entier par le Komintern, les rose-croix anglais vont bâtir la franc-maçonnerie. C’est ce qui explique que, depuis le 17e siècle, la Grande-Bretagne est le carrefour de toutes les subversions. »
(*)«Dans le gnosticisme chrétien, comme dans la Cabale, il y a un monisme ontologique fondamental Toute substance matérielle et spirituelle, bonne et mauvaise, émane d'un unique principe, l'Ensof de la Cabale, le Plérome des gnostiques. Cela doit être considéré comme la caractéristique véritable et fondamentale du gnosticisme chrétien, de sorte qu'il y a une continuité de substance en Dieu et dans la créature et dans le monde matériel et mauvais (...). Cependant, ce monisme ontologique fondamental s'accompagne dans la Cabale et dans le gnosticisme chrétien, d'un dualisme également ontologique, en ce sens que les deux systèmes considèrent
comme mauvais la matière et les êtres matériels. Cette considération de la malignité de la matière peut dériver de la constitution, au commencement des êtres, de deux principes radicaux, l'un bon et l'autre mauvais, comme dans la conception iranienne et manichéenne, ou encore d'un principe unique, comme dans la Cabale, en qui serait renfermé le règne du bien et du mal» (Julio Meinvielle, op cit)
(**)«1. Il n'existe aucun être divin suprême, très sage et très provident, distinct de l'universalité des choses; Dieu est identique à la nature et, par conséquent, sujet au changement. Dieu devient réellement dans l'homme et dans le monde; toutes les choses sont Dieu et la plus intime substance de Dieu; Dieu est avec le monde une seule et même chose, comme le sont, dès lors, l'esprit et la matière, la nécessité et la liberté, le vrai et le faux, le bien et le mal, le juste et l'injuste».(Syllabus, Pie IX)
(***)« le second manifeste rosicrucien, la Confessio de 1615, a été publié avec un tract en latin intitulé Une brève Considération d’une philosophie secrète. Cette Brève considération, basée sur la Monas Hieroglyphica de Dee, est en grande partie une citation mot à mot de la Monas. Cet exposé est indissolublement associé à la Confessio et la Confessio est indissolublement liée au premier manifeste, la Fama de 1614, dont elle reprend les termes. Il est donc évident que la « philosophie plus secrète » cachée derrière les Manifeste est celle de John Dee telle qu’il l’a résumée dans la Monas hieroglyphica(…). On peut donc indubitablement considérer que le mouvement qui sous-tend les trois publications rosicruciennes est, en dernière analyse, issu de John Dee. L’influence de Dee doit avoir pénétré en Allemagne à travers les contacts de l’électeur palatin avec l’Angleterre et a dû s’étendre jusqu’en Bohême ou Dee avait précédemment accompli une mission. »(Frances Yates, la lumière des rose-croix, auteur anti-catholique )
prochain article du cycle: les ressorts philosophiques du mondialisme
Julien Gunzinger
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
MichelT- Date d'inscription : 06/02/2010
Sujets similaires
» Le mondialisme dans nos écoles
» Le mondialisme, nouvelle utopie
» Le mondialisme expliqué par Aymeric Chauprade
» La Franc-maconnerie et le mondialisme
» Mondialisme: Sans histoire ... ni géographie
» Le mondialisme, nouvelle utopie
» Le mondialisme expliqué par Aymeric Chauprade
» La Franc-maconnerie et le mondialisme
» Mondialisme: Sans histoire ... ni géographie
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum