Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
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Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Rappel du premier message :
Je vais poster ici, jour après jour l'entièreté d'un ouvrage qui enseigne l'art de défendre sa foi par les mots, devant ceux qui pourraient la contester et vous troubler. Cet art s'appelle de l'apologétique et cet ouvrage, écrit par le Père Auguste Boulenger à pour titre : Manuel d’Apologétique : Introduction à la doctrine catholique.
Alors débutons :
N.B. Je ne retranscris pas les 29 premiers numéros du livre, qui sont une explication de la démarche, je passe directement au vif du sujet.
**********************************************************************************************
[ IMPRIMATUR : C. Guillemant, Vic. gen. , Atrebati, die 30 Aprilis 1920.]
CHAPITRE I. - De l'Existence de Dieu.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
30. - La question de l'existence de Dieu comporte une triple étude: 1° Une question préliminaire: est-il possible de démontrer l'existence de Dieu' ? - 2° Seconde étude: exposé des preuves qui établissent l'existence de Dieu.- 3° Enfin une question subsidiaire: si la raison démontre Dieu d'une façon péremptoire, comment expliquer qu'il y ait des athées ? Quelles sont les causes de l'athéisme et quelles en sont les conséquences ? D'où trois articles:
Art. I - L'existence de Dieu est-elle démontrable ?
Cette première question de la démonstrabilité de l'existence de Dieu se subdivise à son tour en deux autres: 1° Est-il possible de démontrer l'existence de Dieu ? 2° Par quelles voies peut-on faire cette démonstration ?
§ 1. - EST-IL POSSIBLE DE DÉMONTRER L'EXISTENCE DE DIEU ? ERREURS DU MATÉRIALISME ET DE L'AGNOSTICISME.
31. – Devant le problème de l'existence de Dieu, trois attitudes sont possibles: on peut répondre par l'affirmation, par la négation, ou par une fin de non-recevoir. Au premier groupe appartiennent les théistes ou croyants, au second, les matérialistes ou athées, au troisième, les agnostiques ou indifférents.
1° Théisme (du grec théos, Dieu). - Les théistes affirment qu'il est possible de démontrer l'existence de Dieu. Dans l'article suivant, nous exposerons les preuves sur lesquelles ils appuient leur croyance.
2° Matérialisme. - L'athée, de quelque nom qu'il s'appelle, - matérialiste, naturaliste, ou moniste19, - prétend qu'on ne peut démontrer l'existence de Dieu, parce que Dieu n'existe pas. Il estime qu'il n'est pas nécessaire de recourir à un créateur pour expliquer le monde, et que Dieu est une hypothèse inutile. La matière est la seule réalité qui soit: éternelle et douée d’énergie, elle suffit, seule, à résoudre les énigmes de l'univers. Le arguments du matérialisme seront du reste exposés dans l'article 2 sous le titre d'objections.
3° Agnosticisme. - D'une manière générale, le positiviste ou agnostique20 déclare que l'existence de Dieu est du domaine de l'inconnaissable. La raison théorique ne peut en effet dépasser les phénomènes; l'être en soi, les substances et les causes, ce qui est au fond intime des apparences, tout cela lui échappe. « Le problème de la cause dernière de l'existence, écrivait HUXLEY, en 1874, me paraît définitivement hors de l’étreinte de mes pauvres facultés.» Pour LITTRÉ (1801-1881), l'infini est « comme un océan qui vient battre notre rive », et, pour l'explorer, « nous n'avons ni barque ni voile ». ( Auguste Comte et la philosophie positive). D'où conclusion toute naturelle : puisque la recherche des causes en général et, a fortiori, de la cause dernière, est vouée à l'insuccès, ne perdons pas notre temps à l'entreprendre. Et c'est bien le conseil que LITTRÉ nous donne encore: « Pourquoi vous obstinez-vous à vous enquérir d'où vous venez et où vous allez, s'il y a un créateur intelligent, libre et bon ! Vous ne saurez jamais un mot de tout cela. Laissez donc là ces chimères... La perfection de l'homme et de l'ordre social est de n'en tenir aucun compte... Ces problèmes sont une maladie; le moyen d'en guérir est de n'y pas penser21.»
Ainsi, là où le matérialiste prend position contre Dieu, l'agnostique observe une sage réserve: il « ne nie rien, n'affirme rien, car nier ou affirmer ce serait déclarer que l'on a une connaissance quelconque de l'origine des êtres et de leur fin» (LITTRÉ). Il consent même à admettre la distinction entre le phénomène et la substance, entre le relatif et l'absolu, pourvu,
qu'on lui concède que l'absolu est inaccessible. Ignorance et désintéressement de la question, telle pourrait donc être la formule agnostique. Il est vrai que cette neutralité n'est souvent qu'apparente, car il est évident que de l'attitude d'abstention à la négation il n'y a qu'un pas, et la plupart des agnostiques le franchissent. Après avoir dit: « Au delà des données de l'expérience nous ne savons rien », ils ajoutent: « Au delà des objets de notre expérience il n'existe rien.»
Toutefois, tous les agnostiques ne vont pas aussi loin. Certains, comme KANT, LOCKE, HAMILTON, MANSEL, H. SPENCER, distinguant entre existence et nature de Dieu, proclament que l'être en soi existe mais que nous ne pouvons rien savoir de ce qu'il est. Si, dans ce système, Dieu devient, selon le mot de H. SPENCER, une « Réalité inconnue», il reste cependant une réalité et un objet de croyance.
Je vais poster ici, jour après jour l'entièreté d'un ouvrage qui enseigne l'art de défendre sa foi par les mots, devant ceux qui pourraient la contester et vous troubler. Cet art s'appelle de l'apologétique et cet ouvrage, écrit par le Père Auguste Boulenger à pour titre : Manuel d’Apologétique : Introduction à la doctrine catholique.
Alors débutons :
N.B. Je ne retranscris pas les 29 premiers numéros du livre, qui sont une explication de la démarche, je passe directement au vif du sujet.
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[ IMPRIMATUR : C. Guillemant, Vic. gen. , Atrebati, die 30 Aprilis 1920.]
CHAPITRE I. - De l'Existence de Dieu.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
30. - La question de l'existence de Dieu comporte une triple étude: 1° Une question préliminaire: est-il possible de démontrer l'existence de Dieu' ? - 2° Seconde étude: exposé des preuves qui établissent l'existence de Dieu.- 3° Enfin une question subsidiaire: si la raison démontre Dieu d'une façon péremptoire, comment expliquer qu'il y ait des athées ? Quelles sont les causes de l'athéisme et quelles en sont les conséquences ? D'où trois articles:
Art. I - L'existence de Dieu est-elle démontrable ?
Cette première question de la démonstrabilité de l'existence de Dieu se subdivise à son tour en deux autres: 1° Est-il possible de démontrer l'existence de Dieu ? 2° Par quelles voies peut-on faire cette démonstration ?
§ 1. - EST-IL POSSIBLE DE DÉMONTRER L'EXISTENCE DE DIEU ? ERREURS DU MATÉRIALISME ET DE L'AGNOSTICISME.
31. – Devant le problème de l'existence de Dieu, trois attitudes sont possibles: on peut répondre par l'affirmation, par la négation, ou par une fin de non-recevoir. Au premier groupe appartiennent les théistes ou croyants, au second, les matérialistes ou athées, au troisième, les agnostiques ou indifférents.
1° Théisme (du grec théos, Dieu). - Les théistes affirment qu'il est possible de démontrer l'existence de Dieu. Dans l'article suivant, nous exposerons les preuves sur lesquelles ils appuient leur croyance.
2° Matérialisme. - L'athée, de quelque nom qu'il s'appelle, - matérialiste, naturaliste, ou moniste19, - prétend qu'on ne peut démontrer l'existence de Dieu, parce que Dieu n'existe pas. Il estime qu'il n'est pas nécessaire de recourir à un créateur pour expliquer le monde, et que Dieu est une hypothèse inutile. La matière est la seule réalité qui soit: éternelle et douée d’énergie, elle suffit, seule, à résoudre les énigmes de l'univers. Le arguments du matérialisme seront du reste exposés dans l'article 2 sous le titre d'objections.
3° Agnosticisme. - D'une manière générale, le positiviste ou agnostique20 déclare que l'existence de Dieu est du domaine de l'inconnaissable. La raison théorique ne peut en effet dépasser les phénomènes; l'être en soi, les substances et les causes, ce qui est au fond intime des apparences, tout cela lui échappe. « Le problème de la cause dernière de l'existence, écrivait HUXLEY, en 1874, me paraît définitivement hors de l’étreinte de mes pauvres facultés.» Pour LITTRÉ (1801-1881), l'infini est « comme un océan qui vient battre notre rive », et, pour l'explorer, « nous n'avons ni barque ni voile ». ( Auguste Comte et la philosophie positive). D'où conclusion toute naturelle : puisque la recherche des causes en général et, a fortiori, de la cause dernière, est vouée à l'insuccès, ne perdons pas notre temps à l'entreprendre. Et c'est bien le conseil que LITTRÉ nous donne encore: « Pourquoi vous obstinez-vous à vous enquérir d'où vous venez et où vous allez, s'il y a un créateur intelligent, libre et bon ! Vous ne saurez jamais un mot de tout cela. Laissez donc là ces chimères... La perfection de l'homme et de l'ordre social est de n'en tenir aucun compte... Ces problèmes sont une maladie; le moyen d'en guérir est de n'y pas penser21.»
Ainsi, là où le matérialiste prend position contre Dieu, l'agnostique observe une sage réserve: il « ne nie rien, n'affirme rien, car nier ou affirmer ce serait déclarer que l'on a une connaissance quelconque de l'origine des êtres et de leur fin» (LITTRÉ). Il consent même à admettre la distinction entre le phénomène et la substance, entre le relatif et l'absolu, pourvu,
qu'on lui concède que l'absolu est inaccessible. Ignorance et désintéressement de la question, telle pourrait donc être la formule agnostique. Il est vrai que cette neutralité n'est souvent qu'apparente, car il est évident que de l'attitude d'abstention à la négation il n'y a qu'un pas, et la plupart des agnostiques le franchissent. Après avoir dit: « Au delà des données de l'expérience nous ne savons rien », ils ajoutent: « Au delà des objets de notre expérience il n'existe rien.»
Toutefois, tous les agnostiques ne vont pas aussi loin. Certains, comme KANT, LOCKE, HAMILTON, MANSEL, H. SPENCER, distinguant entre existence et nature de Dieu, proclament que l'être en soi existe mais que nous ne pouvons rien savoir de ce qu'il est. Si, dans ce système, Dieu devient, selon le mot de H. SPENCER, une « Réalité inconnue», il reste cependant une réalité et un objet de croyance.
19
Les trois dénominations: matérialiste, naturaliste, moniste, désignent, sous des aspects différents, le même fond de doctrine. Tous trois prétendent expliquer le monde par l'existence d'un seul élément, mais tandis que le matérialiste met en avant la seule matière, le naturaliste parle de la nature, ce qui est déjà un terme plus vague, et le moniste fait appel au mouvement cosmique. - Le moniste dont nous parlons ici est évidemment le moniste matérialiste.
20
Agnostique (du grec « a » privatif et « gnosis » connaissance). - D'après l'étymologie, le mot agnostique est opposé à gnostique.. l'agnostique déclare ignorer là où le gnostique prétend savoir. Le mot a été jeté dans la circulation par le philosophe anglais HUXLEY vers 1869. , La plupart de mes contemporains, dit-il un jour, pour faire profession de libre-pensée, pensaient avoir atteint une certaine gnose et prétendaient avoir résolu le problème de l'existence; j'étais parfaitement sûr de ne rien savoir sur ce sujet, et bien convaincu que le problème est insoluble : et comme j'avais Hume et Kant de mon côté, je ne croyais pas présomptueux de m'en tenir à mon opinion. .
21
Revue des Deux- Mondes. 1er juin 1865
Dernière édition par Rémi le Mar 10 Jan 2012 - 20:10, édité 4 fois
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. IV. — Les Pouvoirs des Évêques.
Les Évêques peuvent être considérés : — a) soit individuellement ; — b) soit en corps et unis avec le Pape.
§ 1. — Pouvoirs des Évêques pris individuellement.
410. — Préliminaires. — Quelques remarques préliminaires sont nécessaires pour bien comprendre l'étendue des pouvoirs des Évêques, considérés individuellement. — a) Bien que les Évêques soient appelés, et soient vraiment les successeurs des Apôtres, il ne faut pas oublier qu'ils n'en sont les successeurs que pris en corps. La juridiction de l'ensemble du collège épiscopal est donc égale à celle du collège apostolique, mais la juridiction de chaque évêque n'est pas égale à celle de chaque apôtre : celle-ci était universelle, celle-là au contraire est limitée. — b) Ce premier point établi et hors de discussion, la juridiction épiscopale procède-t-elle immédiatement de Dieu ou du Souverain Pontife? Les deux opinions ont été soutenues337. Il importe peu, du reste, car elles aboutissent toutes deux, en fin de compte à la même conclusion. Tous les théologiens, en effet, admettent que le pouvoir épiscopal, même s'il est conféré immédiatement par Dieu, dépend, dans son exercice, du Souverain Pontife, lequel choisit ou approuve le sujet338 et délimite la circonscription et l'étendue de sa juridiction. — c) Cependant, quoique dépendants du Pape, les évêques ne sont pas de simples délégués : ils jouissent d'une juridiction ordinaire et qui leur est propre,
411. — 1° Leur pouvoir doctrinal. — Comme les Evêques ont dans leur diocèse une juridiction ordinaire, ils jouissent, dans les limites des circonscriptions qui leur sont assignées, du même pouvoir que le Pape dans le monde entier, l'objet de leur pouvoir doctrinal est donc, toutes proportions gardées, le même que celui du Pape : il embrasse la Révélation tout entière et ce qui lui est connexe. Cependant, les Évêques ne jouissant pas individuellement du privilège de l'infaillibilité, il convient que, dans les controverses importantes sur les questions de foi, ils en réfèrent au Souverain Pontife. Ils doivent veiller à la propagation et à la défense de la religion : ce qu'ils font généralement par leurs lettres pastorales et leurs mandements. Ils ont le droit et le devoir de prohiber les mauvais livres, les mauvaises publications. Tous les livres qui traitent des questions de fois de morale, de culte et de discipline ecclésiastique doivent dès lors être contrôlés par eux et ne peuvent s'imprimer sans leur approbation, ou imprimatur.
412. — 2° Leur pouvoir de gouvernement. — a) Au point de vue législatif, l'Évêque gouverne tous les fidèles de son diocèse au for interne et au for externe. Il peut donc porter des lois, préparées ou non en synode339 diocésain, sur tout ce qui concerne la foi, le culte et la discipline : mais il doit toujours agir en dépendance du Souverain Pontife et de la loi commune de l'Église. — b) Au point de vue judiciaire, l'Évêque juge en première instance. Il exerce ce pouvoir par ce que l'on appelle l’Officialité diocésaine, tribunal présidé par un prêtre, appelé Officiai, qui, sauf des cas exceptionnels, doit être distinct du Vicaire général (Can. 1573 § 1). — c) Ait point de vue coercitif, l’Évêque peut frapper de peines canoniques et de censures les délinquants, qui gardent toujours le droit d'en appeler au Métropolitain et au Pape.
Les Évêques peuvent être considérés : — a) soit individuellement ; — b) soit en corps et unis avec le Pape.
§ 1. — Pouvoirs des Évêques pris individuellement.
410. — Préliminaires. — Quelques remarques préliminaires sont nécessaires pour bien comprendre l'étendue des pouvoirs des Évêques, considérés individuellement. — a) Bien que les Évêques soient appelés, et soient vraiment les successeurs des Apôtres, il ne faut pas oublier qu'ils n'en sont les successeurs que pris en corps. La juridiction de l'ensemble du collège épiscopal est donc égale à celle du collège apostolique, mais la juridiction de chaque évêque n'est pas égale à celle de chaque apôtre : celle-ci était universelle, celle-là au contraire est limitée. — b) Ce premier point établi et hors de discussion, la juridiction épiscopale procède-t-elle immédiatement de Dieu ou du Souverain Pontife? Les deux opinions ont été soutenues337. Il importe peu, du reste, car elles aboutissent toutes deux, en fin de compte à la même conclusion. Tous les théologiens, en effet, admettent que le pouvoir épiscopal, même s'il est conféré immédiatement par Dieu, dépend, dans son exercice, du Souverain Pontife, lequel choisit ou approuve le sujet338 et délimite la circonscription et l'étendue de sa juridiction. — c) Cependant, quoique dépendants du Pape, les évêques ne sont pas de simples délégués : ils jouissent d'une juridiction ordinaire et qui leur est propre,
411. — 1° Leur pouvoir doctrinal. — Comme les Evêques ont dans leur diocèse une juridiction ordinaire, ils jouissent, dans les limites des circonscriptions qui leur sont assignées, du même pouvoir que le Pape dans le monde entier, l'objet de leur pouvoir doctrinal est donc, toutes proportions gardées, le même que celui du Pape : il embrasse la Révélation tout entière et ce qui lui est connexe. Cependant, les Évêques ne jouissant pas individuellement du privilège de l'infaillibilité, il convient que, dans les controverses importantes sur les questions de foi, ils en réfèrent au Souverain Pontife. Ils doivent veiller à la propagation et à la défense de la religion : ce qu'ils font généralement par leurs lettres pastorales et leurs mandements. Ils ont le droit et le devoir de prohiber les mauvais livres, les mauvaises publications. Tous les livres qui traitent des questions de fois de morale, de culte et de discipline ecclésiastique doivent dès lors être contrôlés par eux et ne peuvent s'imprimer sans leur approbation, ou imprimatur.
412. — 2° Leur pouvoir de gouvernement. — a) Au point de vue législatif, l'Évêque gouverne tous les fidèles de son diocèse au for interne et au for externe. Il peut donc porter des lois, préparées ou non en synode339 diocésain, sur tout ce qui concerne la foi, le culte et la discipline : mais il doit toujours agir en dépendance du Souverain Pontife et de la loi commune de l'Église. — b) Au point de vue judiciaire, l'Évêque juge en première instance. Il exerce ce pouvoir par ce que l'on appelle l’Officialité diocésaine, tribunal présidé par un prêtre, appelé Officiai, qui, sauf des cas exceptionnels, doit être distinct du Vicaire général (Can. 1573 § 1). — c) Ait point de vue coercitif, l’Évêque peut frapper de peines canoniques et de censures les délinquants, qui gardent toujours le droit d'en appeler au Métropolitain et au Pape.
337
Ceux qui adoptent la première opinion prétendent que la juridiction suit le pouvoir d'ordre et, comme le pouvoir d'ordre vient directement de Dieu, il en est de même du pouvoir de juridiction, bien que celui-ci reste en suspens jusqu'à la désignation d'un diocèse Les partisans de la seconde opinion, d'ailleurs généralement admise, pour prouver que la juridiction épiscopale vient immédiatement du Souverain Pontife, allèguent au contraire, et à juste titre, que le pouvoir de juridiction ne peut dériver du pouvoir d'ordre puisqu'il lui est antérieur, les évêques régulièrement nommés et confirmés par le Pape ayant déjà juridiction sur leur diocèse, et pouvant l'exercer, avant leur consécration, et aussitôt qu'ils ont montré leurs Bulles de provision au chapitre (Can. 334).
338 Nous disons que le Pape choisit ou approuve, car les nominations d’évêques varient avec les temps et les pays. A. Dans l’Église d’occident, l’on peut distinguer quatre systèmes. Les nominations se font : — 1. soit par le libre choix du pape qui désigne le sujet à son gré : système pratiqué en France, en Italie, en Belgique, au Brésil, au Mexique et dans les vicariats apostoliques ; — 2. soit par présentation des chefs d'états, dans les pays qui sont régis 'par un concordat : Autriche-Hongrie, Espagne, Portugal, Pérou, Alsace-Lorraine j — 3. soit sur une proposition de noms, comme cela se passe aux États-Unis, au Canada, en Hollande, en Angleterre, en Irlande, Les curés inamovibles se réunissent sous la présidence du métropolitain et proposent une liste de trois noms, à laquelle les évêques de la province peuvent en ajouter plusieurs : liste qui est alors présentée au Pape, sans qu'il y ait obligation pour lui de choisir l'un des noms mentionnés ; — 4. soit par élection capitulaire. Certains chapitres, comme ceux de Suisse. d'Allemagne, sauf celui de Bavière, des évêchés autrichiens de Salzbourg et Olmutz, ont le privilège d'élire leur évêque ; mais leur nomination doit être confirmée par le Pape.
B. Dans l'Église d'Orient, depuis Pie IX, les évêques sont choisis dans une liste de trois noms proposée par les évêques du patriarcat, et les patriarches sont élus par les évêques seuls, sauf à être confirmés par le Pape.
339 On appelle Synode diocésain la réunion officielle d'une partie du clergé diocésain qui doit avoir lieu dans chaque diocèse, au moins tous les dix ans, pour traiter des questions qui concerne le clergé et le peuple (can. 356). L’Évêque seul a le droit de convoquer et de présider le tel synode ; seul y exerce le pouvoir législatif, les autres membres n’ayant que voix consultative. (can. 357, 362)
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 2. — Pouvoirs des Évêques pris en corps.
Le collège des Évêques, pris dans son ensemble et en union avec le pape, peut être considéré soit dispersé dans le monde, soit assemblé en concile œcuménique.
413. — 1° Les Évêques dispersés. — II n'est pas nécessaire que les Évêques se réunissent en concile général pour être infaillibles. Même dispersés, ils forment le corps enseignant de l'Église et ne jouissent pas moins de l'infaillibilité. Quand Jésus a promis à ses Apôtres d'être avec eux jusqu'à la fin des siècles, il n'a pas mis la condition qu'eux ou leurs successeurs devaient se réunir à un endroit quelconque pour obtenir son assistance. Du reste, le consentement unanime de l'Église a toujours été reconnu comme une des meilleures preuves de la vérité de la doctrine, et saint Vincent de Lérins a pu poser cette règle qu'il faut croire « ce qui a été cru partout, toujours et par tous ». Au surplus, que les choses doivent être ainsi, la raison nous le dit., ce n'est pas seulement dans des circonstances exceptionnelles, mais en tout temps, que l'épiscopat est chargé de renseignement ; donc, à tout moment, il doit avoir le privilège de l'infaillibilité. Aussi, avant le premier concile œcuménique qui n'a eu lieu qu'au début du IVe siècle (en 325 à Nicée) le magistère ordinaire du corps épiscopal avait déjà amené le dogme à un haut degré de développement. L'Église enseignait déjà d'une manière explicite les dogmes de la Trinité et de la divinité de Jésus-Christ, de la Rédemption, de la virginité et de la maternité divine de Marie, les éléments du dogme du péché originel ; elle avait presque fixé sa doctrine sur les principaux sacrements, entre autres, sur le baptême, sur la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie, à la fois sacrement et sacrifice, etc. Les conciles qui se tiendront à partir de cette date, ne feront le plus souvent que préciser les points encore discutés et donner une autorité plus ferme à la croyance déjà établie.
L'on pourrait ajouter que, dans les premiers siècles, bien des hérésies furent condamnées par les décisions dogmatiques d'un nombre restreint d'Évêques, dispersés dans le monde, ou simplement réunis en concile particulier : provincial ou national.
414. — 2. Les Évêques réunis en concile. — Le concile (lat. concilium assemblée) œcuménique (gr. oihoumenikos, universel) est l'assemblée solennelle des évêques de tout l'univers. Deux points nous intéressent ici, à savoir les conditions à l’œcuménicité d'un concile, et leur autorité.
A. CONDITIONS D'ŒCUMÉNICITÉ. — Pour qu'un concile soit œcuménique, il faut : — a) que tous les évêques du monde y aient été officiellement convoqués340, mais il n'est pas nécessaire et il est matériellement impossible que tous y assistent. Il n'est même pas requis que le chiffre des présents l'emporte sur celui des absents, il suffit qu'il y en ait un assez grand nombre pour représenter moralement l'Église universelle. Dans le cas de doute sur l’œcuménicité d'un concile, il appartient à l'Église de trancher cette question de fait dogmatique (N° 391) ; — b) que le Pape prête son autorité au concile. D'où il suit : — 1. que tout concile œcuménique doit être convoqué 341 par le pape ou de son consentement ; — 2. présidé par lui ou par ses légats ; — 3. que les décrets du concile soient ratifiés par lui et promulgués par son ordre (Can. 227). Pour cette dernière raison, certains conciles (v. g. le 1er et le 2e de Constantinople) qui n'étaient pas œcuméniques, du fait de leur convocation et de leur célébration, le sont devenus par la ratification subséquente du Pape ; par contre, d'autres conciles, dits œcuméniques, ne le sont pas pour tous leurs décrets, l'approbation du pape ayant fait défaut, comme nous avons eu l'occasion de le constater à propos du 28e canon du concile de Chalcédoine que le pape saint Léon ne voulut pas ratifier (V. N° 370).
415. — B. AUTORITÉ DES CONCILES ŒCUMÉNIQUES. — Le concile œcuménique, où se trouvent réunis le pape et les évêques, c'est-à-dire la tête et le corps de l'Église enseignante, est l'autorité la plus haute et la plus solennelle qui puisse exister. Il jouit donc de l'infaillibilité dans les définitions de la doctrine sur la foi et les mœurs. Pour être valables, il n'est pas nécessaire que les décrets conciliaires soient votés à l'unanimité absolue. Ce serait là une condition presque irréalisable. Cette thèse, mise en avant au concile du Vatican par les adversaires de l'infaillibilité pontificale, ne repose sur rien, ni sur l'histoire, ni sur la tradition, ni sur les principes juridiques et rationnels. Il va de soi, en effet, que dans toute assemblée délibérante, dans les conciles par conséquent, les questions doivent être tranchées par la majorité. Il y a lieu cependant de faire une réserve pour les cas où le pape serait avec la minorité, vu que le pape seul a le droit de trancher souverainement les questions. Si la chose se présentait, le décret serait dénommé, avec plus de justesse, décision pontificale, que décision conciliaire.
Mais les décrets conciliaires ont-ils, dans toute leur teneur, la même autorité doctrinale? Il convient de distinguer, dans les décisions rendues par plusieurs conciles, notamment par les conciles de Trente et du Vatican, une double partie : une partie positive, représentée par les chapitres consacrés à l'exposition de la véritable doctrine, et une partie négative représentée par les canons où sont condamnées les erreurs contraires. Quelle est la valeur des uns et des autres? Aucun doute n'est possible pour ce qui concerne les canons. Comme ils portent l’anathème342 contre quiconque contredit la vérité définie par les chapitres, de toute évidence ils constituent une définition infaillible et de foi catholique, qu'on ne peut rejeter sans tomber dans l'hérésie. Les chapitres doctrinaux contiennent, eux aussi, un enseignement infaillible, mais à côté de la substance de la définition, il y a des considérants et des arguments sur lesquels s'appuie la définition. Cette dernière partie n'est pas comprise dans l'objet de l'infaillibilité.
416.— Corollaires. — 1. De ce que le concile est la plus haute et la plus solennelle autorité dans l'Eglise, faut-il conclure qu'il soit au-dessus du Pape? La théorie de la supériorité du concile, dont l'origine doit être reportée au moment du grand schisme d'Occident, fut soutenue par Pierre d'Ailly, par Gerson (xve siècle) et par les gallicans du xvii» siècle ; elle trouva sa formule dans le deuxième article de la Déclaration de 1682 (V. N° 398, n.) et dans la troisième proposition du Synode de Pistoie. Combattue par la grande majorité des théologiens, repoussée par le Saint-Siège qui rejeta, en particulier, les articles de 1682 et les erreurs du Synode de Pistoie, elle fut définitivement condamnée par le concile du Vatican qui définit l'infaillibilité pontificale (V. N° 399). De cette définition il ressort : 1) que l'autorité du Pape seul est égale a l'autorité du concile, si l'on entend par là l'assemblée du collège épiscopal, y compris le pape, et — 2) qu'elle est supérieure à l'autorité du corps épiscopal, d'où serait retranché le pape, c'est-à-dire la tête de l'Église. L'on ne peut donc pas appeler du pape à un concile général, puisque les deux autorités sont égales.
417. — 2. UTILITÉ DES CONCILES ŒCUMÉNIQUES. — II y a lieu de se demander à quoi peuvent servir les conciles œcuméniques du moment que l’ensemble des évêques dispersé, et uni avec le pape, ne présentent pas une garantie supérieure d’infaillibilité. Bien qu’ils ne soient pas nécessaires343, les conciles œcuméniques n’en restent pas moins très utiles pour les raisons suivantes : — 1) Tout d'abord, l'avis des évêques peut aider beaucoup à la connaissance de la vérité. Il faut bien se rappeler en effet que l'infaillibilité ne se confond ni avec l'inspiration ni avec la révélation, et que, si elle est l'inerrance de droit, elle ne dispense nullement du travail et de l'étude. — 2) La sentence qui proclame la foi et condamne l'erreur aura d'autant plus de poids, et sera d'autant mieux acceptée des fidèles qu'elle aura été prononcée par l'ensemble du corps enseignant. — 3) Au point de vue disciplinaire, le pape portera des lois d'autant plus opportunes et plus efficaces que, par l'intermédiaire des évêques, il sera mieux au courant des erreurs et des abus qui se trouvent dans l'Église universelle.
A ces différents points de vue, les conciles sont d'une utilité indiscutable. Ils ne sont pas absolument nécessaires, comme les Jansénistes le prétendaient, mais il peut arriver qu'ils soient relativement et moralement nécessaires dans les cas où l'unité de l'Église serait mise en péril, par le fait du pape lui-même, qui deviendrait hérétique, en tant que docteur privé, ou pécheur scandaleux (V. N° 399, n. 3) et surtout dans le cas où l'élection d'un pape serait douteuse, comme la chose s'est présentée lors du grand schisme d'Occident.
Le collège des Évêques, pris dans son ensemble et en union avec le pape, peut être considéré soit dispersé dans le monde, soit assemblé en concile œcuménique.
413. — 1° Les Évêques dispersés. — II n'est pas nécessaire que les Évêques se réunissent en concile général pour être infaillibles. Même dispersés, ils forment le corps enseignant de l'Église et ne jouissent pas moins de l'infaillibilité. Quand Jésus a promis à ses Apôtres d'être avec eux jusqu'à la fin des siècles, il n'a pas mis la condition qu'eux ou leurs successeurs devaient se réunir à un endroit quelconque pour obtenir son assistance. Du reste, le consentement unanime de l'Église a toujours été reconnu comme une des meilleures preuves de la vérité de la doctrine, et saint Vincent de Lérins a pu poser cette règle qu'il faut croire « ce qui a été cru partout, toujours et par tous ». Au surplus, que les choses doivent être ainsi, la raison nous le dit., ce n'est pas seulement dans des circonstances exceptionnelles, mais en tout temps, que l'épiscopat est chargé de renseignement ; donc, à tout moment, il doit avoir le privilège de l'infaillibilité. Aussi, avant le premier concile œcuménique qui n'a eu lieu qu'au début du IVe siècle (en 325 à Nicée) le magistère ordinaire du corps épiscopal avait déjà amené le dogme à un haut degré de développement. L'Église enseignait déjà d'une manière explicite les dogmes de la Trinité et de la divinité de Jésus-Christ, de la Rédemption, de la virginité et de la maternité divine de Marie, les éléments du dogme du péché originel ; elle avait presque fixé sa doctrine sur les principaux sacrements, entre autres, sur le baptême, sur la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie, à la fois sacrement et sacrifice, etc. Les conciles qui se tiendront à partir de cette date, ne feront le plus souvent que préciser les points encore discutés et donner une autorité plus ferme à la croyance déjà établie.
L'on pourrait ajouter que, dans les premiers siècles, bien des hérésies furent condamnées par les décisions dogmatiques d'un nombre restreint d'Évêques, dispersés dans le monde, ou simplement réunis en concile particulier : provincial ou national.
414. — 2. Les Évêques réunis en concile. — Le concile (lat. concilium assemblée) œcuménique (gr. oihoumenikos, universel) est l'assemblée solennelle des évêques de tout l'univers. Deux points nous intéressent ici, à savoir les conditions à l’œcuménicité d'un concile, et leur autorité.
A. CONDITIONS D'ŒCUMÉNICITÉ. — Pour qu'un concile soit œcuménique, il faut : — a) que tous les évêques du monde y aient été officiellement convoqués340, mais il n'est pas nécessaire et il est matériellement impossible que tous y assistent. Il n'est même pas requis que le chiffre des présents l'emporte sur celui des absents, il suffit qu'il y en ait un assez grand nombre pour représenter moralement l'Église universelle. Dans le cas de doute sur l’œcuménicité d'un concile, il appartient à l'Église de trancher cette question de fait dogmatique (N° 391) ; — b) que le Pape prête son autorité au concile. D'où il suit : — 1. que tout concile œcuménique doit être convoqué 341 par le pape ou de son consentement ; — 2. présidé par lui ou par ses légats ; — 3. que les décrets du concile soient ratifiés par lui et promulgués par son ordre (Can. 227). Pour cette dernière raison, certains conciles (v. g. le 1er et le 2e de Constantinople) qui n'étaient pas œcuméniques, du fait de leur convocation et de leur célébration, le sont devenus par la ratification subséquente du Pape ; par contre, d'autres conciles, dits œcuméniques, ne le sont pas pour tous leurs décrets, l'approbation du pape ayant fait défaut, comme nous avons eu l'occasion de le constater à propos du 28e canon du concile de Chalcédoine que le pape saint Léon ne voulut pas ratifier (V. N° 370).
415. — B. AUTORITÉ DES CONCILES ŒCUMÉNIQUES. — Le concile œcuménique, où se trouvent réunis le pape et les évêques, c'est-à-dire la tête et le corps de l'Église enseignante, est l'autorité la plus haute et la plus solennelle qui puisse exister. Il jouit donc de l'infaillibilité dans les définitions de la doctrine sur la foi et les mœurs. Pour être valables, il n'est pas nécessaire que les décrets conciliaires soient votés à l'unanimité absolue. Ce serait là une condition presque irréalisable. Cette thèse, mise en avant au concile du Vatican par les adversaires de l'infaillibilité pontificale, ne repose sur rien, ni sur l'histoire, ni sur la tradition, ni sur les principes juridiques et rationnels. Il va de soi, en effet, que dans toute assemblée délibérante, dans les conciles par conséquent, les questions doivent être tranchées par la majorité. Il y a lieu cependant de faire une réserve pour les cas où le pape serait avec la minorité, vu que le pape seul a le droit de trancher souverainement les questions. Si la chose se présentait, le décret serait dénommé, avec plus de justesse, décision pontificale, que décision conciliaire.
Mais les décrets conciliaires ont-ils, dans toute leur teneur, la même autorité doctrinale? Il convient de distinguer, dans les décisions rendues par plusieurs conciles, notamment par les conciles de Trente et du Vatican, une double partie : une partie positive, représentée par les chapitres consacrés à l'exposition de la véritable doctrine, et une partie négative représentée par les canons où sont condamnées les erreurs contraires. Quelle est la valeur des uns et des autres? Aucun doute n'est possible pour ce qui concerne les canons. Comme ils portent l’anathème342 contre quiconque contredit la vérité définie par les chapitres, de toute évidence ils constituent une définition infaillible et de foi catholique, qu'on ne peut rejeter sans tomber dans l'hérésie. Les chapitres doctrinaux contiennent, eux aussi, un enseignement infaillible, mais à côté de la substance de la définition, il y a des considérants et des arguments sur lesquels s'appuie la définition. Cette dernière partie n'est pas comprise dans l'objet de l'infaillibilité.
416.— Corollaires. — 1. De ce que le concile est la plus haute et la plus solennelle autorité dans l'Eglise, faut-il conclure qu'il soit au-dessus du Pape? La théorie de la supériorité du concile, dont l'origine doit être reportée au moment du grand schisme d'Occident, fut soutenue par Pierre d'Ailly, par Gerson (xve siècle) et par les gallicans du xvii» siècle ; elle trouva sa formule dans le deuxième article de la Déclaration de 1682 (V. N° 398, n.) et dans la troisième proposition du Synode de Pistoie. Combattue par la grande majorité des théologiens, repoussée par le Saint-Siège qui rejeta, en particulier, les articles de 1682 et les erreurs du Synode de Pistoie, elle fut définitivement condamnée par le concile du Vatican qui définit l'infaillibilité pontificale (V. N° 399). De cette définition il ressort : 1) que l'autorité du Pape seul est égale a l'autorité du concile, si l'on entend par là l'assemblée du collège épiscopal, y compris le pape, et — 2) qu'elle est supérieure à l'autorité du corps épiscopal, d'où serait retranché le pape, c'est-à-dire la tête de l'Église. L'on ne peut donc pas appeler du pape à un concile général, puisque les deux autorités sont égales.
417. — 2. UTILITÉ DES CONCILES ŒCUMÉNIQUES. — II y a lieu de se demander à quoi peuvent servir les conciles œcuméniques du moment que l’ensemble des évêques dispersé, et uni avec le pape, ne présentent pas une garantie supérieure d’infaillibilité. Bien qu’ils ne soient pas nécessaires343, les conciles œcuméniques n’en restent pas moins très utiles pour les raisons suivantes : — 1) Tout d'abord, l'avis des évêques peut aider beaucoup à la connaissance de la vérité. Il faut bien se rappeler en effet que l'infaillibilité ne se confond ni avec l'inspiration ni avec la révélation, et que, si elle est l'inerrance de droit, elle ne dispense nullement du travail et de l'étude. — 2) La sentence qui proclame la foi et condamne l'erreur aura d'autant plus de poids, et sera d'autant mieux acceptée des fidèles qu'elle aura été prononcée par l'ensemble du corps enseignant. — 3) Au point de vue disciplinaire, le pape portera des lois d'autant plus opportunes et plus efficaces que, par l'intermédiaire des évêques, il sera mieux au courant des erreurs et des abus qui se trouvent dans l'Église universelle.
A ces différents points de vue, les conciles sont d'une utilité indiscutable. Ils ne sont pas absolument nécessaires, comme les Jansénistes le prétendaient, mais il peut arriver qu'ils soient relativement et moralement nécessaires dans les cas où l'unité de l'Église serait mise en péril, par le fait du pape lui-même, qui deviendrait hérétique, en tant que docteur privé, ou pécheur scandaleux (V. N° 399, n. 3) et surtout dans le cas où l'élection d'un pape serait douteuse, comme la chose s'est présentée lors du grand schisme d'Occident.
340 De droit divin et ordinaire, doivent être convoqués tous les évoques ayant une juridiction actuelle, c'est-à-dire ceux qui sont préposés à un diocèse et qui s'appellent ordinaires ou résidentiels. Les évêques titulaires, c'est-à-dire ceux qui sont revêtus de la dignité épiscopale, sans avoir de juridiction sur un diocèse, et les Vicaires apostoliques peuvent être convoqués, mais ne le sont pas de droit. Dans les premiers siècles, à cause de la longueur et de la difficulté des voyages, les métropolitains seuls étaient directement convoqués, avec charge pour eux d'amener un certain nombre de leurs suffragants.
De nos jours, par privilège et en raison de la coutume, sont également convoqués, en dehors des évêques ordinaires : — 1. les cardinaux, même s'ils ne sont pas évêques ; — 2. les abbés et autres prélats ayant juridiction quasi-épiscopale avec territoire séparé ; — 3. les abbés généraux de monastères groupés en congrégations et les supérieurs généraux d'Ordres... (Can. 223). A titre consultatif, des théologiens et des canonistes peuvent être admis aux séances, mais sans prendre part au vote. De même, il est arrivé autrefois que les princes catholiques ont été invités à titre honorifique.
341
Nous disons convoqué par le pape ou de son consentement. C'est qu'en effet l'histoire des huit premiers conciles nous les montre comme convoqués par les empereurs. Ceux-ci agissaient-ils en leur propre nom, ou avaient-ils reçu mandat du Souverain Pontife? Leurs lettres de convocation, leurs déclarations aux conciles où ils disent qu'ils ont convoqué le concile par l'inspiration de Dieu, ainsi que les témoignages des contemporains, évêques, conciles, papes eux-mêmes qui leur reconnaissent ce droit, pourraient faire croire au premier abord qu'ils agissaient en dehors des papes. Mais il convient de distinguer entre la convocation matérielle et la convocation formelle. A cause de la difficulté des déplacements, de l'insécurité des routes, des multiples dangers et ennuis d'un si long voyage, les évêques auraient hésité à quitter leur résidence ; en outre, les réunions nombreuses étaient interdites par la législation de l'Empire. Seuls les empereurs avaient entre les mains l'autorité et la puissance voulues pour appeler les évêques, les protéger et les dispenser des lois existantes, bref, pour faire la convocation matérielle. Mais les papes n'en restaient pas moins les auteurs de la convocation formelle, dans ce sens qu'en présidant l'assemblée, soit par eux-mêmes, soit plus souvent par des légats, ils l'érigeaient en un corps juridique ayant qualité pour définir les points de dogme et de morale ou pour porter des lois disciplinaires.
342 Anathème (du gr. anathêma, objet consacré, séparé). Ce mot, qui, dans l'Ancien et le Nouveau Testament, a le sens de maudit, est employé par l'Eglise pour désigner l'excommunication, le retranchement, la séparation d'avec le corps de l'Eglise.
343 Non seulement les conciles œcuméniques ne sont pas nécessaires, mais il y a eu des époques de l'histoire de l'Eglise où ils ont été très rares. Nous avons déjà dit qu'il n'y en a pas eu jusqu'en 325. Entre le huitième et le neuvième conciles, il y eut, comme on le verra au numéro suivant, plus de deux siècles et demi, et plus de trois siècles entre le concile de Trente et celui du Vatican
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
418. — 3. SÉRIE CHRONOLOGIQUE DES CONCILES ŒCUMÉNIQUES.
L'on compte généralement jusqu'à notre époque dix-neuf conciles344. Les voici dans leur ordre avec quelques indications sur leur objet.
Le premier Concile de Nicée, en 325, réuni par Constantin sous le pontificat de saint Sylvestre, il définit contre Arius la consubstantialité du Verbe, c'est-à-dire la divinité de Jésus-Christ, sanctionna solennellement les privilèges des trois sièges patriarcaux de Rome, d'Alexandrie et d'Antioche, et étendit à toute l'Église la coutume de l'Église romaine, quant à la date de la célébration de la fête de Pâques.
2. Le premier Concile de Constantinople, en 381, sous le pape Damase et l'empereur Théodose le Grand, définit contre Macédonius de Constantinople la divinité du Saint-Esprit. Ce concile qui n'était œcuménique ni par sa convocation ni par sa célébration, puisque le pape n'y avait été ni invité ni associé, n'acquit l'autorité et le rang de concile œcuménique que plus tard par la reconnaissance et l'adhésion de l'Église universelle.
3. Le Concile d'Éphèse, en 431, sous le pontificat de Célestin I et le règne de Théodose le Jeune, définit contre Nestorius l'unité de personne dans le Christ et la maternité divine de Marie.
4. Le Concile de Chalcédoine, en 451, sous saint Léon le Grand et l'empereur Marcien, condamna l'eutychianisme et définit la dualité de natures en Jésus-Christ. Le 28e canon de ce concile qui attribuait au patriarche de Constantinople la première place après celui de Rome, n'a jamais été confirmé par le pape.
5. Le deuxième de Constantinople, en 553, condamna, comme entachés de Nestorianisme, ce que l'on appela les Trois-Chapitres, c'est-à-dire Théodose de Mopsueste et ses ouvrages, les écrits de Théordoret de Cyr contre Saint Cyrille et le concile d’Ephèse, la lettre d’Ibas d’Edesse injurieuse pour le concile et saint Cyrille. Célébré sans la participation et malgré opposition du Pape Vigile, il n’est devenu oecuménique que par l'accession subséquente du Pontife.
6. Le troisième de Constantinople, en 680, condamna le monothélisme, ses défenseurs et ses fauteurs, entre autres, le pape Honorius coupable de négligence dans la répression de l'erreur. Convoqué sous Agathon, il ne fut confirmé que par son successeur Léon II qui approuva le décret conciliaire, en l'interprétant, quant à Honorius, dans le sens que nous avons indiqué au N° 339.
7. Le deuxième de Nicée, en 787, sous la régence de l'impératrice Irène et le pontificat d'Hadrien Ier, définit contre les iconoclastes la légitimité du culte des images, en faisant la distinction traditionnelle entre ce culte de vénération et celui d'adoration qui n'est dû qu'à Dieu.
8. Le quatrième de Constantinople, en 869-870, sous Hadrien II, prononça la déposition de l'usurpateur Photius.
9. Le premier Concile de Latran, en 1123, le premier des conciles œcuméniques d'Occident, sous le pape Calixte II, prit des mesures sévères contre la simonie et l'inconduite des clercs et approuva le concordat de Worms intervenu entre Calixte II et l'empereur Henri V, au sujet des investitures. ,
10. Le deuxième Concile de Latran, en 1139, sous Innocent II, édicté des mesures disciplinaires concernant le clergé.
11. Le troisième de Latran, en 1179, sous Alexandre III, condamne les Cathares et règle le mode d'élection des papes, en déclarant validement élu le candidat qui aura réuni les deux tiers des voix des cardinaux.
12. Le quatrième de Latran, en 1215, sous Innocent III. L'un des plus importants conciles, il condamne les Albigeois et les Vaudois; il fixe la législation ecclésiastique sur les empêchements de mariage, et impose à tous les fidèles l'obligation de la confession annuelle et de la communion pascale.
13. Le premier Concile de Lyon, en 1245, sous Innocent IV, régla la procédure des jugements ecclésiastiques et prononça la déposition de l'empereur Frédéric II.
14. Le deuxième de Lyon, convoqué en 1274. par Grégoire X, rétablit l'union avec les Grecs qui, outre la légitimité du Filioque, reconnurent la primauté du pape et la doctrine catholique de l'Église latine enseignant l'existence du Purgatoire.
15. Le Concile de Vienne, en 1311-1312, sous Clément V, décide la suppression de l'ordre des Templiers, et définit que l'âme raisonnable est la forme substantielle du corps humain.
16. Le Concile de Baie-Ferrare-Florence (1431-1442), convoqué par Eugène IV, eut pour objectifs principaux la réforme de l'Eglise et un nouvel essai de réconciliation des Églises latine et grecque.
17. Le cinquième Concile de Latran, convoqué par Jules II, en 1512, et continué par son successeur Léon X jusqu'en 1517, avait pour but primaire la réforme du clergé et des fidèles. Il publia quelques décrets concernant les nominations aux charges ecclésiastiques, le genre de vie des clercs et des laïques.
18. Le Concile de Trente, convoqué par Paul III et ouvert dans cette ville en 1545, transféré deux ans plus tard à Bologne, suspendu bientôt après, puis réinstallé à Trente par Jules III en 1551, interrompu à nouveau, puis repris et terminé sous Pie IV en 1563 a eu pour but de combattre les erreurs protestantes. Il est le plus célèbre par le nombre et l'importance de ses décrets dogmatiques et disciplinaires.
19. Le Concile du Vatican, convoqué par Pie IX, inauguré le 8 décembre 1869 et suspendu le 20 octobre 1870, n'a pu tenir que quatre sessions. Aucun souverain catholique n'a été autorisé à s'y faire représenter officiellement. Il a condamné, d'une part, dans sa Constitution Dei Filius, les erreurs contemporaines sur la foi et la révélation, et il a défini, d'autre part, dans la constitution Pastor aeternus les dogmes de la primauté et de l'infaillibilité personnelle de Pierre et de ses successeurs345.
419. — Conclusion. — L'Église, société parfaite. — De l'étude que nous venons de faire sur sa constitution intime, il est permis de conclure que l'Église est une société parfaite. .
On entend par société parfaite toute société qui ne dépend d'aucune autre, tant dans la fin qu'elle poursuit que dans les moyens qui lui sont nécessaires pour atteindre cette fin. Au contraire, la société imparfaite est celle qui est subordonnée à une autre et qui n'a de pouvoirs que ceux que cette autre veut bien lui concéder. Ainsi, les Sociétés de chemins de fer, de mines, etc., sont des sociétés imparfaites, vu qu'elles sont subordonnés à l'État.
Que l'Église soit une société parfaite, cela découle de son origine et de sa nature : — a) de son origine. C'est de la volonté de Jésus-Christ, de la volonté de Dieu, par conséquent, que l'Église est née. Ne dépendant dans son existence d'aucune volonté humaine, il s'ensuit qu'elle ne peut être subordonnée a aucun pouvoir civil : elle est, de par son origine, une société autonome et indépendante ; — b) de sa nature. L'Église est une société d'ordre spirituel, puisque Jésus-Christ lui a donné la mission et les pouvoirs de conduire les hommes à leur fin surnaturelle. Mais, si elle est une société d'ordre spirituel, il est évident qu'elle ne peut recevoir d'aucune société d'ordre temporel les moyens dont elle a besoin pour sa fin surnaturelle ; ses pouvoirs ne peuvent dépendre de l'autorité civile comme s'ils en étaient une dérivation ou une participation. II ne faut donc pas s'étonner que l'Église ait toujours revendiqué cette prérogative d'être une société parfaite et que maintes fois elle ait affirmé son indépendance du pouvoir civil, comme elle l'a fait, en particulier, en condamnant les propositions suivantes du Syllabus : « L'Église n'est pas une vraie et parfaite société pleinement libre et ne jouit pas de droits propres conférés par son divin fondateur ; c'est au pouvoir civil à définir ses droits et les limites dans lesquelles elle peut les exercer » (Prop., xix). « Le pouvoir ecclésiastique ne doit pas exercer son autorité sans la permission et l'assentiment du gouvernement. » (Prop., xx). Les Pères du Concile du Vatican (1870) ont condamné de nouveau l'opinion selon laquelle le Saint-Siège ne pourrait exercer ses pouvoirs de gouvernement sans le placet du pouvoir civil (Const. I de l’Église du Christ, ch. 3).
BIBLIOGRAPHIE. — Du Dict. Vacant-Mangenot : Dublanchy, art. Église; Ortolan, art. Canonisation ; Quilliet, art. Censures doctrinales ; Ortolan, art. Conclave ; Forget, art. Congrégations romaines, art. Conciles. — Du Dict. d'Alès : Forget, art. Curie romaine (Cardinaux) ; Choupin, art. Curie romaine (Congrégations). — Tanquerey, Théologie dogmatique fondamentale. — Palmieri, De Romano Pontifice (Rome). — Choupin, Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège (Beauchesne). — J. de Maistre, Du Pape. — Boudinhon, Primauté, Schisme et Juridiction, dans la Rey. Le Canoniste contemporain, fév. 1896. — Demeuran, L'Église, Constitution, Droit public (Beauchesne). — Dom Gréa, De l’Église et de sa divine constitution (Bonne Presse).
L'on compte généralement jusqu'à notre époque dix-neuf conciles344. Les voici dans leur ordre avec quelques indications sur leur objet.
Le premier Concile de Nicée, en 325, réuni par Constantin sous le pontificat de saint Sylvestre, il définit contre Arius la consubstantialité du Verbe, c'est-à-dire la divinité de Jésus-Christ, sanctionna solennellement les privilèges des trois sièges patriarcaux de Rome, d'Alexandrie et d'Antioche, et étendit à toute l'Église la coutume de l'Église romaine, quant à la date de la célébration de la fête de Pâques.
2. Le premier Concile de Constantinople, en 381, sous le pape Damase et l'empereur Théodose le Grand, définit contre Macédonius de Constantinople la divinité du Saint-Esprit. Ce concile qui n'était œcuménique ni par sa convocation ni par sa célébration, puisque le pape n'y avait été ni invité ni associé, n'acquit l'autorité et le rang de concile œcuménique que plus tard par la reconnaissance et l'adhésion de l'Église universelle.
3. Le Concile d'Éphèse, en 431, sous le pontificat de Célestin I et le règne de Théodose le Jeune, définit contre Nestorius l'unité de personne dans le Christ et la maternité divine de Marie.
4. Le Concile de Chalcédoine, en 451, sous saint Léon le Grand et l'empereur Marcien, condamna l'eutychianisme et définit la dualité de natures en Jésus-Christ. Le 28e canon de ce concile qui attribuait au patriarche de Constantinople la première place après celui de Rome, n'a jamais été confirmé par le pape.
5. Le deuxième de Constantinople, en 553, condamna, comme entachés de Nestorianisme, ce que l'on appela les Trois-Chapitres, c'est-à-dire Théodose de Mopsueste et ses ouvrages, les écrits de Théordoret de Cyr contre Saint Cyrille et le concile d’Ephèse, la lettre d’Ibas d’Edesse injurieuse pour le concile et saint Cyrille. Célébré sans la participation et malgré opposition du Pape Vigile, il n’est devenu oecuménique que par l'accession subséquente du Pontife.
6. Le troisième de Constantinople, en 680, condamna le monothélisme, ses défenseurs et ses fauteurs, entre autres, le pape Honorius coupable de négligence dans la répression de l'erreur. Convoqué sous Agathon, il ne fut confirmé que par son successeur Léon II qui approuva le décret conciliaire, en l'interprétant, quant à Honorius, dans le sens que nous avons indiqué au N° 339.
7. Le deuxième de Nicée, en 787, sous la régence de l'impératrice Irène et le pontificat d'Hadrien Ier, définit contre les iconoclastes la légitimité du culte des images, en faisant la distinction traditionnelle entre ce culte de vénération et celui d'adoration qui n'est dû qu'à Dieu.
8. Le quatrième de Constantinople, en 869-870, sous Hadrien II, prononça la déposition de l'usurpateur Photius.
9. Le premier Concile de Latran, en 1123, le premier des conciles œcuméniques d'Occident, sous le pape Calixte II, prit des mesures sévères contre la simonie et l'inconduite des clercs et approuva le concordat de Worms intervenu entre Calixte II et l'empereur Henri V, au sujet des investitures. ,
10. Le deuxième Concile de Latran, en 1139, sous Innocent II, édicté des mesures disciplinaires concernant le clergé.
11. Le troisième de Latran, en 1179, sous Alexandre III, condamne les Cathares et règle le mode d'élection des papes, en déclarant validement élu le candidat qui aura réuni les deux tiers des voix des cardinaux.
12. Le quatrième de Latran, en 1215, sous Innocent III. L'un des plus importants conciles, il condamne les Albigeois et les Vaudois; il fixe la législation ecclésiastique sur les empêchements de mariage, et impose à tous les fidèles l'obligation de la confession annuelle et de la communion pascale.
13. Le premier Concile de Lyon, en 1245, sous Innocent IV, régla la procédure des jugements ecclésiastiques et prononça la déposition de l'empereur Frédéric II.
14. Le deuxième de Lyon, convoqué en 1274. par Grégoire X, rétablit l'union avec les Grecs qui, outre la légitimité du Filioque, reconnurent la primauté du pape et la doctrine catholique de l'Église latine enseignant l'existence du Purgatoire.
15. Le Concile de Vienne, en 1311-1312, sous Clément V, décide la suppression de l'ordre des Templiers, et définit que l'âme raisonnable est la forme substantielle du corps humain.
16. Le Concile de Baie-Ferrare-Florence (1431-1442), convoqué par Eugène IV, eut pour objectifs principaux la réforme de l'Eglise et un nouvel essai de réconciliation des Églises latine et grecque.
17. Le cinquième Concile de Latran, convoqué par Jules II, en 1512, et continué par son successeur Léon X jusqu'en 1517, avait pour but primaire la réforme du clergé et des fidèles. Il publia quelques décrets concernant les nominations aux charges ecclésiastiques, le genre de vie des clercs et des laïques.
18. Le Concile de Trente, convoqué par Paul III et ouvert dans cette ville en 1545, transféré deux ans plus tard à Bologne, suspendu bientôt après, puis réinstallé à Trente par Jules III en 1551, interrompu à nouveau, puis repris et terminé sous Pie IV en 1563 a eu pour but de combattre les erreurs protestantes. Il est le plus célèbre par le nombre et l'importance de ses décrets dogmatiques et disciplinaires.
19. Le Concile du Vatican, convoqué par Pie IX, inauguré le 8 décembre 1869 et suspendu le 20 octobre 1870, n'a pu tenir que quatre sessions. Aucun souverain catholique n'a été autorisé à s'y faire représenter officiellement. Il a condamné, d'une part, dans sa Constitution Dei Filius, les erreurs contemporaines sur la foi et la révélation, et il a défini, d'autre part, dans la constitution Pastor aeternus les dogmes de la primauté et de l'infaillibilité personnelle de Pierre et de ses successeurs345.
419. — Conclusion. — L'Église, société parfaite. — De l'étude que nous venons de faire sur sa constitution intime, il est permis de conclure que l'Église est une société parfaite. .
On entend par société parfaite toute société qui ne dépend d'aucune autre, tant dans la fin qu'elle poursuit que dans les moyens qui lui sont nécessaires pour atteindre cette fin. Au contraire, la société imparfaite est celle qui est subordonnée à une autre et qui n'a de pouvoirs que ceux que cette autre veut bien lui concéder. Ainsi, les Sociétés de chemins de fer, de mines, etc., sont des sociétés imparfaites, vu qu'elles sont subordonnés à l'État.
Que l'Église soit une société parfaite, cela découle de son origine et de sa nature : — a) de son origine. C'est de la volonté de Jésus-Christ, de la volonté de Dieu, par conséquent, que l'Église est née. Ne dépendant dans son existence d'aucune volonté humaine, il s'ensuit qu'elle ne peut être subordonnée a aucun pouvoir civil : elle est, de par son origine, une société autonome et indépendante ; — b) de sa nature. L'Église est une société d'ordre spirituel, puisque Jésus-Christ lui a donné la mission et les pouvoirs de conduire les hommes à leur fin surnaturelle. Mais, si elle est une société d'ordre spirituel, il est évident qu'elle ne peut recevoir d'aucune société d'ordre temporel les moyens dont elle a besoin pour sa fin surnaturelle ; ses pouvoirs ne peuvent dépendre de l'autorité civile comme s'ils en étaient une dérivation ou une participation. II ne faut donc pas s'étonner que l'Église ait toujours revendiqué cette prérogative d'être une société parfaite et que maintes fois elle ait affirmé son indépendance du pouvoir civil, comme elle l'a fait, en particulier, en condamnant les propositions suivantes du Syllabus : « L'Église n'est pas une vraie et parfaite société pleinement libre et ne jouit pas de droits propres conférés par son divin fondateur ; c'est au pouvoir civil à définir ses droits et les limites dans lesquelles elle peut les exercer » (Prop., xix). « Le pouvoir ecclésiastique ne doit pas exercer son autorité sans la permission et l'assentiment du gouvernement. » (Prop., xx). Les Pères du Concile du Vatican (1870) ont condamné de nouveau l'opinion selon laquelle le Saint-Siège ne pourrait exercer ses pouvoirs de gouvernement sans le placet du pouvoir civil (Const. I de l’Église du Christ, ch. 3).
BIBLIOGRAPHIE. — Du Dict. Vacant-Mangenot : Dublanchy, art. Église; Ortolan, art. Canonisation ; Quilliet, art. Censures doctrinales ; Ortolan, art. Conclave ; Forget, art. Congrégations romaines, art. Conciles. — Du Dict. d'Alès : Forget, art. Curie romaine (Cardinaux) ; Choupin, art. Curie romaine (Congrégations). — Tanquerey, Théologie dogmatique fondamentale. — Palmieri, De Romano Pontifice (Rome). — Choupin, Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège (Beauchesne). — J. de Maistre, Du Pape. — Boudinhon, Primauté, Schisme et Juridiction, dans la Rey. Le Canoniste contemporain, fév. 1896. — Demeuran, L'Église, Constitution, Droit public (Beauchesne). — Dom Gréa, De l’Église et de sa divine constitution (Bonne Presse).
344
Bien que les auteurs disent vingt, comptant parmi les conciles œcuméniques le Concile de Constance (1414-1418) qui se tint alors lors du grand schisme d’occident et qui remplit les conditions d’œcuménicité du Concile qu’après l’élection de Martin V par le même concile (1417)
345
Voir, pour toute cette question, Forget, art. Conciles (Dict. Vacant-Mangenot)
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Chap. II. — Constitution de l'Église (suite). Les Droits de l'Église.
Relation de l'Église et de l'État.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
Société d'ordre spirituel, l'Église est, de par son origine et sa nature, une société parfaite : telle est la conclusion à laquelle nous avons abouti dans le chapitre précédent (N° 419). Deux points restent à établir : 1° les droits de l'Église ; et 2° les relations de l'Église et de l'État. Ce chapitre comprendra donc deux articles.
Art. 1. — Les Droits de l'Église.
420. — Société parfaite, l'Église est indépendante dans son existence et dans l'exercice de ses pouvoirs : de là découlent tous ses droits. Mais comment déterminer ces droits ? Il suffit, pour cela, de nous rappeler que tout pouvoir légitime entraîne comme conséquences des droits correspondants, et d'autre part, que l'Église a reçu de son divin fondateur la triple mission d'enseigner, de sanctifier et de gouverner. L'Église possède donc tous les droits qui sont en corrélation avec sa mission et avec son triple pouvoir doctoral, de ministère et de gouvernement.
Le pouvoir de ministère implique le droit d'administrer les sacrements. L'Église ayant reçu de Notre-Seigneur la mission et le pouvoir de sanctifier, l'État doit lui laisser toute liberté d'administrer les sacrements et d'exercer le culte selon les règles de sa liturgie. Comme ce droit ne lui est guère contesté, nous ne nous y arrêterons pas autrement. Nous nous bornerons donc à étudier, dans deux paragraphes, les droits de l'Église qui sont dérivés de ses deux pouvoirs d'enseigner et de gouverner.
§ 1. — Les droits de l'Église dérives de son pouvoir doctoral.
421. — II est permis de poser en principe général que, en vertu du pouvoir doctoral qu'elle tient de Notre-Seigneur, l'Église a le droit d'enseigner partout la doctrine chrétienne. Jésus-Christ a dit, en effet, à ses Apôtres : « Allez, enseignez toutes les nations. » Et comme cet ordre embrasse tout l'univers, il s'ensuit que l'Église a le droit de s'établir partout et que son magistère n'est limité ni dans le temps ni dans l'espace.
De la charge qui incombe à l'Église d'enseigner la doctrine du Christ découle un double droit et un double devoir : le premier, de caractère positif et direct qui est de donner elle-même l'enseignement religieux, — ce qui pose la question de l'École, — le second, négatif et indirect, qui est de proscrire les doctrines contraires à la sienne, ce qui nous ramène à la question de l'Index.
422. — Le droit d'enseigner. La question de l'École. — Remarquons, tout d'abord, qu'il n'est question ici que des enfants qui, du fait de leur baptême, font partie du corps de l'Église. Or, parmi eux, il convient de distinguer une double classe de sujets : les clercs et les laïques.
A. Relativement Aux Clercs, ou plutôt, à ceux qui se préparent à devenir les ministres de l'Évangile, il va de soi que l'Eglise a le droit de les recruter, de leur ouvrir des écoles spéciales (séminaires), où elle puisse entretenir les vocations, leur donner l'instruction et l'éducation appropriées aux fonctions auxquelles ils se destinent. C'est « aux Évêques seuls, dit Léon XIII, dans l'Encyclique Jampridem, que revient le droit et le devoir d'instruire et de former les jeunes gens que Dieu appelle pour en faire ses ministres et les dispensateurs de ses mystères. C'est de ceux à qui il a été dit : enseignez toutes les nations, que les hommes doivent recevoir la doctrine religieuse ; à combien plus forte .raison appartiendra-t-il aux Évêques de donner l'aliment de la saine doctrine, comment et par qui ils jugeront convenable, à ces ministres qui seront le sel de la terre et tiendront la place de Jésus-Christ parmi les hommes... Les chefs de gouvernement souffriraient-ils jamais que les jeunes gens placés dans les institutions militaires pour y apprendre l'art de la guerre, eussent d'autres maîtres que ceux qui excellent en cet art ? Ne choisit-on pas les plus habiles guerriers pour former les autres à la discipline des armes et à l'esprit militaire?... Voilà pourquoi, dans les concordats passés entre les Pontifes romains et les chefs des États, à différentes époques, le Siège apostolique veilla, d'une manière spéciale, au maintien des séminaires et réserva aux Évêques le droit de les régir, à l'exclusion de toute autre puissance. »
Chargée de la formation de ses ministres, l'Église a le droit d'obtenir du pouvoir civil qu'il ne les astreigne pas à des obligations incompatibles avec leur vocation, telles que le service militaire. Cette immunité346, qui a été l'objet des attaques les plus passionnées, se légitime pourtant très bien au double point de vue du droit ecclésiastique et du droit naturel : — a) Au point de vue du droit ecclésiastique, la chose ne fait pas de doute. De nombreux canons de l'Église proclament ce droit et vont même plus loin puisqu'ils interdisent aux ecclésiastiques, sous peine de censure, le port des armes et l'effusion du sang humain ; — b) au point de vue du droit naturel, le bien-fondé de l'immunité est tout aussi incontestable. Si l'État a le devoir de lever une armée et d'exiger le service obligatoire, tant pour maintenir le bon ordre à l'intérieur que pour résister aux attaques de l'ennemi, il a un autre devoir non moins impérieux, qui est de pourvoir aux besoins religieux de la nation. Or cela suppose, d'une part, l'existence du clergé, puisque le clergé est indispensable pour enseigner la doctrine et pratiquer le culte, et d'autre part, l'exemption du service militaire pour la. bonne raison que celui-ci présente un gros obstacle au recrutement sacerdotal.
A cela l'on objecte, il est vrai, que la caserne est une meilleure école que le séminaire, pour faire l'apprentissage de la vertu, et qu'elle est un excellent moyen d'éprouver et de rejeter les vocations mal affermies. Sans nier ce qu'il peut y avoir de juste dans cette objection, il n'en est pas moins faux de prétendre qu'une vocation n'est solide qu'autant qu'on l'a exposée aux plus dangereuses épreuves.
L'on objecte encore, au nom du fameux principe de l’égalité que, si les clercs participent aux avantages de la vie sociale, il convient qu'ils prennent aussi leur part des charges communes. Le raisonnement paraît impeccable, mais il s'agit de savoir précisément si le clergé ne porte point sa part du fardeau commun. L'Église pense, au contraire, que ses prêtres rendent à la société, par leur ministère, des services plus grands que ceux qu'ils rendraient comme soldats. Sans doute, il faut des soldats contre les ennemis du dehors ; il n'en faut pas moins, mais d'une autre sorte, pour résister aux ennemis du dedans: pour lutter contre la propagation des idées fausses et subversives, contre l'impiété et la corruption des mœurs. Et pour se préparer à cette mission, les sacrifices du prêtre qui, à partir du séminaire, abdique sa liberté et renonce aux joies du monde et de la famille, dépassent certainement en grandeur ceux des soldats. Nous pouvons donc conclure que l'exemption du service militaire, longtemps reconnue à l'Église comme un droit, n'était nullement un privilège excessif dont il y ait lieu de s'étonner ou de se scandaliser.
423. — B. RELATIVEMENT AUX LAÏQUES. — A aucun point de vue, l'Église ne peut se désintéresser des écoles, même laïques.— 1. S'il s'agit en effet de l'instruction religieuse, c'est à elle qu'en incombe le soin, et personne ne peut lui en contester le droit. — 2. S'il s'agit de toute autre branche, sur le terrain de la littérature, de l'histoire et des sciences, elle a le droit et le devoir de veiller à ce qu'on n'enseigne rien qui soit en opposition avec sa doctrine, avec son dogme et sa morale. Dans le cas où les écoles sortiraient de leur neutralité légale et deviendraient hostiles, elle devrait élever la voix, rappeler aux parente le devoir qui leur incombe, d'élever ou faire élever chrétiennement leurs enfants, et protester auprès des maîtres qui trahissent leur mission. Allons plus loin. L'Église, comme toute autre personne qui remplit les conditions voulues, doit jouir de la liberté d'ouvrir elle-même des écoles347: primaires, secondaires et supérieures (universités). A quel titre l'enseignement pourrait-il devenir le monopole de l'État? Est-ce que, de droit naturel, les enfants n'appartiennent pas aux parents d'abord, à la société ensuite? N'est-ce pas à ceux qui ont donné la vie du corps qu'il revient de former l'intelligence et de faire l'éducation de l'esprit? Mais s'il est vrai que l'instruction est une fonction des parents, et si, par ailleurs, ceux-ci ne peuvent que rarement remplir leur charge par eux-mêmes, il s'ensuit qu'ils ont le droit de se faire suppléer par des maîtres de leur choix. Là seulement, commencent les droits et les devoirs de l'État : c'est à lui de surveiller l'enseignement donné par la famille ou ses représentants, et de s'assurer s'il est conforme au bien commun, s'il ne porte aucune atteinte aux vérités religieuses, s'il est en harmonie avec les aspirations des parents, pourvu que ces dernières soient légitimes, s'il ne viole en rien les idées les plus sacrées et ne va pas contre les droits de Dieu et de la patrie.
Relation de l'Église et de l'État.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
Société d'ordre spirituel, l'Église est, de par son origine et sa nature, une société parfaite : telle est la conclusion à laquelle nous avons abouti dans le chapitre précédent (N° 419). Deux points restent à établir : 1° les droits de l'Église ; et 2° les relations de l'Église et de l'État. Ce chapitre comprendra donc deux articles.
Art. 1. — Les Droits de l'Église.
420. — Société parfaite, l'Église est indépendante dans son existence et dans l'exercice de ses pouvoirs : de là découlent tous ses droits. Mais comment déterminer ces droits ? Il suffit, pour cela, de nous rappeler que tout pouvoir légitime entraîne comme conséquences des droits correspondants, et d'autre part, que l'Église a reçu de son divin fondateur la triple mission d'enseigner, de sanctifier et de gouverner. L'Église possède donc tous les droits qui sont en corrélation avec sa mission et avec son triple pouvoir doctoral, de ministère et de gouvernement.
Le pouvoir de ministère implique le droit d'administrer les sacrements. L'Église ayant reçu de Notre-Seigneur la mission et le pouvoir de sanctifier, l'État doit lui laisser toute liberté d'administrer les sacrements et d'exercer le culte selon les règles de sa liturgie. Comme ce droit ne lui est guère contesté, nous ne nous y arrêterons pas autrement. Nous nous bornerons donc à étudier, dans deux paragraphes, les droits de l'Église qui sont dérivés de ses deux pouvoirs d'enseigner et de gouverner.
§ 1. — Les droits de l'Église dérives de son pouvoir doctoral.
421. — II est permis de poser en principe général que, en vertu du pouvoir doctoral qu'elle tient de Notre-Seigneur, l'Église a le droit d'enseigner partout la doctrine chrétienne. Jésus-Christ a dit, en effet, à ses Apôtres : « Allez, enseignez toutes les nations. » Et comme cet ordre embrasse tout l'univers, il s'ensuit que l'Église a le droit de s'établir partout et que son magistère n'est limité ni dans le temps ni dans l'espace.
De la charge qui incombe à l'Église d'enseigner la doctrine du Christ découle un double droit et un double devoir : le premier, de caractère positif et direct qui est de donner elle-même l'enseignement religieux, — ce qui pose la question de l'École, — le second, négatif et indirect, qui est de proscrire les doctrines contraires à la sienne, ce qui nous ramène à la question de l'Index.
422. — Le droit d'enseigner. La question de l'École. — Remarquons, tout d'abord, qu'il n'est question ici que des enfants qui, du fait de leur baptême, font partie du corps de l'Église. Or, parmi eux, il convient de distinguer une double classe de sujets : les clercs et les laïques.
A. Relativement Aux Clercs, ou plutôt, à ceux qui se préparent à devenir les ministres de l'Évangile, il va de soi que l'Eglise a le droit de les recruter, de leur ouvrir des écoles spéciales (séminaires), où elle puisse entretenir les vocations, leur donner l'instruction et l'éducation appropriées aux fonctions auxquelles ils se destinent. C'est « aux Évêques seuls, dit Léon XIII, dans l'Encyclique Jampridem, que revient le droit et le devoir d'instruire et de former les jeunes gens que Dieu appelle pour en faire ses ministres et les dispensateurs de ses mystères. C'est de ceux à qui il a été dit : enseignez toutes les nations, que les hommes doivent recevoir la doctrine religieuse ; à combien plus forte .raison appartiendra-t-il aux Évêques de donner l'aliment de la saine doctrine, comment et par qui ils jugeront convenable, à ces ministres qui seront le sel de la terre et tiendront la place de Jésus-Christ parmi les hommes... Les chefs de gouvernement souffriraient-ils jamais que les jeunes gens placés dans les institutions militaires pour y apprendre l'art de la guerre, eussent d'autres maîtres que ceux qui excellent en cet art ? Ne choisit-on pas les plus habiles guerriers pour former les autres à la discipline des armes et à l'esprit militaire?... Voilà pourquoi, dans les concordats passés entre les Pontifes romains et les chefs des États, à différentes époques, le Siège apostolique veilla, d'une manière spéciale, au maintien des séminaires et réserva aux Évêques le droit de les régir, à l'exclusion de toute autre puissance. »
Chargée de la formation de ses ministres, l'Église a le droit d'obtenir du pouvoir civil qu'il ne les astreigne pas à des obligations incompatibles avec leur vocation, telles que le service militaire. Cette immunité346, qui a été l'objet des attaques les plus passionnées, se légitime pourtant très bien au double point de vue du droit ecclésiastique et du droit naturel : — a) Au point de vue du droit ecclésiastique, la chose ne fait pas de doute. De nombreux canons de l'Église proclament ce droit et vont même plus loin puisqu'ils interdisent aux ecclésiastiques, sous peine de censure, le port des armes et l'effusion du sang humain ; — b) au point de vue du droit naturel, le bien-fondé de l'immunité est tout aussi incontestable. Si l'État a le devoir de lever une armée et d'exiger le service obligatoire, tant pour maintenir le bon ordre à l'intérieur que pour résister aux attaques de l'ennemi, il a un autre devoir non moins impérieux, qui est de pourvoir aux besoins religieux de la nation. Or cela suppose, d'une part, l'existence du clergé, puisque le clergé est indispensable pour enseigner la doctrine et pratiquer le culte, et d'autre part, l'exemption du service militaire pour la. bonne raison que celui-ci présente un gros obstacle au recrutement sacerdotal.
A cela l'on objecte, il est vrai, que la caserne est une meilleure école que le séminaire, pour faire l'apprentissage de la vertu, et qu'elle est un excellent moyen d'éprouver et de rejeter les vocations mal affermies. Sans nier ce qu'il peut y avoir de juste dans cette objection, il n'en est pas moins faux de prétendre qu'une vocation n'est solide qu'autant qu'on l'a exposée aux plus dangereuses épreuves.
L'on objecte encore, au nom du fameux principe de l’égalité que, si les clercs participent aux avantages de la vie sociale, il convient qu'ils prennent aussi leur part des charges communes. Le raisonnement paraît impeccable, mais il s'agit de savoir précisément si le clergé ne porte point sa part du fardeau commun. L'Église pense, au contraire, que ses prêtres rendent à la société, par leur ministère, des services plus grands que ceux qu'ils rendraient comme soldats. Sans doute, il faut des soldats contre les ennemis du dehors ; il n'en faut pas moins, mais d'une autre sorte, pour résister aux ennemis du dedans: pour lutter contre la propagation des idées fausses et subversives, contre l'impiété et la corruption des mœurs. Et pour se préparer à cette mission, les sacrifices du prêtre qui, à partir du séminaire, abdique sa liberté et renonce aux joies du monde et de la famille, dépassent certainement en grandeur ceux des soldats. Nous pouvons donc conclure que l'exemption du service militaire, longtemps reconnue à l'Église comme un droit, n'était nullement un privilège excessif dont il y ait lieu de s'étonner ou de se scandaliser.
423. — B. RELATIVEMENT AUX LAÏQUES. — A aucun point de vue, l'Église ne peut se désintéresser des écoles, même laïques.— 1. S'il s'agit en effet de l'instruction religieuse, c'est à elle qu'en incombe le soin, et personne ne peut lui en contester le droit. — 2. S'il s'agit de toute autre branche, sur le terrain de la littérature, de l'histoire et des sciences, elle a le droit et le devoir de veiller à ce qu'on n'enseigne rien qui soit en opposition avec sa doctrine, avec son dogme et sa morale. Dans le cas où les écoles sortiraient de leur neutralité légale et deviendraient hostiles, elle devrait élever la voix, rappeler aux parente le devoir qui leur incombe, d'élever ou faire élever chrétiennement leurs enfants, et protester auprès des maîtres qui trahissent leur mission. Allons plus loin. L'Église, comme toute autre personne qui remplit les conditions voulues, doit jouir de la liberté d'ouvrir elle-même des écoles347: primaires, secondaires et supérieures (universités). A quel titre l'enseignement pourrait-il devenir le monopole de l'État? Est-ce que, de droit naturel, les enfants n'appartiennent pas aux parents d'abord, à la société ensuite? N'est-ce pas à ceux qui ont donné la vie du corps qu'il revient de former l'intelligence et de faire l'éducation de l'esprit? Mais s'il est vrai que l'instruction est une fonction des parents, et si, par ailleurs, ceux-ci ne peuvent que rarement remplir leur charge par eux-mêmes, il s'ensuit qu'ils ont le droit de se faire suppléer par des maîtres de leur choix. Là seulement, commencent les droits et les devoirs de l'État : c'est à lui de surveiller l'enseignement donné par la famille ou ses représentants, et de s'assurer s'il est conforme au bien commun, s'il ne porte aucune atteinte aux vérités religieuses, s'il est en harmonie avec les aspirations des parents, pourvu que ces dernières soient légitimes, s'il ne viole en rien les idées les plus sacrées et ne va pas contre les droits de Dieu et de la patrie.
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On entend par immunité le droit en vertu duquel les ecclésiastiques sont exempts de certaines obligations communes. L'immunité est personnelle, ou locale, ou réelle: — 1. personnelle, si elle s'attache à la personne, v. g. l'exemption du service militaire, le privilège du for ecclésiastique (N° 432), le privilège du canon qui, déclarant la personne des clercs inviolable, défend de les frapper sous peine d'excommunication ; — 2. locale, si elle s'attache à un lieu : églises, cimetières, etc. Ainsi, le droit d'asile était le privilège en vertu duquel ceux qui jadis se réfugiaient dans une église, ne pouvaient être saisis par le bras séculier sans le consentement de l'autorité ecclésiastique ; — 3. réelle, si elle s'attache aux choses. Par exemple, les biens' ecclésiastiques étaient autrefois exempts des charges et impositions communes
347
En raison des services qu'elle rend à la société, elle a même le droit de réclamer l'aide morale et pécuniaire de l'État (répartition proportionnelle scolaire) et le retrait des lois interdisant aux Congrégations religieuses d'enseigner.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
424. — Le droit de censurer les livres. L'Index. — L'Église ne remplirait qu'imparfaitement son rôle de gardienne de la foi si elle ne pouvait condamner les mauvaises doctrines ; d'où son double droit : — 1° « d'interdire aux fidèles d'éditer des livres non soumis préalablement à sa censure et approuvés par elle, et — 2° de prohiber pour de justes raisons les livres déjà édités » (can. 1384, § 1).
Du second droit découle l'origine de l'Index. On appelle Index le catalogue des livres condamnés par le Saint-Office comme nuisibles à la foi ou aux bonnes mœurs, et dont la lecture et la détention sont défendues aux fidèles.
L'origine de l'Index, en tant que catalogue, remonte au xvie siècle. C'est seulement quand, par l'invention de l'imprimerie, les livres en général et les mauvais livres en particulier, se multiplièrent, que l'Église sentit le besoin de surveiller plus attentivement les productions littéraires. Nous trouvons la première ébauche de l'Index dans un catalogue de livres prohibés, dressé par les ordres de Paul IV en 1557 d'abord, puis en 1559 ; mais la véritable institution de l'Index date du concile de Trente et de Pie IV, qui promulgua un catalogue avec un ensemble de règles concernant la publication, la lecture et la détention des ouvrages répréhensibles (1564). Ces règles ont été plusieurs fois retouchées par différents papes, et, en dernier lieu, par Léon XIII, qui, dans sa Constitution apostolique Officiorum ac Munerum (fév. 1897), porta des Décrets généraux sur la prohibition et la censure des livres. Le Saint-Siège ne pouvant connaître tous les livres pernicieux qui sont édités dans le monde entier, qui attaquent, à l'occasion, la religion ou les bonnes mœurs ; — 4. les livres des acatholiques qui traitent ex professo de la religion, à moins qu'il ne soit constaté qu'ils ne contiennent rien contre la religion catholique ; — 5. les livres ou brochures qui édicta un certain nombre de règles générales qui condamnent en bloc tous les mauvais livres, règles qui forment le canon 1399 du Code.
« Sont prohibés par le droit : — 1. les éditions du texte original... de la Sainte Ecriture, ainsi que les traductions faites ou éditées en n'importe quelle langue par les acatholiques ; — 2. les livres des écrivains qui soutiennent l'hérésie, le schisme ou cherchent à ébranler en quelque façon les fondements de là religion ; — 3. les livres qui attaquent la religion ou les bonnes mœurs ; — 4. les livres des acatholiques qui traitent ex professo de la religion, à moins qu'il ne soit constaté qu'ils ne contiennent rien contre la religion catholique ; — 5. les livres ou brochures qui racontent des apparitions nouvelles, des révélations, des visions, des prophéties, ou qui cherchent à introduire des dévotions nouvelles, même sous prétexte qu'elles sont privées, s'ils ont été publiés, sans tenir compte des prescriptions canoniques ; — 6. les livres attaquant ou raillant quelque dogme catholique, soutenant des erreurs condamnées par le Saint-Siège, blâmant le culte catholique, cherchant à ruiner la discipline ecclésiastique, outrageant à l'occasion la hiérarchie ecclésiastique, l'état clérical ou religieux ; — 7. les livres enseignant ou recommandant une superstition quelle qu'elle soit, les sortilèges, la divination, la magie, l'évocation des esprits et autres choses du même genre ; — 8. les livres proclamant que le duel, le suicide ou le divorce sont licites ; les livres qui, traitant des sectes maçonniques ou autres semblables, prétendent qu'elles sont utiles et inoffensives pour l'Eglise et la société civile ; — 9. les livres traitant ex professo de choses lascives ou obscènes, les racontant, les enseignant ; — 10. les éditions de livres liturgiques approuvés jadis par l'Eglise mais qui, par suite de certains changements intervenus, ne concordent pas avec les éditions authentiques actuellement approuvées par le Saint-Siège ; — 11. les livres publiant des indulgences apocryphes, proscrites, ou révoquées ; — 12. les images, quel que soit leur mode d'impression, de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la Bienheureuse Vierge Marie, des anges, des saints ou des autres serviteurs de Dieu qui ne cadrent pas avec le sentiment et les décrets de l'Eglise (Can. 1399).
A cette liste de livres condamnés d'une manière générale, il faut ajouter tous les livres désignés nommément au catalogue de l'Index. A ce sujet, il convient de remarquer que les rigueurs de l'Index ont été adoucies. Autrefois, des condamnations globales étaient portées contre toutes les productions d’un auteur dont les tendances étaient reconnues mauvaises. Ces prohibitions faites en haine de l’auteur, ont disparu de la récente édition de l'Index.
Usage. — Ceux-là seuls peuvent lire et garder les livres condamnés, qui en ont reçu régulièrement l'autorisation du Saint-Siège ou de ses représentants.
« Les libraires ne peuvent ni vendre, ni prêter, ni garder les livres qui traitent ex professo de choses obscènes ; quant aux autres livres condamnés, ils ne peuvent les vendre qu'avec l'autorisation du Saint-Siège, et seulement à ceux qu'ils croient prudemment avoir le droit légitime de les acheter (can. 1404).
« Les Ordinaires, et tous ceux qui ont le soin des âmes doivent opportunément avertir les fidèles du danger et du mal de la lecture des mauvais livres, surtout des livres condamnés. » (Can. 1405, § 2.)
« Quiconque lit sciemment, sans l'autorisation du Saint-Siège, des livres d'apostats ou d'hérétiques, soutenant348 une hérésie, ainsi que les livres nommément condamnés, de n'importe quel auteur ; quiconque garde ces livres, les imprime ou s'en fait le défenseur, encourt ipso facto l'excommunication réservée spécialement au Souverain Pontife. » (Can. 2318.)
La valeur de l'Index découle de ce qui a été dit précédemment (N° 402) au sujet de l'autorité en général des décisions des congrégations, de celles du moins qui reçoivent l'approbation du pape dans la forme commune. N'étant pas des actes du Souverain Pontife, elles ne sont pas des décisions infaillibles ; mais elles exigent néanmoins de la part des fidèles plus qu'une soumission extérieure, plus que le respect du silence; elles ont droit à un assentiment prudemment et provisoirement terme.
425. —Objection. — Bien des critiques ont été élevées contre l'Index. Au nom des grands principes modernes : liberté de conscience, liberté d'opinions, liberté de parole et d'écrit, l'on attaque la législation de l'Église et le droit qu'elle revendique de défendre l'usagé de certains livres.
Réponse. — Le droit de l'Église de proscrire les livres dangereux, repose sur la Sainte Écriture, sur la tradition et sur la raison : — 1) Sainte Écriture. Comme nous l'avons vu(N° 310), l'Église a reçu de Jésus-Christ la mission d'enseigner la doctrine du Christ. De là découle pour elle le devoir, non seulement de prêcher la vraie doctrine, mais de s'opposer à tout ce qui pourrait entraver la conservation de la vérité intégrale: elle a donc plus que le droit, elle a le devoir de flétrir et de condamner les livres impies ou immoraux. — 2) Tradition. La pratique de l'Église, encore que, sous, sa forme actuelle, elle date seulement du XVIe siècle, remonte aux origines du christianisme. Saint Paul met son disciple Timothée en garde contre les discours profanes et vains qui font des ravages comme la gangrène (II Tim., II, 16, 17), recommandation qui doit s'entendre autant et plus encore des discours écrits. Il est dit, en outre, dans les Actes (xix, 19) que, à la suite de ses prédications à Éphèse, « beaucoup de ceux qui s'étaient adonnés aux superstitions dangereuses, apportèrent leurs livres et les brûlèrent devant tout le peuple ». Depuis les Apôtres, les Pères de l'Église, les conciles et les papes n'ont jamais cessé de stigmatiser les mauvais livres, ainsi que le rappelle Léon XIII dans sa constitution « Officiorum » : « L'histoire, dit il, atteste le soin et le zèle vigilant des Pontifes romains à empêcher la libre diffusion des ouvrages hérétiques, véritable calamité publique. L'antiquité chrétienne est pleine de ces exemples. Anastase 1er condamna rigoureusement les écrits dangereux d'Origène ; Innocent Ier ceux de Pelage, et Léon le Grand tous ceux des manichéens... De même, dans le cours des siècles, des sentences du Siège Apostolique ont frappé les livres funestes des monothélites, d'Abélard, de Marsile de Padoue, de Wicleff et de Huss. »349 — 3) Raison. Il est évident que la doctrine qui revendique, au nom de la liberté, le droit illimité pour tout individu, de soutenir sur toutes les questions l'opinion qu'il lui plaît, est une doctrine absurde, déraisonnable et anarchique. Ce serait en effet mettre sur le même pied le bien et le mal, le juste et l'injuste, le vrai et le faux, la vertu et le vice. Aucune société ne s'accommoderait de tels principes ; quelque loin que puisse aller son amour de la liberté, il y a cependant des limites qu'elle n'oserait dépasser. Pourquoi s'étonner alors que l'Église, qui est une société parfaite, qui a pour ses sujets la sollicitude d'une mère, prenne le plus grand soin à écarter le poison qui menace l'âme de ses enfants!
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Les livres qui contiennent des propositions hérétiques, mais sans que l'auteur les soutienne et s'efforce de les faire admettre par le raisonnement, ne tombent donc pas sous le coup de l'excommunication.
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Cet argument de la tradition peut fournir la matière de longs développements. L'on pourrait faire remarquer, par exemple : — 1. que la pratique de l'Eglise catholique se retrouve dans d'autres sociétés religieuses. Ainsi, chez les Juifs, la lecture de plusieurs livres de l'Ancien Testament (Genèse, Cantique des Cantiques, etc.) était interdite aux jeunes gens, à cause des périls que certains passages pouvaient faire courir à des imaginations encore trop jeunes pour découvrir le vrai sens du texte ; — 2. que les protestants eux-mêmes ont prohibé les doctrines opposées aux leurs. Ne sait-on pas que les disciples de Luther jetaient l'anathème sur les écrits des zwingliens et des calvinistes et que ces derniers usaient de réciproque à l'égard des luthériens? — 3. que la société païenne n'était pas moins sévère sur ce point. N'est-il pas rapporté, dans Cicéron (De natura Deorum, liv. I, chap 23) que pour avoir écrit cette simple phrase « Que les dieux existent c’est ce que je ne peux affirmer ni nier » Protagoras d’Abdère fut banni du territoire d’Athènes et son livre brûlé sur l’agora ?
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 2. — Les Droits de l'Église dérivés de son pouvoir de gouvernement.
426. — Parmi les principaux droits que l'Église détient de son pouvoir de gouvernement, il convient de citer :
1° Le droit d'organiser sa hiérarchie. — Qu'il s'agisse des ministres eux-mêmes ou des territoires à administrer, il est clair que l'Église a le droit de revendiquer une indépendance complète. Elle est libre de choisir ses ministres, comme elle l'entend, et de leur assigner les contrées à évangéliser. Elle peut, par conséquent, diviser le territoire en circonscriptions plus ou moins grandes, provinces, diocèses, paroisses, et, si elle le juge à propos, modifier les divisions anciennes et en former de nouvelles.
Que, dans le cours des siècles, l'Église ait varié dans le mode d'organiser sa hiérarchie, qu'il lui soit arrivé, par exemple, d'accorder au peuple ou aux chefs d'État le privilège d'intervenir et de désigner eux-mêmes le candidat, il n'y a pas lieu de s'en étonner. Ce sont là autant de concessions que l'Église a faites en raison des avantages que par ailleurs elle en retirait. Il est bien certain, en effet, pour ne prendre qu'un exemple, que l'élection des ministres sacrés par le peuple, avait le double avantage de désigner, tout au moins d'une manière générale, le candidat le plus digne (vox populi vox Dei) et, en tout cas, celui qui devait être le mieux agréé. De toute façon, de telles concessions n'ont jamais rien retranché et ne retrancheraient rien, si elles étaient faites à nouveau, au droit imprescriptible que l'Église possède de nommer elle-même ses pasteurs et de leur donner l'institution canonique.
427. — 2° Le droit de fonder des Ordres religieux. — Deux côtés sont à considérer dans la fondation des Ordres religieux : le côté spirituel et le côté temporel. Le premier, qui consiste dans le choix d'un genre de vie le plus propre à l'observation des conseils évangéliques, rentre dans les droits de l'Église. Indubitablement, c'est à elle qu'il revient de régler la forme suivant laquelle il convient de pratiquer les conseils évangéliques. Le côté temporel, puisque aucune association terrestre, de quelque nature qu'elle soit, ne saurait s'en désintéresser, est du ressort du pouvoir civil, mais celui-ci a le devoir de traiter ces questions, d'accord avec l'Église.
428. — 3° Le droit de posséder350. — Quoique d'ordre spirituel, l'Église n'en reste pas moins une société d'hommes qui ne peuvent vivre ni pratiquer leur religion s'ils ne possèdent des biens temporels. L'Église, en effet, doit pourvoir à l'entretien de ses ministres et de ses temples ; elle doit subvenir aux frais du culte et assister les pauvres. Elle doit donc jouir de la capacité juridique d'acquérir des biens et de les administrer. Pourquoi ne pourrait-elle pas acquérir et posséder réellement les biens matériels qui lui sont nécessaires pour atteindre la fin qu'elle poursuit? Qui oserait prétendre que le fait d'être membre d'une association religieuse, dépouille un homme de ses droits naturels? Et si l'Église a le droit d'acquérir les biens temporels, pourquoi ne jouirait-elle pas du droit de les administrer librement, tout aussi bien que les autres personnes morales : départements, communes, hôpitaux, auxquels on ne conteste pas ce droit ?
L'on objecte contre le droit de propriété que, les biens de l'Église étant des biens de mainmorte, ils causent à l'État et à la société un préjudice très grave, car, du fait qu'ils sont rarement aliénés et jamais transmis, ils échappent aux droits de mutation. — L'objection ne vaut pas, attendu que l'État, d'un côté, peut toujours limiter l'étendue du droit d'acquisition, et de l'autre, qu'il sait remplacer les impôts de mutation par d'autres non moins lourds. C'est ainsi qu'en France les propriétés des religieux ont été frappées du « Droit d'accroissement», qui constitue un impôt d'exception dépassant plusieurs fois les impôts qu'ont à payer les sociétés anonymes, industrielles, commerciales, ou financières.
LE POUVOIR TEMPOREL DU PAPE. — Au droit de posséder se rattache la question du pouvoir temporel des Papes.
Le pouvoir temporel de la Papauté est une des questions sur lesquelles la doctrine de l'Église a été souvent et âprement discutée. Ses adversaires représentent le pouvoir temporel comme une usurpation, et comme le fruit de l'ambition des papes, ils le disent incompatible avec le pouvoir spirituel et en opposition avec les paroles de Jésus-Christ qui a proclamé que son royaume n'était pas de ce monde (Jean, xviii, 36). Et ils concluent que Pie IX, en censurant dans le Syllabus les adversaires du pouvoir temporel, a commis un véritable abus de pouvoir. Ces attaques sont injustifiées. Assurément, la souveraineté temporelle du Pape n'est pas un dogme. Elle n'est pas d'institution divine, et l'on ne saurait prétendre davantage qu'elle soit d'une nécessité absolue, vu qu'elle n'a pas toujours existé et qu'elle n'existe plus. Mais c'est à tort qu'on l'accuse d'être illégitime et de ne servir à rien, bien plus, d'être nuisible et de faire tort à la puissance spirituelle. — 1. Loin d'être illégitime, le pouvoir temporel des Papes s'appuie sur les titres les plus authentiques. Ce sont les peuples eux-mêmes qui ont investi les Papes de leur souveraineté temporelle. Certains auteurs ont mis l'origine du pouvoir temporel dans une donation de Constantin, lorsque cet empereur, devenu chrétien, abandonna Rome au Pape et alla fonder Constantinople. Cette opinion n'a plus guère de créance ; ce qui est plus vrai, c'est que, à partir de ce moment, les empereurs furent inférieurs à leur tâche. Au moment où les barbares envahissent l'Italie et la mettent à sac et à sang, ils ne sont pas là pour défendre leurs peuples. Seule, une majesté se dresse devant le flot barbare, et l'Italie, que les empereurs de Byzance ne peuvent secourir, se tourne d'instinct vers les Papes comme vers ses protecteurs-nés. « Le malheur des temps, dit le protestant Gibbon, augmenta peu à peu le pouvoir temporel des Papes. » Ce sont les peuples qui les ont forcés à régner. Lorsque Pépin le Bref et Charlemagne cédèrent à la Papauté les premiers éléments du Patrimoine de saint Pierre, ils ne firent en somme que sanctionner par un acte solennel la souveraineté que les peuples avaient reconnue depuis longtemps aux Papes351. — 2. Reposant sur les titres les plus légitimes, le pouvoir temporel n'est nullement incompatible avec le pouvoir spirituel. Il lui est, au contraire, de la plus grande utilité, car il en est la meilleure garantie. N'est-il pas évident, en effet, que, si le Pape ne possède pas un territoire où il soit le souverain temporel, s'il est soumis à la juridiction d'une autre puissance, il y a toujours à craindre qu'il ne soit plus libre dans l'administration du monde catholique, que ses décisions soient influencées par une force extérieure et supérieure à lui, et que, de la sorte, les intérêts de l'Église paraissent s'inféoder aux intérêts du peuple dont le Pape est le sujet ? Sans doute, la loi du 13 mai 1871, dite loi des garanties, promulguée par le gouvernement italien, a déclaré le pape sacré et inviolable, lui a reconnu le droit aux honneurs de souverain, et a soustrait les palais qui lui sont réservés à la juridiction italienne (privilège de l’extraterritorialité), mais il est clair que de telles garanties sont bien précaires et aléatoires : concédées aujourd'hui, elles peuvent être retirées demain, au gré des caprices et du sectarisme d'un autre gouvernement. Pour ces raisons, il convient que le Pape soit indépendant et maître chez lui, et que lui soit restituée la souveraineté temporelle qui lui était échue si providentiellement et dont il a été injustement dépouillé352
426. — Parmi les principaux droits que l'Église détient de son pouvoir de gouvernement, il convient de citer :
1° Le droit d'organiser sa hiérarchie. — Qu'il s'agisse des ministres eux-mêmes ou des territoires à administrer, il est clair que l'Église a le droit de revendiquer une indépendance complète. Elle est libre de choisir ses ministres, comme elle l'entend, et de leur assigner les contrées à évangéliser. Elle peut, par conséquent, diviser le territoire en circonscriptions plus ou moins grandes, provinces, diocèses, paroisses, et, si elle le juge à propos, modifier les divisions anciennes et en former de nouvelles.
Que, dans le cours des siècles, l'Église ait varié dans le mode d'organiser sa hiérarchie, qu'il lui soit arrivé, par exemple, d'accorder au peuple ou aux chefs d'État le privilège d'intervenir et de désigner eux-mêmes le candidat, il n'y a pas lieu de s'en étonner. Ce sont là autant de concessions que l'Église a faites en raison des avantages que par ailleurs elle en retirait. Il est bien certain, en effet, pour ne prendre qu'un exemple, que l'élection des ministres sacrés par le peuple, avait le double avantage de désigner, tout au moins d'une manière générale, le candidat le plus digne (vox populi vox Dei) et, en tout cas, celui qui devait être le mieux agréé. De toute façon, de telles concessions n'ont jamais rien retranché et ne retrancheraient rien, si elles étaient faites à nouveau, au droit imprescriptible que l'Église possède de nommer elle-même ses pasteurs et de leur donner l'institution canonique.
427. — 2° Le droit de fonder des Ordres religieux. — Deux côtés sont à considérer dans la fondation des Ordres religieux : le côté spirituel et le côté temporel. Le premier, qui consiste dans le choix d'un genre de vie le plus propre à l'observation des conseils évangéliques, rentre dans les droits de l'Église. Indubitablement, c'est à elle qu'il revient de régler la forme suivant laquelle il convient de pratiquer les conseils évangéliques. Le côté temporel, puisque aucune association terrestre, de quelque nature qu'elle soit, ne saurait s'en désintéresser, est du ressort du pouvoir civil, mais celui-ci a le devoir de traiter ces questions, d'accord avec l'Église.
428. — 3° Le droit de posséder350. — Quoique d'ordre spirituel, l'Église n'en reste pas moins une société d'hommes qui ne peuvent vivre ni pratiquer leur religion s'ils ne possèdent des biens temporels. L'Église, en effet, doit pourvoir à l'entretien de ses ministres et de ses temples ; elle doit subvenir aux frais du culte et assister les pauvres. Elle doit donc jouir de la capacité juridique d'acquérir des biens et de les administrer. Pourquoi ne pourrait-elle pas acquérir et posséder réellement les biens matériels qui lui sont nécessaires pour atteindre la fin qu'elle poursuit? Qui oserait prétendre que le fait d'être membre d'une association religieuse, dépouille un homme de ses droits naturels? Et si l'Église a le droit d'acquérir les biens temporels, pourquoi ne jouirait-elle pas du droit de les administrer librement, tout aussi bien que les autres personnes morales : départements, communes, hôpitaux, auxquels on ne conteste pas ce droit ?
L'on objecte contre le droit de propriété que, les biens de l'Église étant des biens de mainmorte, ils causent à l'État et à la société un préjudice très grave, car, du fait qu'ils sont rarement aliénés et jamais transmis, ils échappent aux droits de mutation. — L'objection ne vaut pas, attendu que l'État, d'un côté, peut toujours limiter l'étendue du droit d'acquisition, et de l'autre, qu'il sait remplacer les impôts de mutation par d'autres non moins lourds. C'est ainsi qu'en France les propriétés des religieux ont été frappées du « Droit d'accroissement», qui constitue un impôt d'exception dépassant plusieurs fois les impôts qu'ont à payer les sociétés anonymes, industrielles, commerciales, ou financières.
LE POUVOIR TEMPOREL DU PAPE. — Au droit de posséder se rattache la question du pouvoir temporel des Papes.
Le pouvoir temporel de la Papauté est une des questions sur lesquelles la doctrine de l'Église a été souvent et âprement discutée. Ses adversaires représentent le pouvoir temporel comme une usurpation, et comme le fruit de l'ambition des papes, ils le disent incompatible avec le pouvoir spirituel et en opposition avec les paroles de Jésus-Christ qui a proclamé que son royaume n'était pas de ce monde (Jean, xviii, 36). Et ils concluent que Pie IX, en censurant dans le Syllabus les adversaires du pouvoir temporel, a commis un véritable abus de pouvoir. Ces attaques sont injustifiées. Assurément, la souveraineté temporelle du Pape n'est pas un dogme. Elle n'est pas d'institution divine, et l'on ne saurait prétendre davantage qu'elle soit d'une nécessité absolue, vu qu'elle n'a pas toujours existé et qu'elle n'existe plus. Mais c'est à tort qu'on l'accuse d'être illégitime et de ne servir à rien, bien plus, d'être nuisible et de faire tort à la puissance spirituelle. — 1. Loin d'être illégitime, le pouvoir temporel des Papes s'appuie sur les titres les plus authentiques. Ce sont les peuples eux-mêmes qui ont investi les Papes de leur souveraineté temporelle. Certains auteurs ont mis l'origine du pouvoir temporel dans une donation de Constantin, lorsque cet empereur, devenu chrétien, abandonna Rome au Pape et alla fonder Constantinople. Cette opinion n'a plus guère de créance ; ce qui est plus vrai, c'est que, à partir de ce moment, les empereurs furent inférieurs à leur tâche. Au moment où les barbares envahissent l'Italie et la mettent à sac et à sang, ils ne sont pas là pour défendre leurs peuples. Seule, une majesté se dresse devant le flot barbare, et l'Italie, que les empereurs de Byzance ne peuvent secourir, se tourne d'instinct vers les Papes comme vers ses protecteurs-nés. « Le malheur des temps, dit le protestant Gibbon, augmenta peu à peu le pouvoir temporel des Papes. » Ce sont les peuples qui les ont forcés à régner. Lorsque Pépin le Bref et Charlemagne cédèrent à la Papauté les premiers éléments du Patrimoine de saint Pierre, ils ne firent en somme que sanctionner par un acte solennel la souveraineté que les peuples avaient reconnue depuis longtemps aux Papes351. — 2. Reposant sur les titres les plus légitimes, le pouvoir temporel n'est nullement incompatible avec le pouvoir spirituel. Il lui est, au contraire, de la plus grande utilité, car il en est la meilleure garantie. N'est-il pas évident, en effet, que, si le Pape ne possède pas un territoire où il soit le souverain temporel, s'il est soumis à la juridiction d'une autre puissance, il y a toujours à craindre qu'il ne soit plus libre dans l'administration du monde catholique, que ses décisions soient influencées par une force extérieure et supérieure à lui, et que, de la sorte, les intérêts de l'Église paraissent s'inféoder aux intérêts du peuple dont le Pape est le sujet ? Sans doute, la loi du 13 mai 1871, dite loi des garanties, promulguée par le gouvernement italien, a déclaré le pape sacré et inviolable, lui a reconnu le droit aux honneurs de souverain, et a soustrait les palais qui lui sont réservés à la juridiction italienne (privilège de l’extraterritorialité), mais il est clair que de telles garanties sont bien précaires et aléatoires : concédées aujourd'hui, elles peuvent être retirées demain, au gré des caprices et du sectarisme d'un autre gouvernement. Pour ces raisons, il convient que le Pape soit indépendant et maître chez lui, et que lui soit restituée la souveraineté temporelle qui lui était échue si providentiellement et dont il a été injustement dépouillé352
350 Voici, à propos du pouvoir de posséder, les propositions condamnées dans le Syllabus : Prop. XXVI. « L'Église n'a pas le droit naturel et légitime d'acquérir et de posséder. Prop. XXVII. « Les ministres sacrés de l'Église et le Pontife romain doivent être absolument exclus de tout soin et domaine sur les choses temporelles. » Prop. LXXV. « Les fils de l'Église chrétienne et catholique discutent entre eux, sur la compatibilité de la royauté temporelle avec le pouvoir spirituel. »
351 Le patrimoine de saint Pierre, composé d'abord de l'exarchat de Ravenne et de la Pentapole, s'arrondit par la suite de nouveaux territoires, entre autres, d'une partie des domaines de la comtesse Mathilde de Toscane, des Marches et de la Romagne, enfin du Comtat-Venaissin, etc. Mais ce n'est pas ici le lieu de faire l'historique du pouvoir temporel de la Papauté (V. notre Hist. Gin. de l'Église, vol. IV et V).
352 La loi du 13 mai 1871 est maintenant abrogée. La« Question romaine », née en 1870 de l'annexion de Rome au royaume d'Italie, a été résolue, le 11 fév. 1929, par les «accords de Latran,» traité entre le Saint Siège et l'Italie, qui reconnaît au Saint Siège pleine propriété, pouvoir exclusif et absolu et juridiction souveraine « sur la Cité du Vatican, assurant ainsi au Pape « la liberté et l'indépendance nécessaires au gouvernement pastoral du diocèse de Rome et de l'Eglise catholique dans le monde ».
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
429. — 4° Le droit de légiférer. — Du pouvoir législatif de l'Église découle le droit de faire des lois, touchant la doctrine, la discipline et le culte, qui s'étendent à l'Église universelle. Or le droit de faire des lois implique à son tour celui de les promulguer, et conséquemment, le droit pour le Pontife romain de communiquer librement avec tous ses sujets. Ce droit, combattu jadis par les légistes et les gallicans en France, par les Joséphistes ou partisans de Joseph II, en Allemagne (xviiie siècle), qui prétendaient que les lois ecclésiastiques ne pouvaient être promulguées sans l'agrément de l'État, — placet, exequatur, — a toujours été revendiqué par l'Église, et particulièrement par Pie IX, qui condamna l'opinion contraire contenue dans les propositions suivantes du Syllabus : « La puissance ecclésiastique ne doit pas exercer son autorité sans la permission et l'assentiment du gouvernement civil» (Prop. XX). « La puissance civile a non seulement le droit qu'on appelle d'exequatur ; mais encore le droit qu'on nomme d'appel comme d'abus353 » (Prop. XLI).
430. — 5° Le Droit de répression. — Puisque le pouvoir de gouvernement implique, non seulement le pouvoir législatif, mais encore les pouvoirs, judiciaire et coercitif, il s'ensuit que l'Église a le droit de juger et de punir les infractions à ses lois, dans le but de faire respecter ses institutions par ceux qui les ont librement acceptées.
En vertu de ce droit, naturel et divin, totalement indépendant de toute autorité humaine, l'Église peut frapper les délinquants qui sont soumis à son autorité, de peines soit spirituelles, soit même temporelles (Can. 2214).
A. PEINES SPIRITUELLES. — Les principales peines spirituelles sont les censures. « La censure est une peine spirituelle et médicinale, relevant du for extérieur, par laquelle l'Église prive un homme baptisé, pécheur et contumace de certains biens spirituels ou annexés aux spirituels, jusqu'à ce qu'il vienne à résipiscence et soit absous » (can. 2241, § 1). Si l'on considère les biens dont elles privent, il faut distinguer trois sortes de censures : l'excommunication, la suspense et l'interdit.
a) l'excommunication est une censure qui retranche celui qui en est frappé de la communion des fidèles (can. 2257, §1). Il y a deux classes d'excommuniés : les excommuniés dénoncés ou à éviter (vitandi) et les excommuniés tolérés, selon qu'ils ont été, ou non, nommément excommuniés. Tout excommunié est privé du droit d'assister aux offices divins, sauf à la prédication (Can. 2259), du droit de recevoir les sacrements (Can. 2260). Il ne peut administrer licitement les sacrements, sauf dans le péril de mort (Can. 2261). Il ne participe plus aux indulgences, suffrages, prières publiques de l'Église (Can. 2262), et ne peut plus être pourvu des bénéfices et des charges ecclésiastiques (Can. 2263). L'excommunié dénoncé est privé de la sépulture ecclésiastique (Can. 2260). 354 Comme toute peine, l'excommunication est dite latae sententiae (sentence portée d'avance) ou ferendae sententiae (sentence à porter) selon qu'elle est encourue par le fait même (ipso facto) qu'on a commis une faute déterminée car les canons, ou qu'elle a seulement son effet après la sentence rendue contre le coupable. — b) La suspense est une censure qui enlève au clerc ou au prêtre l'usage de là totalité ou d'une partie de ses pouvoirs : elle le prive, soit des fonctions de son pouvoir d'ordre (suspense a divinis) soit de son office, c'est-à-dire de ses pouvoirs de juridiction (suspense a jurisdiclione), soit de son bénéfice, c'est-à-dire des revenus attachés à son titre. Si la suspense est totale, elle le prive des trois à la fois. Le prêtre suspens a divinis ne peut plus exercer licitement les fonctions qui relèvent de son pouvoir d'ordre (v. g. dire la messe, administrer les sacrements). Le prêtre suspens a iurisdictione ne peut plus exercer ni validement ni licitement aucun acte de juridiction il n'administre donc plus validement le sacrement de Pénitence qui requiert le pouvoir de juridiction pour être valide. Mais le clerc suspens peut, comme tous les fidèles participer à l'usage passif, ou réception, des sacrements. — c) l'interdit « prive de l'usage de certaines choses saintes, comme, par exemple, de quelques sacrements de quelques offices publics, de quelques cérémonies solennelles, de la sépulture ecclésiastique, etc. »355 (voir can. 2268 et suiv.) On distingue : 1. l’interdit personnel qui frappe clercs ou laïcs ; 2. l’interdit local, s’il est prononcé contre un lieu : église, cimetière, ville, paroisse ; 3. l’interdit particulier qui n’atteint qu’une personne ou un lieu ; 4. l’interdit général qui frappe toute une contrée356, le clergé de tout un Etat, tous les membres d'un chapitre, d'une congrégation, etc.
Nota. — 1) Comme on peut le voir, la suspense diffère des deux autres censures en ce qu'elle n'atteint que les clercs, et l'interdit diffère à son tour de l'excommunication et de la suspense en ce qu'elle est une peine qui frappe aussi bien les lieux que les personnes. — 2) Une censure n'est légitime qu'autant qu'elle est infligée pour une faute mortelle, extérieure, consommée et si, outre ces conditions il y a contumace, c'est-à-dire s'il y a, de la part du coupable, refus obstiné d'obéir à une loi dûment promulguée et connue. — 3) Aucune censure ne frappe ceux qui ignorent
431. — B. PEINES TEMPORELLES. — Les peines spirituelles ne choquent pas les adversaires de l'Église, mais il n'en va pas de même des peines corporelles. L'Église, objectent-ils, est une société spirituelle qui doit gouverner les âmes par des actes libres, par la persuasion et non par la force. Elle n'a donc pas le droit d'infliger des peines corporelles.
Il est vrai que l'Église, par rapport à la fin qu'elle poursuit, est une société spirituelle. Mais, toute spirituelle qu'elle est, ce n'en est pas moins une société composée d'hommes, par conséquent, d'éléments visibles comme toutes les autres sociétés. Comme celles-ci, elle a donc le droit de se protéger contre ceux qui mettent son existence en péril. Et si les peines spirituelles ne suffisent pas, pourquoi ne pourrait-elle pas, par des moyens corporels, empêcher ses enfants dévoyés et rebelles, de nuire aux autres, les ramener eux-mêmes dans la voie du devoir et, s'il le faut, sacrifier le corps pour sauver l'âme?
Ce droit, l'Église l'a toujours revendiqué, et, tout récemment encore, Pie IX ne craignait pas de condamner l'opinion contraire ainsi formulée dans la proposition XXIV du Syllabus : « L'Église n'a pas le droit d'employer la force ; elle n'a aucun pouvoir temporel direct ou indirect. » Mais si l'Église s'est reconnu dans le passé, et se reconnaît encore le droit d'appliquer des peines corporelles, elle est la première à estimer que ce qui a pu convenir à une époque où la société était chrétienne, où les principes de la religion pénétraient si profondément les institutions politiques, ne s'accommoderait plus aux besoins du moment. Il ne faut donc pas s'étonner de ce que l'Église, au moyen âge, recourut au bras séculier pour punir les crimes, comme ceux d'hérésie, qui semblent être du domaine exclusif des idées pures, mais qui, en fait, troublaient la sécurité de l'État chrétien, et devenaient alors de véritables crimes sociaux et politiques. Il est d'ailleurs contraire aux lois élémentaires de la critique historique de juger les mœurs du passé par celles du présent, les idées anciennes par les idées modernes.
432. — Corollaire. — Le privilège du for ecclésiastique. En dehors des droits que nous venons d'énumérer, l'Eglise a joui autrefois d'un certain nombre d'immunités, entre autres, du privilège, dit du for ecclésiastique. Ce privilège avait pour effet de soustraire la personne des clercs à la juridiction du pouvoir civil, en sorte qu'ils étaient jugés, non par les laïques, mais par les tribunaux ecclésiastiques. Que faut-il penser de cette immunité? Faut-il dire avec certains que c'était là un privilège injuste, et que toute infraction aux lois de l'État, quel qu'en soit l'auteur, doit être réprimée par le pouvoir, duquel elles émanent? On pourrait le croire au premier abord, mais si l'on prend soin de se placer dans l'hypothèse d'une société chrétienne, l'on conviendra aisément qu'il est naturel que les clercs qui sont spécialement soumis au pouvoir de l'Église, soient jugés par les tribunaux ecclésiastiques. Le prêtre ne remplira efficacement sa mission que dans la mesure où il jouira de la considération et du respect. Or toute comparution devant les tribunaux est cause de scandale, et doit enlever, non seulement à l'accusé, mais à tous les prêtres, l'autorité dont ils ont besoin pour prêcher la morale et exercer leur ministère. Aussi, bien que le Saint-Siège ait renoncé à cette immunité dans presque tous les pays catholiques, Pie IX n'en a pas moins proclamé hautement le droit de l'Église par la condamnation de la proposition XXXI du Syllabus : « Le for ecclésiastique pour les procès temporels des clercs, soit au civil soit au criminel, doit absolument être aboli, même sans consulter le Siège Apostolique et sans tenir compte de ses réclamations. »
430. — 5° Le Droit de répression. — Puisque le pouvoir de gouvernement implique, non seulement le pouvoir législatif, mais encore les pouvoirs, judiciaire et coercitif, il s'ensuit que l'Église a le droit de juger et de punir les infractions à ses lois, dans le but de faire respecter ses institutions par ceux qui les ont librement acceptées.
En vertu de ce droit, naturel et divin, totalement indépendant de toute autorité humaine, l'Église peut frapper les délinquants qui sont soumis à son autorité, de peines soit spirituelles, soit même temporelles (Can. 2214).
A. PEINES SPIRITUELLES. — Les principales peines spirituelles sont les censures. « La censure est une peine spirituelle et médicinale, relevant du for extérieur, par laquelle l'Église prive un homme baptisé, pécheur et contumace de certains biens spirituels ou annexés aux spirituels, jusqu'à ce qu'il vienne à résipiscence et soit absous » (can. 2241, § 1). Si l'on considère les biens dont elles privent, il faut distinguer trois sortes de censures : l'excommunication, la suspense et l'interdit.
a) l'excommunication est une censure qui retranche celui qui en est frappé de la communion des fidèles (can. 2257, §1). Il y a deux classes d'excommuniés : les excommuniés dénoncés ou à éviter (vitandi) et les excommuniés tolérés, selon qu'ils ont été, ou non, nommément excommuniés. Tout excommunié est privé du droit d'assister aux offices divins, sauf à la prédication (Can. 2259), du droit de recevoir les sacrements (Can. 2260). Il ne peut administrer licitement les sacrements, sauf dans le péril de mort (Can. 2261). Il ne participe plus aux indulgences, suffrages, prières publiques de l'Église (Can. 2262), et ne peut plus être pourvu des bénéfices et des charges ecclésiastiques (Can. 2263). L'excommunié dénoncé est privé de la sépulture ecclésiastique (Can. 2260). 354 Comme toute peine, l'excommunication est dite latae sententiae (sentence portée d'avance) ou ferendae sententiae (sentence à porter) selon qu'elle est encourue par le fait même (ipso facto) qu'on a commis une faute déterminée car les canons, ou qu'elle a seulement son effet après la sentence rendue contre le coupable. — b) La suspense est une censure qui enlève au clerc ou au prêtre l'usage de là totalité ou d'une partie de ses pouvoirs : elle le prive, soit des fonctions de son pouvoir d'ordre (suspense a divinis) soit de son office, c'est-à-dire de ses pouvoirs de juridiction (suspense a jurisdiclione), soit de son bénéfice, c'est-à-dire des revenus attachés à son titre. Si la suspense est totale, elle le prive des trois à la fois. Le prêtre suspens a divinis ne peut plus exercer licitement les fonctions qui relèvent de son pouvoir d'ordre (v. g. dire la messe, administrer les sacrements). Le prêtre suspens a iurisdictione ne peut plus exercer ni validement ni licitement aucun acte de juridiction il n'administre donc plus validement le sacrement de Pénitence qui requiert le pouvoir de juridiction pour être valide. Mais le clerc suspens peut, comme tous les fidèles participer à l'usage passif, ou réception, des sacrements. — c) l'interdit « prive de l'usage de certaines choses saintes, comme, par exemple, de quelques sacrements de quelques offices publics, de quelques cérémonies solennelles, de la sépulture ecclésiastique, etc. »355 (voir can. 2268 et suiv.) On distingue : 1. l’interdit personnel qui frappe clercs ou laïcs ; 2. l’interdit local, s’il est prononcé contre un lieu : église, cimetière, ville, paroisse ; 3. l’interdit particulier qui n’atteint qu’une personne ou un lieu ; 4. l’interdit général qui frappe toute une contrée356, le clergé de tout un Etat, tous les membres d'un chapitre, d'une congrégation, etc.
Nota. — 1) Comme on peut le voir, la suspense diffère des deux autres censures en ce qu'elle n'atteint que les clercs, et l'interdit diffère à son tour de l'excommunication et de la suspense en ce qu'elle est une peine qui frappe aussi bien les lieux que les personnes. — 2) Une censure n'est légitime qu'autant qu'elle est infligée pour une faute mortelle, extérieure, consommée et si, outre ces conditions il y a contumace, c'est-à-dire s'il y a, de la part du coupable, refus obstiné d'obéir à une loi dûment promulguée et connue. — 3) Aucune censure ne frappe ceux qui ignorent
431. — B. PEINES TEMPORELLES. — Les peines spirituelles ne choquent pas les adversaires de l'Église, mais il n'en va pas de même des peines corporelles. L'Église, objectent-ils, est une société spirituelle qui doit gouverner les âmes par des actes libres, par la persuasion et non par la force. Elle n'a donc pas le droit d'infliger des peines corporelles.
Il est vrai que l'Église, par rapport à la fin qu'elle poursuit, est une société spirituelle. Mais, toute spirituelle qu'elle est, ce n'en est pas moins une société composée d'hommes, par conséquent, d'éléments visibles comme toutes les autres sociétés. Comme celles-ci, elle a donc le droit de se protéger contre ceux qui mettent son existence en péril. Et si les peines spirituelles ne suffisent pas, pourquoi ne pourrait-elle pas, par des moyens corporels, empêcher ses enfants dévoyés et rebelles, de nuire aux autres, les ramener eux-mêmes dans la voie du devoir et, s'il le faut, sacrifier le corps pour sauver l'âme?
Ce droit, l'Église l'a toujours revendiqué, et, tout récemment encore, Pie IX ne craignait pas de condamner l'opinion contraire ainsi formulée dans la proposition XXIV du Syllabus : « L'Église n'a pas le droit d'employer la force ; elle n'a aucun pouvoir temporel direct ou indirect. » Mais si l'Église s'est reconnu dans le passé, et se reconnaît encore le droit d'appliquer des peines corporelles, elle est la première à estimer que ce qui a pu convenir à une époque où la société était chrétienne, où les principes de la religion pénétraient si profondément les institutions politiques, ne s'accommoderait plus aux besoins du moment. Il ne faut donc pas s'étonner de ce que l'Église, au moyen âge, recourut au bras séculier pour punir les crimes, comme ceux d'hérésie, qui semblent être du domaine exclusif des idées pures, mais qui, en fait, troublaient la sécurité de l'État chrétien, et devenaient alors de véritables crimes sociaux et politiques. Il est d'ailleurs contraire aux lois élémentaires de la critique historique de juger les mœurs du passé par celles du présent, les idées anciennes par les idées modernes.
432. — Corollaire. — Le privilège du for ecclésiastique. En dehors des droits que nous venons d'énumérer, l'Eglise a joui autrefois d'un certain nombre d'immunités, entre autres, du privilège, dit du for ecclésiastique. Ce privilège avait pour effet de soustraire la personne des clercs à la juridiction du pouvoir civil, en sorte qu'ils étaient jugés, non par les laïques, mais par les tribunaux ecclésiastiques. Que faut-il penser de cette immunité? Faut-il dire avec certains que c'était là un privilège injuste, et que toute infraction aux lois de l'État, quel qu'en soit l'auteur, doit être réprimée par le pouvoir, duquel elles émanent? On pourrait le croire au premier abord, mais si l'on prend soin de se placer dans l'hypothèse d'une société chrétienne, l'on conviendra aisément qu'il est naturel que les clercs qui sont spécialement soumis au pouvoir de l'Église, soient jugés par les tribunaux ecclésiastiques. Le prêtre ne remplira efficacement sa mission que dans la mesure où il jouira de la considération et du respect. Or toute comparution devant les tribunaux est cause de scandale, et doit enlever, non seulement à l'accusé, mais à tous les prêtres, l'autorité dont ils ont besoin pour prêcher la morale et exercer leur ministère. Aussi, bien que le Saint-Siège ait renoncé à cette immunité dans presque tous les pays catholiques, Pie IX n'en a pas moins proclamé hautement le droit de l'Église par la condamnation de la proposition XXXI du Syllabus : « Le for ecclésiastique pour les procès temporels des clercs, soit au civil soit au criminel, doit absolument être aboli, même sans consulter le Siège Apostolique et sans tenir compte de ses réclamations. »
353 L'appel comme d'abus est un recours de l'autorité civile contre les soi-disant abus du pouvoir ecclésiastique
354 Pour les délits contre lesquels l'Église porte la peine d'excommunication voir le nouveau Code de Droit canonique (Can. 2314 et suiv.).
355
Ortolan, art. Censures ecclésiastiques, Dict. Vacant-Mangenot
356
Ainsi, il est arrivé autrefois que la France a été mise en interdit v g par le Pape Grégoire sous le règne de Robert le Pieux (998) ; par Innocent II sous Louis VII (1141) ; par Innocent III sous Philippe Auguste (1200) etc. L'interdit local entraînait alors la défense de célébrer les offices, d'administrer les sacrements de l’Eucharistie de l'Ordre et de l'Extrême-Onction et de donner la sépulture ecclésiastique.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. II. — Relations de l'Église et de l'État.
433. — Bien que société parfaite, l'Église est appelée à vivre dans l'État. Voilà, par le fait, deux sociétés autonomes, indépendantes, placées, sinon en face, du moins à côté l'une de l'autre. Quelles seront donc leurs relations ? II y a deux façons de les déterminer. Ou bien l'on considère l'Église seule, dans sa divine constitution, — avec ses pouvoirs et ses droits, — sans tenir compte des situations diverses dans lesquelles elle peut se trouver» Ou bien on la considère d'une manière concrète et dans les circonstances de fait auxquelles forcément elle doit s'adapter. En d'autres termes, il y a lieu de distinguer entre les principes et leur application, entre la théorie et la pratique, ou, pour employer les termes courants, entre la thèse et l'hypothèse. Toutefois, si l'on prend soin de remarquer que les principes peuvent s'appliquer dans le cas d'un État catholique, la thèse se confond alors avec l'hypothèse. D'où il suit que nous pouvons établir les relations de l'Église et de l'État en restant toujours dans le domaine des réalités. Ainsi ferons-nous dans les deux paragraphes suivants où nous étudierons les rapports des deux sociétés : 1° dans le cas d'un État catholique ; et 2° dans le cas d'un État acatholique.
§ 1. — Relations de l'Église et de l'État dans le cas d'un État catholique.
434. — Envisagées à un point de vue général, les relations de l'Église et de l'État comportent trois solutions possibles. Il peut y avoir, ou bien domination d'un pouvoir par l'autre, ou bien séparation complète, ou accord mutuel.
1° Erreurs. — Les deux premiers systèmes s'opposent à la doctrine catholique que nous exposerons plus loin.
A. La thèse de la DOMINATION D'UN POUVOIR PAR L’AUTRE peut être entendue dans un double sens, selon que l'on enseigne la subordination complète de l'Etat à l'Église ou de l'Église à l'État. — a) La première opinion, qui n'a eu que de rares partisans, parmi les théologiens et les canonistes, ne doit pas retenir notre attention. — b) La seconde opinion, qui veut que l'Église soit subordonnée à l'État, a été professée autrefois par les légistes césariens, et, à l'époque moderne, par les libéraux de la Révolution. Partant d'un principe opposé, — puisque les partisans du césarisme considéraient les empereurs et les rois comme des maîtres absolus, en qui résidait l'autorité suprême, tandis que les libéraux révolutionnaires regardaient le peuple comme le seul souverain et l'unique source du pouvoir, — les uns comme les autres aboutissaient au même résultat, et confisquaient tous les droits au profit d'un pouvoir unique, de la personnalité de l'État, quel qu'en fût le nom : empereur, roi, peuple, monarchie ou démocratie. Dans un tel système, la religion peut être sans doute conservée pour les services que l'État espère en retirer, mais il n'y a plus de place pour une Église indépendante et libre. Il ne faut plus parler des droits de l'Eglise ; celle-ci ne saurait en avoir d'autres que ceux qui lui sont octroyés par le bon vouloir du prince-État. Au césarisme et au libéralisme absolu se rattachent le gallicanisme et le joséphisme357, qui, tout en reconnaissant que l'Église est indépendante et souveraine dans les choses purement spirituelles, attribuent à l'état une autorité prépondérante dans les questions mixtes : v. g. le droit d'empêcher la publication de bulles, encycliques, mandements, etc., sans son consentement préalable.
435. — B. La thèse de la SÉPARATION DE L'ÉGLISE ET DE L'ÉTAT est l'erreur du libéralisme modéré. Partant de ce principe que l'Église et l'État sont deux réas, s'ignorant réciproquement.
Le libéralisme modéré, avec des nuances diverses, a été la grande erreur du siècle dernier. Nous le voyons naître, avec Lamennais, quelque peu après la Révolution de 1830. En face d'une société totalement transformée, et désormais acquise à ce qu'on appelle les libertés modernes, les libéraux catholiques rêvèrent de réconcilier l'Église et la société nouvelle en se plaçant sur le seul terrain de la liberté. N'hésitant pas à faire le sacrifice des droits et immunités de l'Église, ils se contentèrent de réclamer pour elle comme pour tout autre culte, la seule liberté, estimant que la religion doit être propagée par la persuasion, et non par la coaction, et que la vérité n'a pas besoin de protection pour triompher de l'erreur.
433. — Bien que société parfaite, l'Église est appelée à vivre dans l'État. Voilà, par le fait, deux sociétés autonomes, indépendantes, placées, sinon en face, du moins à côté l'une de l'autre. Quelles seront donc leurs relations ? II y a deux façons de les déterminer. Ou bien l'on considère l'Église seule, dans sa divine constitution, — avec ses pouvoirs et ses droits, — sans tenir compte des situations diverses dans lesquelles elle peut se trouver» Ou bien on la considère d'une manière concrète et dans les circonstances de fait auxquelles forcément elle doit s'adapter. En d'autres termes, il y a lieu de distinguer entre les principes et leur application, entre la théorie et la pratique, ou, pour employer les termes courants, entre la thèse et l'hypothèse. Toutefois, si l'on prend soin de remarquer que les principes peuvent s'appliquer dans le cas d'un État catholique, la thèse se confond alors avec l'hypothèse. D'où il suit que nous pouvons établir les relations de l'Église et de l'État en restant toujours dans le domaine des réalités. Ainsi ferons-nous dans les deux paragraphes suivants où nous étudierons les rapports des deux sociétés : 1° dans le cas d'un État catholique ; et 2° dans le cas d'un État acatholique.
§ 1. — Relations de l'Église et de l'État dans le cas d'un État catholique.
434. — Envisagées à un point de vue général, les relations de l'Église et de l'État comportent trois solutions possibles. Il peut y avoir, ou bien domination d'un pouvoir par l'autre, ou bien séparation complète, ou accord mutuel.
1° Erreurs. — Les deux premiers systèmes s'opposent à la doctrine catholique que nous exposerons plus loin.
A. La thèse de la DOMINATION D'UN POUVOIR PAR L’AUTRE peut être entendue dans un double sens, selon que l'on enseigne la subordination complète de l'Etat à l'Église ou de l'Église à l'État. — a) La première opinion, qui n'a eu que de rares partisans, parmi les théologiens et les canonistes, ne doit pas retenir notre attention. — b) La seconde opinion, qui veut que l'Église soit subordonnée à l'État, a été professée autrefois par les légistes césariens, et, à l'époque moderne, par les libéraux de la Révolution. Partant d'un principe opposé, — puisque les partisans du césarisme considéraient les empereurs et les rois comme des maîtres absolus, en qui résidait l'autorité suprême, tandis que les libéraux révolutionnaires regardaient le peuple comme le seul souverain et l'unique source du pouvoir, — les uns comme les autres aboutissaient au même résultat, et confisquaient tous les droits au profit d'un pouvoir unique, de la personnalité de l'État, quel qu'en fût le nom : empereur, roi, peuple, monarchie ou démocratie. Dans un tel système, la religion peut être sans doute conservée pour les services que l'État espère en retirer, mais il n'y a plus de place pour une Église indépendante et libre. Il ne faut plus parler des droits de l'Eglise ; celle-ci ne saurait en avoir d'autres que ceux qui lui sont octroyés par le bon vouloir du prince-État. Au césarisme et au libéralisme absolu se rattachent le gallicanisme et le joséphisme357, qui, tout en reconnaissant que l'Église est indépendante et souveraine dans les choses purement spirituelles, attribuent à l'état une autorité prépondérante dans les questions mixtes : v. g. le droit d'empêcher la publication de bulles, encycliques, mandements, etc., sans son consentement préalable.
435. — B. La thèse de la SÉPARATION DE L'ÉGLISE ET DE L'ÉTAT est l'erreur du libéralisme modéré. Partant de ce principe que l'Église et l'État sont deux réas, s'ignorant réciproquement.
Le libéralisme modéré, avec des nuances diverses, a été la grande erreur du siècle dernier. Nous le voyons naître, avec Lamennais, quelque peu après la Révolution de 1830. En face d'une société totalement transformée, et désormais acquise à ce qu'on appelle les libertés modernes, les libéraux catholiques rêvèrent de réconcilier l'Église et la société nouvelle en se plaçant sur le seul terrain de la liberté. N'hésitant pas à faire le sacrifice des droits et immunités de l'Église, ils se contentèrent de réclamer pour elle comme pour tout autre culte, la seule liberté, estimant que la religion doit être propagée par la persuasion, et non par la coaction, et que la vérité n'a pas besoin de protection pour triompher de l'erreur.
357
Joseph II, empereur d'Allemagne (1741-1790), entreprit de réformer l'Église catholique en la subordonnant entièrement à l'État. C'est ainsi que, de sa propre autorité, il supprima certains Ordres religieux, plaça les autres sous le contrôle de l’état, prétendit au droit de nommer les évêques, exigea d'eux le serment de fidélité, établit le mariage civil et le divorce, etc.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
436. — 2° La Doctrine catholique — La doctrine catholique comprend deux points : les principes et l'application des principes.
A. Les Principes. — 1. L'Église et l'État sont tous les deux des pouvoirs distincts, indépendants, chacun dans son domaine. « Dieu, dit LÉON XIII dans son Encyclique Imrnortale Dei, a divisé le gouvernement du genre humain entre deux puissances, la puissance ecclésiastique et la puissance civile : celle-là préposée aux choses divines, celle-ci aux choses humaines. Chacune d'elles en son genre est souveraine, chacune est renfermée dans des limites parfaitement déterminées, et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial ». Il n'est donc pas vrai de prétendre, avec le césarisme et le libéralisme absolu, que l'État est le pouvoir souverain d'où découlent tous les droits, ceux de l'Église aussi bien que ceux des autres sociétés. Sans doute, l'Église est dans l'État, mais elle y est, comme société parfaite, et non comme une partie qui doit être subordonnée au tout. Chaque puissance est souveraine dans sa sphère, et cette sphère est tracée par la nature et la fin des deux sociétés. A l'Église donc les affaires spirituelles, c'est-à-dire tout ce qui se rapporte au salut des âmes : prédication de l'Évangile, administration des sacrements, célébration du culte divin, jugement sur la moralité des actes humains, etc. A l'État, les affaires temporelles, c'est-à-dire tout ce qui concerne les intérêts matériels de ses sujets et ce qui est requis pour le bien et la protection de la société, comme le pouvoir de déterminer les droits politiques des citoyens, les effets civils des contrats, d'établir des impôts, de lever des armées, de promouvoir les sciences et les arts, de punir les transgresseurs des lois civiles, etc.
Les deux puissances étant souveraines, chacune dans leur sphère, il s'ensuit que l'une est subordonnée à l'autre pour tout ce qui n'est pas de son ressort. Donc l'Église est dépendante et subordonnée à l'État dans les questions temporelles ; elle est indépendante et souveraine dans les questions spirituelles, et c'est du reste la condition de son existence. Car si l'Église était assujettie au pouvoir civil sur le terrain religieux, elle serait fractionnée en autant de parties qu'il y aurait d'États ; elle ne serait plus ni une, ni universelle, ni indéfectible : en un mot elle ne serait plus l'Église catholique.
2. Bien qu'ils soient deux pouvoirs distincts et indépendants, l'Église et l'État ne doivent pas vivre séparés mais s'unir dans un mutuel accord. Et de cette union, Léon XIII donne les raisons dans son Encyclique Immortale Dei ; « Leur autorité, dit-il en parlant des deux pouvoirs, s'exerçant sur les mêmes sujets, il peut arriver qu'une seule et même chose, quoique à des titres différents, ressortisse à la juridiction de l'une et l'autre puissance. Il est donc nécessaire qu'il y ait entre les deux puissances un système de rapports bien ordonné, non sans analogie avec celui qui dans l'homme constitue l'union de l'âme et du corps. »
Ainsi, d'après la doctrine catholique, si l'Église et l'État ont des domaines distincts, ils ont aussi des frontière? communes. Et comment en serait-il autrement, alors que les deux sociétés détiennent leurs pouvoirs de Dieu et s'adressent aux mêmes sujets? Il est vrai que leurs fins sont différentes, mais celles-ci ne doivent jamais s'opposer entre elles, plus que cela, la fin temporelle, que poursuit l'État, manquerait son but si, en définitive, il n'était pas tenu compte de la fin éternelle et de la destinée future. Il peut donc arriver que les mêmes objets (v. g. les écoles, le mariage, à la fois contrat civil et religieux), et quoique à des titres différents, ressortissent à la juridiction de l'une et de l'autre puissance», comme dit Léon XIII. Il peut arriver encore que certaines choses, temporelles de leur nature, rentrent dans l'ordre spirituel par leur destination et tombent de ce fait sous la juridiction de l'Église. Tel est le cas des lieux et des objets sacrés : églises, mobilier, servant au culte, biens destinés à l'entretien des ministres, etc. Sur ces différents points qui forment ce qu'on appelle les questions mixtes, on ne saurait contester la juridiction de l'Église. Il est même permis d'aller plus loin et de dire que, à un certain point de vue, l'Église a un pouvoir indirect sur toutes les choses temporelles, non pas en tant qu'elles sont temporelles, mais parce qu'elles doivent toujours être des moyens d'atteindre la fin surnaturelle. C'est en vertu de ce pouvoir que les Papes du moyen âge se sont parfois élevés contre les princes qui abusaient de leur puissance, qu'ils sont allés jusqu'à les déposer comme indignes de la souveraineté et ont délié leurs peuples du serment de fidélité.
Il suit de là que, en principe, s'il surgit des conflits, l'État doit céder, puisque son pouvoir est inférieur à celui de l'Église par sa nature et sa fin. En pratique, il convient qu'il y ait union entre les pouvoirs ; il faut que l'Église et l'État, loin de s'ignorer réciproquement, se parlent, fassent des conventions ou concordats358 et que ces derniers soient loyalement observés par tous les deux.
A. Les Principes. — 1. L'Église et l'État sont tous les deux des pouvoirs distincts, indépendants, chacun dans son domaine. « Dieu, dit LÉON XIII dans son Encyclique Imrnortale Dei, a divisé le gouvernement du genre humain entre deux puissances, la puissance ecclésiastique et la puissance civile : celle-là préposée aux choses divines, celle-ci aux choses humaines. Chacune d'elles en son genre est souveraine, chacune est renfermée dans des limites parfaitement déterminées, et tracées en conformité de sa nature et de son but spécial ». Il n'est donc pas vrai de prétendre, avec le césarisme et le libéralisme absolu, que l'État est le pouvoir souverain d'où découlent tous les droits, ceux de l'Église aussi bien que ceux des autres sociétés. Sans doute, l'Église est dans l'État, mais elle y est, comme société parfaite, et non comme une partie qui doit être subordonnée au tout. Chaque puissance est souveraine dans sa sphère, et cette sphère est tracée par la nature et la fin des deux sociétés. A l'Église donc les affaires spirituelles, c'est-à-dire tout ce qui se rapporte au salut des âmes : prédication de l'Évangile, administration des sacrements, célébration du culte divin, jugement sur la moralité des actes humains, etc. A l'État, les affaires temporelles, c'est-à-dire tout ce qui concerne les intérêts matériels de ses sujets et ce qui est requis pour le bien et la protection de la société, comme le pouvoir de déterminer les droits politiques des citoyens, les effets civils des contrats, d'établir des impôts, de lever des armées, de promouvoir les sciences et les arts, de punir les transgresseurs des lois civiles, etc.
Les deux puissances étant souveraines, chacune dans leur sphère, il s'ensuit que l'une est subordonnée à l'autre pour tout ce qui n'est pas de son ressort. Donc l'Église est dépendante et subordonnée à l'État dans les questions temporelles ; elle est indépendante et souveraine dans les questions spirituelles, et c'est du reste la condition de son existence. Car si l'Église était assujettie au pouvoir civil sur le terrain religieux, elle serait fractionnée en autant de parties qu'il y aurait d'États ; elle ne serait plus ni une, ni universelle, ni indéfectible : en un mot elle ne serait plus l'Église catholique.
2. Bien qu'ils soient deux pouvoirs distincts et indépendants, l'Église et l'État ne doivent pas vivre séparés mais s'unir dans un mutuel accord. Et de cette union, Léon XIII donne les raisons dans son Encyclique Immortale Dei ; « Leur autorité, dit-il en parlant des deux pouvoirs, s'exerçant sur les mêmes sujets, il peut arriver qu'une seule et même chose, quoique à des titres différents, ressortisse à la juridiction de l'une et l'autre puissance. Il est donc nécessaire qu'il y ait entre les deux puissances un système de rapports bien ordonné, non sans analogie avec celui qui dans l'homme constitue l'union de l'âme et du corps. »
Ainsi, d'après la doctrine catholique, si l'Église et l'État ont des domaines distincts, ils ont aussi des frontière? communes. Et comment en serait-il autrement, alors que les deux sociétés détiennent leurs pouvoirs de Dieu et s'adressent aux mêmes sujets? Il est vrai que leurs fins sont différentes, mais celles-ci ne doivent jamais s'opposer entre elles, plus que cela, la fin temporelle, que poursuit l'État, manquerait son but si, en définitive, il n'était pas tenu compte de la fin éternelle et de la destinée future. Il peut donc arriver que les mêmes objets (v. g. les écoles, le mariage, à la fois contrat civil et religieux), et quoique à des titres différents, ressortissent à la juridiction de l'une et de l'autre puissance», comme dit Léon XIII. Il peut arriver encore que certaines choses, temporelles de leur nature, rentrent dans l'ordre spirituel par leur destination et tombent de ce fait sous la juridiction de l'Église. Tel est le cas des lieux et des objets sacrés : églises, mobilier, servant au culte, biens destinés à l'entretien des ministres, etc. Sur ces différents points qui forment ce qu'on appelle les questions mixtes, on ne saurait contester la juridiction de l'Église. Il est même permis d'aller plus loin et de dire que, à un certain point de vue, l'Église a un pouvoir indirect sur toutes les choses temporelles, non pas en tant qu'elles sont temporelles, mais parce qu'elles doivent toujours être des moyens d'atteindre la fin surnaturelle. C'est en vertu de ce pouvoir que les Papes du moyen âge se sont parfois élevés contre les princes qui abusaient de leur puissance, qu'ils sont allés jusqu'à les déposer comme indignes de la souveraineté et ont délié leurs peuples du serment de fidélité.
Il suit de là que, en principe, s'il surgit des conflits, l'État doit céder, puisque son pouvoir est inférieur à celui de l'Église par sa nature et sa fin. En pratique, il convient qu'il y ait union entre les pouvoirs ; il faut que l'Église et l'État, loin de s'ignorer réciproquement, se parlent, fassent des conventions ou concordats358 et que ces derniers soient loyalement observés par tous les deux.
358
Le Concordat est un traité passé entre le Pape et le Chef d'une nation en vue de régler les rapports de l'Eglise et de l'Etat dans les questions touchant aux affaires religieuses. Le concordat, étant un contrat bilatéral ,ne peut être rompu que d'un commun accord. — Principaux concordats: celui de Worms (1122) qui termina la querelle des Investitures ; concordat de Bologne (1516) entre Léon X et François I er ; concordat de 1801 entre Pie VII et Napoléon Ier
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
437. — B. Application des principes dans le cas d'un État catholique. — Dans l'hypothèse d'un État catholique, c'est-à-dire, là où les principes peuvent recevoir leur application, quels seront donc les devoirs réciproques de l'Église et de l'État ?
L'on peut dire, d'une manière générale, que la concorde qui doit régner entre eux requiert : — 1) du côté négatif : que chaque puissance veille à ne pas violer les droits de l'autre et à ne pas entraver son action ; — 2) du côté positif, que chacune mette au service de l'autre l'influence dont elle dispose pour le bien des deux sociétés.
a) DEVOIRS DE L'ÉGLISE. — L'Église doit prêter à l'État l'appui de son autorité et de ses œuvres. Qui ne voit du reste combien par sa doctrine elle peut travailler au bonheur des peuples puisque, d'une part, elle « fait remonter jusqu'à Dieu même l'origine du pouvoir, qu'elle impose avec une très grande autorité aux princes l'obligation de ne point oublier leurs devoirs, de ne point commander avec injustice ou dureté », et d'autre part, qu'elle « commande aux citoyens à l'égard de la puissance légitime, la soumission comme aux représentants de Dieu, et les unit aux chefs de l'État par les liens, non seulement de l'obéissance, mais du respect et de l'amour, leur interdisant la révolte et toutes les entreprises qui peuvent troubler l'ordre et la tranquillité de l'État »? (Enc. Libertas). Ainsi, de l'influence de l'Église, l'État retirera un double profit. L'autorité des chefs, considérée, non pas uniquement comme l'expression de la volonté du peuple, mais comme venant de Dieu, revêtira un caractère sacré et se conformera mieux aux règles de la justice. Le peuple, à son tour, acceptera l'obéissance comme une soumission à la volonté de Dieu, qui, loin de l'humilier, ne peut que l'ennoblir.
b) DEVOIRS DE L'ÉTAT. — 1. Le premier devoir de l'État vis-à-vis de la religion en général, c'est de rendre lui-même un culte social à Dieu. La raison seule démontre à l'évidence la nécessité de ce culte. Dieu n'est-il pas le maître des sociétés comme des individus? Or, dit Léon XIII (Enc. Immortale Dei), « si la nature et la raison imposent à chacun de nous le devoir d'honorer Dieu d'un culte religieux, parce que nous sommes sous sa puissance, et parce que, sortis de lui, nous devons retourner à lui, la même loi oblige la communauté politique ». Le chef de l'État doit donc rendre hommage à Dieu au nom du peuple qu'il représente, en s'associant aux actes de religion qui s'accomplissent au sein de l'Église catholique. Nous disons « de l'Église catholique» car, bien que le culte de Dieu s'impose, antérieurement à toute religion révélée, il va de soi que, si Dieu a dit comment il voulait être adoré et servi, il y a obligation, non seulement pour les individus, mais pour le corps social, de se soumettre à ses ordres. 2. Le second devoir de l'État est de reconnaître tous les droits de l'Église, tels qu'ils découlent de sa constitution divine et que nous les avons décrits dans l'article précédent. L'État doit donc disposer la législation civile de manière à seconder et à développer la religion catholique. Il ne lui appartient pas de connaître lui-même des doctrines. « II laissera, dit Mgr d'Hulst, l'Église juger les novateurs et, s'ils s'obstinent dans leur révolte, les punir selon les lois canoniques, et les exclure de son sein. Mais il pourra prêter à l'autorité religieuse le pouvoir coercitif dont il dispose, pour arrêter une contagion dont les progrès seraient nuisibles à la société civile elle-même. »359
L'on peut dire, d'une manière générale, que la concorde qui doit régner entre eux requiert : — 1) du côté négatif : que chaque puissance veille à ne pas violer les droits de l'autre et à ne pas entraver son action ; — 2) du côté positif, que chacune mette au service de l'autre l'influence dont elle dispose pour le bien des deux sociétés.
a) DEVOIRS DE L'ÉGLISE. — L'Église doit prêter à l'État l'appui de son autorité et de ses œuvres. Qui ne voit du reste combien par sa doctrine elle peut travailler au bonheur des peuples puisque, d'une part, elle « fait remonter jusqu'à Dieu même l'origine du pouvoir, qu'elle impose avec une très grande autorité aux princes l'obligation de ne point oublier leurs devoirs, de ne point commander avec injustice ou dureté », et d'autre part, qu'elle « commande aux citoyens à l'égard de la puissance légitime, la soumission comme aux représentants de Dieu, et les unit aux chefs de l'État par les liens, non seulement de l'obéissance, mais du respect et de l'amour, leur interdisant la révolte et toutes les entreprises qui peuvent troubler l'ordre et la tranquillité de l'État »? (Enc. Libertas). Ainsi, de l'influence de l'Église, l'État retirera un double profit. L'autorité des chefs, considérée, non pas uniquement comme l'expression de la volonté du peuple, mais comme venant de Dieu, revêtira un caractère sacré et se conformera mieux aux règles de la justice. Le peuple, à son tour, acceptera l'obéissance comme une soumission à la volonté de Dieu, qui, loin de l'humilier, ne peut que l'ennoblir.
b) DEVOIRS DE L'ÉTAT. — 1. Le premier devoir de l'État vis-à-vis de la religion en général, c'est de rendre lui-même un culte social à Dieu. La raison seule démontre à l'évidence la nécessité de ce culte. Dieu n'est-il pas le maître des sociétés comme des individus? Or, dit Léon XIII (Enc. Immortale Dei), « si la nature et la raison imposent à chacun de nous le devoir d'honorer Dieu d'un culte religieux, parce que nous sommes sous sa puissance, et parce que, sortis de lui, nous devons retourner à lui, la même loi oblige la communauté politique ». Le chef de l'État doit donc rendre hommage à Dieu au nom du peuple qu'il représente, en s'associant aux actes de religion qui s'accomplissent au sein de l'Église catholique. Nous disons « de l'Église catholique» car, bien que le culte de Dieu s'impose, antérieurement à toute religion révélée, il va de soi que, si Dieu a dit comment il voulait être adoré et servi, il y a obligation, non seulement pour les individus, mais pour le corps social, de se soumettre à ses ordres. 2. Le second devoir de l'État est de reconnaître tous les droits de l'Église, tels qu'ils découlent de sa constitution divine et que nous les avons décrits dans l'article précédent. L'État doit donc disposer la législation civile de manière à seconder et à développer la religion catholique. Il ne lui appartient pas de connaître lui-même des doctrines. « II laissera, dit Mgr d'Hulst, l'Église juger les novateurs et, s'ils s'obstinent dans leur révolte, les punir selon les lois canoniques, et les exclure de son sein. Mais il pourra prêter à l'autorité religieuse le pouvoir coercitif dont il dispose, pour arrêter une contagion dont les progrès seraient nuisibles à la société civile elle-même. »359
359 Mgr d’Hulst Car. 1895, La morale du Citoyen .5e Conf. L'Église et l'État
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
438. — 1re Objection. — Contre la thèse catholique, nos adversaires objectent les empiétements de l'Église, et font remarquer que, si l'État admet l'indépendance de l'Église, et lui reconnaît tous les droits qu'elle revendique, elle formera un « État dans l'État» et deviendra un gouvernement théocratique intolérable.
Réponse. — Pour craindre les empiétements de l'Église, il faudrait d'abord prouver que l'Église est une puissance susceptible d'être dangereuse à la sécurité de l'État. Or les Pontifes romains et la doctrine catholique ont toujours enseigné aux fidèles l'obéissance aux lois portées par l'État, à moins qu'elles ne fussent en opposition avec les droits de Dieu et de la conscience.
Assurément, la coexistence de deux sociétés indépendantes serait une cause de troubles et de désordres, si ces sociétés étaient toutes deux du même ordre, si elles tendaient, soit à une même fin, soit à des fins opposées entre elles. Or il n'en est rien. Nous avons vu que l'Église et l'État ont des fins différentes et que ces fins, l'une d'ordre spirituel, l'autre d'ordre temporel, ne sont nullement en opposition, que, au contraire, elles peuvent et doivent s'harmoniser parfaitement. — II n'est du reste pas juste de dire que l'Église est dans l'État. Car, matériellement, elle le déborde : l'Église catholique est dans tous les États, et pour cette raison, avons nous déjà dit, elle ne saurait être dépendante d'aucun pouvoir civil, et, à plus forte raison, être réduite à l'état de rouage politique. D'autre part, accuser l'Église de prétendre à un pouvoir théocratique qui voudrait prédominer, même dans les questions temporelles, c'est se mettre en absolue contradiction avec la doctrine de Léon XIII que nous avons exposée plus haut.
439. — 2e Objection. — Mais, dit-on encore, si l'État impose à ses sujets un culte quelconque, s'il prétend remplir, au nom de tous, des devoirs que tous ne reconnaissent pas, et plus encore, s'il met sa puissance au service de l'Eglise contre les hérétiques et contre ceux qui ne veulent pas de religion, ne sort-il pas de son rôle? N'opprime-t-il pas les consciences et n'est-il pas intolérant ? Et que deviendront alors nos libertés modernes : liberté de pensée et de parole, liberté de conscience et de culte?
Réponse. — a) Observons d'abord que nous nous sommes placés, pour établir la thèse catholique, dans l'hypothèse d'une société unie dans les mêmes croyances. Or il est évident qu'aucune société ne peut subsister si les principes sur lesquels elle s'appuie, ne sont pas respectés. On l'admet bien quand il s'agit, par exemple, des institutions, comme celles de la famille et de la propriété. Pourquoi le rejetterait-on a propos de la religion, si l'on reconnaît, par ailleurs, qu'elle est une des bases de la société! A ceux qui prêcheraient la polygamie, la polyandrie, l'union libre, à ceux qui voudraient renverser la propriété individuelle, l'État ne manquerait pas d'opposer la contrainte. I1 agirait de même avec les internationalistes, qui refuseraient de concourir, par le service militaire, à l'unité de la patrie. Dira-t-on que l'État fait acte de tyrannie lorsqu'il poursuit les révolutionnaires et les anarchistes qui menacent sa sécurité? Tous les gens sensés avouent qu'il ne fait au contraire que jouer son rôle et remplir sa mission. « Eh bien, dit Mgr d'Hulst, transportez ces principes dans une société dont tous les membres sont chrétiens, où la croyance religieuse rencontre, sinon l'unanimité absolue, qui n'est pas de ce monde, du moins la même unanimité morale que nous constations tout à l'heure à l'égard des idées qui inspirent et soutiennent nos institutions fondamentales, la propriété, la famille, la patrie. Refuserez-vous à un État de cette sorte le droit de prêter l'appui de son pouvoir?... Théoriquement, je ne vois pas ce qui pourrait le lui interdire. »360
b) Lorsqu'on nous objecte les « libertés modernes », il semble bien qu'on sort de l'hypothèse d'une société presque exclusivement catholique. Voyons cependant ce qu'il faut en penser, du seul point de vue absolu, c'est-à-dire en restant sur le terrain des principes. L'Église condamne-t-elle toutes ces libertés que l'on considère comme le fondement de la société moderne ? Condamne-t-elle, en particulier, la liberté de penser et de parler, la liberté de conscience et de culte ? Avant de répondre à cette question, il est bon de s'entendre sur le sens qu'il faut attacher au mot liberté. D'après la doctrine de l'Église, la liberté c'est le pouvoir physique d'agir de telle ou de telle façon, mais ce n'est pas le droit d'agir de n'importe quelle façon. La raison prescrit à l'homme de croire ce qui est vrai et de faire ce qui est bien. La liberté ne peut donc pas être le droit de choisir entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal, le juste et l'injuste. « La volonté, dit Léon XIII, par le seul fait qu'elle dépend de la raison, dès qu'elle désire un objet qui s'écarte de la droite raison, tombe dans un vice radical qui n'est que la corruption et l'abus de la liberté. Voilà pourquoi Dieu, la perfection infinie, qui, étant souverainement intelligent et la bonté par essence, est aussi souverainement libre, ne peut pourtant en aucune façon vouloir le mal moral... La faculté de pécher n'est pas une liberté, mais une servitude. » (Enc. Libertas).
Les libéraux, qui mettent en avant les libertés modernes, pour combattre ce qu'ils appellent l'intolérance de l'Église, entendent-ils par là que l'homme a le droit de penser, de dire, d'écrire, d'enseigner tout ce qu'il veut, le faux comme le vrai, le mal comme le bien, qu'il a une liberté de conscience illimitée, qu'il « lui est loisible de professer telle religion qui lui plaît ou même de n'en professer aucune », qu'il a le droit de s'affranchir de ses devoirs envers Dieu? Si telle est leur conception de la liberté, il est évident qu'elle est en opposition flagrante avec la doctrine catholique, disons plus, avec la raison. Cette soi-disant liberté, l'Église l'appelle « pure licence», et assurément, elle la condamne. Jamais elle n'admettra que la liberté puisse être le droit d'agir contre la raison et la nature, le droit d'embrasser l'erreur et de choisir le mal.
En principe, par conséquent, l'erreur et le mal n'ont aucun droit : ils n'ont droit ni à la tolérance ni même à l'existence. Saint Augustin a dit, il est vrai, qu'il faut « exterminer les erreurs et aimer les hommes». Et cela est juste, mais comment frapper les erreurs si l'on ne touche pas aux hommes qui les professent? En pratique donc, lorsque ces hommes sont de bonne foi, — et il n'est pas permis sans de graves motifs de supposer le contraire, — il convient de les traiter avec de grands ménagements et beaucoup de charité : ils ont droit à la tolérance. Mais il ne faut pas que cette tolérance puisse tourner au désavantage des autres membres de la société. Car, dans toute société, la liberté individuelle finit où commence le droit d'autrui. Aussi longtemps que la liberté de pensée et de conscience se confine au for intérieur, Dieu reste le juge de nos opinions. Mais si elle se traduit au dehors (discours ou écrits révolutionnaires), elle tombe alors sous l'appréciation du pouvoir social, et rien n'empêche celui-ci, plus que cela, il est de son devoir, de protéger la vérité contre l'erreur, le bien contre le mal, et de frapper ceux qui propagent les mauvaises doctrines, même s'ils sont de bonne foi. Combien son devoir devient plus impérieux s'il a affaire à des hommes de mauvaise foi !
Conclusion. — Nous pouvons donc conclure: — 1. que la liberté de conscience ne saurait être, en aucun cas, le droit de rejeter toute religion, ou même de choisir n'importe quelle religion : elle est au contraire, le droit de professer librement, sans être gêné par personne, la religion que Dieu nous a enseignée : — 2. qu'il n'y a pas dès lors à reprocher à l'Église d'avoir employé jadis la coaction, car elle n'en a jamais fait usage que contre les hérétiques, c'est-à-dire contre ceux qui ressortissaient à sa juridiction, contre les chrétiens de mauvaise foi qui ne remplissaient pas leurs obligations. Quant aux autres, jamais l'Église ne leur a contesté la liberté de penser comme ils voulaient. Elle a toujours affirmé qu'on ne doit contraindre personne à faire un acte religieux qui répugne à la conscience, et jamais elle n'a forcé ceux qui, nés et élevés, soit dans une religion païenne, soit dans l'hérésie, ne faisaient pas partie de son corps, à adhérer à sa foi et à son culte.
Réponse. — Pour craindre les empiétements de l'Église, il faudrait d'abord prouver que l'Église est une puissance susceptible d'être dangereuse à la sécurité de l'État. Or les Pontifes romains et la doctrine catholique ont toujours enseigné aux fidèles l'obéissance aux lois portées par l'État, à moins qu'elles ne fussent en opposition avec les droits de Dieu et de la conscience.
Assurément, la coexistence de deux sociétés indépendantes serait une cause de troubles et de désordres, si ces sociétés étaient toutes deux du même ordre, si elles tendaient, soit à une même fin, soit à des fins opposées entre elles. Or il n'en est rien. Nous avons vu que l'Église et l'État ont des fins différentes et que ces fins, l'une d'ordre spirituel, l'autre d'ordre temporel, ne sont nullement en opposition, que, au contraire, elles peuvent et doivent s'harmoniser parfaitement. — II n'est du reste pas juste de dire que l'Église est dans l'État. Car, matériellement, elle le déborde : l'Église catholique est dans tous les États, et pour cette raison, avons nous déjà dit, elle ne saurait être dépendante d'aucun pouvoir civil, et, à plus forte raison, être réduite à l'état de rouage politique. D'autre part, accuser l'Église de prétendre à un pouvoir théocratique qui voudrait prédominer, même dans les questions temporelles, c'est se mettre en absolue contradiction avec la doctrine de Léon XIII que nous avons exposée plus haut.
439. — 2e Objection. — Mais, dit-on encore, si l'État impose à ses sujets un culte quelconque, s'il prétend remplir, au nom de tous, des devoirs que tous ne reconnaissent pas, et plus encore, s'il met sa puissance au service de l'Eglise contre les hérétiques et contre ceux qui ne veulent pas de religion, ne sort-il pas de son rôle? N'opprime-t-il pas les consciences et n'est-il pas intolérant ? Et que deviendront alors nos libertés modernes : liberté de pensée et de parole, liberté de conscience et de culte?
Réponse. — a) Observons d'abord que nous nous sommes placés, pour établir la thèse catholique, dans l'hypothèse d'une société unie dans les mêmes croyances. Or il est évident qu'aucune société ne peut subsister si les principes sur lesquels elle s'appuie, ne sont pas respectés. On l'admet bien quand il s'agit, par exemple, des institutions, comme celles de la famille et de la propriété. Pourquoi le rejetterait-on a propos de la religion, si l'on reconnaît, par ailleurs, qu'elle est une des bases de la société! A ceux qui prêcheraient la polygamie, la polyandrie, l'union libre, à ceux qui voudraient renverser la propriété individuelle, l'État ne manquerait pas d'opposer la contrainte. I1 agirait de même avec les internationalistes, qui refuseraient de concourir, par le service militaire, à l'unité de la patrie. Dira-t-on que l'État fait acte de tyrannie lorsqu'il poursuit les révolutionnaires et les anarchistes qui menacent sa sécurité? Tous les gens sensés avouent qu'il ne fait au contraire que jouer son rôle et remplir sa mission. « Eh bien, dit Mgr d'Hulst, transportez ces principes dans une société dont tous les membres sont chrétiens, où la croyance religieuse rencontre, sinon l'unanimité absolue, qui n'est pas de ce monde, du moins la même unanimité morale que nous constations tout à l'heure à l'égard des idées qui inspirent et soutiennent nos institutions fondamentales, la propriété, la famille, la patrie. Refuserez-vous à un État de cette sorte le droit de prêter l'appui de son pouvoir?... Théoriquement, je ne vois pas ce qui pourrait le lui interdire. »360
b) Lorsqu'on nous objecte les « libertés modernes », il semble bien qu'on sort de l'hypothèse d'une société presque exclusivement catholique. Voyons cependant ce qu'il faut en penser, du seul point de vue absolu, c'est-à-dire en restant sur le terrain des principes. L'Église condamne-t-elle toutes ces libertés que l'on considère comme le fondement de la société moderne ? Condamne-t-elle, en particulier, la liberté de penser et de parler, la liberté de conscience et de culte ? Avant de répondre à cette question, il est bon de s'entendre sur le sens qu'il faut attacher au mot liberté. D'après la doctrine de l'Église, la liberté c'est le pouvoir physique d'agir de telle ou de telle façon, mais ce n'est pas le droit d'agir de n'importe quelle façon. La raison prescrit à l'homme de croire ce qui est vrai et de faire ce qui est bien. La liberté ne peut donc pas être le droit de choisir entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal, le juste et l'injuste. « La volonté, dit Léon XIII, par le seul fait qu'elle dépend de la raison, dès qu'elle désire un objet qui s'écarte de la droite raison, tombe dans un vice radical qui n'est que la corruption et l'abus de la liberté. Voilà pourquoi Dieu, la perfection infinie, qui, étant souverainement intelligent et la bonté par essence, est aussi souverainement libre, ne peut pourtant en aucune façon vouloir le mal moral... La faculté de pécher n'est pas une liberté, mais une servitude. » (Enc. Libertas).
Les libéraux, qui mettent en avant les libertés modernes, pour combattre ce qu'ils appellent l'intolérance de l'Église, entendent-ils par là que l'homme a le droit de penser, de dire, d'écrire, d'enseigner tout ce qu'il veut, le faux comme le vrai, le mal comme le bien, qu'il a une liberté de conscience illimitée, qu'il « lui est loisible de professer telle religion qui lui plaît ou même de n'en professer aucune », qu'il a le droit de s'affranchir de ses devoirs envers Dieu? Si telle est leur conception de la liberté, il est évident qu'elle est en opposition flagrante avec la doctrine catholique, disons plus, avec la raison. Cette soi-disant liberté, l'Église l'appelle « pure licence», et assurément, elle la condamne. Jamais elle n'admettra que la liberté puisse être le droit d'agir contre la raison et la nature, le droit d'embrasser l'erreur et de choisir le mal.
En principe, par conséquent, l'erreur et le mal n'ont aucun droit : ils n'ont droit ni à la tolérance ni même à l'existence. Saint Augustin a dit, il est vrai, qu'il faut « exterminer les erreurs et aimer les hommes». Et cela est juste, mais comment frapper les erreurs si l'on ne touche pas aux hommes qui les professent? En pratique donc, lorsque ces hommes sont de bonne foi, — et il n'est pas permis sans de graves motifs de supposer le contraire, — il convient de les traiter avec de grands ménagements et beaucoup de charité : ils ont droit à la tolérance. Mais il ne faut pas que cette tolérance puisse tourner au désavantage des autres membres de la société. Car, dans toute société, la liberté individuelle finit où commence le droit d'autrui. Aussi longtemps que la liberté de pensée et de conscience se confine au for intérieur, Dieu reste le juge de nos opinions. Mais si elle se traduit au dehors (discours ou écrits révolutionnaires), elle tombe alors sous l'appréciation du pouvoir social, et rien n'empêche celui-ci, plus que cela, il est de son devoir, de protéger la vérité contre l'erreur, le bien contre le mal, et de frapper ceux qui propagent les mauvaises doctrines, même s'ils sont de bonne foi. Combien son devoir devient plus impérieux s'il a affaire à des hommes de mauvaise foi !
Conclusion. — Nous pouvons donc conclure: — 1. que la liberté de conscience ne saurait être, en aucun cas, le droit de rejeter toute religion, ou même de choisir n'importe quelle religion : elle est au contraire, le droit de professer librement, sans être gêné par personne, la religion que Dieu nous a enseignée : — 2. qu'il n'y a pas dès lors à reprocher à l'Église d'avoir employé jadis la coaction, car elle n'en a jamais fait usage que contre les hérétiques, c'est-à-dire contre ceux qui ressortissaient à sa juridiction, contre les chrétiens de mauvaise foi qui ne remplissaient pas leurs obligations. Quant aux autres, jamais l'Église ne leur a contesté la liberté de penser comme ils voulaient. Elle a toujours affirmé qu'on ne doit contraindre personne à faire un acte religieux qui répugne à la conscience, et jamais elle n'a forcé ceux qui, nés et élevés, soit dans une religion païenne, soit dans l'hérésie, ne faisaient pas partie de son corps, à adhérer à sa foi et à son culte.
360
Mgr d’Hulst, conf. cit.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 2. — Relations de l'Église et de l'État dans l'hypothèse d'un État catholique.
440. — Dans le paragraphe précédent, nous avons exposé ce qu'on appelle la thèse et l'application de la thèse dans l'hypothèse d'un État catholique. Immuables en eux-mêmes, les principes restent toujours vrais, et ne dépendent ni de la reconnaissance ni de l'approbation du pouvoir civil. Cependant, tout immuables qu'ils sont, ils ne sont pas absolus quant à leur application. Dans la revendication de ses droits, l'Église est bien obligée de tenir compte des contingences et d'accepter la situation de fait qui lui est imposée. Mais, en se pliant aux circonstances, elle n'abandonne rien de ses principes. C'est sur ce point que le libéralisme se met en opposition avec la doctrine catholique. Son erreur consiste précisément à ne pas distinguer entre la thèse et l'hypothèse, à accorder en principe les mêmes droits à l'erreur et à l'hérésie qu'à la vérité et à l'orthodoxie, et à faire rentrer tous les cultes dans le même droit commun.
Les principaux cas, où l'Église ne peut pas appliquer ses principes, sont ceux : 1° d'un État hétérodoxe ; 2° d'un État infidèle; et 3° d'un État neutre.
1° Hypothèse d'un État hétérodoxe. — Les États hétérodoxes sont ceux qui, tout en appartenant à la religion chrétienne, sont séparés de l'Église catholique par le schisme ou l'hérésie. En principe, les États chrétiens doivent reconnaître à l'Église catholique tous les droits que Jésus-Christ a accordés à la société religieuse qu'il a fondée. Les États protestants sont d'autant plus tenus de ne pas restreindre les droits des catholiques qu'ils ont pour principe fondamental la théorie du libre examen, et ne sauraient, de ce fait, prétendre que leur interprétation de la Sainte Écriture est vraie, à l'exclusion des autres. L'Église catholique ne doit donc pas être frustrée de ses droits essentiels : droit d'enseigner, droit de pratiquer librement son culte, droit de posséder, etc.
441. — 2° Hypothèse d'un État infidèle. — Nous désignons sous ce titre toutes les religions dont nous avons démontré la fausseté dans la première section de la seconde Partie. En principe, l'Église catholique, s'appuyant sur la raison et sur toutes les preuves qui font éclater la transcendance du christianisme, peut réclamer tous les droits qui, du seul point de vue naturel, doivent être accordés à la vraie religion. En pratique, les missionnaires qui évangélisent les contrées païennes, ne revendiquent guère que la liberté de prêcher la foi du Christ, et trop souvent ils l'achètent au prix de leur sang.
442. — 3° Hypothèse d'un État neutre. — Ce que nous appelons ici « État neutre» pourrait s'appeler tout aussi bien État libéral. Il désigne, de toute façon, l'État qui, acceptant les libertés modernes, ne reconnaît aucun culte officiel. Quelles seront, dans cette hypothèse, les relations de l'Église et de l'État? La réponse ne saurait être générale. — 1. S'agit-il d'un État vraiment neutre, où les sectes dissidentes sont nombreuses, il est clair que l'union de l'Église et de l'État est pratiquement impossible. Le régime de la séparation devient alors la situation normale. L'Église, quoique ne reniant rien de ses principes, peut donc, en pratique, accepter la séparation comme le seul « modus vivendi» possible dans telle circonstance donnée. Mais qui dit séparation ne dit pas désunion, encore moins hostilité. Pas davantage la séparation ne doit impliquer l'indifférence. Un État, même neutre, n'a pas plus le droit de se désintéresser de la religion que de la morale. Qu'un État ne prenne pas parti entre les diverses religions, qu'il accepte tous les cultes, soit ; mais il lui reste toujours le devoir de protéger la religion en général, contre les athées qui, en détruisant l'idée de Dieu, tentent de saper la base essentielle de toute religion. Quel que soit son amour des libertés modernes, il ne doit pas tolérer des doctrines qui compromettent la sécurité de l'État et l'ordre public. De même qu'il ne peut permettre de tout faire, il ne peut laisser la liberté de tout dire et de tout enseigner. Si l'État neutre ne peut donc accorder des faveurs à telle religion, à l'exclusion des autres, il peut protéger toutes les religions. De l'application de cette doctrine, les États-Unis nous fournissent un illustre exemple. Dans ce pays, si partagé au point de vue des croyances qu'il eût été tout à fait impolitique de protéger un culte plutôt qu'un autre, où la séparation s'imposait comme une nécessité, nous voyons le pouvoir civil favoriser, de multiples façons, toutes les religions, sauf la secte des Mormons (v. notre Histoire de l'Eglise, n° 298), accorder à toutes la plus grande liberté d'action et sauvegarder les intérêts de chacune par l'équité de ses lois et par la justice de ses jugements.
2. S'agit-il d'un État plutôt athée que neutre, l'Église se trouve forcément réduite à ne revendiquer que les garanties du droit commun. L'union des deux pouvoirs devenant impossible, l'Église doit se borner à réclamer pour elle comme pour toute autre religion, liberté pleine et entière dans la profession de sa foi et l'exercice de son culte.
Mais, dira-t-on, s'il en est ainsi, pourquoi le pape Pie X a-t-il condamné avec tant de véhémence la loi de Séparation par son Encyclique Vehementer du 11 février 1906? Les raisons en sont très claires et découlent de ce que nous avons dit dans ce chapitre. — 1) C'est, en premier lieu, que, en se plaçant sur le terrain de la thèse, la séparation n'est pas le régime normal, et contredit la doctrine de l'Église. — 2) C'est, en second lieu, que la rupture d'un concordat ne doit se faire que du consentement réciproque des deux parties contractantes, comme Pie X le déclare : « Le concordat passé entre le Souverain Pontife et le gouvernement français, comme du reste tous les traités du même genre que les États concluent entre eux, était un contrat bilatéral qui obligeait des deux côtés. Le Pontife romain, d'une part, le chef de la nation française, de l'autre s'engagèrent solennellement, tant pour eux que pour leurs successeurs, à maintenir inviolablement le pacte qu'ils signaient. Il en résultait que le concordat avait pour règle, la règle de tous les traités internationaux, c'est-à-dire le droit des gens, et qu'il ne pouvait en aucune manière être annulé par le fait d'une seule des deux parties ayant contracté... Or aujourd'hui l'État abroge de sa seule autorité le pacte solennel qu'il avait signé. Il transgresse ainsi la foi jurée. » Sans doute, le temps et les circonstances ont déjà fait reconnaître la justesse de ces observations, et tout nous porte à croire que, dans un avenir assez proche, la France reprendra avec le Saint-Siège, sinon son alliance traditionnelle, du moins un régime de bonne relation et d'entente.
443. — Remarque. — L'Église et les diverses formes de gouvernement. — Il convient de remarquer que les relations de l'Église et de l'État, — thèse et hypothèse, — ont été établies dans l'article qui précède, abstraction faite de la forme au gouvernement. Or, sur cette dernière question, — la forme de gouvernement, — la doctrine de l'Église peut s'établir dans les trois points suivants : — 1. Tout d'abord elle pose en principe absolu que « tout pouvoir vient de Dieu» (Rom., xiii, 1). Dieu étant le seul et souverain Maître des choses, il s'ensuit qu'aucune autorité ne peut se constituer en dehors de lui. — 2. Si l'Église regarde comme un principe absolu que l'origine du pouvoir doit être reportée à Dieu, elle n'a pas tranché la question de savoir quel doit en être le mode de transmission. Est-il remis directement par Dieu entre les mains du Chef de l'État, comme dans la monarchie héréditaire, avec pouvoir absolu ou limité par une constitution ? Ou est-il remis directement au peuple et conféré indirectement par un nombre restreint d'électeurs ou par le suffrage universel, soit à un seul homme (monarchie élective), soit à une élite sociale et intellectuelle (régime aristocratique), soit à de nombreux représentants choisis dans toutes les classes (régime démocratique) ? c'est ce que l'Église n'a pas déterminé361. On voit donc par là qu'elle n'impose aucune forme de gouvernement. « Des diverses formes de gouvernement, dit LÉON XIII (Enc. Libertas), pourvu qu'elles soient en elles-mêmes aptes à procurer le bien des citoyens, l'Église n'en rejette aucune ; mais elle veut, et la nature s'accorde avec elle pour l'exiger, que leur institution ne viole le droit de personne et respecte particulièrement les droits de l'Église. » — 3. Ce que l'Église ne saurait admettre, c'est que le peuple aurait la souveraineté, dans ce sens qu'il faudrait chercher en lui l'origine du pouvoir, qu'il en serait le détenteur immédiat, qu'il aurait, par conséquent, le droit de le garder, de le communiquer et de le reprendre à son gré.. S'il en était ainsi, l'insurrection serait vraiment pour lui, comme dit Jean-Jacques Rousseau, « le plus sacré des droits », et toute révolution deviendrait légitime de par la volonté du peuple.
BIBLIOGRAPHIE. — Encycliques de Gkégoire XVI, Mirari vos, (15août 1832), de Pie IX « Quanta cura » (8 déc. 1864), de Léon XIII « Diuturnum » (20 juin 1881), « Immortale Dei» (1 nov. 1885), « Jampridem » (6 janv. 1886), « Libertas » (20 juin 1888), — Mgr d'Hulst, Car 1895, 2e conf. Les Droits de F État, 3e conf. Les Devoirs de l’État, 5e conf. L'Église et l'État ; Le Droit chrétien et le Droit moderne, 1886. — Forget. art. Index (Dict. d'Alès). — Dublanchy, art. Église (Dict. Vacant-Mangenot). — Mgr Sauvé, Questions religieuses et sociales. — Dom Gréa, De l’Église et de sa divine constitution (Bonne Presse). — Moulart, L'Église et l’Etat (Louvain). — Canet, La liberté de conscience ; La liberté de penser et la libre-pensée (Bloud). — De Pascal, art. Libéralisme (Dict. d'Alès). — Vacandard, De la tolérance religieuse (Bloud). — Moulard et Vincent, Apologétique chrétienne (Bloud). — Tanquerey, Théologie dogmatique fondamentale.
440. — Dans le paragraphe précédent, nous avons exposé ce qu'on appelle la thèse et l'application de la thèse dans l'hypothèse d'un État catholique. Immuables en eux-mêmes, les principes restent toujours vrais, et ne dépendent ni de la reconnaissance ni de l'approbation du pouvoir civil. Cependant, tout immuables qu'ils sont, ils ne sont pas absolus quant à leur application. Dans la revendication de ses droits, l'Église est bien obligée de tenir compte des contingences et d'accepter la situation de fait qui lui est imposée. Mais, en se pliant aux circonstances, elle n'abandonne rien de ses principes. C'est sur ce point que le libéralisme se met en opposition avec la doctrine catholique. Son erreur consiste précisément à ne pas distinguer entre la thèse et l'hypothèse, à accorder en principe les mêmes droits à l'erreur et à l'hérésie qu'à la vérité et à l'orthodoxie, et à faire rentrer tous les cultes dans le même droit commun.
Les principaux cas, où l'Église ne peut pas appliquer ses principes, sont ceux : 1° d'un État hétérodoxe ; 2° d'un État infidèle; et 3° d'un État neutre.
1° Hypothèse d'un État hétérodoxe. — Les États hétérodoxes sont ceux qui, tout en appartenant à la religion chrétienne, sont séparés de l'Église catholique par le schisme ou l'hérésie. En principe, les États chrétiens doivent reconnaître à l'Église catholique tous les droits que Jésus-Christ a accordés à la société religieuse qu'il a fondée. Les États protestants sont d'autant plus tenus de ne pas restreindre les droits des catholiques qu'ils ont pour principe fondamental la théorie du libre examen, et ne sauraient, de ce fait, prétendre que leur interprétation de la Sainte Écriture est vraie, à l'exclusion des autres. L'Église catholique ne doit donc pas être frustrée de ses droits essentiels : droit d'enseigner, droit de pratiquer librement son culte, droit de posséder, etc.
441. — 2° Hypothèse d'un État infidèle. — Nous désignons sous ce titre toutes les religions dont nous avons démontré la fausseté dans la première section de la seconde Partie. En principe, l'Église catholique, s'appuyant sur la raison et sur toutes les preuves qui font éclater la transcendance du christianisme, peut réclamer tous les droits qui, du seul point de vue naturel, doivent être accordés à la vraie religion. En pratique, les missionnaires qui évangélisent les contrées païennes, ne revendiquent guère que la liberté de prêcher la foi du Christ, et trop souvent ils l'achètent au prix de leur sang.
442. — 3° Hypothèse d'un État neutre. — Ce que nous appelons ici « État neutre» pourrait s'appeler tout aussi bien État libéral. Il désigne, de toute façon, l'État qui, acceptant les libertés modernes, ne reconnaît aucun culte officiel. Quelles seront, dans cette hypothèse, les relations de l'Église et de l'État? La réponse ne saurait être générale. — 1. S'agit-il d'un État vraiment neutre, où les sectes dissidentes sont nombreuses, il est clair que l'union de l'Église et de l'État est pratiquement impossible. Le régime de la séparation devient alors la situation normale. L'Église, quoique ne reniant rien de ses principes, peut donc, en pratique, accepter la séparation comme le seul « modus vivendi» possible dans telle circonstance donnée. Mais qui dit séparation ne dit pas désunion, encore moins hostilité. Pas davantage la séparation ne doit impliquer l'indifférence. Un État, même neutre, n'a pas plus le droit de se désintéresser de la religion que de la morale. Qu'un État ne prenne pas parti entre les diverses religions, qu'il accepte tous les cultes, soit ; mais il lui reste toujours le devoir de protéger la religion en général, contre les athées qui, en détruisant l'idée de Dieu, tentent de saper la base essentielle de toute religion. Quel que soit son amour des libertés modernes, il ne doit pas tolérer des doctrines qui compromettent la sécurité de l'État et l'ordre public. De même qu'il ne peut permettre de tout faire, il ne peut laisser la liberté de tout dire et de tout enseigner. Si l'État neutre ne peut donc accorder des faveurs à telle religion, à l'exclusion des autres, il peut protéger toutes les religions. De l'application de cette doctrine, les États-Unis nous fournissent un illustre exemple. Dans ce pays, si partagé au point de vue des croyances qu'il eût été tout à fait impolitique de protéger un culte plutôt qu'un autre, où la séparation s'imposait comme une nécessité, nous voyons le pouvoir civil favoriser, de multiples façons, toutes les religions, sauf la secte des Mormons (v. notre Histoire de l'Eglise, n° 298), accorder à toutes la plus grande liberté d'action et sauvegarder les intérêts de chacune par l'équité de ses lois et par la justice de ses jugements.
2. S'agit-il d'un État plutôt athée que neutre, l'Église se trouve forcément réduite à ne revendiquer que les garanties du droit commun. L'union des deux pouvoirs devenant impossible, l'Église doit se borner à réclamer pour elle comme pour toute autre religion, liberté pleine et entière dans la profession de sa foi et l'exercice de son culte.
Mais, dira-t-on, s'il en est ainsi, pourquoi le pape Pie X a-t-il condamné avec tant de véhémence la loi de Séparation par son Encyclique Vehementer du 11 février 1906? Les raisons en sont très claires et découlent de ce que nous avons dit dans ce chapitre. — 1) C'est, en premier lieu, que, en se plaçant sur le terrain de la thèse, la séparation n'est pas le régime normal, et contredit la doctrine de l'Église. — 2) C'est, en second lieu, que la rupture d'un concordat ne doit se faire que du consentement réciproque des deux parties contractantes, comme Pie X le déclare : « Le concordat passé entre le Souverain Pontife et le gouvernement français, comme du reste tous les traités du même genre que les États concluent entre eux, était un contrat bilatéral qui obligeait des deux côtés. Le Pontife romain, d'une part, le chef de la nation française, de l'autre s'engagèrent solennellement, tant pour eux que pour leurs successeurs, à maintenir inviolablement le pacte qu'ils signaient. Il en résultait que le concordat avait pour règle, la règle de tous les traités internationaux, c'est-à-dire le droit des gens, et qu'il ne pouvait en aucune manière être annulé par le fait d'une seule des deux parties ayant contracté... Or aujourd'hui l'État abroge de sa seule autorité le pacte solennel qu'il avait signé. Il transgresse ainsi la foi jurée. » Sans doute, le temps et les circonstances ont déjà fait reconnaître la justesse de ces observations, et tout nous porte à croire que, dans un avenir assez proche, la France reprendra avec le Saint-Siège, sinon son alliance traditionnelle, du moins un régime de bonne relation et d'entente.
443. — Remarque. — L'Église et les diverses formes de gouvernement. — Il convient de remarquer que les relations de l'Église et de l'État, — thèse et hypothèse, — ont été établies dans l'article qui précède, abstraction faite de la forme au gouvernement. Or, sur cette dernière question, — la forme de gouvernement, — la doctrine de l'Église peut s'établir dans les trois points suivants : — 1. Tout d'abord elle pose en principe absolu que « tout pouvoir vient de Dieu» (Rom., xiii, 1). Dieu étant le seul et souverain Maître des choses, il s'ensuit qu'aucune autorité ne peut se constituer en dehors de lui. — 2. Si l'Église regarde comme un principe absolu que l'origine du pouvoir doit être reportée à Dieu, elle n'a pas tranché la question de savoir quel doit en être le mode de transmission. Est-il remis directement par Dieu entre les mains du Chef de l'État, comme dans la monarchie héréditaire, avec pouvoir absolu ou limité par une constitution ? Ou est-il remis directement au peuple et conféré indirectement par un nombre restreint d'électeurs ou par le suffrage universel, soit à un seul homme (monarchie élective), soit à une élite sociale et intellectuelle (régime aristocratique), soit à de nombreux représentants choisis dans toutes les classes (régime démocratique) ? c'est ce que l'Église n'a pas déterminé361. On voit donc par là qu'elle n'impose aucune forme de gouvernement. « Des diverses formes de gouvernement, dit LÉON XIII (Enc. Libertas), pourvu qu'elles soient en elles-mêmes aptes à procurer le bien des citoyens, l'Église n'en rejette aucune ; mais elle veut, et la nature s'accorde avec elle pour l'exiger, que leur institution ne viole le droit de personne et respecte particulièrement les droits de l'Église. » — 3. Ce que l'Église ne saurait admettre, c'est que le peuple aurait la souveraineté, dans ce sens qu'il faudrait chercher en lui l'origine du pouvoir, qu'il en serait le détenteur immédiat, qu'il aurait, par conséquent, le droit de le garder, de le communiquer et de le reprendre à son gré.. S'il en était ainsi, l'insurrection serait vraiment pour lui, comme dit Jean-Jacques Rousseau, « le plus sacré des droits », et toute révolution deviendrait légitime de par la volonté du peuple.
BIBLIOGRAPHIE. — Encycliques de Gkégoire XVI, Mirari vos, (15août 1832), de Pie IX « Quanta cura » (8 déc. 1864), de Léon XIII « Diuturnum » (20 juin 1881), « Immortale Dei» (1 nov. 1885), « Jampridem » (6 janv. 1886), « Libertas » (20 juin 1888), — Mgr d'Hulst, Car 1895, 2e conf. Les Droits de F État, 3e conf. Les Devoirs de l’État, 5e conf. L'Église et l'État ; Le Droit chrétien et le Droit moderne, 1886. — Forget. art. Index (Dict. d'Alès). — Dublanchy, art. Église (Dict. Vacant-Mangenot). — Mgr Sauvé, Questions religieuses et sociales. — Dom Gréa, De l’Église et de sa divine constitution (Bonne Presse). — Moulart, L'Église et l’Etat (Louvain). — Canet, La liberté de conscience ; La liberté de penser et la libre-pensée (Bloud). — De Pascal, art. Libéralisme (Dict. d'Alès). — Vacandard, De la tolérance religieuse (Bloud). — Moulard et Vincent, Apologétique chrétienne (Bloud). — Tanquerey, Théologie dogmatique fondamentale.
361
L'on voit par là que la théorie du « droit divin », d'après laquelle les monarques entendaient tenir directement de Dieu le pouvoir qu'ils exerçaient et nullement de leur peuple, ne représente pas la doctrine de l'Église.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
SECTION III
APOLOGIE DE L'ÉGLISE
Chapitre I. — L'Église et l'Histoire.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
444. — Divine dans son origine et dans sa constitution, l'Église n'en reste pas moins une société composée d'éléments humains. Il serait donc surprenant que, à travers les diverses périodes de sa longue existence, elle n'ait jamais connu la moindre défaillance. Le gouvernement de l'Église, comme tout autre qui se sert d'instruments humains, a pu commettre et a certainement commis des abus. Que ses adversaires ne perdent pas l'occasion de les lui reprocher, fort bien. Là où leurs critiques sont impartiales, nous ne ferons pas de vains efforts pour en contester le bien-fondé. Mais les fautes rejaillissent sur les hommes et non sur les institutions. Et même quand il s'agit des hommes, encore convient-il de les juger sans passion, en tenant compte du milieu où ils ont vécu, des idées de leur époque, de toutes les circonstances enfin qui peuvent expliquer, et souvent, justifier leur conduite.
En nous appuyant sur ces principes, nous allons passer en revue les principales accusations qui sont portées contre l'Église. Et comme une société ne doit pas être jugée d'après les fautes qu'on lui reproche avec plus ou moins de raisons, en face des accusations nous dresserons un rapide inventaire des services que l'Église a rendus. Ce chapitre comprendra donc deux articles : 1° Les principales accusations contre l'Église. 2° Les services rendus par l’ Église.
Art. I. — Les principales accusations contre l'Église.
Les principales accusations portées contre l'Église sont les suivantes : 1° Les Croisades. 2° La Croisade des Albigeois et l'Inquisition. 3° Les Guerres de religion et la Saint-Barthélemy. 4° Les Dragonnades et la Révocation de l'Édit de Nantes. 5° Le Procès de Galilée. 6° l’ingérence des Papes dans les affaires temporelles. 7° Le Syllabus et la condamnation des libertés modernes.
§ 1. — Les Croisades.
445. — Remarque préliminaire. — Toutes les questions que nous allons étudier comporteraient de longs développements, s'il fallait les traiter dans toute leur étendue. Tel n'est pas ici notre rôle. L'apologiste ne fait pas œuvre d'historien, et il lui suffit de se borner aux seuls points qui sont indispensables à l'intelligence du sujet. Chaque paragraphe comprendra donc trois divisions : 1° un exposé succinct des faits ; 2° L’accusation portée par les adversaires ; 3° la réponse, où nous aurons à dégager l'Église des griefs qui ne lui incombent pas.
446. — Exposé des faits. — Les croisades, au nombre de huit, — ainsi dénommées parce que ceux qui y prenaient part, portaient sur leurs habits une petite croix d'étoffe rouge, — furent des expéditions entreprises dans le but d'arracher les Lieux Saints à la domination des musulmans.
Depuis le ive siècle, les Lieux Saints étaient le but de nombreux pèlerinages. Attirés là par un motif de piété ou de repentir, les chrétiens jouirent d'une assez large tolérance, aussi longtemps que Jérusalem resta sous le joug des Arabes. Mais lorsque les Turcs Seldjoukides s'emparèrent de la ville, en 1078, menaçant l'empire byzantin et la chrétienté tout entière, non seulement les relations économiques entre l'Asie et l'Europe furent troublées, mais les pèlerins furent maltraités par les Turcs fanatiques. C'est alors que le pape Urbain II, voulant protéger les chrétiens opprimés, tant ceux qui étaient fixés à Jérusalem que ceux qui ne faisaient qu'y passer, conçut l'idée de la croisade. A sa voix et à celle d'un moine picard, Pierre l'Ermite, les populations se soulevèrent d'indignation, et l'on décida de partir en masse pour la délivrance de la Terre Sainte.
447. — 2° Accusation. — Nos adversaires prétendent que les Croisades furent l'œuvre de l'ambition des papes et qu'elles aboutirent à de misérables résultats.
448. — 3° Réponse. — Ainsi les ennemis de l'Église attaquent les Croisades à la fois dans leur principe et dans leurs résultats. — A. LE PRINCIPE. On vient de le voir : les Croisades eurent pour but la délivrance des Lieux Saints. Accuser les Papes d'en avoir été les promoteurs, c'est leur reprocher d'avoir fait leur devoir. Que les Papes aient profité de leur autorité incontestée sur les rois et les princes chrétiens pour les déterminer à se croiser, il n'est que trop naturel, mais, en tout cela, nous ne voyons pas les traces d'une ambition de mauvais aloi qui ne recule pas devant l'injustice d'une cause pour satisfaire la soif de domination d'un homme. Au contraire, l'on peut dire que les Papes furent de tous les souverains de leur temps, les plus clairvoyants, car ils eurent l'intuition du danger qui menaçait l'Europe. Il est vrai que les Croisades ne réussirent pas à l'écarter définitivement, puisque, en 1453, c'est-à-dire 400 ans après, Constantinople tombait aux mains des Turcs, mais n'est-ce pas aussi la meilleure preuve que l'idée des Papes était juste ?
B. LES RÉSULTATS. — a) On allègue que les croisades furent de mauvaises entreprises parce qu'elles furent malheureuses, et qu'elles aboutirent à un échec total. Mais où a-t-on vu que toute œuvre est mauvaise, qui ne réussit pas? Au surplus, il ne dépendit pas des Papes qu'elles fussent menées à bonne fin, et ce serait vraiment manquer de bonne foi que de les rendre responsables des fautes qui furent commises, des abus qui furent le fait des aventuriers qui se mêlèrent aux soldats chrétiens, des dissensions, des ambitions personnelles, des mesquines rivalités des princes, bref, de tout un ensemble de choses qui firent échouer les Croisades. — b) Mais si le but premier pour lequel elles furent entreprises, ne fut pas atteint, si Jérusalem, un moment délivrée, retomba plus tard au pouvoir des infidèles, il n'en reste pas moins que les Croisades eurent des résultats incontestables, bien que secondaires et en dehors de l'objectif poursuivi par les Papes. — 1. Tout d'abord, du seul point de vue général et moral, n'est-ce pas un spectacle plein de grandeur que cette foule d'hommes qui se lève en masse pour courir à la conquête d'un tombeau et défendre sa foi? — 2. Au point de vue intérieur, les Croisades eurent pour effet de supprimer, au moins momentanément, le fléau des guerres privées, en rapprochant les individus, en fusionnant les races, les Français du Nord et ceux du Midi, et en faisant passer dans tous les cœurs un grand courant de fraternité nationale. — 3. Enfin, au point de vue extérieur, les Croisades préservèrent l'Europe de la conquête musulmane. D'autre part, elles furent le point de départ des explorations géographiques qui découvrirent l'Extrême-Orient aux Occidentaux et elles rouvrirent la route du commerce entre l'Europe et l'Asie : l'Orient redevint accessible aux marchands de l'Occident (v. notre Hist Gén. de l'Église, Vol. V, p. 265 et suiv.).
APOLOGIE DE L'ÉGLISE
Chapitre I. — L'Église et l'Histoire.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
444. — Divine dans son origine et dans sa constitution, l'Église n'en reste pas moins une société composée d'éléments humains. Il serait donc surprenant que, à travers les diverses périodes de sa longue existence, elle n'ait jamais connu la moindre défaillance. Le gouvernement de l'Église, comme tout autre qui se sert d'instruments humains, a pu commettre et a certainement commis des abus. Que ses adversaires ne perdent pas l'occasion de les lui reprocher, fort bien. Là où leurs critiques sont impartiales, nous ne ferons pas de vains efforts pour en contester le bien-fondé. Mais les fautes rejaillissent sur les hommes et non sur les institutions. Et même quand il s'agit des hommes, encore convient-il de les juger sans passion, en tenant compte du milieu où ils ont vécu, des idées de leur époque, de toutes les circonstances enfin qui peuvent expliquer, et souvent, justifier leur conduite.
En nous appuyant sur ces principes, nous allons passer en revue les principales accusations qui sont portées contre l'Église. Et comme une société ne doit pas être jugée d'après les fautes qu'on lui reproche avec plus ou moins de raisons, en face des accusations nous dresserons un rapide inventaire des services que l'Église a rendus. Ce chapitre comprendra donc deux articles : 1° Les principales accusations contre l'Église. 2° Les services rendus par l’ Église.
Art. I. — Les principales accusations contre l'Église.
Les principales accusations portées contre l'Église sont les suivantes : 1° Les Croisades. 2° La Croisade des Albigeois et l'Inquisition. 3° Les Guerres de religion et la Saint-Barthélemy. 4° Les Dragonnades et la Révocation de l'Édit de Nantes. 5° Le Procès de Galilée. 6° l’ingérence des Papes dans les affaires temporelles. 7° Le Syllabus et la condamnation des libertés modernes.
§ 1. — Les Croisades.
445. — Remarque préliminaire. — Toutes les questions que nous allons étudier comporteraient de longs développements, s'il fallait les traiter dans toute leur étendue. Tel n'est pas ici notre rôle. L'apologiste ne fait pas œuvre d'historien, et il lui suffit de se borner aux seuls points qui sont indispensables à l'intelligence du sujet. Chaque paragraphe comprendra donc trois divisions : 1° un exposé succinct des faits ; 2° L’accusation portée par les adversaires ; 3° la réponse, où nous aurons à dégager l'Église des griefs qui ne lui incombent pas.
446. — Exposé des faits. — Les croisades, au nombre de huit, — ainsi dénommées parce que ceux qui y prenaient part, portaient sur leurs habits une petite croix d'étoffe rouge, — furent des expéditions entreprises dans le but d'arracher les Lieux Saints à la domination des musulmans.
Depuis le ive siècle, les Lieux Saints étaient le but de nombreux pèlerinages. Attirés là par un motif de piété ou de repentir, les chrétiens jouirent d'une assez large tolérance, aussi longtemps que Jérusalem resta sous le joug des Arabes. Mais lorsque les Turcs Seldjoukides s'emparèrent de la ville, en 1078, menaçant l'empire byzantin et la chrétienté tout entière, non seulement les relations économiques entre l'Asie et l'Europe furent troublées, mais les pèlerins furent maltraités par les Turcs fanatiques. C'est alors que le pape Urbain II, voulant protéger les chrétiens opprimés, tant ceux qui étaient fixés à Jérusalem que ceux qui ne faisaient qu'y passer, conçut l'idée de la croisade. A sa voix et à celle d'un moine picard, Pierre l'Ermite, les populations se soulevèrent d'indignation, et l'on décida de partir en masse pour la délivrance de la Terre Sainte.
447. — 2° Accusation. — Nos adversaires prétendent que les Croisades furent l'œuvre de l'ambition des papes et qu'elles aboutirent à de misérables résultats.
448. — 3° Réponse. — Ainsi les ennemis de l'Église attaquent les Croisades à la fois dans leur principe et dans leurs résultats. — A. LE PRINCIPE. On vient de le voir : les Croisades eurent pour but la délivrance des Lieux Saints. Accuser les Papes d'en avoir été les promoteurs, c'est leur reprocher d'avoir fait leur devoir. Que les Papes aient profité de leur autorité incontestée sur les rois et les princes chrétiens pour les déterminer à se croiser, il n'est que trop naturel, mais, en tout cela, nous ne voyons pas les traces d'une ambition de mauvais aloi qui ne recule pas devant l'injustice d'une cause pour satisfaire la soif de domination d'un homme. Au contraire, l'on peut dire que les Papes furent de tous les souverains de leur temps, les plus clairvoyants, car ils eurent l'intuition du danger qui menaçait l'Europe. Il est vrai que les Croisades ne réussirent pas à l'écarter définitivement, puisque, en 1453, c'est-à-dire 400 ans après, Constantinople tombait aux mains des Turcs, mais n'est-ce pas aussi la meilleure preuve que l'idée des Papes était juste ?
B. LES RÉSULTATS. — a) On allègue que les croisades furent de mauvaises entreprises parce qu'elles furent malheureuses, et qu'elles aboutirent à un échec total. Mais où a-t-on vu que toute œuvre est mauvaise, qui ne réussit pas? Au surplus, il ne dépendit pas des Papes qu'elles fussent menées à bonne fin, et ce serait vraiment manquer de bonne foi que de les rendre responsables des fautes qui furent commises, des abus qui furent le fait des aventuriers qui se mêlèrent aux soldats chrétiens, des dissensions, des ambitions personnelles, des mesquines rivalités des princes, bref, de tout un ensemble de choses qui firent échouer les Croisades. — b) Mais si le but premier pour lequel elles furent entreprises, ne fut pas atteint, si Jérusalem, un moment délivrée, retomba plus tard au pouvoir des infidèles, il n'en reste pas moins que les Croisades eurent des résultats incontestables, bien que secondaires et en dehors de l'objectif poursuivi par les Papes. — 1. Tout d'abord, du seul point de vue général et moral, n'est-ce pas un spectacle plein de grandeur que cette foule d'hommes qui se lève en masse pour courir à la conquête d'un tombeau et défendre sa foi? — 2. Au point de vue intérieur, les Croisades eurent pour effet de supprimer, au moins momentanément, le fléau des guerres privées, en rapprochant les individus, en fusionnant les races, les Français du Nord et ceux du Midi, et en faisant passer dans tous les cœurs un grand courant de fraternité nationale. — 3. Enfin, au point de vue extérieur, les Croisades préservèrent l'Europe de la conquête musulmane. D'autre part, elles furent le point de départ des explorations géographiques qui découvrirent l'Extrême-Orient aux Occidentaux et elles rouvrirent la route du commerce entre l'Europe et l'Asie : l'Orient redevint accessible aux marchands de l'Occident (v. notre Hist Gén. de l'Église, Vol. V, p. 265 et suiv.).
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 2. — La Croisade des Albigeois et l'Inquisition.
449. — 1° Exposé des faits. — A. LA CROISADE DES ALBIGEOIS (1209). — A toutes les époques de son histoire, l'Église eut à combattre l'hérésie. Longtemps elle usa de tolérance, et n'employa d'autres armes que la persuasion et les sanctions spirituelles. « Qu'on prenne les hérétiques par les arguments et non par les armes 1 » disait saint Bernard, abbé de Clairvaux. Cependant, l'apparition d'une nouvelle hérésie, importée d'Orient, qui se propagea rapidement en Europe, et plus particulièrement, en Allemagne, dans le nord de l'Italie et dans le midi de la France, détermina les papes à changer de tactique.
Les partisans de cette hérésie, appelés cathares (du grec « katharos » pur) parce qu'ils prétendaient se distinguer par leur ascétisme et une très grande pureté de mœurs, sont plus connus, en France, sous le nom d'Albigeois, vraisemblablement parce que c'est à Albi qu'ils firent leur première apparition, ou qu'ils y furent plus nombreux qu'ailleurs. Comme autrefois les manichéens, ces hérétiques professaient qu'il y a deux principes créateurs, l'un bon, l'autre mauvais, que l'homme est l'œuvre de ce dernier, que la vie est mauvaise, qu'on a donc le droit de la supprimer par le suicide, et le devoir de ne pas la propager par le mariage.
Estimant que les Albigeois faisaient courir un grave danger à l'Église et à la société civile, la papauté entreprit de les réduire par la force. Le concile de Latran, en 1139, puis le concile de Reims, en 1148, prononcèrent des sentences contre eux, et défendirent aux seigneurs de les recevoir sur leurs terres, sous peine d'interdit. Or les princes répondirent avec empressement à l'appel de l'Église ; ils mirent même tant d'ardeur dans la répression de l'hérésie qu'ils en vinrent bientôt à accuser la papauté de faiblesse et à réclamer de nouvelles mesures de rigueur. Alors, en 1179, le IIIe concile de Latran, puis, en 1184, sous l'inspiration du pape Lucius III et de l'empereur Frédéric Barberousse, le synode de Vérone portèrent des décrets qui enjoignaient aux évêques de rechercher, par eux-mêmes ou par des commissaires, ceux qui sur leur territoire étaient suspects d'hérésie, de les faire juger par l'officialité diocésaine et d'en faire exécuter la sentence par les magistrats civils. Mais ces mesures ne furent que médiocrement efficaces. Les évêques qui étaient souvent en rapports de parenté ou d'amitié avec les familles des hérétiques, montraient peu de zèle à suivre les prescriptions du synode. Ce fut seulement en 1207, et après l'assassinat du légat du Pape, Pierre de Castelnau, par les ordres du comte de Toulouse, Raymond VI, que le pape Innocent III résolut de mettre un terme à leurs violences contre les catholiques. Après avoir excommunié leur protecteur, le comte Raymond, le pape convoqua les princes et les peuples à une nouvelle croisade, non plus cette fois contre les infidèles, mais contre les hérétiques qui jetaient le trouble dans le pays. Les seigneurs accoururent et se rangèrent sous la bannière de Simon de Montfort, poussés plus, il est vrai, par les appâts du gain que par les intérêts de l'orthodoxie. La guerre, qui dura vingt ans, et dont les événements principaux furent le siège de Béziers (1209), la bataille de Muret (1213) et le massacre de Marmande (1219), fut marquée par un grand nombre d'atrocités. Mais il convient d'ajouter que le pape Innocent III désavoua ceux qui s'en rendirent coupables.
450. — B. L'INQUISITION. — a) Origine. — On donne le nom d'Inquisition aux tribunaux établis dans certains pays pour rechercher et réprimer l'hérésie.
La croisade des Albigeois n'avait pas réussi à étouffer l'hérésie. De la nécessité de la combattre par d'autres moyens naquit l'Inquisition. Sans doute, les officialités diocésaines existaient déjà. Après le IIIe concile de Latran et le synode de Vérone, le concile de Narbonne, en 1227, le concile de Toulouse, en 1229, avaient ordonné aux évêques l'institution dans chaque paroisse, d'une commission inquisitoriale chargée de rechercher les hérétiques ; mais, pour les raisons que nous avons signalées, les officialités et les commissions n'atteignaient pas le but poursuivi. C'est alors que le Pape Grégoire IX institua, à partir de 1231, des tribunaux chargés spécialement, avec le concours du pouvoir civil, de rechercher et de frapper les hérétiques. Sans supprimer les tribunaux diocésains, le pape confia le rôle d inquisiteurs aux Ordres mendiants, en particulier aux Dominicains et aux Franciscains.
b) Procédure. — Lorsqu'un pays était suspecté d'hérésie, l'inquisiteur s'y rendait, assisté de ses auxiliaires. Après l'enquête préliminaire commençait la procédure. Trois traits lui donnaient une physionomie particulière : tout d'abord le secret rigoureux de l'information judiciaire qui laissait ignorer à l'accusé les témoins qui l'avaient dénoncé ; puis la défense de se faire assister par un avocat, enfin l'usage de la torture, si le prévenu ne faisait pas spontanément l'aveu de son hérésie.
Les sentences n'étaient pas toujours rendues sur-le-champ. Il arrivait, comme cela se passa assez fréquemment au Portugal, en Italie, et surtout en Espagne, qu'elles étaient prononcées au milieu du peuple assemblé et en grand apparat : c'est ce qu'on appelait l'autodafé. L'autodafé (mot espagnol qui signifie acte de foi),—- ainsi dénommé parce que celui qui était chargé de lire les sentences, s'interrompait de temps en temps pour faire réciter par l'assistance des actes de foi,— était donc la lecture solennelle des sentences portées contre ceux que le tribunal de l'Inquisition avait eu à juger. S'ils étaient déclarés innocents, on les remettait en liberté ; s'ils étaient déclarés coupables, ils étaient mis en demeure d'abjurer aussitôt. Quant aux opiniâtres et aux relaps, c'est-à-dire ceux qui refusaient de rétracter leurs erreurs ou qui étaient convaincus de récidive, ils étaient frappés de pénalités diverses : pénitences canoniques, amendes, contributions à des œuvres pies, port sur les vêtements de petites croix, croisade pendant un temps déterminé, pèlerinage en Terre Sainte, confiscation des biens ; ou peines afflictives comme la flagellation, l'emprisonnement temporaire ou perpétuel, et, — la peine la plus grave, — la mort par le bûcher. Toutefois cette dernière peine n'était pas prononcée par le tribunal de l'Inquisition mais par les juges civils, autrement dit, par le bras séculier, auquel les juges ecclésiastiques remettaient en certains cas ceux qui étaient convaincus d'hérésie.
c) Champ d'action. — L'Inquisition fut établie peu à peu dans une grande partie de la chrétienté. Cependant plus d'un pays catholique lui échappa. Elle ne pénétra en Angleterre qu'à propos de l'affaire des Templiers et uniquement pour cette affaire. En France, elle ne fonctionna guère, du moins d'une façon suivie, que dans les régions méridionales, dans ce qu'on appelait le comté de Toulouse, et plus tard le Languedoc, puis dans l'Aragon. L'édit de Romorantin, en 1560, la supprima et reconnut aux évêques seuls le droit d'informer contre l'hérésie, jusqu'au moment où les Parlements, s'emparant de cette partie de la juridiction épiscopale, s'attribuèrent la connaissance exclusive des procès contre les hérétiques, les magiciens et les sorciers. Les inquisiteurs s'établirent en outre dans les Deux-Siciles, en maintes cités de l'Italie et en Allemagne362.
Mais c'est surtout en Espagne que l'Inquisition a laissé les plus profonds et les plus regrettables souvenirs. Instituée dès le xiiie siècle, suivant les formes canoniques, elle fut modifiée, à la fin du xve siècle, par Ferdinand V et Isabelle. Sous leur impulsion, l'Inquisition devint pour ainsi dire une institution d'État où la politique eut plus de part que la religion. Comme le grand inquisiteur et les fiscaux, c'est-à-dire les procureurs chargés d'instruire le procès, dépendaient de la couronne, le tribunal de l'Inquisition fut entre les mains des rois un merveilleux instrument de terreur, destiné, non seulement à chasser les Juifs et les Maures de la Péninsule, mais encore à produire des sources de revenus les moins avouables. Le premier grand inquisiteur, le dominicain Thomas de Torquemada, et même la plupart des inquisiteurs, se sont signalés par une sévérité excessive et ont fait de nombreuses victimes.
362 Voir Vacandar, L'Inquisition, p. 218, 219.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
451. — 2° Accusation. — Qu'il s'agisse de la croisade des Albigeois elle-même ou de l’Inquisition, nos adversaires attaquent l'Église sur le double terrain du principe et des faits.
452. — 3° Réponse. — A. LE PRINCIPE. — Le principe sur lequel l'Église s'est appuyée pour établir l'Inquisition, n'est rien autre que la question du pouvoir coercitif. L'Église a-t-elle, oui ou non, le pouvoir, et par conséquent, le droit, d'infliger des peines, même corporelles, à ceux de ses enfants qui, loin de lui obéir, la battent en brèche et mettent son existence en péril? Toute la question est là. Or nous avons vu précédemment (Nos 431 et 439) que le droit de l'Église est incontestable, qu'il découle naturellement du pouvoir que Jésus-Christ lui a confié d'enseigner sa doctrine et de veiller à sa conservation intégrale, et que ce droit, l'Église l'a toujours revendiqué, sinon exercé. Il n'est donc plus nécessaire de nous attarder sur ce point.
B. LES FAITS. — Autre chose le principe, autre chose l'application du principe. Lorsque nous avons établi la légitimité du principe, rien ne nous force à estimer que l’Inquisition fut, de la part de l'Église, une institution heureuse, tant elle paraît contraire à son tempérament et à son mode ordinaire de gouvernement. L'Église a, du reste, longtemps hésité à entrer dan,s cette voie, et il semble bien que, pour en arriver à ces moyens extrêmes, il a fallu qu'elle se crût en état de légitime défense. Que, placée dans l'alternative, ou de périr, ou de défendre son existence par des procédés violents, elle ait été amenée à prendre ce dernier parti, et qu'alors certains inquisiteurs chargés d'appliquer sa législation se soient rendus coupables d'abus, d'irrégularités et d'excès, c'est ce dont tout apologiste de bonne foi est bien obligé de convenir avec ses adversaires.
Cependant il ne faut rien exagérer, et, qu'il s'agisse des abus ou de l'institution elle-même, il convient de les apprécier avec un esprit impartial. — a) Les abus. Assurément, l'Inquisition a été une institution humaine où les intérêts supérieurs de l'Église ont été parfois sacrifiés aux passions, aux haines et aux intérêts des juges. L'on a fait remarquer363 que la peine de la confiscation, en excitant les convoitises, a pu déterminer des jugements iniques, que des haines personnelles ont pu dicter des dénonciations, peut-être même des condamnations. A cela nous pouvons répondre qu'il en est ainsi devant toutes les juridictions du monde. Les inquisiteurs ont dû exercer leurs fonctions dans des circonstances difficiles, sous la pression des événements et de l'opinion des foules soulevées contre l'hérésie et attendant avec impatience un verdict impitoyable condamnant les coupables. En outre, certains juges avaient passé une partie de leur vie à discuter avec l'hérésie et à la combattre ; d'autres, tels que Robert le Bougre, inquisiteur de France, et Reynier Sacchoni, inquisiteur de Lombardie, avaient été eux-mêmes hérétiques ; une fois convertis, ils avaient poursuivi leurs anciens coreligionnaires avec un zèle de néophytes. Ces considérations expliquent déjà, sinon excusent, beaucoup d'abus. Mais il est bon d'ajouter que beaucoup d'autres juges, remplis de zèle pour la gloire de Dieu et en même temps de pitié pour lés faiblesses humaines, tout en détestant l'hérésie, étaient pleins de mansuétude pour les personnes. Ils ne prononçaient une sentence de condamnation que lorsque la culpabilité n'offrait aucun doute, tant ils craignaient de condamner un innocent. Ils n'avaient pas de plus grande joie que celle de ramener le coupable à l'orthodoxie et de l'arracher au bras séculier ; aussi usaient-ils de préférence de pénitences canoniques et de pénalités temporaires pour ramener le coupable dans la voie du bien.
b) L'institution. — En dehors des abus qui ont pu être commis et qui sont imputables aux inquisiteurs, et non à l'Église qui les a désavoués, l’institution elle-même a été l'objet des plus acerbes critiques. Les particularités de sa procédure dont nous avons relevé plus haut les trois traits caractéristiques, les pénalités qu'elle infligeait et, par-dessus tout, la mort par le bûcher, ont soulevé les plus violentes diatribes contre l'Église. — Il ne rentre pas dans notre dessein de défendre ce qui ne nous paraît pas défendable. « Rien ne nous oblige, dirons-nous avec Mgr d'Hulst, à tout justifier dans l'histoire de cette institution : par exemple, la procédure secrète, l'instruction poursuivie en dehors du prévenu, l'absence de débats contradictoires : ce sont des formes juridiques arriérées qui répondent mal à un sentiment d'équité aujourd'hui universel et qui est lui-même un fruit lentement mûri sur la tige de la civilisation chrétienne364. « Toutefois, si rien ne nous oblige à tout justifier, rien ne nous empêche non plus d'expliquer ce qui est explicable. — l. On reproche d'abord à l'Inquisition de ne pas avoir livré les noms des dénonciateurs et des témoins à charge, et de ne pas les avoir confrontés avec l'accusé. Or « cette coutume, dit M. de Cauzons, n'avait pas été imaginée pour entraver la défense des prévenus ; elle était née des circonstances spéciales où l'Inquisition s'était fondée. Les témoins, les dénonciateurs des hérétiques avaient eu à souffrir de leurs dépositions devant les juges ; beaucoup avaient disparu, poignardés ou jetés dans les ravins des montagnes par les parents, les amis, les coreligionnaires des accusés. Ce fut ce danger de représailles sanglantes qui fit imposer la loi dont nous nous occupons. Sans elle, ni dénonciateurs ni témoins n'eussent voulu risquer leur vie et déposer à ce prix devant le tribunal. » La règle de taire les noms des témoins n'était du reste pas absolue, et l'inquisiteur les communiquait quand le danger n'existait pas ou avait disparu ; il les communiquait toujours aux notaires, aux assesseurs, à tous les auxiliaires qui avaient le droit et le devoir de contrôler ses actes. Ajoutons que des peines très graves frappaient les faux témoins.
2. On a reproché en second lieu à la procédure inquisitoriale l'interdiction aux accusés de se faire assister par un avocat. C'était là sans nul doute une atteinte grave au droit sacré de la défense. On le comprit du reste peu à peu, et, sinon en droit, du moins en fait, les avocats purent, par la suite, paraître à côté des accusés.
3. Mais que penser de la torture à laquelle la procédure inquisitoriale faisait appel pour arracher des aveux aux accusés? que penser surtout de la peine de mort par le bûcher ? La réponse est simple. L'Inquisition fut une institution de son temps. Elle se conforma donc aux idées et aux usages de son temps. La torture et la mort par le bûcher, qui révoltent tant notre sensibilité, ce n'est pas l'Église qui les a inventées, elle les a trouvées en usage dans les tribunaux de l'époque. Si l'on juge, et non sans raison, que ces pénalités étaient excessives, il convient de ne pas perdre de vue que le code pénal du moyen âge était en général autrement rigoureux que le nôtre. « Nous n'avons qu'à considérer les atrocités de la législation criminelle au moyen âge, pour voir combien les hommes d'alors manquaient du sentiment de la pitié. Rouer, jeter dans un chaudron d'eau bouillante, brûler vif, enterrer vif, écorcher vif, écarteler, tels étaient les procédés ordinaires par lesquels le criminaliste de ce temps-là s'efforçait d'empêcher le retour des crimes, en effrayant par d'épouvantables exemples, des populations assez dures à émouvoir. »365 A la décharge de l'Inquisition, il faut dire qu'elle n'employa la torture que dans des cas tout à fait exceptionnels, et que la peine du bûcher fut, elle aussi, relativement rare. Et si par ailleurs l'on compare le nombre des victimes faites par l'Allemagne luthérienne, et en Angleterre, par la seule reine Elisabeth, il apparaît que l'Inquisition catholique a été bien moins cruelle que l'intolérance protestante.
Mais, dit-on encore, les tribunaux de l'Inquisition étaient comme une menace perpétuelle qui supprimait toute liberté de penser. Cette accusation n'est pas justifiée. Lorsqu'elle fut organisée dans la première moitié du xiiie siècle, l'Inquisition était uniquement dirigée contre l'hérésie albigeoise. Elle s'étendit plus tard, il est vrai, à d'autres hérésies comme celle des Vaudois, mais elle ne visait jamais que les hérétiques. « Dès lors les païens et les musulmans échappaient à sa juridiction ; et si, plus tard, en Espagne, par exemple, elle prononça contre eux des sentences, ce fut par une contradiction avec ses principes, que lui imposa la politique des princes, plutôt que le souci de l'orthodoxie. Les Juifs ont bénéficié d'une plus large tolérance encore. M. Salomon Reinach l'a parfaitement démontré dans une conférence faite à la Société des Études juives, le 1er mars 1900, et publiée dans la Revue des Études juives de cette même année... Il est cependant deux cas où l'Inquisition a eu à s'occuper du judaïsme. En 1239. Grégoire IX lui ordonna de saisir partout les exemplaires du Talmud et de les brûler... «Tandis qu'on brûlait les chrétiens hérétiques, on se mit à brûler avec non moins de zèle les livres juifs. En 1248, il y eut deux exécutions de ce genre à Paris... En 1267, Clément IV prescrit à l'archevêque de Tarragone de se faire livrer tous les Talmuds... En 1319, à Toulouse, Bernard Gui en réunit deux charretées, les fait traîner à travers les rues de la ville et brûler solennellement. Ainsi, au témoignage de Salomon Keinach, ce sont les livres, et non les fidèles du judaïsme, qui ont eu à subir les rigueurs de l'inquisition ». Il est un second cas où l'Inquisition eut à s'occuper des Juifs. Elle voulut préserver de leur lente infiltration la pureté du christianisme et, pour cela, elle poursuivit les faux convertie qui n'adoptaient la forme extérieure du christianisme que pour mieux dissimuler leur origine et leur qualité. « L'Église, dit fort bien M. Reinach, ne défendait pas aux Juifs d'être juifs ; mais elle interdisait aux chrétiens de judaïser et aux Juifs de les pousser dans cette voie. » Ce fut l'Inquisition d'Espagne qui au xve et au xvie siècle, organisa les persécutions antisémites : mais ce fut pour des raisons politiques, sous la pression des souverains, plutôt que pour des raisons religieuses et sous l'impulsion du catholicisme.. En un mot, l'Inquisition religieuse du moyen âge a respecté les Juifs quand eux-mêmes respectaient les chrétiens ; l'Inquisition politique de la Renaissance les a poursuivis et durement condamnés. »366
Conclusion. — Nous pouvons donc conclure : — 1. que l'Église a longtemps répugné aux peines temporelles ; — 2. qu'elle a été amenée à des mesures de rigueur extrême par la force des choses et par la nécessité de protéger son existence ; — 3. que les abus qui se sont commis, et dont nos adversaires ont souvent exagéré le nombre, sont imputables aux inquisiteurs et non à la papauté qui a toujours protesté contre une sévérité excessive, et flétri les cruautés qui lui ont été signalées ; — 4. que l'Inquisition, en sauvegardant l'unité religieuse par la répression de l'hérésie, empêcha bien des guerres civiles et de prodigieuses effusions de sang. La preuve en est bien qu'en Espagne où le protestantisme fut ainsi étouffé, les victimes de l'Inquisition furent beaucoup moins nombreuses que celles des guerres de religion, en France et en Allemagne ; — 5. enfin, que l'Inquisition n'a jamais été, entre les mains de l'Église, qu'une arme de circonstance, à laquelle depuis longtemps elle ne songe plus à recourir.
452. — 3° Réponse. — A. LE PRINCIPE. — Le principe sur lequel l'Église s'est appuyée pour établir l'Inquisition, n'est rien autre que la question du pouvoir coercitif. L'Église a-t-elle, oui ou non, le pouvoir, et par conséquent, le droit, d'infliger des peines, même corporelles, à ceux de ses enfants qui, loin de lui obéir, la battent en brèche et mettent son existence en péril? Toute la question est là. Or nous avons vu précédemment (Nos 431 et 439) que le droit de l'Église est incontestable, qu'il découle naturellement du pouvoir que Jésus-Christ lui a confié d'enseigner sa doctrine et de veiller à sa conservation intégrale, et que ce droit, l'Église l'a toujours revendiqué, sinon exercé. Il n'est donc plus nécessaire de nous attarder sur ce point.
B. LES FAITS. — Autre chose le principe, autre chose l'application du principe. Lorsque nous avons établi la légitimité du principe, rien ne nous force à estimer que l’Inquisition fut, de la part de l'Église, une institution heureuse, tant elle paraît contraire à son tempérament et à son mode ordinaire de gouvernement. L'Église a, du reste, longtemps hésité à entrer dan,s cette voie, et il semble bien que, pour en arriver à ces moyens extrêmes, il a fallu qu'elle se crût en état de légitime défense. Que, placée dans l'alternative, ou de périr, ou de défendre son existence par des procédés violents, elle ait été amenée à prendre ce dernier parti, et qu'alors certains inquisiteurs chargés d'appliquer sa législation se soient rendus coupables d'abus, d'irrégularités et d'excès, c'est ce dont tout apologiste de bonne foi est bien obligé de convenir avec ses adversaires.
Cependant il ne faut rien exagérer, et, qu'il s'agisse des abus ou de l'institution elle-même, il convient de les apprécier avec un esprit impartial. — a) Les abus. Assurément, l'Inquisition a été une institution humaine où les intérêts supérieurs de l'Église ont été parfois sacrifiés aux passions, aux haines et aux intérêts des juges. L'on a fait remarquer363 que la peine de la confiscation, en excitant les convoitises, a pu déterminer des jugements iniques, que des haines personnelles ont pu dicter des dénonciations, peut-être même des condamnations. A cela nous pouvons répondre qu'il en est ainsi devant toutes les juridictions du monde. Les inquisiteurs ont dû exercer leurs fonctions dans des circonstances difficiles, sous la pression des événements et de l'opinion des foules soulevées contre l'hérésie et attendant avec impatience un verdict impitoyable condamnant les coupables. En outre, certains juges avaient passé une partie de leur vie à discuter avec l'hérésie et à la combattre ; d'autres, tels que Robert le Bougre, inquisiteur de France, et Reynier Sacchoni, inquisiteur de Lombardie, avaient été eux-mêmes hérétiques ; une fois convertis, ils avaient poursuivi leurs anciens coreligionnaires avec un zèle de néophytes. Ces considérations expliquent déjà, sinon excusent, beaucoup d'abus. Mais il est bon d'ajouter que beaucoup d'autres juges, remplis de zèle pour la gloire de Dieu et en même temps de pitié pour lés faiblesses humaines, tout en détestant l'hérésie, étaient pleins de mansuétude pour les personnes. Ils ne prononçaient une sentence de condamnation que lorsque la culpabilité n'offrait aucun doute, tant ils craignaient de condamner un innocent. Ils n'avaient pas de plus grande joie que celle de ramener le coupable à l'orthodoxie et de l'arracher au bras séculier ; aussi usaient-ils de préférence de pénitences canoniques et de pénalités temporaires pour ramener le coupable dans la voie du bien.
b) L'institution. — En dehors des abus qui ont pu être commis et qui sont imputables aux inquisiteurs, et non à l'Église qui les a désavoués, l’institution elle-même a été l'objet des plus acerbes critiques. Les particularités de sa procédure dont nous avons relevé plus haut les trois traits caractéristiques, les pénalités qu'elle infligeait et, par-dessus tout, la mort par le bûcher, ont soulevé les plus violentes diatribes contre l'Église. — Il ne rentre pas dans notre dessein de défendre ce qui ne nous paraît pas défendable. « Rien ne nous oblige, dirons-nous avec Mgr d'Hulst, à tout justifier dans l'histoire de cette institution : par exemple, la procédure secrète, l'instruction poursuivie en dehors du prévenu, l'absence de débats contradictoires : ce sont des formes juridiques arriérées qui répondent mal à un sentiment d'équité aujourd'hui universel et qui est lui-même un fruit lentement mûri sur la tige de la civilisation chrétienne364. « Toutefois, si rien ne nous oblige à tout justifier, rien ne nous empêche non plus d'expliquer ce qui est explicable. — l. On reproche d'abord à l'Inquisition de ne pas avoir livré les noms des dénonciateurs et des témoins à charge, et de ne pas les avoir confrontés avec l'accusé. Or « cette coutume, dit M. de Cauzons, n'avait pas été imaginée pour entraver la défense des prévenus ; elle était née des circonstances spéciales où l'Inquisition s'était fondée. Les témoins, les dénonciateurs des hérétiques avaient eu à souffrir de leurs dépositions devant les juges ; beaucoup avaient disparu, poignardés ou jetés dans les ravins des montagnes par les parents, les amis, les coreligionnaires des accusés. Ce fut ce danger de représailles sanglantes qui fit imposer la loi dont nous nous occupons. Sans elle, ni dénonciateurs ni témoins n'eussent voulu risquer leur vie et déposer à ce prix devant le tribunal. » La règle de taire les noms des témoins n'était du reste pas absolue, et l'inquisiteur les communiquait quand le danger n'existait pas ou avait disparu ; il les communiquait toujours aux notaires, aux assesseurs, à tous les auxiliaires qui avaient le droit et le devoir de contrôler ses actes. Ajoutons que des peines très graves frappaient les faux témoins.
2. On a reproché en second lieu à la procédure inquisitoriale l'interdiction aux accusés de se faire assister par un avocat. C'était là sans nul doute une atteinte grave au droit sacré de la défense. On le comprit du reste peu à peu, et, sinon en droit, du moins en fait, les avocats purent, par la suite, paraître à côté des accusés.
3. Mais que penser de la torture à laquelle la procédure inquisitoriale faisait appel pour arracher des aveux aux accusés? que penser surtout de la peine de mort par le bûcher ? La réponse est simple. L'Inquisition fut une institution de son temps. Elle se conforma donc aux idées et aux usages de son temps. La torture et la mort par le bûcher, qui révoltent tant notre sensibilité, ce n'est pas l'Église qui les a inventées, elle les a trouvées en usage dans les tribunaux de l'époque. Si l'on juge, et non sans raison, que ces pénalités étaient excessives, il convient de ne pas perdre de vue que le code pénal du moyen âge était en général autrement rigoureux que le nôtre. « Nous n'avons qu'à considérer les atrocités de la législation criminelle au moyen âge, pour voir combien les hommes d'alors manquaient du sentiment de la pitié. Rouer, jeter dans un chaudron d'eau bouillante, brûler vif, enterrer vif, écorcher vif, écarteler, tels étaient les procédés ordinaires par lesquels le criminaliste de ce temps-là s'efforçait d'empêcher le retour des crimes, en effrayant par d'épouvantables exemples, des populations assez dures à émouvoir. »365 A la décharge de l'Inquisition, il faut dire qu'elle n'employa la torture que dans des cas tout à fait exceptionnels, et que la peine du bûcher fut, elle aussi, relativement rare. Et si par ailleurs l'on compare le nombre des victimes faites par l'Allemagne luthérienne, et en Angleterre, par la seule reine Elisabeth, il apparaît que l'Inquisition catholique a été bien moins cruelle que l'intolérance protestante.
Mais, dit-on encore, les tribunaux de l'Inquisition étaient comme une menace perpétuelle qui supprimait toute liberté de penser. Cette accusation n'est pas justifiée. Lorsqu'elle fut organisée dans la première moitié du xiiie siècle, l'Inquisition était uniquement dirigée contre l'hérésie albigeoise. Elle s'étendit plus tard, il est vrai, à d'autres hérésies comme celle des Vaudois, mais elle ne visait jamais que les hérétiques. « Dès lors les païens et les musulmans échappaient à sa juridiction ; et si, plus tard, en Espagne, par exemple, elle prononça contre eux des sentences, ce fut par une contradiction avec ses principes, que lui imposa la politique des princes, plutôt que le souci de l'orthodoxie. Les Juifs ont bénéficié d'une plus large tolérance encore. M. Salomon Reinach l'a parfaitement démontré dans une conférence faite à la Société des Études juives, le 1er mars 1900, et publiée dans la Revue des Études juives de cette même année... Il est cependant deux cas où l'Inquisition a eu à s'occuper du judaïsme. En 1239. Grégoire IX lui ordonna de saisir partout les exemplaires du Talmud et de les brûler... «Tandis qu'on brûlait les chrétiens hérétiques, on se mit à brûler avec non moins de zèle les livres juifs. En 1248, il y eut deux exécutions de ce genre à Paris... En 1267, Clément IV prescrit à l'archevêque de Tarragone de se faire livrer tous les Talmuds... En 1319, à Toulouse, Bernard Gui en réunit deux charretées, les fait traîner à travers les rues de la ville et brûler solennellement. Ainsi, au témoignage de Salomon Keinach, ce sont les livres, et non les fidèles du judaïsme, qui ont eu à subir les rigueurs de l'inquisition ». Il est un second cas où l'Inquisition eut à s'occuper des Juifs. Elle voulut préserver de leur lente infiltration la pureté du christianisme et, pour cela, elle poursuivit les faux convertie qui n'adoptaient la forme extérieure du christianisme que pour mieux dissimuler leur origine et leur qualité. « L'Église, dit fort bien M. Reinach, ne défendait pas aux Juifs d'être juifs ; mais elle interdisait aux chrétiens de judaïser et aux Juifs de les pousser dans cette voie. » Ce fut l'Inquisition d'Espagne qui au xve et au xvie siècle, organisa les persécutions antisémites : mais ce fut pour des raisons politiques, sous la pression des souverains, plutôt que pour des raisons religieuses et sous l'impulsion du catholicisme.. En un mot, l'Inquisition religieuse du moyen âge a respecté les Juifs quand eux-mêmes respectaient les chrétiens ; l'Inquisition politique de la Renaissance les a poursuivis et durement condamnés. »366
Conclusion. — Nous pouvons donc conclure : — 1. que l'Église a longtemps répugné aux peines temporelles ; — 2. qu'elle a été amenée à des mesures de rigueur extrême par la force des choses et par la nécessité de protéger son existence ; — 3. que les abus qui se sont commis, et dont nos adversaires ont souvent exagéré le nombre, sont imputables aux inquisiteurs et non à la papauté qui a toujours protesté contre une sévérité excessive, et flétri les cruautés qui lui ont été signalées ; — 4. que l'Inquisition, en sauvegardant l'unité religieuse par la répression de l'hérésie, empêcha bien des guerres civiles et de prodigieuses effusions de sang. La preuve en est bien qu'en Espagne où le protestantisme fut ainsi étouffé, les victimes de l'Inquisition furent beaucoup moins nombreuses que celles des guerres de religion, en France et en Allemagne ; — 5. enfin, que l'Inquisition n'a jamais été, entre les mains de l'Église, qu'une arme de circonstance, à laquelle depuis longtemps elle ne songe plus à recourir.
363
Léa, Histoire de l'inquisition au moyen âge.
364
Mgr d’Hulst Car. 1895, La morale du Citoyen .5e Conf. L'Église et l'État
365
Léa, op. cit., pp. 234-235, cité par Vacanbard, 1’Inquisition, pp. 271, 272.454
366 J. Giraud, art. Inquisition (Dict. d'Alès).
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 3. — Les Guerres de religion et la Saint-barthélemy.
453. — 1° Exposé des faits. — Les Guerres de religion sont les luttes civiles entre catholiques et protestants, qui, durant les règnes de François II, Charles IX et Henri III, ensanglantèrent la France. Au nombre de huit, elles débutèrent en 1562, à la suite du massacre de Vassy et se terminèrent par la promulgation de l'Édit de Nantes (1598) qui garantissait aux protestants le libre exercice de leur culte dans les villes où il avait été organisé par les précédents édits, le droit de bâtir des temples, l'accès à toutes les charges publiques, etc.
On donne le nom de Saint-Barthélemy au massacre de l'amiral de Coligny et de nombreux gentilshommes protestants venus à Paris pour assister au mariage mixte de Marguerite de Valois avec Henri de Navarre, le futur Henri IV : massacre qui fut ordonné par le roi Charles IX et exécuté dans la nuit du 24 août 1572 (jour de la fête de saint Barthélemy).
454. — 2° Accusation. — A. A propos des guerres de religion, nos adversaires en rejettent toute la responsabilité sur l'Église catholique. — B. A propos de la Saint-Barthélemy, ils l'accusent : — 1. d'avoir préparé le massacre : et — 2. de l'avoir approuvé.
455. —3° Réponse.—A. GUERRES DE RELIGION.—a) II est injuste de rendre l'Église catholique responsable des guerres de religion. Celles-ci furent en effet déterminées par des causes politiques plutôt que religieuses. La religion catholique étant considérée à cette époque comme un des fondements essentiels de la société, l'État, en déclarant la guerre aux huguenots, a eu pour but de protéger l'ordre social et l'unité de la nation. Les premiers et les vrais responsables sont donc les protestants eux-mêmes qui se révoltaient contre l'ordre de choses établies. L'on nous objecte, il est vrai, que le massacre de Vassy, qui leur servit de point de départ, fut l'œuvre des Guises, les chefs du parti catholique. La chose est exacte, mais il ne faut pas oublier que, déjà auparavant, et dès 1560, les protestants avaient pillé l'église de Saint Médard à Paris, jeté la terreur en Normandie, dans le Dauphiné et la Provence, que dans différentes villes, Montauban, Castres, Béziers, ils avaient interdit le culte catholique et forcé le peuple à assister au prêche : il ne faut pas oublier non plus que, pour servir leurs desseins, les protestants pactisèrent avec l'étranger, que l'amiral de Coligny et Condé firent appel à Elisabeth d'Angleterre, lui promettant, en échange de son or et de ses troupes, la cession du Havre, de Dieppe et de Rouen. — b) Quant aux atrocités, il n'y a pas lieu davantage de les invoquer contre l'Église catholique, car il y eut, des deux côtés, des actes regrettables. Et, tout compte fait, il semble bien que l'intolérance protestante n'est pas allée moins loin que l'intolérance catholique. Les protestants n'ont-ils pas profané les églises, détruisant les saintes images, déchirant les riches enluminures des manuscrits et des missels, renversant les croix, brisant les châsses et autres objets sacrés de grande valeur artistique? N'ont-ils pas, en un mot, commis des actes de vandalisme inexcusables et accompli des destructions irréparables?
456. — B. La Saint-Barthélemy. — Parmi ces violences, la plus odieuse certainement, — et celle-là au compte du parti catholique, — fut le massacre de la Saint-Barthélemy. Mais est-il vrai que l'Église y ait joué le premier rôle, soit en préparant, soit en approuvant le massacre?
a) Préparation du massacre. — Pour démontrer ce premier point, nos adversaires s'appuient sur des lettres du pape S. Pie V à Charles IX et à Catherine de Médicis, dans lesquelles il les exhorte à exterminer les protestants français367. Il est indiscutable que dans ces lettres le pape prêche la guerre sainte, et demande qu'on poursuive avec une fermeté impitoyable les hérétiques insurgés ; mais dans sa pensée il s'agissait d'une guerre légitime, faite selon le droit des gens ; ce n'était nullement une exhortation à un massacre tel que la Saint-Barthélemy. La chose devient plus évidente encore, si l'on suppose, comme certains historiens le font, que le mariage du jeune prince calviniste, Henri de Navarre, avec Marguerite de Valois, catholique, servit de prétexte pour attirer les seigneurs huguenots dans un guet-apens et les faire assassiner tous à la fois, car le pape S. Pie V a toujours refusé son consentement à ce mariage : ce qu'il n'aurait pas fait s'il avait été complice de la soi-disant machination.
Mais il n'y a pas eu même préméditation, de la part de la Cour de France. Il ressort en effet de nombreux témoignages contemporains que, au printemps de 1572, l'amiral de Coligny voulait entraîner le roi Charles IX dans une guerre contre l'Espagne, et que Catherine de Médicis voulait, au contraire, maintenir la paix avec Philippe II. Comme l'avis de Coligny semble prévaloir auprès du jeune roi, la Reine-Mère conçoit le projet machiavélique de supprimer l'adversaire qui la gêne : le meurtre lui apparaît légitime, parce que commandé par la « raison d'État ». Elle se met alors à combiner avec les Guises, ennemis personnels de Coligny, des projets d'assassinat. Le 18 août, mariage de Henri de Navarre avec Marguerite de Valois. Les gentilshommes protestants y sont venus de partout. Le 22 août, c'est-à-dire quatre jours après la cérémonie, tentative de massacre du seul amiral de Coligny : ce qui prouve bien qu'il n'est pas encore question de massacrer tous les protestants. Grand émoi alors parmi les seigneurs protestants qui projettent de venger Coligny, bien que celui-ci n'ait été blessé que légèrement. Devant une situation aussi critique, et dans la crainte d'être découverte, Catherine de Médicis prend un parti désespéré, et, profitant de l'attitude des protestants qui profèrent des menaces de mort contre les catholiques, et en particulier contre les Guises, elle représente au roi que les huguenots conspirent contre la sûreté de l'État et que c'est une mesure de salut public de les exécuter en masse. Elle arrache ainsi au roi affolé l'ordre de massacre.
Nous pouvons donc conclure : — 1. que le massacre de la Saint Barthélemy a été un crime politique commis à l'instigation de Catherine de Médicis ; et — 2. que, le massacre n'ayant pas été prémédité, l'on ne saurait, par conséquent, accuser l'Église de l'avoir préparé.
b) Approbation du massacre. — Après le massacre de la Saint-Barthélemy, le clergé de Paris célébra, le 28 août, une messe solennelle et fit une procession en action de grâces. A Rome, le pape Grégoire XIII, qui avait succédé à S. Pie V, le 13 mai 1572, éprouva une grande joie à la nouvelle de la Saint-Barthélemy. Il l'annonça lui-même au consistoire, fit chanter un Te Deum à l'église Sainte-Marie-Majeure, fit frapper une médaille en souvenir de ce grand événement et ordonna la composition de la fresque fameuse de Vasari, où sont représentées les principales scènes de la sanglante journée. Tels sont les faits qui ont donné à croire que l'Église catholique, dans la personne de ses chefs, a approuvé le massacre. Mais il s'agit de savoir quelle idée on se faisait, à Paris et à Rome, de l'événement en question. Massacre et lâche assassinat, ou légitime défense? Dans le premier cas, la complicité de l'Église serait certainement engagée. Dans le second, l'attitude de ses représentants devient toute naturelle. Or c'est justement la seconde hypothèse qu'il faut envisager. — 1. Pour ce qui concerne d'abord le clergé de Paris, il est clair que ses renseignements étaient inexacts. Comme tout le monde, il croyait qu'il y avait eu, de la part des huguenots, projet d'attentat contre la sûreté de l'État : il en voyait la preuve évidente dans ce fait que, le 26, Charles IX avait, devant le Parlement, revendiqué la responsabilité du drame, tout en expliquant qu'il lui avait été imposé par la connaissance d'un complot contre le gouvernement et la famille royale. Comment s'étonner alors que le clergé parisien ait célébré, d'accord avec le peuple, une cérémonie d'actions de grâces, demandée officiellement par la Cour pour remercier le ciel d'avoir préservé le Roi et châtié les coupables? — 2. Quant à Grégoire XIII, il reçut la nouvelle de la Saint-Barthélemy, par un ambassadeur de Charles IX, le sieur de Beauvillier. Les faits lui furent donc présentés d'après la version officielle de la Cour de France. Avec le message du roi Charles IX, le même Beauvillier apportait une lettre de Louis de Bourbon, neveu du cardinal. Écrite le surlendemain du massacre, cette lettre expliquait que, dans le but de faire monter un prince protestant sur le trône, l'amiral de Coligny préparait le meurtre du roi et de la famille royale. Aussi inexactement renseigné, il est donc tout naturel que Grégoire XIII ait manifesté ses sentiments de joie avec tant de spontanéité, et qu'il en ait fait la démonstration publique. De nos jours encore, les chefs d'État n'échangent-ils pas entre eux des congratulations, lorsque l'un d'eux a échappé à un attentat?
Conclusion. — Nous pouvons donc conclure que l'Église n'a ni préparé le massacre de la Saint-Barthélemy, ni ne l'a glorifié en tant que massacre.
453. — 1° Exposé des faits. — Les Guerres de religion sont les luttes civiles entre catholiques et protestants, qui, durant les règnes de François II, Charles IX et Henri III, ensanglantèrent la France. Au nombre de huit, elles débutèrent en 1562, à la suite du massacre de Vassy et se terminèrent par la promulgation de l'Édit de Nantes (1598) qui garantissait aux protestants le libre exercice de leur culte dans les villes où il avait été organisé par les précédents édits, le droit de bâtir des temples, l'accès à toutes les charges publiques, etc.
On donne le nom de Saint-Barthélemy au massacre de l'amiral de Coligny et de nombreux gentilshommes protestants venus à Paris pour assister au mariage mixte de Marguerite de Valois avec Henri de Navarre, le futur Henri IV : massacre qui fut ordonné par le roi Charles IX et exécuté dans la nuit du 24 août 1572 (jour de la fête de saint Barthélemy).
454. — 2° Accusation. — A. A propos des guerres de religion, nos adversaires en rejettent toute la responsabilité sur l'Église catholique. — B. A propos de la Saint-Barthélemy, ils l'accusent : — 1. d'avoir préparé le massacre : et — 2. de l'avoir approuvé.
455. —3° Réponse.—A. GUERRES DE RELIGION.—a) II est injuste de rendre l'Église catholique responsable des guerres de religion. Celles-ci furent en effet déterminées par des causes politiques plutôt que religieuses. La religion catholique étant considérée à cette époque comme un des fondements essentiels de la société, l'État, en déclarant la guerre aux huguenots, a eu pour but de protéger l'ordre social et l'unité de la nation. Les premiers et les vrais responsables sont donc les protestants eux-mêmes qui se révoltaient contre l'ordre de choses établies. L'on nous objecte, il est vrai, que le massacre de Vassy, qui leur servit de point de départ, fut l'œuvre des Guises, les chefs du parti catholique. La chose est exacte, mais il ne faut pas oublier que, déjà auparavant, et dès 1560, les protestants avaient pillé l'église de Saint Médard à Paris, jeté la terreur en Normandie, dans le Dauphiné et la Provence, que dans différentes villes, Montauban, Castres, Béziers, ils avaient interdit le culte catholique et forcé le peuple à assister au prêche : il ne faut pas oublier non plus que, pour servir leurs desseins, les protestants pactisèrent avec l'étranger, que l'amiral de Coligny et Condé firent appel à Elisabeth d'Angleterre, lui promettant, en échange de son or et de ses troupes, la cession du Havre, de Dieppe et de Rouen. — b) Quant aux atrocités, il n'y a pas lieu davantage de les invoquer contre l'Église catholique, car il y eut, des deux côtés, des actes regrettables. Et, tout compte fait, il semble bien que l'intolérance protestante n'est pas allée moins loin que l'intolérance catholique. Les protestants n'ont-ils pas profané les églises, détruisant les saintes images, déchirant les riches enluminures des manuscrits et des missels, renversant les croix, brisant les châsses et autres objets sacrés de grande valeur artistique? N'ont-ils pas, en un mot, commis des actes de vandalisme inexcusables et accompli des destructions irréparables?
456. — B. La Saint-Barthélemy. — Parmi ces violences, la plus odieuse certainement, — et celle-là au compte du parti catholique, — fut le massacre de la Saint-Barthélemy. Mais est-il vrai que l'Église y ait joué le premier rôle, soit en préparant, soit en approuvant le massacre?
a) Préparation du massacre. — Pour démontrer ce premier point, nos adversaires s'appuient sur des lettres du pape S. Pie V à Charles IX et à Catherine de Médicis, dans lesquelles il les exhorte à exterminer les protestants français367. Il est indiscutable que dans ces lettres le pape prêche la guerre sainte, et demande qu'on poursuive avec une fermeté impitoyable les hérétiques insurgés ; mais dans sa pensée il s'agissait d'une guerre légitime, faite selon le droit des gens ; ce n'était nullement une exhortation à un massacre tel que la Saint-Barthélemy. La chose devient plus évidente encore, si l'on suppose, comme certains historiens le font, que le mariage du jeune prince calviniste, Henri de Navarre, avec Marguerite de Valois, catholique, servit de prétexte pour attirer les seigneurs huguenots dans un guet-apens et les faire assassiner tous à la fois, car le pape S. Pie V a toujours refusé son consentement à ce mariage : ce qu'il n'aurait pas fait s'il avait été complice de la soi-disant machination.
Mais il n'y a pas eu même préméditation, de la part de la Cour de France. Il ressort en effet de nombreux témoignages contemporains que, au printemps de 1572, l'amiral de Coligny voulait entraîner le roi Charles IX dans une guerre contre l'Espagne, et que Catherine de Médicis voulait, au contraire, maintenir la paix avec Philippe II. Comme l'avis de Coligny semble prévaloir auprès du jeune roi, la Reine-Mère conçoit le projet machiavélique de supprimer l'adversaire qui la gêne : le meurtre lui apparaît légitime, parce que commandé par la « raison d'État ». Elle se met alors à combiner avec les Guises, ennemis personnels de Coligny, des projets d'assassinat. Le 18 août, mariage de Henri de Navarre avec Marguerite de Valois. Les gentilshommes protestants y sont venus de partout. Le 22 août, c'est-à-dire quatre jours après la cérémonie, tentative de massacre du seul amiral de Coligny : ce qui prouve bien qu'il n'est pas encore question de massacrer tous les protestants. Grand émoi alors parmi les seigneurs protestants qui projettent de venger Coligny, bien que celui-ci n'ait été blessé que légèrement. Devant une situation aussi critique, et dans la crainte d'être découverte, Catherine de Médicis prend un parti désespéré, et, profitant de l'attitude des protestants qui profèrent des menaces de mort contre les catholiques, et en particulier contre les Guises, elle représente au roi que les huguenots conspirent contre la sûreté de l'État et que c'est une mesure de salut public de les exécuter en masse. Elle arrache ainsi au roi affolé l'ordre de massacre.
Nous pouvons donc conclure : — 1. que le massacre de la Saint Barthélemy a été un crime politique commis à l'instigation de Catherine de Médicis ; et — 2. que, le massacre n'ayant pas été prémédité, l'on ne saurait, par conséquent, accuser l'Église de l'avoir préparé.
b) Approbation du massacre. — Après le massacre de la Saint-Barthélemy, le clergé de Paris célébra, le 28 août, une messe solennelle et fit une procession en action de grâces. A Rome, le pape Grégoire XIII, qui avait succédé à S. Pie V, le 13 mai 1572, éprouva une grande joie à la nouvelle de la Saint-Barthélemy. Il l'annonça lui-même au consistoire, fit chanter un Te Deum à l'église Sainte-Marie-Majeure, fit frapper une médaille en souvenir de ce grand événement et ordonna la composition de la fresque fameuse de Vasari, où sont représentées les principales scènes de la sanglante journée. Tels sont les faits qui ont donné à croire que l'Église catholique, dans la personne de ses chefs, a approuvé le massacre. Mais il s'agit de savoir quelle idée on se faisait, à Paris et à Rome, de l'événement en question. Massacre et lâche assassinat, ou légitime défense? Dans le premier cas, la complicité de l'Église serait certainement engagée. Dans le second, l'attitude de ses représentants devient toute naturelle. Or c'est justement la seconde hypothèse qu'il faut envisager. — 1. Pour ce qui concerne d'abord le clergé de Paris, il est clair que ses renseignements étaient inexacts. Comme tout le monde, il croyait qu'il y avait eu, de la part des huguenots, projet d'attentat contre la sûreté de l'État : il en voyait la preuve évidente dans ce fait que, le 26, Charles IX avait, devant le Parlement, revendiqué la responsabilité du drame, tout en expliquant qu'il lui avait été imposé par la connaissance d'un complot contre le gouvernement et la famille royale. Comment s'étonner alors que le clergé parisien ait célébré, d'accord avec le peuple, une cérémonie d'actions de grâces, demandée officiellement par la Cour pour remercier le ciel d'avoir préservé le Roi et châtié les coupables? — 2. Quant à Grégoire XIII, il reçut la nouvelle de la Saint-Barthélemy, par un ambassadeur de Charles IX, le sieur de Beauvillier. Les faits lui furent donc présentés d'après la version officielle de la Cour de France. Avec le message du roi Charles IX, le même Beauvillier apportait une lettre de Louis de Bourbon, neveu du cardinal. Écrite le surlendemain du massacre, cette lettre expliquait que, dans le but de faire monter un prince protestant sur le trône, l'amiral de Coligny préparait le meurtre du roi et de la famille royale. Aussi inexactement renseigné, il est donc tout naturel que Grégoire XIII ait manifesté ses sentiments de joie avec tant de spontanéité, et qu'il en ait fait la démonstration publique. De nos jours encore, les chefs d'État n'échangent-ils pas entre eux des congratulations, lorsque l'un d'eux a échappé à un attentat?
Conclusion. — Nous pouvons donc conclure que l'Église n'a ni préparé le massacre de la Saint-Barthélemy, ni ne l'a glorifié en tant que massacre.
367 Ainsi saint Pie V écrivait à Catherine de Médicis, le 28 mai 1569 : « Ce n'est que par l'extermination des hérétiques que le roi pourra rendre à ce noble royaume l'ancien culte de la religion catholique ; si Votre Majesté continue à combattre ouvertement et ardemment les ennemis de la religion catholique, jusqu'à ce qu'ils soient tous massacrés, qu'elle soit assurée que le secours divin ne lui manquera pas. »
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 4. — Les Dragonnades et la Révocation de l'Édit de Nantes.
457. — 1° Exposé des faits. — L'Edit de Nantes avait été un acte du pouvoir royal, une concession, non un contrat entre deux parties. En laissant à chacun la liberté d'être protestant ou catholique, autrement dit, en accordant la liberté de conscience et la liberté de culte, Henri IV posa le premier le principe de tolérance, et cela, à un moment où tous les souverains d'Europe, protestants et catholiques, n'admettaient pas que leurs sujets eussent une autre religion que la leur.368 Malheureusement les protestants abusèrent des concessions qui leur avaient été faites. Profitant des garanties dont ils jouissaient dans de nombreuses places de sûreté, ils commirent la double faute de vouloir s'isoler du reste de la nation, pour former un État dans l'État, et surtout d'entretenir des relations suspectes avec l'étranger. Plusieurs fois, ils s'étaient alliés, soit avec les Espagnols, soit avec les Anglais. En 1627, la Rochelle où ils étaient les maîtres, s'était révoltée ; le Languedoc, travaillé par le duc de Rohan, avait suivi son exemple. Les Réformés furent donc tenus pour des sujets dangereux, et Richelieu, voulant en finir avec eux, dirigea lui-même le siège de la Rochelle qui se rendit, après une année presque, d'une résistance acharnée (1628). Par l’édit de Grâce ou d’Alais (1629) Richelieu enleva aux protestants toutes leurs villes de sûreté et leurs privilèges politiques, mais leur laissa la liberté du culte. Malgré cette dernière concession, c'était déjà un acheminement vers la révocation de l'Édit de Nantes.
Louis XIV voulut aller plus loin que Richelieu. Imitant les autres États protestants, il voulut qu'il n'y eut dans son royaume qu'une seule foi et un seul culte, et forma le projet d'amener tous les réformés à la religion catholique. Tout d'abord il entreprit de les convertir par des prédications et des missions. Bossuet écrivit une réfutation du Catéchisme général de la Réformation publié par Paul Ferri à Sedan (1654), et entrant dans la pensée du roi, il travailla à la réconciliation des deux confessions, catholique et protestante, par la discussion et la persuasion, « chrétiennement et de bonne foi », sans violenter la conscience ni des uns ni des autres. Mais aux efforts des controversistes et des missionnaires les Réformés répondirent par de mauvaises dispositions et parfois par des violences. De plus, ils continuèrent leurs relations avec les ennemis de la France, entre autres, avec les Pays-Bas pendant la longue guerre qui commença en 1672. Mécontent alors de leur attitude, le roi Louis XIV adopta à l'égard des protestants des mesures analogues à celles qui étaient en vigueur contre les catholiques dans les États protestants tels que l'Angleterre et la Hollande. Des intendants furent envoyés partout pour seconder l'œuvre des missionnaires et mettre la force au service de la persuasion. Les intendants outrepassèrent les ordres reçus ; -sur le conseil du ministre de la guerre, Louvois, le roi envoya des dragons qui devaient loger chez les protestants qui refusaient de se convertir. Les violences et les excès de toutes sortes que commirent ces « missionnaires bottés» sont restés tristement célèbres sous le nom de dragonnades. Mais il faut dire, à la décharge de Louis XIV, qu'il ignorait les cruautés dont ses soldats se rendaient coupables. On lui faisait seulement connaître le nombre des conversions qui s'opéraient, et ce nombre était tel que bientôt le roi crut qu'il ne restait plus guère de protestants en France, que l'unité religieuse était faite. Alors il révoqua l’Édit de Nantes (16 octobre 1685). Les Réformés se virent donc obligés de choisir entre la conversion hypocrite ou l'exil.
458. — 2° Accusation. — Nos adversaires rendent l'Église responsable de la révocation de l'Édit de Nantes et des fâcheux résultats qui s'ensuivirent.
459. — 3° Réponse. A. LA RÉVOCATION.— La révocation de l'Édit de Nantes peut être considérée à un double point de vue : politique et religieux. — a) Au point de vue 'politique ou juridique, il est bien certain que le roi Louis XIV avait le droit de révoquer l'édit porté par Henri IV. Les protestants eux-mêmes en conviennent. « Ces actes de tolérance, dit Grotius, ne sont pas des traités, mais des édits royaux rendus pour le bien général, et révocables quand le même bien général y engagera le Roi». — b) Au point de vue religieux, l'intolérance du Roi et du parti catholique fut certainement une erreur fâcheuse. Nous avons dit : l’intolérance du Roi et du parti catholique, car, si Louis XIV fut le grand responsable, il faut bien avouer que son acte était réclamé par l'opinion catholique et qu'il fut accueilli avec des marques non dissimulées de satisfaction. Toutefois, le pape Innocent XI ne lui donna pas sa complète approbation. Quant aux violences commises, aux dragonnades, il est clair qu'elles ne sont pas imputables à l'Église, et l'on ne peut même pas dire, comme nous l'avons vu plus haut, que Louis XIV doive en porter la responsabilité.
B. LES RÉSULTATS. — Nous n'hésitons pas à reconnaître que la révocation de l'Édit de Nantes eut des conséquences religieuses et politiques tout à fait déplorables. Les protestants qui se convertirent pour pouvoir rester en France, furent de mauvais catholiques. Ceux qui préférèrent l'exil, portèrent à l'étranger les ressources de leurs talents et de leur activité laborieuse ; il y en eut même qui entrèrent dans les armées ennemies et n'eurent pas honte de combattre leur pays. Mais, autant nous pouvons les admirer d'avoir accepté courageusement les douleurs de l'exil plutôt que de trahir leur foi, autant nous devons les blâmer d'avoir haï leur patrie
Conclusion. — II n'y a pas à le dissimuler, la révocation de l'Édit de Nantes fut une faute et un malheur. Cet acte fut surtout un acte politique, mais le parti catholique se fût grandi, si, au lieu d'imiter l'intransigeance des pays protestants, il eût réclamé pour ses frères dissidents le bénéfice d'une large tolérance.
457. — 1° Exposé des faits. — L'Edit de Nantes avait été un acte du pouvoir royal, une concession, non un contrat entre deux parties. En laissant à chacun la liberté d'être protestant ou catholique, autrement dit, en accordant la liberté de conscience et la liberté de culte, Henri IV posa le premier le principe de tolérance, et cela, à un moment où tous les souverains d'Europe, protestants et catholiques, n'admettaient pas que leurs sujets eussent une autre religion que la leur.368 Malheureusement les protestants abusèrent des concessions qui leur avaient été faites. Profitant des garanties dont ils jouissaient dans de nombreuses places de sûreté, ils commirent la double faute de vouloir s'isoler du reste de la nation, pour former un État dans l'État, et surtout d'entretenir des relations suspectes avec l'étranger. Plusieurs fois, ils s'étaient alliés, soit avec les Espagnols, soit avec les Anglais. En 1627, la Rochelle où ils étaient les maîtres, s'était révoltée ; le Languedoc, travaillé par le duc de Rohan, avait suivi son exemple. Les Réformés furent donc tenus pour des sujets dangereux, et Richelieu, voulant en finir avec eux, dirigea lui-même le siège de la Rochelle qui se rendit, après une année presque, d'une résistance acharnée (1628). Par l’édit de Grâce ou d’Alais (1629) Richelieu enleva aux protestants toutes leurs villes de sûreté et leurs privilèges politiques, mais leur laissa la liberté du culte. Malgré cette dernière concession, c'était déjà un acheminement vers la révocation de l'Édit de Nantes.
Louis XIV voulut aller plus loin que Richelieu. Imitant les autres États protestants, il voulut qu'il n'y eut dans son royaume qu'une seule foi et un seul culte, et forma le projet d'amener tous les réformés à la religion catholique. Tout d'abord il entreprit de les convertir par des prédications et des missions. Bossuet écrivit une réfutation du Catéchisme général de la Réformation publié par Paul Ferri à Sedan (1654), et entrant dans la pensée du roi, il travailla à la réconciliation des deux confessions, catholique et protestante, par la discussion et la persuasion, « chrétiennement et de bonne foi », sans violenter la conscience ni des uns ni des autres. Mais aux efforts des controversistes et des missionnaires les Réformés répondirent par de mauvaises dispositions et parfois par des violences. De plus, ils continuèrent leurs relations avec les ennemis de la France, entre autres, avec les Pays-Bas pendant la longue guerre qui commença en 1672. Mécontent alors de leur attitude, le roi Louis XIV adopta à l'égard des protestants des mesures analogues à celles qui étaient en vigueur contre les catholiques dans les États protestants tels que l'Angleterre et la Hollande. Des intendants furent envoyés partout pour seconder l'œuvre des missionnaires et mettre la force au service de la persuasion. Les intendants outrepassèrent les ordres reçus ; -sur le conseil du ministre de la guerre, Louvois, le roi envoya des dragons qui devaient loger chez les protestants qui refusaient de se convertir. Les violences et les excès de toutes sortes que commirent ces « missionnaires bottés» sont restés tristement célèbres sous le nom de dragonnades. Mais il faut dire, à la décharge de Louis XIV, qu'il ignorait les cruautés dont ses soldats se rendaient coupables. On lui faisait seulement connaître le nombre des conversions qui s'opéraient, et ce nombre était tel que bientôt le roi crut qu'il ne restait plus guère de protestants en France, que l'unité religieuse était faite. Alors il révoqua l’Édit de Nantes (16 octobre 1685). Les Réformés se virent donc obligés de choisir entre la conversion hypocrite ou l'exil.
458. — 2° Accusation. — Nos adversaires rendent l'Église responsable de la révocation de l'Édit de Nantes et des fâcheux résultats qui s'ensuivirent.
459. — 3° Réponse. A. LA RÉVOCATION.— La révocation de l'Édit de Nantes peut être considérée à un double point de vue : politique et religieux. — a) Au point de vue 'politique ou juridique, il est bien certain que le roi Louis XIV avait le droit de révoquer l'édit porté par Henri IV. Les protestants eux-mêmes en conviennent. « Ces actes de tolérance, dit Grotius, ne sont pas des traités, mais des édits royaux rendus pour le bien général, et révocables quand le même bien général y engagera le Roi». — b) Au point de vue religieux, l'intolérance du Roi et du parti catholique fut certainement une erreur fâcheuse. Nous avons dit : l’intolérance du Roi et du parti catholique, car, si Louis XIV fut le grand responsable, il faut bien avouer que son acte était réclamé par l'opinion catholique et qu'il fut accueilli avec des marques non dissimulées de satisfaction. Toutefois, le pape Innocent XI ne lui donna pas sa complète approbation. Quant aux violences commises, aux dragonnades, il est clair qu'elles ne sont pas imputables à l'Église, et l'on ne peut même pas dire, comme nous l'avons vu plus haut, que Louis XIV doive en porter la responsabilité.
B. LES RÉSULTATS. — Nous n'hésitons pas à reconnaître que la révocation de l'Édit de Nantes eut des conséquences religieuses et politiques tout à fait déplorables. Les protestants qui se convertirent pour pouvoir rester en France, furent de mauvais catholiques. Ceux qui préférèrent l'exil, portèrent à l'étranger les ressources de leurs talents et de leur activité laborieuse ; il y en eut même qui entrèrent dans les armées ennemies et n'eurent pas honte de combattre leur pays. Mais, autant nous pouvons les admirer d'avoir accepté courageusement les douleurs de l'exil plutôt que de trahir leur foi, autant nous devons les blâmer d'avoir haï leur patrie
Conclusion. — II n'y a pas à le dissimuler, la révocation de l'Édit de Nantes fut une faute et un malheur. Cet acte fut surtout un acte politique, mais le parti catholique se fût grandi, si, au lieu d'imiter l'intransigeance des pays protestants, il eût réclamé pour ses frères dissidents le bénéfice d'une large tolérance.
368
Qu'on se rappelle, en effet, ce qui se passait en Angleterre, sous les règnes dé Henri VIII et d'Elisabeth : toutes les persécutions et violences légales contre les catholiques, les lois interdisant l'élection aux charges de l'État à ceux qui ne pouvaient prouver leur participation à la cène, le papiste déclaré déchu de ses héritages, le protestant qui se convertissait au catholicisme, regardé comme coupable du crime de haute trahison, l'entrée du royaume interdite à tout prêtre catholique sous peine de mort...
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 5. — Le Procès de Galilée.
460. — 1° Exposé des faits. — Dès 1530, le chanoine Copernic formulait déjà l'hypothèse que la terre et toutes les planètes tournent autour du soleil, et non le soleil autour de la terre, comme l'enseignait le système de Ptolémée, généralement admis jusque-là. Au début du xviie siècle, Galilée369, ayant présenté le système de Copernic comme une hypothèse certaine, fut, de ce fait, cité deux fois devant la Saint-Office. Ce sont ces deux procès qui forment le point central de ce qu'on appelle l' « affaire Galilée ».
A. PROCÈS DE 1616. — En défendant la théorie de Copernic comme une hypothèse certaine, Galilée s'était fait de nombreux adversaires, entre autres, tous les savants qui ne juraient que par Aristote. Vers la fin de 1641, François Sizi accuse Galilée de contredire, par son système, les passages de la Bible tels que Josué, x, 12 ; Eccles., i, 5 ; Ps., xviii, 6 ; ciii, 5 ; Eccl., xliii, 2, qui paraissent en faveur du système géocentrique. Galilée pouvait alors se retrancher sur le terrain scientifique et fuir la difficulté en laissant aux théologiens et aux exégètes le soin de la résoudre. Il commit la faute de suivre son adversaire sur le terrain de l'exégèse. Le 19 février 1616, la question fut donc portée devant la Congrégation du Saint-Office. Onze théologiens consulteurs eurent à examiner les deux propositions suivantes : — 1. Le soleil est le centre du monde et il est immobile ; 2. La terre n'est pas le centre du monde et elle a un mouvement de rotation et de translation. La première proposition fut qualifiée « fausse et absurde philosophiquement, et formellement hérétique parce qu'elle contredit expressément plusieurs textes de la Sainte Écriture suivant leur sens propre et suivant l'interprétation commune des Pères et des Docteurs». La seconde proposition fut censurée « fausse et absurde philosophiquement, et au moins, erronée dans la foi ».
Le 25 février, le pape Paul V donnait au cardinal Bellarmin l'ordre de faire venir Galilée et de l'avertir qu'il eût à abandonner ses idées. Galilée vint et se soumit. Le 5 mars, sur l'ordre de Paul V, paraissait un décret de la Congrégation de l'Index condamnant les ouvrages de Copernic et tous les livres qui enseignaient la doctrine de l'immobilité du soleil. Mais dans cette condamnation il n'était pas fait mention des écrits de Galilée. Celui-ci fut même reçu en audience, le 9 mars, par le pape qui lui déclara qu'il connaissait la droiture de ses intentions et qu'il n'avait rien à craindre de ses calomniateurs.
B. PROCÈS DE 1633. — Après son procès de 1616, Galilée était allé reprendre à Florence le cours de ses travaux. En 1632, il publia son Dialogue sur les deux plus grands systèmes du monde. Cet ouvrage portait l'imprimatur de l'inquisiteur de Florence et celui de Mgr Riccardi, Maître du Sacré-Palais, chargé par office de surveiller la publication de tous les livres qui paraissaient à Rome. Or ce dernier avait bien accordé l'imprimatur, mais sous la condition, que l'ouvrage contiendrait une préface et une conclusion indiquant que le système n'était présenté qu'à titre d'hypothèse. La préface et la conclusion s'y trouvaient en effet, mais, de la manière dont elles étaient rédigées, elles parurent une moquerie. Les théologiens du Saint-Office furent d'avis que Galilée transgressait les ordres donnés en 1616. En conséquence, il fut cité à nouveau devant le Saint-Office. Après avoir différé plusieurs fois son voyage sous prétexte de maladie, il se mit enfin en route et arriva à Rome le 16 février 1633, où il jouit d'un régime de faveurs, puisque, au lieu d'être interné dans une cellule du Saint-Office, il put descendre chez un de ses amis Niccolini, l'ambassadeur de Toscane.
Le procès commença le 12 avril, et la sentence fut rendue le 22 juin. Galilée, debout et tête nue, écouta la lecture de sa condamnation : abjuration, prison et récitation, une fois par semaine, pendant trois ans, des sept Psaumes de la Pénitence. Puis, à genoux, la main sur l'Évangile, il signa un acte d'abjuration dans lequel il se déclarait « justement soupçonné d'hérésie», détestait ses erreurs, promettait de ne plus les soutenir et de réciter les pénitences imposées. C'est à ce moment que, d'après une légende tout à fait invraisemblable, vu les circonstances, Galilée se serait écrié en frappant la terre du pied : « E pur si muove » « Et pourtant elle se meut !»
461. — 2° Accusation. — Nos adversaires portent, à propos du procès de Galilée, une triple accusation contre l'Eglise. — a) Ils prétendent d'abord que, dans cette affaire, L'infaillibilité du pape a été mise en défaut: — b) Puis ils accusent l'Église d'avoir frappé un innocent, et — c) d'avoir entravé les progrès de la science.
462. — 3° Réponse- — A. Il est faux de prétendre que l'infaillibilité du pape et par conséquent celle de l'Église, ait été mise en défaut dans l'affaire Galilée. Sans nul doute, lorsque les juges de Galilée, les papes Paul V et Urbain VIII y compris, jugeaient le système de Copernic contraire à la lettre de l'Écriture, ils commettaient une erreur objective et matérielle. Lorsque Galilée affirmait, au contraire, qu'il ne faut pas toujours prendre les paroles de la Sainte Écriture à la lettre, les écrivains sacrés ayant employé, en parlant du soleil, le langage courant, lequel n'a aucune prétention scientifique et se conforme aux apparences, c'est bien lui qui avait raison. D'où il suit que « le tribunal du Saint-Office, comme celui de l'Index, s'est trompé en déclarant, dans les considérants, fausse en philosophie la doctrine de Copernic, qui est vraie, et contraire à l'Écriture cette doctrine, qui ne lui est nullement opposée.
Mais peut-on trouver dans ce fait un argument contre la doctrine de l'infaillibilité de l'Église ou du Souverain Pontife? Pour répondre à cette question, il n'y a qu'à déterminer la valeur juridique des décrets de 1616 et de 1633. Le décret de 1616 est un décret de la Sacrée Congrégation de l'Index ; celui de 1633, un décret du Saint-Office. Assurément, ces décrets ont été approuvés par le Pape : mais comme dans l'espèce, il s'agit seulement d'une approbation dans la forme simple, commune (in forma communi), les décrets sont et restent juridiquement les décrets de Congrégations, qui valent par l'autorité immédiate des Congrégations.
Or, nous le savons, la question d'infaillibilité ne se pose même pas, quand il s'agit d'un décret d'une Congrégation quelle qu'elle soit, eût-elle comme Préfet le Pape lui-même. »370 Deux conditions leur manquent pour pouvoir être des définitions ex-cathedra, et partant, infaillibles. La première c'est que la censure portée contre la théorie copernicienne ne se trouve que dans les considérants qui ne sont jamais l'objet de l'infaillibilité, et la seconde c'est que les décrets n'ont pas été des actes pontificaux, mais des actes des Congrégations, lesquelles ne jouissent pas du privilège de l'infaillibilité. Au reste, aucun théologien n'a jamais considéré ces décrets comme des articles de foi, et, même après les sentences du Saint-Office, les nombreux adversaires du système copernicien n'ont jamais allégué contre lui qu'il avait été condamné par un jugement infaillible.
L'infaillibilité du Pape mise hors de cause, l'on peut s'étonner à bon droit de l'erreur des juges du Saint-Office. Il y a cependant de bonnes raisons qui expliquent, et même justifient, leur conduite On a dit que la condamnation de Galilée était le résultat d'une machination tramée contre lui par des adversaires jaloux, que le pape Urbain VIII se serait reconnu dans le « Dialogue » sous le personnage un peu ridicule de Simplicio dans la bouche duquel se trouvait un argument que le pape, alors qu'il n'était encore que le cardinal Maffeo Barberini, avait opposé à Galilée, et que son amour-propre blessé l'aurait poussé à la vengeance. Quoi qu'il puisse y avoir de vrai dans ces allégations, il y eut d'autres raisons plus sérieuses qui déterminèrent les juges de l'Inquisition à prononcer une sentence de condamnation, et ces raisons furent les suivantes. C'était alors une règle courante en exégèse, — et cette règle n'a pas changé, — que les textes de la Sainte Écriture doivent être pris dans leur sens propre quand l'interprétation contraire n'est pas imposée par des motifs tout à fait valables. Or, à cette époque, l'on interprétait les passages en question, et en particulier, celui où Josué commande au soleil de s'arrêter, au sens propre et obvie, et par conséquent d'après le système astronomique de Ptolémée. Aussi longtemps que ce dernier système n'était pas démontré faux et que Galilée ne pouvait apporter aucune preuve péremptoire et scientifique de la vérité du système de Copernic, c'était le droit de la congrégation du Saint-Office, et même son devoir, de garder l'interprétation littérale et d'arrêter, par une décision disciplinaire, toute doctrine qui contredirait cette interprétation et voudrait substituer le sens métaphorique au sens littéral. Ajoutons que la Congrégation était d'autant plus portée à s'en tenir à l’interprétation traditionnelle que l'on se trouvait alors en pleine effervescence du protestantisme, et que, en prétendant interpréter les textes de la Sainte Écriture à sa façon, Galilée semblait favoriser la théorie du libre examen.
B. Dans quelle mesure peut-on dire que l'Église a frappé un innocent et que Galilée est un martyr de la science ? Qu'il ait eu à souffrir pour la défense de ses idées, que, mis dans l'alternative d'avoir à les sacrifier ou de désobéir à l'Église, il ait enduré dans son intelligence et dans son cœur de cruelles tortures, la chose ne semble pas contestable. Mais dire, que l'Église l'a martyrisé, c'est aller un peu loin. — 1. Tout d'abord, il est faux de prétendre qu'il fut forcé d'abjurer une doctrine qu'il savait être certaine. Il lui semblait bien par les expériences qu'il avait faites que le système de Copernic était une hypothèse plus vraisemblable que celle de Ptolémée, mais de la vérité de cette hypothèse il n'eut jamais la certitude évidente. — 2. Encore moins peut-on dire qu'il fut traité avec rigueur. « On peut défier les plus fanatiques de citer où et quand, pendant ou après son procès, Galilée aurait subi une heure de détention dans une prison proprement dite.»371 Le pape Paul V admirait Galilée et lui donna de nombreuses marques de bienveillance. — L'on objecte, il est vrai, qu'Urbain VIII le fit menacer de la torture. Mais cette menace, qui ne fut d'ailleurs pas exécutée, était un des moyens juridiques d'alors, analogue à l'isolement et au secret dont on se sert aujourd'hui, pour provoquer les aveux des prévenus. Il serait, d'autre part, injuste de dire qu'Urbain VIII fut dur à son égard puisque, le lendemain de sa condamnation, le 23 juin 1633, Galilée fut autorisé à quitter les appartements du Saint-Office où il devait être détenu, et à se rendre dans le palais de son ami, le Grand-Duc de Toscane ; d'où il put bientôt repartir pour sa villa d'Arcetri. Et c'est là qu'il mourut, après avoir reçu tous les ans une pension que le Pape lui accordait depuis 1630.
C. La condamnation de Galilée a-t-elle vraiment entravé les progrès de la science ? « Accordons sans peine que les décrets de l'Index ont pu empêcher ou retarder la publication de quelques ouvrages, tel le Monde de Descartes ; mais, de bonne foi, peut-on affirmer que le triomphe du système en a été reculé?... L'accord avec l'expérience pouvait seul donner à l'hypothèse de Copernic une confirmation décisive, et les décrets de l'Index n'empêchaient personne de chercher à réaliser cet accord. »372
Conclusion. — De ce qui précède il résulte que, si la condamnation de Galilée fut, de la part de la Congrégation du Saint-Office et même des papes Paul V et Urbain viii. une erreur infiniment regrettable, elle n'atteint en rien la doctrine de l'Église sur l'infaillibilité pontificale, pas plus qu'elle ne témoigne d'une hostilité systématique contre la science et le progrès.
460. — 1° Exposé des faits. — Dès 1530, le chanoine Copernic formulait déjà l'hypothèse que la terre et toutes les planètes tournent autour du soleil, et non le soleil autour de la terre, comme l'enseignait le système de Ptolémée, généralement admis jusque-là. Au début du xviie siècle, Galilée369, ayant présenté le système de Copernic comme une hypothèse certaine, fut, de ce fait, cité deux fois devant la Saint-Office. Ce sont ces deux procès qui forment le point central de ce qu'on appelle l' « affaire Galilée ».
A. PROCÈS DE 1616. — En défendant la théorie de Copernic comme une hypothèse certaine, Galilée s'était fait de nombreux adversaires, entre autres, tous les savants qui ne juraient que par Aristote. Vers la fin de 1641, François Sizi accuse Galilée de contredire, par son système, les passages de la Bible tels que Josué, x, 12 ; Eccles., i, 5 ; Ps., xviii, 6 ; ciii, 5 ; Eccl., xliii, 2, qui paraissent en faveur du système géocentrique. Galilée pouvait alors se retrancher sur le terrain scientifique et fuir la difficulté en laissant aux théologiens et aux exégètes le soin de la résoudre. Il commit la faute de suivre son adversaire sur le terrain de l'exégèse. Le 19 février 1616, la question fut donc portée devant la Congrégation du Saint-Office. Onze théologiens consulteurs eurent à examiner les deux propositions suivantes : — 1. Le soleil est le centre du monde et il est immobile ; 2. La terre n'est pas le centre du monde et elle a un mouvement de rotation et de translation. La première proposition fut qualifiée « fausse et absurde philosophiquement, et formellement hérétique parce qu'elle contredit expressément plusieurs textes de la Sainte Écriture suivant leur sens propre et suivant l'interprétation commune des Pères et des Docteurs». La seconde proposition fut censurée « fausse et absurde philosophiquement, et au moins, erronée dans la foi ».
Le 25 février, le pape Paul V donnait au cardinal Bellarmin l'ordre de faire venir Galilée et de l'avertir qu'il eût à abandonner ses idées. Galilée vint et se soumit. Le 5 mars, sur l'ordre de Paul V, paraissait un décret de la Congrégation de l'Index condamnant les ouvrages de Copernic et tous les livres qui enseignaient la doctrine de l'immobilité du soleil. Mais dans cette condamnation il n'était pas fait mention des écrits de Galilée. Celui-ci fut même reçu en audience, le 9 mars, par le pape qui lui déclara qu'il connaissait la droiture de ses intentions et qu'il n'avait rien à craindre de ses calomniateurs.
B. PROCÈS DE 1633. — Après son procès de 1616, Galilée était allé reprendre à Florence le cours de ses travaux. En 1632, il publia son Dialogue sur les deux plus grands systèmes du monde. Cet ouvrage portait l'imprimatur de l'inquisiteur de Florence et celui de Mgr Riccardi, Maître du Sacré-Palais, chargé par office de surveiller la publication de tous les livres qui paraissaient à Rome. Or ce dernier avait bien accordé l'imprimatur, mais sous la condition, que l'ouvrage contiendrait une préface et une conclusion indiquant que le système n'était présenté qu'à titre d'hypothèse. La préface et la conclusion s'y trouvaient en effet, mais, de la manière dont elles étaient rédigées, elles parurent une moquerie. Les théologiens du Saint-Office furent d'avis que Galilée transgressait les ordres donnés en 1616. En conséquence, il fut cité à nouveau devant le Saint-Office. Après avoir différé plusieurs fois son voyage sous prétexte de maladie, il se mit enfin en route et arriva à Rome le 16 février 1633, où il jouit d'un régime de faveurs, puisque, au lieu d'être interné dans une cellule du Saint-Office, il put descendre chez un de ses amis Niccolini, l'ambassadeur de Toscane.
Le procès commença le 12 avril, et la sentence fut rendue le 22 juin. Galilée, debout et tête nue, écouta la lecture de sa condamnation : abjuration, prison et récitation, une fois par semaine, pendant trois ans, des sept Psaumes de la Pénitence. Puis, à genoux, la main sur l'Évangile, il signa un acte d'abjuration dans lequel il se déclarait « justement soupçonné d'hérésie», détestait ses erreurs, promettait de ne plus les soutenir et de réciter les pénitences imposées. C'est à ce moment que, d'après une légende tout à fait invraisemblable, vu les circonstances, Galilée se serait écrié en frappant la terre du pied : « E pur si muove » « Et pourtant elle se meut !»
461. — 2° Accusation. — Nos adversaires portent, à propos du procès de Galilée, une triple accusation contre l'Eglise. — a) Ils prétendent d'abord que, dans cette affaire, L'infaillibilité du pape a été mise en défaut: — b) Puis ils accusent l'Église d'avoir frappé un innocent, et — c) d'avoir entravé les progrès de la science.
462. — 3° Réponse- — A. Il est faux de prétendre que l'infaillibilité du pape et par conséquent celle de l'Église, ait été mise en défaut dans l'affaire Galilée. Sans nul doute, lorsque les juges de Galilée, les papes Paul V et Urbain VIII y compris, jugeaient le système de Copernic contraire à la lettre de l'Écriture, ils commettaient une erreur objective et matérielle. Lorsque Galilée affirmait, au contraire, qu'il ne faut pas toujours prendre les paroles de la Sainte Écriture à la lettre, les écrivains sacrés ayant employé, en parlant du soleil, le langage courant, lequel n'a aucune prétention scientifique et se conforme aux apparences, c'est bien lui qui avait raison. D'où il suit que « le tribunal du Saint-Office, comme celui de l'Index, s'est trompé en déclarant, dans les considérants, fausse en philosophie la doctrine de Copernic, qui est vraie, et contraire à l'Écriture cette doctrine, qui ne lui est nullement opposée.
Mais peut-on trouver dans ce fait un argument contre la doctrine de l'infaillibilité de l'Église ou du Souverain Pontife? Pour répondre à cette question, il n'y a qu'à déterminer la valeur juridique des décrets de 1616 et de 1633. Le décret de 1616 est un décret de la Sacrée Congrégation de l'Index ; celui de 1633, un décret du Saint-Office. Assurément, ces décrets ont été approuvés par le Pape : mais comme dans l'espèce, il s'agit seulement d'une approbation dans la forme simple, commune (in forma communi), les décrets sont et restent juridiquement les décrets de Congrégations, qui valent par l'autorité immédiate des Congrégations.
Or, nous le savons, la question d'infaillibilité ne se pose même pas, quand il s'agit d'un décret d'une Congrégation quelle qu'elle soit, eût-elle comme Préfet le Pape lui-même. »370 Deux conditions leur manquent pour pouvoir être des définitions ex-cathedra, et partant, infaillibles. La première c'est que la censure portée contre la théorie copernicienne ne se trouve que dans les considérants qui ne sont jamais l'objet de l'infaillibilité, et la seconde c'est que les décrets n'ont pas été des actes pontificaux, mais des actes des Congrégations, lesquelles ne jouissent pas du privilège de l'infaillibilité. Au reste, aucun théologien n'a jamais considéré ces décrets comme des articles de foi, et, même après les sentences du Saint-Office, les nombreux adversaires du système copernicien n'ont jamais allégué contre lui qu'il avait été condamné par un jugement infaillible.
L'infaillibilité du Pape mise hors de cause, l'on peut s'étonner à bon droit de l'erreur des juges du Saint-Office. Il y a cependant de bonnes raisons qui expliquent, et même justifient, leur conduite On a dit que la condamnation de Galilée était le résultat d'une machination tramée contre lui par des adversaires jaloux, que le pape Urbain VIII se serait reconnu dans le « Dialogue » sous le personnage un peu ridicule de Simplicio dans la bouche duquel se trouvait un argument que le pape, alors qu'il n'était encore que le cardinal Maffeo Barberini, avait opposé à Galilée, et que son amour-propre blessé l'aurait poussé à la vengeance. Quoi qu'il puisse y avoir de vrai dans ces allégations, il y eut d'autres raisons plus sérieuses qui déterminèrent les juges de l'Inquisition à prononcer une sentence de condamnation, et ces raisons furent les suivantes. C'était alors une règle courante en exégèse, — et cette règle n'a pas changé, — que les textes de la Sainte Écriture doivent être pris dans leur sens propre quand l'interprétation contraire n'est pas imposée par des motifs tout à fait valables. Or, à cette époque, l'on interprétait les passages en question, et en particulier, celui où Josué commande au soleil de s'arrêter, au sens propre et obvie, et par conséquent d'après le système astronomique de Ptolémée. Aussi longtemps que ce dernier système n'était pas démontré faux et que Galilée ne pouvait apporter aucune preuve péremptoire et scientifique de la vérité du système de Copernic, c'était le droit de la congrégation du Saint-Office, et même son devoir, de garder l'interprétation littérale et d'arrêter, par une décision disciplinaire, toute doctrine qui contredirait cette interprétation et voudrait substituer le sens métaphorique au sens littéral. Ajoutons que la Congrégation était d'autant plus portée à s'en tenir à l’interprétation traditionnelle que l'on se trouvait alors en pleine effervescence du protestantisme, et que, en prétendant interpréter les textes de la Sainte Écriture à sa façon, Galilée semblait favoriser la théorie du libre examen.
B. Dans quelle mesure peut-on dire que l'Église a frappé un innocent et que Galilée est un martyr de la science ? Qu'il ait eu à souffrir pour la défense de ses idées, que, mis dans l'alternative d'avoir à les sacrifier ou de désobéir à l'Église, il ait enduré dans son intelligence et dans son cœur de cruelles tortures, la chose ne semble pas contestable. Mais dire, que l'Église l'a martyrisé, c'est aller un peu loin. — 1. Tout d'abord, il est faux de prétendre qu'il fut forcé d'abjurer une doctrine qu'il savait être certaine. Il lui semblait bien par les expériences qu'il avait faites que le système de Copernic était une hypothèse plus vraisemblable que celle de Ptolémée, mais de la vérité de cette hypothèse il n'eut jamais la certitude évidente. — 2. Encore moins peut-on dire qu'il fut traité avec rigueur. « On peut défier les plus fanatiques de citer où et quand, pendant ou après son procès, Galilée aurait subi une heure de détention dans une prison proprement dite.»371 Le pape Paul V admirait Galilée et lui donna de nombreuses marques de bienveillance. — L'on objecte, il est vrai, qu'Urbain VIII le fit menacer de la torture. Mais cette menace, qui ne fut d'ailleurs pas exécutée, était un des moyens juridiques d'alors, analogue à l'isolement et au secret dont on se sert aujourd'hui, pour provoquer les aveux des prévenus. Il serait, d'autre part, injuste de dire qu'Urbain VIII fut dur à son égard puisque, le lendemain de sa condamnation, le 23 juin 1633, Galilée fut autorisé à quitter les appartements du Saint-Office où il devait être détenu, et à se rendre dans le palais de son ami, le Grand-Duc de Toscane ; d'où il put bientôt repartir pour sa villa d'Arcetri. Et c'est là qu'il mourut, après avoir reçu tous les ans une pension que le Pape lui accordait depuis 1630.
C. La condamnation de Galilée a-t-elle vraiment entravé les progrès de la science ? « Accordons sans peine que les décrets de l'Index ont pu empêcher ou retarder la publication de quelques ouvrages, tel le Monde de Descartes ; mais, de bonne foi, peut-on affirmer que le triomphe du système en a été reculé?... L'accord avec l'expérience pouvait seul donner à l'hypothèse de Copernic une confirmation décisive, et les décrets de l'Index n'empêchaient personne de chercher à réaliser cet accord. »372
Conclusion. — De ce qui précède il résulte que, si la condamnation de Galilée fut, de la part de la Congrégation du Saint-Office et même des papes Paul V et Urbain viii. une erreur infiniment regrettable, elle n'atteint en rien la doctrine de l'Église sur l'infaillibilité pontificale, pas plus qu'elle ne témoigne d'une hostilité systématique contre la science et le progrès.
369 Galilée, né à Pise en 1564, appartient plutôt par sa vie à Florence. D'abord professeur de physique et de mathématiques à Pise (1589-1592), puis à Padoue (1592-1610). il passa le reste de sa vie dans sa villa d'Arcetri, près de Florence, où, même après sa condamnation en 1633, il fut autorisé à se retirer. En 1636, il était devenu aveugle après avoir mis la dernière main à son Traité du mouvement. Galilée est regardé comme le vrai fondateur de la méthode expérimentale. Avec le télescope qu'il construisit en 1609, il observa les montagnes de la lune, découvrit les satellites de Jupiter, l'anneau de Saturne, les taches et la rotation du soleil sur son axe, les phases de Vénus : autant de choses qui confirmaient ses présomptions en faveur du système de Copernic
370
Choupin, Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège
371
Gilbert, Revue des Questions scientifiques, 1877.
372 Pierre de Vregille, art. Galilée (Dict. d'Alès).
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 6. — L'ingérence des Papes dans les affaires temporelles.
463. — 1° Exposé des faits. — L'histoire nous témoigne que, au moyen âge, les Papes se sont considérés comme les chefs suprêmes des États chrétiens, qu'ils ont revendiqué le droit de citer à leur tribunal souverains et sujets, et qu'ils ont infligé aux princes scandaleux, non seulement des peines spirituelles telles que l'excommunication, mais même des peines temporelles en les déposant et en les privant de leurs droits de commander. Ainsi Grégoire VII (le moine Hildebrand), célèbre par sa lutte dans la Querelle des Investitures373, excommunia une première fois l'empereur d'Allemagne, Henri IV, qui ne voulait pas se laisser dépouiller du droit de l’investiture, le réduisit à venir, s'humilier devant lui au château de Canossa (1077) et l'excommunia une seconde fois (1078) parce qu'il ne tenait pas ses promesses. Innocent III (1198-1216) obligea Philippe-Auguste à reprendre sa femme Ingelburge ; en Angleterre, il déposa Jean sans Terre, puis le rétablit sur le trône ; en Allemagne, il excommunia Othon IV et délia ses sujets du serment de fidélité. Innocent IV, au concile de Lyon (1245), déposa Frédéric II, empereur d'Allemagne. Boniface VIII (1294-1303) lutta, pendant toute la durée de son pontificat, contre le roi de France, Philippe le Bel. Comme ce dernier, toujours à court d'argent, voulait imposer le clergé à son gré, sans tenir compte des immunités ecclésiastiques (N° 422 n), le Pape dans sa bulle « Clericis laicos », rappela la doctrine de l'Église et interdit aux clercs de payer le tribut aux puissances laïques. Sur la demande du clergé français lui-même, il accorda ensuite l'autorisation. Mais la lutte recommença bientôt et Boniface VIII publia contre Philippe le Bel une série de bulles, entre autres, la bulle « Ausculta, filin, dans laquelle il se disait « constitué au-dessus des rois et des royaumes!, et la bulle « Unam Sanctam », dans laquelle, après avoir rappelé l'unité de l'Eglise, il déclarait que « ce corps unique ne doit pas avoir deux têtes, mais une seule, le Christ et le Vicaire du Christ », que deux glaives sont au pouvoir de l'Église, un spirituel, et un matériel, que « le premier doit être manié par l'Église, le second pour l'Église et que, le second devant être soumis au premier, le pouvoir spirituel doit juger le pouvoir temporel si celui-ci s'égare. Enfin Boniface VIII excommunia Philippe le Bel le 13 avril 1303.
464. — 2° Accusation. — Les ennemis de l'Église accusent les papes d'avoir outrepassé leurs droits et d'avoir revendiqué un pouvoir illégitime.
465. — 3° Réponse. — A. L'intervention des papes dans les affaires temporelles des États chrétiens n'était pas illégitime : elle ne constituait nullement, de leur part, un abus de pouvoir.
Les papes avaient le droit d'intervenir à un double titre : — a) Tout d'abord en vertu de leur pouvoir indirect sur les choses temporelles dont nous avons précédemment démontré l'existence (N° 436). « Le pouvoir spirituel, dit Bellarmin, ne s'immisce pas dans les affaires temporelles, à moins que ces affaires ne s'opposent à la fin spirituelle ou ne soient nécessaires pour l'obtenir : auxquels cas le pouvoir spirituel peut et doit réprimer le pouvoir temporel et le contraindre par toutes les voies qui paraîtront nécessaires. » Lorsque les Papes précités ont frappé les princes qui abusaient de leurs pouvoirs, non seulement de peines spirituelles comme l'excommunication, mais même de peines temporelles comme la déposition, ils ont donc agi en vertu du pouvoir spirituel attaché à leur charge suprême et du pouvoir indirect sur les choses temporelles qui découle du pouvoir spirituel. — b) En dehors du droit divin dont nous venons de parler, le droit public du temps, reposant sur le libre consentement des peuples et des princes, légitimait l'intervention de la papauté dans les affaires temporelles. Rappelons-nous en effet que, en vertu de ce droit public, il y avait une alliance étroite entre l'Église et l'État, que le Pape était regardé comme le chef naturel de la chrétienté, à qui appartenait le droit de trancher les différends, et que le prince, avant de monter sur le trône, faisait serment de gouverner avec justice, de protéger la Sainte Église romaine, de défendre la foi contre l'hérésie, et de ne pas encourir lui-même l'excommunication. Que si alors le prince devenait parjure à son serment, s'il gouvernait contre les droits de l'Église ou contre les justes intérêts de son peuple, la papauté avait le droit et même le devoir de lui remettre devant les yeux les engagements sacrés qu'il avait pris, et en cas de refus, de l'excommunier, au besoin, de le déposer, et de déclarer ses sujets déliés de leur serment d'obéissance à l'égard d'un souverain indigne du pouvoir374.
B. Non seulement l'intervention des papes dans les affaires temporelles n'était pas illégitime, mais il faut reconnaître combien elle fut heureuse et bienfaisante, tout à l'avantage des faibles et des opprimés. Durant cette rude époque de la féodalité où tout était livré au plus fort, seule l'Église avait assez de puissance pour rappeler aux rois et aux seigneurs qu'au-dessus de la force il y a le droit. La prérogative que les Papes revendiquaient de déposer les rois dont la conduite était scandaleuse, et de délier leurs peuples du serment de fidélité, bien loin d'être une usurpation ,du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel, lui servait au contraire de frein et de contrepoids. Quand le droit était violé et que la justice demeurait impuissante, il était bon qu'il y eût quelqu'un d'assez fort et d'assez indépendant pour prendre en main la cause de la morale et de la religion outragées.
Remarque. — On objecte aussi contre l'Église : — 1. qu'il y a eu de mauvais Papes, et l'on cite alors les noms d'Etienne VI, de Jean XII, de Benoît IX et d'Alexandre VI, — 2. que, au moyen âge, il y eut un clergé simoniaque et corrompu. — A cette objection nous avons déjà répondu et nous avons montré qu'elle ne vaut ni contre l’infaillibilité du Pape (N° 400), ni contre la sainteté de l'Église (N° 379).
463. — 1° Exposé des faits. — L'histoire nous témoigne que, au moyen âge, les Papes se sont considérés comme les chefs suprêmes des États chrétiens, qu'ils ont revendiqué le droit de citer à leur tribunal souverains et sujets, et qu'ils ont infligé aux princes scandaleux, non seulement des peines spirituelles telles que l'excommunication, mais même des peines temporelles en les déposant et en les privant de leurs droits de commander. Ainsi Grégoire VII (le moine Hildebrand), célèbre par sa lutte dans la Querelle des Investitures373, excommunia une première fois l'empereur d'Allemagne, Henri IV, qui ne voulait pas se laisser dépouiller du droit de l’investiture, le réduisit à venir, s'humilier devant lui au château de Canossa (1077) et l'excommunia une seconde fois (1078) parce qu'il ne tenait pas ses promesses. Innocent III (1198-1216) obligea Philippe-Auguste à reprendre sa femme Ingelburge ; en Angleterre, il déposa Jean sans Terre, puis le rétablit sur le trône ; en Allemagne, il excommunia Othon IV et délia ses sujets du serment de fidélité. Innocent IV, au concile de Lyon (1245), déposa Frédéric II, empereur d'Allemagne. Boniface VIII (1294-1303) lutta, pendant toute la durée de son pontificat, contre le roi de France, Philippe le Bel. Comme ce dernier, toujours à court d'argent, voulait imposer le clergé à son gré, sans tenir compte des immunités ecclésiastiques (N° 422 n), le Pape dans sa bulle « Clericis laicos », rappela la doctrine de l'Église et interdit aux clercs de payer le tribut aux puissances laïques. Sur la demande du clergé français lui-même, il accorda ensuite l'autorisation. Mais la lutte recommença bientôt et Boniface VIII publia contre Philippe le Bel une série de bulles, entre autres, la bulle « Ausculta, filin, dans laquelle il se disait « constitué au-dessus des rois et des royaumes!, et la bulle « Unam Sanctam », dans laquelle, après avoir rappelé l'unité de l'Eglise, il déclarait que « ce corps unique ne doit pas avoir deux têtes, mais une seule, le Christ et le Vicaire du Christ », que deux glaives sont au pouvoir de l'Église, un spirituel, et un matériel, que « le premier doit être manié par l'Église, le second pour l'Église et que, le second devant être soumis au premier, le pouvoir spirituel doit juger le pouvoir temporel si celui-ci s'égare. Enfin Boniface VIII excommunia Philippe le Bel le 13 avril 1303.
464. — 2° Accusation. — Les ennemis de l'Église accusent les papes d'avoir outrepassé leurs droits et d'avoir revendiqué un pouvoir illégitime.
465. — 3° Réponse. — A. L'intervention des papes dans les affaires temporelles des États chrétiens n'était pas illégitime : elle ne constituait nullement, de leur part, un abus de pouvoir.
Les papes avaient le droit d'intervenir à un double titre : — a) Tout d'abord en vertu de leur pouvoir indirect sur les choses temporelles dont nous avons précédemment démontré l'existence (N° 436). « Le pouvoir spirituel, dit Bellarmin, ne s'immisce pas dans les affaires temporelles, à moins que ces affaires ne s'opposent à la fin spirituelle ou ne soient nécessaires pour l'obtenir : auxquels cas le pouvoir spirituel peut et doit réprimer le pouvoir temporel et le contraindre par toutes les voies qui paraîtront nécessaires. » Lorsque les Papes précités ont frappé les princes qui abusaient de leurs pouvoirs, non seulement de peines spirituelles comme l'excommunication, mais même de peines temporelles comme la déposition, ils ont donc agi en vertu du pouvoir spirituel attaché à leur charge suprême et du pouvoir indirect sur les choses temporelles qui découle du pouvoir spirituel. — b) En dehors du droit divin dont nous venons de parler, le droit public du temps, reposant sur le libre consentement des peuples et des princes, légitimait l'intervention de la papauté dans les affaires temporelles. Rappelons-nous en effet que, en vertu de ce droit public, il y avait une alliance étroite entre l'Église et l'État, que le Pape était regardé comme le chef naturel de la chrétienté, à qui appartenait le droit de trancher les différends, et que le prince, avant de monter sur le trône, faisait serment de gouverner avec justice, de protéger la Sainte Église romaine, de défendre la foi contre l'hérésie, et de ne pas encourir lui-même l'excommunication. Que si alors le prince devenait parjure à son serment, s'il gouvernait contre les droits de l'Église ou contre les justes intérêts de son peuple, la papauté avait le droit et même le devoir de lui remettre devant les yeux les engagements sacrés qu'il avait pris, et en cas de refus, de l'excommunier, au besoin, de le déposer, et de déclarer ses sujets déliés de leur serment d'obéissance à l'égard d'un souverain indigne du pouvoir374.
B. Non seulement l'intervention des papes dans les affaires temporelles n'était pas illégitime, mais il faut reconnaître combien elle fut heureuse et bienfaisante, tout à l'avantage des faibles et des opprimés. Durant cette rude époque de la féodalité où tout était livré au plus fort, seule l'Église avait assez de puissance pour rappeler aux rois et aux seigneurs qu'au-dessus de la force il y a le droit. La prérogative que les Papes revendiquaient de déposer les rois dont la conduite était scandaleuse, et de délier leurs peuples du serment de fidélité, bien loin d'être une usurpation ,du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel, lui servait au contraire de frein et de contrepoids. Quand le droit était violé et que la justice demeurait impuissante, il était bon qu'il y eût quelqu'un d'assez fort et d'assez indépendant pour prendre en main la cause de la morale et de la religion outragées.
Remarque. — On objecte aussi contre l'Église : — 1. qu'il y a eu de mauvais Papes, et l'on cite alors les noms d'Etienne VI, de Jean XII, de Benoît IX et d'Alexandre VI, — 2. que, au moyen âge, il y eut un clergé simoniaque et corrompu. — A cette objection nous avons déjà répondu et nous avons montré qu'elle ne vaut ni contre l’infaillibilité du Pape (N° 400), ni contre la sainteté de l'Église (N° 379).
373
Querelle des investitures. — Quand un seigneur donnait un nef à son vassal, l'investiture, c'est-à-dire la mise en possession du bien octroyé se faisait généralement par une cérémonie symbolique, dans laquelle le suzerain remettait au vassal, soit une motte de terre, soit une couronne, soit un sceptre, soit la crosse et l'anneau lorsqu'il s'agissait de hauts dignitaires ecclésiastiques. Comme à chaque siège épiscopal les rois avaient attaché un bénéfice ou fief ecclésiastique, il arrivait que les évêques et les abbés recevaient à la fois, au moment de leur nomination, un fief et une Juridiction religieuse. Il sembla bientôt naturel aux rois et empereurs, puisqu'ils donnaient l'investiture par la crosse et l'anneau, que le pouvoir spirituel découlait de leur autorité, aussi bien que le pouvoir temporel, et que, par conséquent, ils pouvaient supprimer l'élection traditionnelle, et nommer eux-mêmes directement aux évêchés et aux abbayes. D'où il arriva que les évêchés furent donnés aux courtisans, ou vendus à prix d'argent (simonie) et que le clergé ne fut pas digne de ses fonctions. Cet état de choses fut surtout le fait de l'Allemagne. La papauté, pour y porter remède, défendit de recevoir l'investiture d'un laïque. La querelle des investitures, particulièrement grave entre Grégoire VII et Henri IV d'Allemagne, dura plus d'un demi-siècle, jusqu'au concordat de Worms (1122) qui établit à nouveau la distinction entre l'évêque, en tant que pontife, et l'évêque en tant que vassal de l'empire.
374 L'on pourrait ajouter que beaucoup de princes avaient fait hommage de leur couronne au siège de saint Pierre, et s'étaient reconnus les vassaux du Pape. Tel était le cas des royaumes de Naples, de Sicile, d'Aragon et de l'Empire ressuscité en Charlemagne par le pape Léon III, appelé le Saint Empire romain. C'est ainsi que les rois de France, de Germanie ou d'Italie devenaient empereurs par le droit pontifical, en vertu du couronnement fait par les mains du Pape, couronnement qui leur conférait, non une souveraineté spéciale, mais une dignité supplémentaire, plutôt morale que matérielle, et leur attribuait le rôle de protecteurs de l'Eglise. En vertu de ces actes, le Pape apparaissait comme une sorte de suzerain auquel le droit féodal reconnaissait le droit de punir la félonie du vassal qui manquait à ses obligations, de lui reprendre son fief et d'en donner l'investiture à un autre.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 7. — Le Syllabus et la condamnation des libertés modernes.
466. — 1° Notion et autorité doctrinale du Syllabus. — Le Syllabus (mot lat. qui veut dira index, table) est un recueil de quatre-vingts propositions renfermant les principales erreurs modernes, déjà réprouvées et condamnées dans les allocutions consistoriales, les encycliques et autres lettres apostoliques du pape Pie IX. Le Syllabus, précédé de l'Encyclique Quanta cura, parut, sur l'ordre de Pie IX, le 8 décembre 1864, mais l'idée d'un pareil catalogue contenant les erreurs de l'époque sous la forme qu'elles revêtaient alors, était bien antérieure à cette date et avait été suggérée dès 1849, par l'archevêque de Pérouse, le cardinal Pecci, qui devait succéder à Pie IX sous le nom de Léon XIII.
Quelle est l’autorité doctrinale du Syllabus? Faut-il le considérer comme un acte ex-cathedra, comme le veulent certains théologiens de valeur : Franzelin, Mazzella, Hurter, Pesch, ou bien n'est-il qu'un document de grande autorité auquel tout catholique doit adhérer sans qu'on puisse le taxer d'hérésie, dans le cas contraire? La question n'est pas tranchée, et du fait qu'elle ne l'est pas et que chaque catholique reste libre d'adopter l'une ou l'autre opinion, le Syllabus ne s'impose pas à la croyance comme une définition infaillible. Il est vrai que le pape Pie IX en a pris la responsabilité, mais, dit le P. Choupin, « toute constitution pontificale, même relative à la foi et solennellement promulguée n'est pas une définition ex-cathedra : il faut encore et surtout que le Pape manifeste suffisamment sa volonté de trancher définitivement la question par une sentence absolue »375. Par conséquent, bien que les propositions condamnées doivent être repoussées par tout catholique d'un assentiment ferme, il ne s'ensuit pas que la proposition contradictoire soit de foi. La proposition condamnée n'ayant pas été qualifiée d'hérétique, la proposition contraire ne saurait être de foi. Il importe, en outre, pour mesurer tout le sens d'une proposition condamnée dans le Syllabus, de se reporter au document d'où elle est extraite.
467. — 2° Accusation. — Nos adversaires accusent l'Église d'avoir, par le Syllabus, déclaré la guerre à la société moderne et de s'être montrée l'ennemie irréconciliable du progrès et de la civilisation.
468. — 3° Réponse. — Pour étayer leur accusation, les adversaires de l'Église s'appuient surtout sur les deux dernières propositions du Syllabus qui sont pour ainsi dire le résumé des erreurs modernes : Prop. LXXIX. : « Il est faux que la liberté de professer n'importe quelle religion, de penser et de manifester publiquement toutes les opinions conduisent plus facilement à la corruption des mœurs et des esprits et propage la peste de l'indifférentisme. » Prop. LXXX. « Le Pontife romain peut et doit se réconcilier avec le progrès, , le libéralisme et la civilisation moderne. » Or, il est bien évident, à propos de cette dernière proposition, — et il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter à l'allocution Jamdudum d'où la proposition est extraite, — que le pape n'entend nullement condamner les progrès véritables de la science positive et des inventions humaines. La condamnation ne porte que sur le faux progrès et sur la fausse civilisation.
De même, le pape Pie IX ne condamne pas toute liberté et tout libéralisme. Personne n'a jamais défendu la vraie liberté plus que l'Église catholique : elle affirme la liberté naturelle contre les matérialistes et les déterministes qui la nient, la liberté individuelle contre les esclavagistes qui la suppriment, la liberté de conscience contre les pouvoirs publics qui l'oppriment. Ne disons donc pas que l'Église est l'ennemie des libertés, anciennes ou modernes : ce qu'elle frappe d'anathème c'est la fausse liberté, c'est le droit à l'erreur et au mal, c'est, d'une manière générale, l'opinion qui soutient que la liberté implique le droit absolu d'embrasser et de soutenir toute doctrine philosophique, religieuse et politique, qui vous plaît. Après avoir rappelé les vieilles erreurs déjà condamnées du panthéisme, du naturalisme, du rationalisme, de l'indifférentisme, après avoir réprouvé les thèses socialistes et communistes de l'origine populaire du pouvoir et du droit absolu des majorités, etc., Pie IX, à l'exemple de Grégoire XVI, dans son Encyclique Mirari vos, proclame que les droits de la vérité sont supérieurs à ceux de la liberté, les droits de Dieu supérieurs à ceux de l'homme, les droits de la justice supérieurs à ceux du nombre et de la force, et, avec une grande sagesse, il condamne le libéralisme absolu qui, par son culte extravagant et mal entendu de la liberté, est la source profonde d'un grand nombre d'erreurs contemporaines.
Mais, remarquons-le en passant, Pie IX s'est contenté d'exposer la thèse catholique ; et à ce point de vue, on peut l'accuser d'intolérance.. La vérité ne saurait être tolérante, car, par le fait même qu'elle est la vérité, elle exclut ce qui lui est contraire. Reprocher à l'Église son intolérance doctrinale, c'est donc lui reprocher d'être et de se croire la vérité. Toutefois, quelque intolérants qu'ils paraissent, les principes du Syllabus laissent libre espace à toutes les aspirations légitimes de la pensée moderne, et c'est ce que Léon XIII, dans une admirable suite d'encycliques, s'est chargé de démontrer.
466. — 1° Notion et autorité doctrinale du Syllabus. — Le Syllabus (mot lat. qui veut dira index, table) est un recueil de quatre-vingts propositions renfermant les principales erreurs modernes, déjà réprouvées et condamnées dans les allocutions consistoriales, les encycliques et autres lettres apostoliques du pape Pie IX. Le Syllabus, précédé de l'Encyclique Quanta cura, parut, sur l'ordre de Pie IX, le 8 décembre 1864, mais l'idée d'un pareil catalogue contenant les erreurs de l'époque sous la forme qu'elles revêtaient alors, était bien antérieure à cette date et avait été suggérée dès 1849, par l'archevêque de Pérouse, le cardinal Pecci, qui devait succéder à Pie IX sous le nom de Léon XIII.
Quelle est l’autorité doctrinale du Syllabus? Faut-il le considérer comme un acte ex-cathedra, comme le veulent certains théologiens de valeur : Franzelin, Mazzella, Hurter, Pesch, ou bien n'est-il qu'un document de grande autorité auquel tout catholique doit adhérer sans qu'on puisse le taxer d'hérésie, dans le cas contraire? La question n'est pas tranchée, et du fait qu'elle ne l'est pas et que chaque catholique reste libre d'adopter l'une ou l'autre opinion, le Syllabus ne s'impose pas à la croyance comme une définition infaillible. Il est vrai que le pape Pie IX en a pris la responsabilité, mais, dit le P. Choupin, « toute constitution pontificale, même relative à la foi et solennellement promulguée n'est pas une définition ex-cathedra : il faut encore et surtout que le Pape manifeste suffisamment sa volonté de trancher définitivement la question par une sentence absolue »375. Par conséquent, bien que les propositions condamnées doivent être repoussées par tout catholique d'un assentiment ferme, il ne s'ensuit pas que la proposition contradictoire soit de foi. La proposition condamnée n'ayant pas été qualifiée d'hérétique, la proposition contraire ne saurait être de foi. Il importe, en outre, pour mesurer tout le sens d'une proposition condamnée dans le Syllabus, de se reporter au document d'où elle est extraite.
467. — 2° Accusation. — Nos adversaires accusent l'Église d'avoir, par le Syllabus, déclaré la guerre à la société moderne et de s'être montrée l'ennemie irréconciliable du progrès et de la civilisation.
468. — 3° Réponse. — Pour étayer leur accusation, les adversaires de l'Église s'appuient surtout sur les deux dernières propositions du Syllabus qui sont pour ainsi dire le résumé des erreurs modernes : Prop. LXXIX. : « Il est faux que la liberté de professer n'importe quelle religion, de penser et de manifester publiquement toutes les opinions conduisent plus facilement à la corruption des mœurs et des esprits et propage la peste de l'indifférentisme. » Prop. LXXX. « Le Pontife romain peut et doit se réconcilier avec le progrès, , le libéralisme et la civilisation moderne. » Or, il est bien évident, à propos de cette dernière proposition, — et il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter à l'allocution Jamdudum d'où la proposition est extraite, — que le pape n'entend nullement condamner les progrès véritables de la science positive et des inventions humaines. La condamnation ne porte que sur le faux progrès et sur la fausse civilisation.
De même, le pape Pie IX ne condamne pas toute liberté et tout libéralisme. Personne n'a jamais défendu la vraie liberté plus que l'Église catholique : elle affirme la liberté naturelle contre les matérialistes et les déterministes qui la nient, la liberté individuelle contre les esclavagistes qui la suppriment, la liberté de conscience contre les pouvoirs publics qui l'oppriment. Ne disons donc pas que l'Église est l'ennemie des libertés, anciennes ou modernes : ce qu'elle frappe d'anathème c'est la fausse liberté, c'est le droit à l'erreur et au mal, c'est, d'une manière générale, l'opinion qui soutient que la liberté implique le droit absolu d'embrasser et de soutenir toute doctrine philosophique, religieuse et politique, qui vous plaît. Après avoir rappelé les vieilles erreurs déjà condamnées du panthéisme, du naturalisme, du rationalisme, de l'indifférentisme, après avoir réprouvé les thèses socialistes et communistes de l'origine populaire du pouvoir et du droit absolu des majorités, etc., Pie IX, à l'exemple de Grégoire XVI, dans son Encyclique Mirari vos, proclame que les droits de la vérité sont supérieurs à ceux de la liberté, les droits de Dieu supérieurs à ceux de l'homme, les droits de la justice supérieurs à ceux du nombre et de la force, et, avec une grande sagesse, il condamne le libéralisme absolu qui, par son culte extravagant et mal entendu de la liberté, est la source profonde d'un grand nombre d'erreurs contemporaines.
Mais, remarquons-le en passant, Pie IX s'est contenté d'exposer la thèse catholique ; et à ce point de vue, on peut l'accuser d'intolérance.. La vérité ne saurait être tolérante, car, par le fait même qu'elle est la vérité, elle exclut ce qui lui est contraire. Reprocher à l'Église son intolérance doctrinale, c'est donc lui reprocher d'être et de se croire la vérité. Toutefois, quelque intolérants qu'ils paraissent, les principes du Syllabus laissent libre espace à toutes les aspirations légitimes de la pensée moderne, et c'est ce que Léon XIII, dans une admirable suite d'encycliques, s'est chargé de démontrer.
375
Choupin, op. cit
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. II. — Les Services rendus par l'Église.
469. — A côté des griefs que nos adversaires accumulent dans leur sévère réquisitoire contre l'Église, il serait injuste de ne pas mentionner les services que le christianisme a rendus et de méconnaître la part qui lui revient dans la marche de la civilisation. Nous allons donc voir brièvement ce que l'Église a fait pour l'individu, pour la famille et pour la société, comment elle a travaillé au progrès, au bien-être des peuples, à leurs intérêts matériels, intellectuels et moraux. Les bienfaits qu'elle a rendus sur ce terrain méritent d'être d'autant plus appréciés qu'ils sont en dehors de la sphère d'action et de la mission tracées par le Christ. Car, ne l'oublions pas, l'Église a été instituée pour recevoir et transmettre le dépôt de la révélation chrétienne, pour conduire les hommes à leur salut éternel, et non pas pour travailler, tout au moins d'une façon immédiate, à leur bonheur temporel. Et cependant elle n'a cessé de s'en préoccuper et de tendre, par tous les moyens en son pouvoir, à améliorer le sort de l'humanité. « Chose admirable, pouvons-nous dire avec Montesquieu, (L’Esprit des lois), la religion chrétienne qui semble n'avoir d'autre objet que la félicité de l'autre vie, fait encore notre bonheur dans celle-ci. »
§ 1, — L'Église et l'Individu.
470. — Si nous considérons l'homme d'une manière générale et du seul point de vue individuel, nous constatons que, presque partout dans l'antiquité, l'humanité est partagée en deux classes : l'homme libre, et l’esclave. Ce qu'était l'esclave et ce qu'a fait l'Église pour lui, telles sont les deux questions qui se posent.
1° Ce qu'était l'esclave. — On entend par esclavage l'état de l'homme asservi à la puissance d'un autre homme. L'esclavage avait pour origines, la guerre, la traite ou la naissance. Le prisonnier vaincu, le malheureux capturé par des pirates ou l'enfant né de parents esclaves tombaient sous la dépendance absolue d'un maître qui les traitait et exploitait à son gré. La condition matérielle de l'esclave variait donc suivant le caractère et les dispositions de ce dernier. De toute façon, l'esclave était toujours un être à part, un homme qui n'avait pas plus de droits que la bête de somme, qui était entièrement la propriété, la « chose » du maître, ravalé par le fait au rang d'un animal ou d'un vil instrument qu'on achète et qu'on vend, dont on se défait quand il ne peut plus servir. On connaît en effet le conseil de Caton au père de famille économe : « Vendez les vieux bœufs... les vieilles voitures, les vieilles ferrailles, le vieil esclave, l'esclave malade. » N'ayant pas de droits sur sa personne, l'esclave ne pouvait en avoir davantage sur sa famille, sur sa femme et ses enfants. Il arriva même souvent que la législation conférait au maître le droit de vie et de mort sur ses esclaves, et l'on sait que les gladiateurs dont les combats eurent tant de vogue chez les Romains, étaient pris non seulement parmi les condamnés à mort, mais aussi parmi les esclaves.
Telle était la condition de la plus grande partie de l'humanité, et il convient d'ajouter que cette honteuse institution n'était nullement réprouvée par la religion païenne, qu'elle était tenue pour une institution légitime, même par les philosophes les plus illustres376. Si les écrivains ont blâmé parfois les abus, jamais ils n'ont condamné le principe.
471. — 2° Ce que l'Église a fait pour l'esclave. — Qu'on ne se figure pas tout d'abord que l'Église a renversé d'un seul coup l'état de choses établi. Les révolutions doivent être amenées par une lente évolution des idées, car l'opinion publique ne rompt pas du jour au lendemain avec les idées ambiantes, avec les traditions et les vieilles coutumes. La transformation d'une société nécessite donc une action continue, un travail préparatoire de longue haleine. Or ce travail, l'Église l'entreprit par sa doctrine, par sa législation et par ses actes : — a) par sa doctrine. Dès l'origine du christianisme, l'Église commence sa lutte contre l'esclavage. Le premier et le plus éloquent interprète de sa doctrine est saint Paul. Avec une habileté et un art consommés, l'Apôtre des Gentils pose les grands principes de l'égalité et de la fraternité, qui sont comme le fondement de la liberté individuelle. Il proclame, à la face des maîtres orgueilleux qui se trouvent dans le vaste Empire gréco-romain, que tous les hommes sont issus de la même origine, rachetés du même sang et appelés à la même béatitude éternelle, par conséquent, égaux et frères. « II n'y a plus écrit-il aux Galates, ni Juif ni Grec, ni esclave, ni homme libre, il n'y a plus ni homme, ni femme ; car vous êtes tous un dans le Christ Jésus. » ( Gal., ii, 28). Mais, tout en posant les principes qui doivent peu à peu détruire l'esclavage, saint Paul se garde bien de prendre une attitude agressive contre les maîtres, de prêcher la lutte dos classes et de pousser à une révolution trop rapide qui compromettrait le succès de son œuvre. Il juge beaucoup plus sage pour le moment de rappeler aux uns et aux autres leurs devoirs réciproques : obéissance de la part des esclaves, bonté de la part des maîtres : « Serviteurs, dit-il aux premiers, obéissez à vos maîtres selon la chair avec respect et crainte et dans la simplicité de votre cœur, comme au Christ... Servez-les avec affection, comme servant le Seigneur et non des hommes, assurés que chacun, soit esclave, soit libre, sera récompensé par le Seigneur de ce qu'il aura fait de bien. Et vous maîtres, dit-il aux seconds, agissez de même à leur égard et laissez là les menaces, sachant que leur Seigneur et le vôtre est dans les cieux et qu'il ne fait pas acception des personnes. » (Eph., vi. 5-9).
b) Par sa législation. Sous l'influence de l'Église, les empereurs devenus chrétiens, promulguent des lois qui améliorent la condition de l'esclave. Ainsi, pour ne prendre que quelques exemples, Constantin défend de marquer les condamnés et les esclaves au visage « où réside l'image de la beauté divine » ; il déclare coupables d'homicide les maîtres dont les mauvais traitements auraient causé la mort de leurs esclaves. Théodose rend la liberté à tous les enfants vendus par leurs pères ; Honorius met fin pour toujours aux combats des gladiateurs ; Justinien porte une loi qui punit le rapt des femmes esclaves de la même peine que celui des femmes libres. Un des rares empereurs qui n'aient pris aucune mesure en faveur des esclaves est précisément un empereur imbu de tous les préjugés du paganisme, Julien l'Apostat.
Les invasions barbares au ve siècle sont néfastes à la cause des esclaves et lui font perdre du terrain. Mais l'Église, par les nombreux conciles qu'elle tient, du vie au ixe siècle, en Gaule, en Bretagne, en Espagne, en Italie, continue de travailler en leur faveur. Le concile d'Orléans de 511 et le concile d'Epône, en 517, proclament le droit d'asile, en vertu duquel l'esclave, même « coupable d'un crime atroce » s'il s'est réfugié dans une église, ne pourra subir un châtiment corporel. Le concile d'Auxerre, à la fin du VIe siècle, le concile de Chalon-sur-Saône, au milieu du viie siècle, défendent de faire travailler les esclaves le dimanche. Plusieurs conciles interdisent la traite des esclaves, ou, s'ils n'osent pas aller aussi loin, lui apportent des entraves, comme on en trouve un exemple dans le 9e canon du concile de Châlons-sur-Marne qui défend de vendre aucun esclave en dehors du royaume de Clovis». En outre, l'esclave est admis par l'Église au sacerdoce et à la profession monastique, pourvu qu'il ait obtenu de son maître le consentement préalable, ou l'affranchissement. Enfin, les conciles du vie siècle reconnaissent formellement la validité des mariages contractés, en connaissance de cause, entre des hommes libres et des esclaves.
c) Par ses actes. — 1. Dans l'exercice de son culte, l'Église primitive ne tient aucun compte des distinctions sociales. « Entre le riche et le pauvre, l’esclave et le libre, il n’y a pas de différence », écrit l’apologiste Lactance. Telle est, à n’en pas douter, l’un des raisons les plus fortes qui contribueront à l’affranchissement de l’esclave. Renan lui-même ne fait pas de difficulté à le reconnaître : «Les réunions à l'Eglise, à elles seules, écrit-il dans son Marc Aurèle, eussent suffi à ruiner cette cruelle institution (de l'esclavage). L'antiquité n'avait conservé l'esclavage qu'en excluant les esclaves des cultes patriotiques. S'ils avaient sacrifié avec leurs maîtres, ils se seraient relevés moralement. La fréquentation de l'église était la plus parfaite leçon d'égalité religieuse... Du moment que l'esclave a la même religion que son maître, prie dans le même temple que lui, l'esclavage est bien près de finir. » — 2. L’admission des esclaves au sacerdoce et à la vie monastique que nous avons signalée plus haut est une autre source d'où doit sortir le nivellement de tous les rangs sociaux. Sous la bure ou le voile monastique, on ne discerne plus les maîtres des esclaves : les uns et les autres travaillent et prient en commun, confondus dans une égalité parfaite. — 3. A partir du vie siècle, l'Église, enrichie par les donations pieuses des rois et des seigneurs, emploie ses richesses au rachat de nombreux prisonniers de guerre et d'esclaves, afin de les affranchir, ou tout au moins, de « leur rendre la vie douce et facile », selon la recommandation des papes et des conciles.
Voilà ce que l'Église a fait dans le passé. Son ardeur ne s'est d'ailleurs pas éteinte, et tout le monde connaît la grande œuvre entreprise par Léon XIII et le cardinal Lavigerie, à la fin du siècle dernier, connue sous le nom d'œuvre antiesclavagiste et destinée à combattre en Afrique la traite et l'esclavage des noirs.
376
Voir là dessus l’encyclique In Plurimis de Léon XIII.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 2. — L'Église et la Famille.
472. — Nécessaire pour conserver la vie tout autant que pour la donner, la famille est de droit naturel, en même temps que d'origine divine. Cependant les conditions de la famille, — et nous entendons par là les relations entre ceux des membres qui la composent, — peuvent varier avec les temps et les lieux. Voyons donc ce que fut la famille dans l'antiquité et ce qu'elle est depuis le christianisme.
1° La famille dans l'antiquité. — Dans l'antiquité, l'autorité souveraine du père absorbe celle des autres membres. — a) Presque partout, à Rome spécialement, l'enfant tient son droit à la vie du bon vouloir du père. Les infanticides y sont fréquents, admis par les lois, et approuvés par les philosophes. « Rien n'est plus raisonnable, dit à ce sujet Sénèque, que d'écarter de la maison les choses inutiles » et Quintilien ose écrire que « tuer un homme est souvent un crime, mais tuer ses propres enfants est souvent une très belle action». Si le père peut tuer ses enfants, à plus forte raison peut-il les vendre ou les donner en gage. — b) Quant à la mère, sa situation n'est pas plus enviable. Non seulement elle n'a aucune part à la puissance paternelle, mais là où la polygamie et le divorce sont admis, comme en Orient, elle est une véritable esclave. Même au milieu des civilisations les plus brillantes, comme celles de la Grèce et de Rome, la condition de la femme n'est guère meilleure. Jeune fille, elle est sous la puissance de son père; mariée, elle passe sous la tutelle de son mari qui détient de la législation des pouvoirs presque illimités.
473. — 2° La famille dans la société chrétienne. — a) Grâce au christianisme, l'enfant devient l'objet des plus tendres sollicitudes des parents. Sous l'influence de la doctrine chrétienne, le père comprend que son enfant n'est pas une propriété dont il a le droit d'user ou d'abuser, mais une créature de Dieu, rachetée du sang du Christ et prédestinée au ciel, un être qu'il doit entourer d'une tendresse d'autant plus grande qu'il est plus chétif et plus faible. — b) Le christianisme n'a pas moins relevé la dignité morale de la femme : et cela de double façon, en enseignant, d'une part, la noblesse de la virginité, et le respect dont il convient de l'entourer, et d'autre part, la grandeur du mariage un et indissoluble. Car, qu'on le remarque bien, le christianisme n'a pas rehaussé la virginité, si peu connue et si incomprise des anciens, pour rabaisser d'autant le mariage. L'exaltation de la vierge ne doit pas, dans la pensée du Christ, nuire à la beauté morale de la femme mariée ; la preuve en est bien qu'il a élevé le mariage à la dignité de sacrement, en sorte qu'il n'est plus une cérémonie quelconque, aussi solennelle qu'on la suppose, mais un signe sacré qui donne une grâce spéciale et symbolise l'union du Christ lui-même avec son Église.
Les féministes prétendent que la femme n'a pas encore dans la société la place qui devrait lui revenir et que, au triple point de vue politique, social et économique, sa condition est très inférieure à celle de l'homme, et ils demandent que, étant soumise aux mêmes lois et ayant des charges au moins équivalentes à celles de l'homme, elle jouisse aussi des mêmes droits. Si l'Église n'a pas formulé sur ce sujet de doctrine précise, il est permis de dire qu'elle ne saurait qu'encourager tout effort qui tend à améliorer le sort de la femme.
472. — Nécessaire pour conserver la vie tout autant que pour la donner, la famille est de droit naturel, en même temps que d'origine divine. Cependant les conditions de la famille, — et nous entendons par là les relations entre ceux des membres qui la composent, — peuvent varier avec les temps et les lieux. Voyons donc ce que fut la famille dans l'antiquité et ce qu'elle est depuis le christianisme.
1° La famille dans l'antiquité. — Dans l'antiquité, l'autorité souveraine du père absorbe celle des autres membres. — a) Presque partout, à Rome spécialement, l'enfant tient son droit à la vie du bon vouloir du père. Les infanticides y sont fréquents, admis par les lois, et approuvés par les philosophes. « Rien n'est plus raisonnable, dit à ce sujet Sénèque, que d'écarter de la maison les choses inutiles » et Quintilien ose écrire que « tuer un homme est souvent un crime, mais tuer ses propres enfants est souvent une très belle action». Si le père peut tuer ses enfants, à plus forte raison peut-il les vendre ou les donner en gage. — b) Quant à la mère, sa situation n'est pas plus enviable. Non seulement elle n'a aucune part à la puissance paternelle, mais là où la polygamie et le divorce sont admis, comme en Orient, elle est une véritable esclave. Même au milieu des civilisations les plus brillantes, comme celles de la Grèce et de Rome, la condition de la femme n'est guère meilleure. Jeune fille, elle est sous la puissance de son père; mariée, elle passe sous la tutelle de son mari qui détient de la législation des pouvoirs presque illimités.
473. — 2° La famille dans la société chrétienne. — a) Grâce au christianisme, l'enfant devient l'objet des plus tendres sollicitudes des parents. Sous l'influence de la doctrine chrétienne, le père comprend que son enfant n'est pas une propriété dont il a le droit d'user ou d'abuser, mais une créature de Dieu, rachetée du sang du Christ et prédestinée au ciel, un être qu'il doit entourer d'une tendresse d'autant plus grande qu'il est plus chétif et plus faible. — b) Le christianisme n'a pas moins relevé la dignité morale de la femme : et cela de double façon, en enseignant, d'une part, la noblesse de la virginité, et le respect dont il convient de l'entourer, et d'autre part, la grandeur du mariage un et indissoluble. Car, qu'on le remarque bien, le christianisme n'a pas rehaussé la virginité, si peu connue et si incomprise des anciens, pour rabaisser d'autant le mariage. L'exaltation de la vierge ne doit pas, dans la pensée du Christ, nuire à la beauté morale de la femme mariée ; la preuve en est bien qu'il a élevé le mariage à la dignité de sacrement, en sorte qu'il n'est plus une cérémonie quelconque, aussi solennelle qu'on la suppose, mais un signe sacré qui donne une grâce spéciale et symbolise l'union du Christ lui-même avec son Église.
Les féministes prétendent que la femme n'a pas encore dans la société la place qui devrait lui revenir et que, au triple point de vue politique, social et économique, sa condition est très inférieure à celle de l'homme, et ils demandent que, étant soumise aux mêmes lois et ayant des charges au moins équivalentes à celles de l'homme, elle jouisse aussi des mêmes droits. Si l'Église n'a pas formulé sur ce sujet de doctrine précise, il est permis de dire qu'elle ne saurait qu'encourager tout effort qui tend à améliorer le sort de la femme.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 3. — L'Église et la Société.
474. — Si nous considérons, non plus l'individu, ni la famille, mais un groupe d'individus et de familles, autrement dit, la Société, nous constatons que l'Église lui a rendu les plus grands services à un triple point de vue : matériel, intellectuel et moral.
1° Services rendus dans l'ordre matériel — A tout moment de son histoire, l'Église a travaillé au bien-être du peuple. Le bien-être matériel est en effet la résultante d'un ensemble de choses : travail, épargne, bonnes mœurs, sans lesquelles il n'y a pas de prospérité ni de bonheur possibles. Or tandis que dans l'antiquité toutes ces vertus étaient inconnues, tandis surtout que le travail manuel était regardé comme quelque chose de dégradant pour l'homme libre, la doctrine chrétienne, en enseignant la grande loi du travail, a réhabilité celui-ci aux yeux de l'humanité. Et l'Église ne s'est pas contentée de donner son enseignement, elle a estimé que le meilleur moyen d'en assurer le succès était de l'appuyer de ses exemples. Aussi voyons-nous régner une activité intense parmi les premières générations chrétiennes. Plus que les autres, les moines travaillent à la prospérité de l'Europe en défrichant les vieilles forêts, en labourant et cultivant les déserts, et en créant autour de leurs monastères des villages et des villes où fleurissent bientôt le commerce et l'industrie.
Et de nos jours, où l'ouvrier a déjà pris et veut prendre une place prépondérante dans la société, l'Église, après avoir relevé sa dignité morale, continue de s'intéresser à son sort. L'Encyclique Rerum novarum (16 mai 1891) de Léon XIII et l'Encyclique Quadragesimo Anno (15 mai 1931) de Pie XI témoignent que l'Église attache le plus haut intérêt à la solution de la question sociale. De toute son âme elle souhaite que les justes revendications des travailleurs soient couronnées de succès. Elle n'a pas de plus vif désir que de voir leurs droits élargis, mais en même temps qu'elle formule des vœux pour le mieux être de l'ouvrier, elle n'hésite pas à lui rappeler que, s'il a des droits, il a aussi des devoirs ; et ce faisant, elle est convaincue qu'elle sert mieux sa cause que les démagogues qui, en le nourrissant de vains espoirs, le conduisent à la ruine et à l'abîme.
475. — 2° Services rendus dans l’ordre intellectuel — A entendre certains adversaires de l'Église, l'instruction ne date guère que de la Révolution française. Jusque-là, et particulièrement au moyen âge, c'est comme une longue époque d'ignorance et d'obscurantisme. L'Église qui s'était faite l'institutrice de la France, ne remplit pas le rôle qui lui avait été confié : l'enseignement qu'elle donne se borne tout au plus aux choses de la foi — Ceux qui parlent ainsi, font preuve ou bien d'une ignorance des faits impardonnable ou d'une insigne mauvaise foi. Sans doute il y a eu des époques où, en raison de certaines circonstances malheureuses, comme par exemple sous les rois fainéants (viie siècle) et après l'invasion des Normands, au Xe siècle, l'enseignement fut en décadence. Il n'en est pas moins vrai que les historiens qui ont fait une enquête impartiale sur l'état de l'instruction en France avant la Révolution, sont obligés de convenir que l'Église a toujours donné l'instruction à ses clercs et aux laïques autant que le comportaient les progrès du temps et les besoins de chacun. Du Ve au XIe siècle, l'Église fonde et dirige des écoles épiscopales, presbytérales et monastiques ; au xvie siècle, elle se met à la tête du mouvement qui pousse les esprits vers l'antiquité grecque et latine. Et depuis lors, jamais elle n'a cessé de promouvoir les travaux intellectuels et de favoriser le développement des lettres, des arts et des sciences.
476. — 3° Services rendus dans l'ordre moral. — Dans l’ordre moral, nous avons vu déjà ce que l'Église a fait pour l'individu et pour la famille. En revendiquant ainsi la liberté pour les individus, elle a, du même coup, transformé les mœurs publiques. Aux chefs d'État elle a appris que « tout pouvoir vient de Dieu» et que dès lors on doit l'exercer avec justice et sagesse. Aux sujets elle a prescrit l'obéissance et le respect vis-à-vis des gouvernants en s'appuyant sur cette simple parole du Christ : « Rendez à César ce qui appartient à César. » Enfin elle a rendu meilleures les relations de peuple à peuple. En enseignant partout que tous les hommes, sans distinction de race et de nationalité, sont frères, enfants de Dieu et de l'Église, elle leur a fait comprendre que c'était une monstruosité de se traiter en barbares.
477. — Objection. — Contre les services rendus à la société par l'Église catholique, nos adversaires objectent que les nations protestantes sont plus puissantes et plus prospères que les nations catholiques, que leur niveau moral est plus élevé ; et, de ce fait qu'ils prennent comme point de départ et qu'ils regardent comme historiquement incontestable, ils concluent que la prospérité des uns et la déchéance des autres doivent être attribuées à la différence de religion.
Réponse. — II faut distinguer dans l'objection qui précède deux choses : le point de vue historique et le point de vue doctrinal, ou, si l'on veut, la question du fait, et la thèse qu'on veut établir sur le fait. Évidemment, s'il était possible de prouver que les faits historiques ne sont pas tels qu'on le prétend, ou n'ont pas la portée qu'on leur attribue, nous serions en droit de conclure aussitôt que la thèse est fausse. Mais admettons par hypothèse que les nations protestantes sont vraiment supérieures aux nations catholiques ; s'ensuit-il que la cause de la supériorité des unes et de l'infériorité des autres soit la religion ?
A. LA THÈSE. — A la considérer en soi, que penser de la thèse qui fait de la religion le principe du progrès ou de la décadence des nations? — a) Remarquons d'abord que, même s'il en était ainsi, le protestantisme ne serait pas pour cela la vraie religion. Car le but premier de la religion n'est pas de travailler à la prospérité matérielle de ses adeptes mais de conduire les âmes à Dieu. Et si nous avons mentionné les services rendus par l'Église à la société dans cet ordre de choses, il ne rentrait pas dans notre pensée de vouloir démontrer que le christianisme, par le fait qu'il est la vraie religion, a eu pour résultat d'attirer la bénédiction de Dieu dans l'ordre temporel. Nous nous sommes bornés à établir que le bien-être matériel des peuples devait découler de la doctrine du Christ qui tend à rendre les hommes plus travailleurs, plus économes et plus vertueux, mais nous nous gardons bien de prétendre qu'il suffit d'introduire la vraie religion dans un pays déshérité au point de vue matériel, pour le transformer, comme par enchantement, en un pays riche et prospère. — b) Venons maintenant au cœur de la question. Sur quoi s'appuie-t-on pour dire que la religion protestante est cause de grandeur, tandis que la religion catholique est cause de décadence ? Sans doute, sur le principe fondamental du protestantisme, sur la théorie du libre examen qui favorise, dit-on, l'esprit d'entreprise, l'élan et l'énergie, alors que les principes du catholicisme qui imposent l'adhésion à des dogmes obscurs et la soumission aveugle à un pouvoir absolu, suppriment toute initiative. Mais qui ne voit que c'est là un raisonnement bien spécieux? La foi à des dogmes qui n'ont rien à faire avec les questions matérielles et l'obéissance à l'Église dans l'ordre spirituel ne gênent en rien l'esprit d'initiative, et il serait ridicule de croire que le commerçant et l'industriel catholiques ne sont pas tout aussi libres que le commerçant et l'industriel protestants de conduire leurs affaires au mieux de leurs intérêts. — c) Ajoutons enfin que le mot prospérité est un terme bien vague. La vraie civilisation ne se réduit; pas à la seule prospérité matérielle : il nous semble au contraire qu'elle embrasse l'ensemble des intérêts matériels, moraux et religieux. Les peuples qui veulent arriver au plus haut degré de civilisation ne sont donc pas ceux qui n'ont d'autre idéal que le bien-être et la fortune, mais ceux qui ont plus de grandeur d'âme et une vie morale plus noble. Or il est évident que, sur ce point, les principes catholiques qui recommandent tant la charité, l'amour des autres, le don de soi, qui font aller de pair la foi et les bonnes œuvres, sont loin d'être inférieurs aux principes protestants. Nous pouvons donc déjà conclure que la thèse ne repose sur aucun argument.
B. LES FAITS. — Non seulement la thèse, prise en soi, est fausse, mais les faits eux-mêmes la démentent. — a) Car, s'il s'agit du passé, l'on ne saurait contester que dans une longue période de notre histoire, les nations catholiques : la France, l'Autriche et l'Espagne, furent à la tête de la civilisation. Or le moment où elles ont atteint leur apogée correspond précisément avec celui où la vie catholique était le plus intense et où les principes chrétiens étaient le mieux observés. — b) S'il s'agit du présent, il faut bien confesser que les nations catholiques dont nous venons de parler, sont, au point de vue économique, dans un état d'infériorité sur les grandes nations protestantes : Angleterre, États-Unis, Allemagne. Or si l'on veut absolument que la religion soit la cause de cette infériorité, nous répondrons que les États catholiques sont tombés en décadence parce qu'ils ont été infidèles à leur religion et qu'ils ont été rongés par la plaie de l'indifférentisme ou même de l'athéisme. Du moins cela était vrai hier de la France, mais aujourd'hui qu'elle a été comme purifiée par une rude épreuve, au cours de laquelle elle a étonné le monde par sa vitalité, par son esprit d'initiative, par son abnégation et par le réveil de sa foi, qui peut dire de quoi demain sera fait et si elle ne va pas reprendre sa place à la tête de la civilisation matérielle morale et religieuse ?
BIBLIOGRAPHIE. — Art. I. — Brehier, art. Croisades (Dict. d'Alès) — Luchaire, Innocent III ; La question d’Orient (Paris). — Guilleux, art. Albigeois (Dict. d Aies) — De Cauzons, Les Albigeois et l'Inquisition ; Les Vaudois et l'Inquisition (Bloud). — Mgr Douais, Les sources de l'histoire de l’Inquisition (Rev. des Questions historiques, 1882) ; L'Inquisition, Ses origines historiques, sa procédure (Plon), Vacandard, L'Inquisition (Bloud). — Guiraud, Questions d'histoire et d. archéologie chrétienne (Gabalda). — Mgr d'Hulst, Car. de 1895, 5e Conf. L'Église et l’Etat. — Langlois, L’Inquisition d'après des travaux récents (Bellais) — Rouquette, L'Inquisition protestante... (Bloud). — Guiraud, art. Inquisition (Dict. d Alès — Vacandard, De la tolérance religieuse (Bloud). — De la Brière art Barthélemy (La Saint-) (Dict. d'Alès). - Hello, La Saint-Barthélemy (Bloud) — Vacandard, Etudes de critique et d'histoire religieuse (Lecoffre). — Didier La révocation de l'Édit de Nantes (Bloud). — P. de Vregille, art. Galilée (Dict d'Alès) — Choupin, Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège (Beauchesne) De l’Epinois, La question Galilée (Palmé). - Jaugey, Le procès de Galilée et la Théologie. — Sortais, Le procès de Galilée (Bloud). — Vacandard études de critique... — J. de la Serviêre, art. Boniface VIII (Dict. d'Alès).
Art II. — P. Allard, Les esclaves chrétiens depuis les premiers temps de l'Église... (Lecoffre) ; art. Esclavage (Dict. d'Alès). - D'Azambuja, Ce que le christianisme a fait pour la femme (Bloud). — H. Taudière, art. Famille (Dict. d'Alès) — L Leclercq, Essai d'Apologétique expérimentale (Duvivier, Tourcoing). — Mgr Baudbillart, L Eglise catholique, la Renaissance, le Protestantisme Bloud) — De la Brière, Nations protestantes et nations catholiques (Bloud). — Flamérion De la prospérité comparée des nations catholiques et des nations protestantes... (Bloud).
474. — Si nous considérons, non plus l'individu, ni la famille, mais un groupe d'individus et de familles, autrement dit, la Société, nous constatons que l'Église lui a rendu les plus grands services à un triple point de vue : matériel, intellectuel et moral.
1° Services rendus dans l'ordre matériel — A tout moment de son histoire, l'Église a travaillé au bien-être du peuple. Le bien-être matériel est en effet la résultante d'un ensemble de choses : travail, épargne, bonnes mœurs, sans lesquelles il n'y a pas de prospérité ni de bonheur possibles. Or tandis que dans l'antiquité toutes ces vertus étaient inconnues, tandis surtout que le travail manuel était regardé comme quelque chose de dégradant pour l'homme libre, la doctrine chrétienne, en enseignant la grande loi du travail, a réhabilité celui-ci aux yeux de l'humanité. Et l'Église ne s'est pas contentée de donner son enseignement, elle a estimé que le meilleur moyen d'en assurer le succès était de l'appuyer de ses exemples. Aussi voyons-nous régner une activité intense parmi les premières générations chrétiennes. Plus que les autres, les moines travaillent à la prospérité de l'Europe en défrichant les vieilles forêts, en labourant et cultivant les déserts, et en créant autour de leurs monastères des villages et des villes où fleurissent bientôt le commerce et l'industrie.
Et de nos jours, où l'ouvrier a déjà pris et veut prendre une place prépondérante dans la société, l'Église, après avoir relevé sa dignité morale, continue de s'intéresser à son sort. L'Encyclique Rerum novarum (16 mai 1891) de Léon XIII et l'Encyclique Quadragesimo Anno (15 mai 1931) de Pie XI témoignent que l'Église attache le plus haut intérêt à la solution de la question sociale. De toute son âme elle souhaite que les justes revendications des travailleurs soient couronnées de succès. Elle n'a pas de plus vif désir que de voir leurs droits élargis, mais en même temps qu'elle formule des vœux pour le mieux être de l'ouvrier, elle n'hésite pas à lui rappeler que, s'il a des droits, il a aussi des devoirs ; et ce faisant, elle est convaincue qu'elle sert mieux sa cause que les démagogues qui, en le nourrissant de vains espoirs, le conduisent à la ruine et à l'abîme.
475. — 2° Services rendus dans l’ordre intellectuel — A entendre certains adversaires de l'Église, l'instruction ne date guère que de la Révolution française. Jusque-là, et particulièrement au moyen âge, c'est comme une longue époque d'ignorance et d'obscurantisme. L'Église qui s'était faite l'institutrice de la France, ne remplit pas le rôle qui lui avait été confié : l'enseignement qu'elle donne se borne tout au plus aux choses de la foi — Ceux qui parlent ainsi, font preuve ou bien d'une ignorance des faits impardonnable ou d'une insigne mauvaise foi. Sans doute il y a eu des époques où, en raison de certaines circonstances malheureuses, comme par exemple sous les rois fainéants (viie siècle) et après l'invasion des Normands, au Xe siècle, l'enseignement fut en décadence. Il n'en est pas moins vrai que les historiens qui ont fait une enquête impartiale sur l'état de l'instruction en France avant la Révolution, sont obligés de convenir que l'Église a toujours donné l'instruction à ses clercs et aux laïques autant que le comportaient les progrès du temps et les besoins de chacun. Du Ve au XIe siècle, l'Église fonde et dirige des écoles épiscopales, presbytérales et monastiques ; au xvie siècle, elle se met à la tête du mouvement qui pousse les esprits vers l'antiquité grecque et latine. Et depuis lors, jamais elle n'a cessé de promouvoir les travaux intellectuels et de favoriser le développement des lettres, des arts et des sciences.
476. — 3° Services rendus dans l'ordre moral. — Dans l’ordre moral, nous avons vu déjà ce que l'Église a fait pour l'individu et pour la famille. En revendiquant ainsi la liberté pour les individus, elle a, du même coup, transformé les mœurs publiques. Aux chefs d'État elle a appris que « tout pouvoir vient de Dieu» et que dès lors on doit l'exercer avec justice et sagesse. Aux sujets elle a prescrit l'obéissance et le respect vis-à-vis des gouvernants en s'appuyant sur cette simple parole du Christ : « Rendez à César ce qui appartient à César. » Enfin elle a rendu meilleures les relations de peuple à peuple. En enseignant partout que tous les hommes, sans distinction de race et de nationalité, sont frères, enfants de Dieu et de l'Église, elle leur a fait comprendre que c'était une monstruosité de se traiter en barbares.
477. — Objection. — Contre les services rendus à la société par l'Église catholique, nos adversaires objectent que les nations protestantes sont plus puissantes et plus prospères que les nations catholiques, que leur niveau moral est plus élevé ; et, de ce fait qu'ils prennent comme point de départ et qu'ils regardent comme historiquement incontestable, ils concluent que la prospérité des uns et la déchéance des autres doivent être attribuées à la différence de religion.
Réponse. — II faut distinguer dans l'objection qui précède deux choses : le point de vue historique et le point de vue doctrinal, ou, si l'on veut, la question du fait, et la thèse qu'on veut établir sur le fait. Évidemment, s'il était possible de prouver que les faits historiques ne sont pas tels qu'on le prétend, ou n'ont pas la portée qu'on leur attribue, nous serions en droit de conclure aussitôt que la thèse est fausse. Mais admettons par hypothèse que les nations protestantes sont vraiment supérieures aux nations catholiques ; s'ensuit-il que la cause de la supériorité des unes et de l'infériorité des autres soit la religion ?
A. LA THÈSE. — A la considérer en soi, que penser de la thèse qui fait de la religion le principe du progrès ou de la décadence des nations? — a) Remarquons d'abord que, même s'il en était ainsi, le protestantisme ne serait pas pour cela la vraie religion. Car le but premier de la religion n'est pas de travailler à la prospérité matérielle de ses adeptes mais de conduire les âmes à Dieu. Et si nous avons mentionné les services rendus par l'Église à la société dans cet ordre de choses, il ne rentrait pas dans notre pensée de vouloir démontrer que le christianisme, par le fait qu'il est la vraie religion, a eu pour résultat d'attirer la bénédiction de Dieu dans l'ordre temporel. Nous nous sommes bornés à établir que le bien-être matériel des peuples devait découler de la doctrine du Christ qui tend à rendre les hommes plus travailleurs, plus économes et plus vertueux, mais nous nous gardons bien de prétendre qu'il suffit d'introduire la vraie religion dans un pays déshérité au point de vue matériel, pour le transformer, comme par enchantement, en un pays riche et prospère. — b) Venons maintenant au cœur de la question. Sur quoi s'appuie-t-on pour dire que la religion protestante est cause de grandeur, tandis que la religion catholique est cause de décadence ? Sans doute, sur le principe fondamental du protestantisme, sur la théorie du libre examen qui favorise, dit-on, l'esprit d'entreprise, l'élan et l'énergie, alors que les principes du catholicisme qui imposent l'adhésion à des dogmes obscurs et la soumission aveugle à un pouvoir absolu, suppriment toute initiative. Mais qui ne voit que c'est là un raisonnement bien spécieux? La foi à des dogmes qui n'ont rien à faire avec les questions matérielles et l'obéissance à l'Église dans l'ordre spirituel ne gênent en rien l'esprit d'initiative, et il serait ridicule de croire que le commerçant et l'industriel catholiques ne sont pas tout aussi libres que le commerçant et l'industriel protestants de conduire leurs affaires au mieux de leurs intérêts. — c) Ajoutons enfin que le mot prospérité est un terme bien vague. La vraie civilisation ne se réduit; pas à la seule prospérité matérielle : il nous semble au contraire qu'elle embrasse l'ensemble des intérêts matériels, moraux et religieux. Les peuples qui veulent arriver au plus haut degré de civilisation ne sont donc pas ceux qui n'ont d'autre idéal que le bien-être et la fortune, mais ceux qui ont plus de grandeur d'âme et une vie morale plus noble. Or il est évident que, sur ce point, les principes catholiques qui recommandent tant la charité, l'amour des autres, le don de soi, qui font aller de pair la foi et les bonnes œuvres, sont loin d'être inférieurs aux principes protestants. Nous pouvons donc déjà conclure que la thèse ne repose sur aucun argument.
B. LES FAITS. — Non seulement la thèse, prise en soi, est fausse, mais les faits eux-mêmes la démentent. — a) Car, s'il s'agit du passé, l'on ne saurait contester que dans une longue période de notre histoire, les nations catholiques : la France, l'Autriche et l'Espagne, furent à la tête de la civilisation. Or le moment où elles ont atteint leur apogée correspond précisément avec celui où la vie catholique était le plus intense et où les principes chrétiens étaient le mieux observés. — b) S'il s'agit du présent, il faut bien confesser que les nations catholiques dont nous venons de parler, sont, au point de vue économique, dans un état d'infériorité sur les grandes nations protestantes : Angleterre, États-Unis, Allemagne. Or si l'on veut absolument que la religion soit la cause de cette infériorité, nous répondrons que les États catholiques sont tombés en décadence parce qu'ils ont été infidèles à leur religion et qu'ils ont été rongés par la plaie de l'indifférentisme ou même de l'athéisme. Du moins cela était vrai hier de la France, mais aujourd'hui qu'elle a été comme purifiée par une rude épreuve, au cours de laquelle elle a étonné le monde par sa vitalité, par son esprit d'initiative, par son abnégation et par le réveil de sa foi, qui peut dire de quoi demain sera fait et si elle ne va pas reprendre sa place à la tête de la civilisation matérielle morale et religieuse ?
BIBLIOGRAPHIE. — Art. I. — Brehier, art. Croisades (Dict. d'Alès) — Luchaire, Innocent III ; La question d’Orient (Paris). — Guilleux, art. Albigeois (Dict. d Aies) — De Cauzons, Les Albigeois et l'Inquisition ; Les Vaudois et l'Inquisition (Bloud). — Mgr Douais, Les sources de l'histoire de l’Inquisition (Rev. des Questions historiques, 1882) ; L'Inquisition, Ses origines historiques, sa procédure (Plon), Vacandard, L'Inquisition (Bloud). — Guiraud, Questions d'histoire et d. archéologie chrétienne (Gabalda). — Mgr d'Hulst, Car. de 1895, 5e Conf. L'Église et l’Etat. — Langlois, L’Inquisition d'après des travaux récents (Bellais) — Rouquette, L'Inquisition protestante... (Bloud). — Guiraud, art. Inquisition (Dict. d Alès — Vacandard, De la tolérance religieuse (Bloud). — De la Brière art Barthélemy (La Saint-) (Dict. d'Alès). - Hello, La Saint-Barthélemy (Bloud) — Vacandard, Etudes de critique et d'histoire religieuse (Lecoffre). — Didier La révocation de l'Édit de Nantes (Bloud). — P. de Vregille, art. Galilée (Dict d'Alès) — Choupin, Valeur des décisions doctrinales et disciplinaires du Saint-Siège (Beauchesne) De l’Epinois, La question Galilée (Palmé). - Jaugey, Le procès de Galilée et la Théologie. — Sortais, Le procès de Galilée (Bloud). — Vacandard études de critique... — J. de la Serviêre, art. Boniface VIII (Dict. d'Alès).
Art II. — P. Allard, Les esclaves chrétiens depuis les premiers temps de l'Église... (Lecoffre) ; art. Esclavage (Dict. d'Alès). - D'Azambuja, Ce que le christianisme a fait pour la femme (Bloud). — H. Taudière, art. Famille (Dict. d'Alès) — L Leclercq, Essai d'Apologétique expérimentale (Duvivier, Tourcoing). — Mgr Baudbillart, L Eglise catholique, la Renaissance, le Protestantisme Bloud) — De la Brière, Nations protestantes et nations catholiques (Bloud). — Flamérion De la prospérité comparée des nations catholiques et des nations protestantes... (Bloud).
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Chap. II. — La Foi devant la raison et la science.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
478. — Quelque fortes et déterminantes que soient les raisons de croire proposées par l'Apologétique, elles seraient évidemment frappées de nullité, si nos adversaires pouvaient démontrer que l'Église catholique enseigne des dogmes absurdes. Croyant trouver là un terrain d'attaque très propice, les rationalistes s'élèvent contre la foi, au nom de la raison et de la science : ils prétendent qu'il y a antagonisme entre celles-ci et celle-là, que les deux modes de connaissance sont opposés entre eux, ou tout au moins étrangers l'un à l'autre. Nous allons voir que les choses ne sont pas ainsi, en établissant : 1° les rapports de la foi et de la raison, et 2° les rapports de la foi et de la science.
Art. I. — La foi et la raison.
479. — Objection. — D'après les rationalistes, il y aurait incompatibilité entre la foi et la raison Non seulement entre les deux aucun rapport ne saurait s'établir, mais, en requérant l'adhésion à des mystères, c'est-à-dire à des vérités qui dépassent, et même, déconcertent l'intelligence, la foi se met en contradiction absolue avec la raison, si bien qu'on ne peut croire sans abdiquer la raison.
480. — Réponse. — Nous avons déjà établi ailleurs377 les rapports entre la foi et la raison, et nous avons constaté que la prétendue opposition invoquée par les rationalistes n'existe pas. « Bien que la foi soit au-dessus de la raison, dit le concile du Vatican, il ne saurait pourtant y avoir jamais de véritable désaccord entre la foi et la raison. Car le Dieu qui révèle les mystères et répand la foi en nous étant le même que celui qui a mis la lumière de la raison dans l'esprit de l'homme, il est impossible que Dieu se renie lui-même ni qu'une vérité s'oppose à une autre vérité. »378
Ainsi, d'après la doctrine catholique, trois traits caractérisent les rapports entre la foi et la raison. — a) La foi et la raison sont deux principes de connaissance distincts. — b) Loin d'être en désaccord, ils doivent se prêter un mutuel concours. — c) Là où les deux principes se rencontrent, la foi est au-dessus de la raison.
A. LA FOI ET LA RAISON, PRINCIPES DISTINCTS. — La foi et la raison sont deux principes de connaissance distincts, deux voies, deux lumières données par Dieu à l'homme pour atteindre le vrai. D'où il suit que chacune a son domaine respectif. Le domaine de la foi, ce sont toutes les vérités de la révélation, parmi lesquelles les unes, — les mystères, — sont inaccessibles à la raison, tandis que les autres lui sont accessibles et n'ont été révélées par Dieu que pour être connues avec certitude de la masse des hommes qui autrement les aurait ignorées ou mal connues. Le domaine de la raison, ce sont les vérités, — sciences physiques, naturelles, histoire, littérature, etc., -— que la raison, seule et par ses propres forces, peut découvrir, où elle n'entre pas en contact avec la révélation, où par conséquent elle est maîtresse absolue et n'a pas à subir le contrôle de l'Église.
B. PAS DE DÉSACCORD, MAIS MUTUEL CONCOURS. — S'il est vrai que les deux principes viennent de Dieu comme l'affirme la doctrine catholique, comment pourraient-ils être en désaccord? Comment le vrai pourrait-il s'opposer au vrai! Et non seulement il n'y a pas, il ne peut y avoir de désaccord entre la foi et la raison, mais elles se prêtent un mutuel concours. La raison précède la foi, elle lui prépare le terrain, elle construit les fondements intellectuels sur lesquels elle doit reposer. Puis, quand la foi est en possession de la vérité révélée, c'est encore la raison qui scrute et analyse, pour les rendre intelligibles, autant que faire se peut, les vérités qu'elle croit. A son tour, la foi éclaire la raison : elle l'empêche de s'égarer à travers la multiplicité des systèmes faux et condamnés par l'Église. Elle stimule et élève la raison en lui ouvrant de nouveaux horizons, en proposant à ses investigations le vaste champ des vérités surnaturelles.
C. LA FOI EST SUPÉRIEURE A LA RAISON. — Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de cette expression. Nous avons dit plus haut que la raison a son domaine propre sur lequel elle est maîtresse absolue. La subordination de la raison à la foi dont nous parlons ici ne concerne donc que le terrain mixte, et le terrain réservé à la foi. Sur le terrain mixte, c'est-à-dire dans les vérités qui, tout en relevant de la raison, appartiennent au domaine de la foi, parce qu'elles ont été révélées par Dieu, — par exemple, l'existence et la nature de Dieu, l'existence et la nature de l'âme, la création du monde, etc., — la raison doit se conformer aux enseignements infaillibles de l'Église, et reconnaître ses erreurs s'il y a lieu. A plus forte raison « dans le domaine supérieur où se trouvent les mystères qui la dépassent, la raison est obligée à une sujétion plus grande. Là, elle n'est réellement qu'un instrument; c'est ce que signifie cet adage que « la philosophie est la servante de la théologie». Il s'agit de la philosophie raisonnant sur les mystères. Et si cette expression, qui choque tant les philosophes modernes, était si souvent employée au moyen âge, c'est parce que c'était cette partie de l'exercice de la raison qui semblait la plus importante et sur laquelle se fixait l'attention. La science n'existait encore qu'à l'état d'embryon ; l'étude de la révélation divine paraissait l'étude la plus importante de toutes ; tout se rapportait à la théologie comme centre »379.
481. — Mais, objectent les rationalistes, les mystères, pour l'explication desquels vous réclamez le concours de la raison, sont absurdes. Prenez tous les dogmes fondamentaux de votre religion : un Dieu en trois personnes, le péché originel, un Dieu fait homme, la naissance virginale du Christ, la rédemption par la mort d'un Dieu sur une croix... Ne suffit-il pas de les énoncer pour constater qu'ils sont en contradiction avec la raison ?
Assurément les mystères sont au-dessus de la raison, mais ils ne sont pas contre. Il est vrai qu'ils paraissent et même qu'ils sont en contradiction avec les lois de la nature, mais cela ne prouve pas qu'ils contredisent notre raison. Cette contradiction n'existe que lorsqu'on déforme les dogmes par des conceptions fausses et des termes impropres. Prenons un seul exemple que nous emprunterons au livre de Sully Prudhomme sur « La vraie religion selon Pascal». Voici comment il expose le mystère de la Sainte Trinité, et la contradiction qu'il y relève. « Dire qu'il y a trois personnes en Dieu, c'est dire qu'il y a en Dieu trois individualités distinctes. D'autre part cependant, la formule du mystère déclare qu'il n'y en a qu'une, celle de Dieu même : le Père est Dieu, le Fils également ; le Saint-Esprit également ; les trois personnes divines ne sont qu'un seul et même être individuel. » — Si les théologiens présentaient le dogme sous cette forme, il est bien certain qu'il y aurait une contradiction dans les termes. On ne saurait en effet concevoir trois individualités dans le même être individuel. Aussi n'est-ce pas ainsi qu'ils s'expriment. Laissant à Sully Pbudhomme les termes ambigus d' « individualités » et « d'être individuel », ils disent que le mystère de la Sainte Trinité consiste dans le fait d'une nature unique subsistant en trois personnes, en d'autres termes, qu'il n'y a en Dieu qu'une seule nature, mais que cette nature est possédée par trois personnes. Que le critique ne comprenne pas, nous n'en sommes pas surpris, mais vraiment la contradiction ne se trouve que dans sa formule. C'est donc celle-ci qu'il faut réviser.
Conclusion. — Ce que nous venons de faire pour le mystère de la Trinité, nous pourrions le faire et nous l'avons fait du reste pour les autres dogmes de la Religion catholique380. Nulle part nous n'avons rencontré l'opposition entre la foi et la raison que voudraient y voir nos adversaires, et nous pouvons conclure que, si les dogmes dépassent la raison, ils ne la contredisent pas.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
478. — Quelque fortes et déterminantes que soient les raisons de croire proposées par l'Apologétique, elles seraient évidemment frappées de nullité, si nos adversaires pouvaient démontrer que l'Église catholique enseigne des dogmes absurdes. Croyant trouver là un terrain d'attaque très propice, les rationalistes s'élèvent contre la foi, au nom de la raison et de la science : ils prétendent qu'il y a antagonisme entre celles-ci et celle-là, que les deux modes de connaissance sont opposés entre eux, ou tout au moins étrangers l'un à l'autre. Nous allons voir que les choses ne sont pas ainsi, en établissant : 1° les rapports de la foi et de la raison, et 2° les rapports de la foi et de la science.
Art. I. — La foi et la raison.
479. — Objection. — D'après les rationalistes, il y aurait incompatibilité entre la foi et la raison Non seulement entre les deux aucun rapport ne saurait s'établir, mais, en requérant l'adhésion à des mystères, c'est-à-dire à des vérités qui dépassent, et même, déconcertent l'intelligence, la foi se met en contradiction absolue avec la raison, si bien qu'on ne peut croire sans abdiquer la raison.
480. — Réponse. — Nous avons déjà établi ailleurs377 les rapports entre la foi et la raison, et nous avons constaté que la prétendue opposition invoquée par les rationalistes n'existe pas. « Bien que la foi soit au-dessus de la raison, dit le concile du Vatican, il ne saurait pourtant y avoir jamais de véritable désaccord entre la foi et la raison. Car le Dieu qui révèle les mystères et répand la foi en nous étant le même que celui qui a mis la lumière de la raison dans l'esprit de l'homme, il est impossible que Dieu se renie lui-même ni qu'une vérité s'oppose à une autre vérité. »378
Ainsi, d'après la doctrine catholique, trois traits caractérisent les rapports entre la foi et la raison. — a) La foi et la raison sont deux principes de connaissance distincts. — b) Loin d'être en désaccord, ils doivent se prêter un mutuel concours. — c) Là où les deux principes se rencontrent, la foi est au-dessus de la raison.
A. LA FOI ET LA RAISON, PRINCIPES DISTINCTS. — La foi et la raison sont deux principes de connaissance distincts, deux voies, deux lumières données par Dieu à l'homme pour atteindre le vrai. D'où il suit que chacune a son domaine respectif. Le domaine de la foi, ce sont toutes les vérités de la révélation, parmi lesquelles les unes, — les mystères, — sont inaccessibles à la raison, tandis que les autres lui sont accessibles et n'ont été révélées par Dieu que pour être connues avec certitude de la masse des hommes qui autrement les aurait ignorées ou mal connues. Le domaine de la raison, ce sont les vérités, — sciences physiques, naturelles, histoire, littérature, etc., -— que la raison, seule et par ses propres forces, peut découvrir, où elle n'entre pas en contact avec la révélation, où par conséquent elle est maîtresse absolue et n'a pas à subir le contrôle de l'Église.
B. PAS DE DÉSACCORD, MAIS MUTUEL CONCOURS. — S'il est vrai que les deux principes viennent de Dieu comme l'affirme la doctrine catholique, comment pourraient-ils être en désaccord? Comment le vrai pourrait-il s'opposer au vrai! Et non seulement il n'y a pas, il ne peut y avoir de désaccord entre la foi et la raison, mais elles se prêtent un mutuel concours. La raison précède la foi, elle lui prépare le terrain, elle construit les fondements intellectuels sur lesquels elle doit reposer. Puis, quand la foi est en possession de la vérité révélée, c'est encore la raison qui scrute et analyse, pour les rendre intelligibles, autant que faire se peut, les vérités qu'elle croit. A son tour, la foi éclaire la raison : elle l'empêche de s'égarer à travers la multiplicité des systèmes faux et condamnés par l'Église. Elle stimule et élève la raison en lui ouvrant de nouveaux horizons, en proposant à ses investigations le vaste champ des vérités surnaturelles.
C. LA FOI EST SUPÉRIEURE A LA RAISON. — Qu'on ne se méprenne pas sur le sens de cette expression. Nous avons dit plus haut que la raison a son domaine propre sur lequel elle est maîtresse absolue. La subordination de la raison à la foi dont nous parlons ici ne concerne donc que le terrain mixte, et le terrain réservé à la foi. Sur le terrain mixte, c'est-à-dire dans les vérités qui, tout en relevant de la raison, appartiennent au domaine de la foi, parce qu'elles ont été révélées par Dieu, — par exemple, l'existence et la nature de Dieu, l'existence et la nature de l'âme, la création du monde, etc., — la raison doit se conformer aux enseignements infaillibles de l'Église, et reconnaître ses erreurs s'il y a lieu. A plus forte raison « dans le domaine supérieur où se trouvent les mystères qui la dépassent, la raison est obligée à une sujétion plus grande. Là, elle n'est réellement qu'un instrument; c'est ce que signifie cet adage que « la philosophie est la servante de la théologie». Il s'agit de la philosophie raisonnant sur les mystères. Et si cette expression, qui choque tant les philosophes modernes, était si souvent employée au moyen âge, c'est parce que c'était cette partie de l'exercice de la raison qui semblait la plus importante et sur laquelle se fixait l'attention. La science n'existait encore qu'à l'état d'embryon ; l'étude de la révélation divine paraissait l'étude la plus importante de toutes ; tout se rapportait à la théologie comme centre »379.
481. — Mais, objectent les rationalistes, les mystères, pour l'explication desquels vous réclamez le concours de la raison, sont absurdes. Prenez tous les dogmes fondamentaux de votre religion : un Dieu en trois personnes, le péché originel, un Dieu fait homme, la naissance virginale du Christ, la rédemption par la mort d'un Dieu sur une croix... Ne suffit-il pas de les énoncer pour constater qu'ils sont en contradiction avec la raison ?
Assurément les mystères sont au-dessus de la raison, mais ils ne sont pas contre. Il est vrai qu'ils paraissent et même qu'ils sont en contradiction avec les lois de la nature, mais cela ne prouve pas qu'ils contredisent notre raison. Cette contradiction n'existe que lorsqu'on déforme les dogmes par des conceptions fausses et des termes impropres. Prenons un seul exemple que nous emprunterons au livre de Sully Prudhomme sur « La vraie religion selon Pascal». Voici comment il expose le mystère de la Sainte Trinité, et la contradiction qu'il y relève. « Dire qu'il y a trois personnes en Dieu, c'est dire qu'il y a en Dieu trois individualités distinctes. D'autre part cependant, la formule du mystère déclare qu'il n'y en a qu'une, celle de Dieu même : le Père est Dieu, le Fils également ; le Saint-Esprit également ; les trois personnes divines ne sont qu'un seul et même être individuel. » — Si les théologiens présentaient le dogme sous cette forme, il est bien certain qu'il y aurait une contradiction dans les termes. On ne saurait en effet concevoir trois individualités dans le même être individuel. Aussi n'est-ce pas ainsi qu'ils s'expriment. Laissant à Sully Pbudhomme les termes ambigus d' « individualités » et « d'être individuel », ils disent que le mystère de la Sainte Trinité consiste dans le fait d'une nature unique subsistant en trois personnes, en d'autres termes, qu'il n'y a en Dieu qu'une seule nature, mais que cette nature est possédée par trois personnes. Que le critique ne comprenne pas, nous n'en sommes pas surpris, mais vraiment la contradiction ne se trouve que dans sa formule. C'est donc celle-ci qu'il faut réviser.
Conclusion. — Ce que nous venons de faire pour le mystère de la Trinité, nous pourrions le faire et nous l'avons fait du reste pour les autres dogmes de la Religion catholique380. Nulle part nous n'avons rencontré l'opposition entre la foi et la raison que voudraient y voir nos adversaires, et nous pouvons conclure que, si les dogmes dépassent la raison, ils ne la contredisent pas.
377
Voir notre Doctrine catholique, N° 282 et 283.
378
Const. Dei Filius, chap. iv.
379 De Broglie, La Croyance religieuse et la Raison.
380 Voir notre Doctrine catholique, N° 70, 84,104, etc.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. II — La foi et la science.
482. — Objection. — Les rationalistes prétendent qu'entre la foi et la science le conflit est non moins irréductible et plus apparent encore qu'entre la foi et la raison. Et ils en cherchent généralement la preuve dans les récits scientifiques de la Bible qu'ils s'efforcent de mettre en contradiction avec les données de la science.
483. — Réponse. — Nous distinguerons deux points dans l'objection rationaliste : — a) la thèse qui affirme, d'un point de vue général, 'existence d'un soi-disant conflit entre la foi et la science, et — b) les applications qu'on en fait à la Bible.
A. THÈSE. — Les rationalistes pensent qu'entre la foi et la science le conflit est irréductible de ce fait que la science a pour conditions le libre examen et la libre recherche de la vérité, tandis que la foi n'est libre ni dans sa méthode ni dans ses conclusions. « Nous ne pouvons trouver un procédé scientifique, dit Gunkel, que là où il s'agit de chercher la vérité et où le résultat n'est donné au préalable ni dans le détail ni dans l'ensemble, par quelque autorité que ce soit. » Ainsi, disent les rationalistes, de ce que le libre examen est la condition de toute recherche scientifique, il s'ensuit que le catholique, qui n'a pas le droit de commencer par douter de ses dogmes, sans cesser d'être catholique, ne peut fournir une démonstration scientifique ni de ses raisons de croire ni des choses qu'il croit.
Pour répondre à la thèse rationaliste, il importe de distinguer entre le domaine exclusif de la science et le domaine mixte de la science et de la foi. — a) S'agit-il du domaine exclusif de la raison et de la science, s'agit-il des sciences qui n'ont rien de commun avec la foi, il est clair que le savant catholique jouit de la même liberté que le savant protestant ou rationaliste. « Qu'importe pour la liberté d'esprit nécessaire au savant électricien qu'il croie au Coran, à la Bible, ou bien à l'infaillibilité du Pape? — A moins qu'on n'essaie de soutenir que l'électricien qui croit à l'infaillibilité du Pape doit par là même professer qu'il est obligé de croire ce que le Saint-Père lui ordonnera, même en matière d'électricité. A quoi on ne peut répondre qu'en renvoyant le libre penseur au catéchisme, où il verra nettement délimitées les matières sur lesquelles l'infaillibilité peut porter. »381 — b) S'agit-il des questions mixtes où les conclusions de la foi peuvent s'opposer aux conclusions d'une certaine philosophie et d'une certaine science, le savant catholique ne semble pas, au premier abord, pouvoir faire œuvre de science, parce que, lié par sa foi, il reste toujours apologiste, parce que, ses conclusions lui étant commandées par ses croyances, il est obligé d'ordonner les faits et les textes dans le sens de ses idées préconçues. Mais l'antinomie entre la foi et la science, même sur ce domaine mixte, est moins grand qu'on ne le prétend. Pourquoi celui qui croit en Dieu, en la Providence, au miracle, à l'existence d'une âme spirituelle et libre, serait-il moins apte à comprendre les faits biologiques et les réalités historiques que l'athée, le matérialiste et le déterministe? S'il y a préjugé d'un côté, il y en a aussi de l'autre, et, s'il y a préjugé des deux côtés, en quoi celui de l'athée est-il plus conforme à la science, à la libre recherche de la vérité que celui du croyant? Par ailleurs, quel que soit le point de départ du croyant, et même s'il était vrai que sa méthode de démonstration fut moins scientifique, de quel droit pourrait-on rejeter ses conclusions, s'il n'a fait appel qu'à la science pour défendre ou démontrer une vérité qu'il possède par une autre voie, si ses arguments sont tirés de sa raison, et non de sa foi ?
Conclusion. — Nous pouvons donc conclure : — 1. qu'il y a tout un domaine où le croyant, tout en restant croyant, est capable de véritable esprit scientifique ; et — 2. un autre domaine où, en dépit d'une méthode moins libre, il peut arriver à des conclusions qui sont scientifiques, parce qu'elles s'appuient sur la science et nullement sur les données de la foi.
484. — B. APPLICATIONS A LA BIBLE. — Pour prouver qu'il y a antagonisme entre la foi et la science, les rationalistes citent de nombreux passages de la Bible où les données de la révélation semblent en opposition avec les données de la science. L'on pourra se faire une idée du soi-disant conflit par les trois exemples suivants tirés des descriptions cosmographiques, de la cosmogonie mosaïque et du récit du déluge.
a) Descriptions cosmographiques. — Les termes que les écrivains sacrés emploient pour décrire le ciel, la terre et les divers éléments du globe, sont parfois en opposition avec les termes employés par les sciences de la nature. Prenons quelques exemples : — 1. La voûte céleste est représentée comme une enveloppe solide, et il est dit dans la Genèse (i, 6-7), que le firmament « sépare les eaux supérieures des eaux inférieures qui sont sur la terre», que « les écluses du ciel s'ouvrirent» (Gen., vii, 11) et laissèrent tomber des pluies torrentielles, alors que la science moderne a démontré qu'il n'y a pas de voûte céleste et que les pluies ne proviennent nullement de réservoirs placés au-dessus de nos têtes. — 2. Les astres sont décrits comme des points fixes placés « dans l'étendue du ciel pour éclairer la terre et pour présider au jour et à la nuit » (Gen., I, 17-18). — 3. La manière dont il est parlé, à certains endroits, du soleil, suppose qu'il tourne autour de la terre (Jos., x, 13 ; Ecclé., xlviii, 23). L'Ecclésiaste (i, 6) nous le montre qui « se lèVe », « se couche », « se hâte de retourner à sa demeure, d'où il se lève de nouveau ». — 4. La terre est conçue comme une surface convexe, creusée en forme de cuvette, pour contenir les mers dont les eaux sont retenues par des barrières dressées par Dieu à cette fin (Prov., viii,, 30), alors qu'elles sont simplement retenues par la pesanteur qui les attache à l'écorce terrestre. — 5. Le lièvre que les naturalistes classent parmi les rongeurs, est désigné comme ruminant dans le Deutéronome (xiv, 7).
b) Cosmogonie mosaïque. — Les deux premiers chapitres de la Genèse où l'écrivain sacré nous raconte les origines des choses, dépeignent Dieu organisant le monde en six jours, par des actes immédiats, par la toute-puissance de sa parole et sans recourir à l'action des causes secondes. Au contraire, l’hypothèse de Laplace suppose que les mondes se sont formés peu à peu, par une lente et progressive évolution382
Qu'il s'agisse des descriptions cosmographiques ou de la cosmogonie mosaïque, y a-t-il vraiment opposition entre la Bible et la Science? Bien certainement, il y aurait conflit entre les deux si la Bible devait être regardée comme un livre de science. Or il n'en est rien. Les auteurs sacrés ne poursuivent pas un but scientifique, mais un but religieux. Les choses de la science étant pour eux un point secondaire, ils parlent des phénomènes de la nature et de la formation du monde, selon les apparences et d'après les données de la science de l'époque où ils écrivent. Dans ces conditions, l'on ne saurait voir un conflit entre leur langage et celui de la science actuelle.
c) Le Déluge. — Le récit biblique du déluge (Gen., vi et vii) a été combattu au nom de l'histoire naturelle, de l'ethnographie et de la géologie. Contre la thèse d'un déluge universel, qui aurait inondé toute la terre et englouti tous les hommes et tous les animaux, on objecte : — 1. qu'il n'y a pas sur la terre une masse d'eau assez considérable pour s'élever jusqu'au sommet des plus hautes montagnes dont l'altitude dépasse 8.000 mètres, que Dieu aurait dû donc la créer et la faire disparaître ensuite ; — 2. que Noé ne pouvait faire entrer dans l'arche un couple de tous les animaux existants ; — 8. que, si tous les hommes avaient péri à l'exception de la seule famille de Noé, on ne saurait expliquer la différenciation des races, blanche, noire et jaune qui, d'après les documents de l'histoire, était déjà un fait accompli trois mille ans avant Jésus-Christ ; — 4. que la terre ne porte aucune trace d'une telle inondation. Au contraire, les géologues constatent, par exemple sur les montagnes de l'Auvergne, des monceaux de cendre et de scories qui proviennent de volcans éteints avant l'apparition de l'homme et qui, dans l'hypothèse d'un déluge universel, auraient été certainement emportés par les eaux.
Les difficultés que nous venons de signaler n'embarrassent guère l'apologiste, pour cette bonne raison que l’universalité absolue du déluge n'a jamais été enseignée par l'Église comme article de foi, et que dès lors les opinions ont libre cours. L'universalité du cataclysme décrit dans la Genèse peut donc s'entendre : — 1. dans ce sens que les eaux inondèrent seulement la terre habitée ; — 2. ou même dans ce sens plus restreint qu'elles ne firent périr que la race de Seth, et non l'humanité tout entière.
Ces deux systèmes, qui supposent que l'universalité du déluge fut relative, tout en s'accordant avec les sciences naturelles, ne sont nullement en contradiction avec le texte de la Genèse. Car l'écrivain sacré n'a pu vouloir parler des contrées, telles que l'Amérique et l'Australie ou autres, dont il y a tout lieu de croire qu'il ignorait l'existence. Du reste, il arrive souvent dans la Sainte Écriture que les expressions « la terre » et même « toute la terre » ne sont pas employées dans un sens absolu. Ainsi il est dit dans l'histoire de Joseph qu' « il y eut famine sur toute la terre » (Gen., xxi, 57). De même, saint Luc nous montre réunis à Jérusalem, le jour de la Pentecôte, « des hommes pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel» (Act., ii, 5). Rien ne nous empêche donc, ni au point de vue de la foi, ni au point de vue de l'exégèse, de nous rallier à l'opinion d'un déluge restreint, contre la réalité duquel la science ne peut élever d'objection sérieuse.
CONCLUSION GÉNÉRALE. —Ainsi, les difficultés soulevées contre l'Église, au nom de la raison et de la science, pas plus que les nombreuses objections que nous avons rencontrées déjà au cours de ce long travail, ne sont de nature à ébranler le bien-fondé de nos dogmes, ni la valeur de nos raisons de croire. Et pourtant, l'on voudra bien nous rendre cette justice que, à aucun moment de notre démonstration, nous n'avons cherché à affaiblir les arguments de nos adversaires. Nous avons mis plutôt un certain scrupule à les présenter dans toute leur force. Si nous avons cru que c'était là une affaire de conscience vis-à-vis d'adversaires dont nous n'avons pas le droit de suspecter la bonne foi et la loyauté, il nous semblait aussi que c'eût été faire injure à la vérité que de la défendre par des moyens inavouables.
BIBLIOGRAPHIE. — Bainvel, art. Foi (Dict. d'Alès) ; La foi et l’acte de foi (Beauchesne). — Catherinet, Le rôle de la volonté dans l’acte de foi (Langres). — E. Julien, Le croyant garde-t-il sa liberté de penser? (Rev. pr. d'Ap. 1907). — Abbé de Broglie, Les relations entre la foi et la raison (Bloud). — Verdier, La révélation devant la raison (Bloud). — Ponsard, La croyance religieuse et les aspirations de la société contemporaine (Beauchesne). — Fonsegrive, L'attitude du catholique devant la science (Bloud). — Guibert, Les croyances religieuses et les sciences de la nature (Beauchesne). — Brucker, art. Déluge (Dict. d'Alès).
482. — Objection. — Les rationalistes prétendent qu'entre la foi et la science le conflit est non moins irréductible et plus apparent encore qu'entre la foi et la raison. Et ils en cherchent généralement la preuve dans les récits scientifiques de la Bible qu'ils s'efforcent de mettre en contradiction avec les données de la science.
483. — Réponse. — Nous distinguerons deux points dans l'objection rationaliste : — a) la thèse qui affirme, d'un point de vue général, 'existence d'un soi-disant conflit entre la foi et la science, et — b) les applications qu'on en fait à la Bible.
A. THÈSE. — Les rationalistes pensent qu'entre la foi et la science le conflit est irréductible de ce fait que la science a pour conditions le libre examen et la libre recherche de la vérité, tandis que la foi n'est libre ni dans sa méthode ni dans ses conclusions. « Nous ne pouvons trouver un procédé scientifique, dit Gunkel, que là où il s'agit de chercher la vérité et où le résultat n'est donné au préalable ni dans le détail ni dans l'ensemble, par quelque autorité que ce soit. » Ainsi, disent les rationalistes, de ce que le libre examen est la condition de toute recherche scientifique, il s'ensuit que le catholique, qui n'a pas le droit de commencer par douter de ses dogmes, sans cesser d'être catholique, ne peut fournir une démonstration scientifique ni de ses raisons de croire ni des choses qu'il croit.
Pour répondre à la thèse rationaliste, il importe de distinguer entre le domaine exclusif de la science et le domaine mixte de la science et de la foi. — a) S'agit-il du domaine exclusif de la raison et de la science, s'agit-il des sciences qui n'ont rien de commun avec la foi, il est clair que le savant catholique jouit de la même liberté que le savant protestant ou rationaliste. « Qu'importe pour la liberté d'esprit nécessaire au savant électricien qu'il croie au Coran, à la Bible, ou bien à l'infaillibilité du Pape? — A moins qu'on n'essaie de soutenir que l'électricien qui croit à l'infaillibilité du Pape doit par là même professer qu'il est obligé de croire ce que le Saint-Père lui ordonnera, même en matière d'électricité. A quoi on ne peut répondre qu'en renvoyant le libre penseur au catéchisme, où il verra nettement délimitées les matières sur lesquelles l'infaillibilité peut porter. »381 — b) S'agit-il des questions mixtes où les conclusions de la foi peuvent s'opposer aux conclusions d'une certaine philosophie et d'une certaine science, le savant catholique ne semble pas, au premier abord, pouvoir faire œuvre de science, parce que, lié par sa foi, il reste toujours apologiste, parce que, ses conclusions lui étant commandées par ses croyances, il est obligé d'ordonner les faits et les textes dans le sens de ses idées préconçues. Mais l'antinomie entre la foi et la science, même sur ce domaine mixte, est moins grand qu'on ne le prétend. Pourquoi celui qui croit en Dieu, en la Providence, au miracle, à l'existence d'une âme spirituelle et libre, serait-il moins apte à comprendre les faits biologiques et les réalités historiques que l'athée, le matérialiste et le déterministe? S'il y a préjugé d'un côté, il y en a aussi de l'autre, et, s'il y a préjugé des deux côtés, en quoi celui de l'athée est-il plus conforme à la science, à la libre recherche de la vérité que celui du croyant? Par ailleurs, quel que soit le point de départ du croyant, et même s'il était vrai que sa méthode de démonstration fut moins scientifique, de quel droit pourrait-on rejeter ses conclusions, s'il n'a fait appel qu'à la science pour défendre ou démontrer une vérité qu'il possède par une autre voie, si ses arguments sont tirés de sa raison, et non de sa foi ?
Conclusion. — Nous pouvons donc conclure : — 1. qu'il y a tout un domaine où le croyant, tout en restant croyant, est capable de véritable esprit scientifique ; et — 2. un autre domaine où, en dépit d'une méthode moins libre, il peut arriver à des conclusions qui sont scientifiques, parce qu'elles s'appuient sur la science et nullement sur les données de la foi.
484. — B. APPLICATIONS A LA BIBLE. — Pour prouver qu'il y a antagonisme entre la foi et la science, les rationalistes citent de nombreux passages de la Bible où les données de la révélation semblent en opposition avec les données de la science. L'on pourra se faire une idée du soi-disant conflit par les trois exemples suivants tirés des descriptions cosmographiques, de la cosmogonie mosaïque et du récit du déluge.
a) Descriptions cosmographiques. — Les termes que les écrivains sacrés emploient pour décrire le ciel, la terre et les divers éléments du globe, sont parfois en opposition avec les termes employés par les sciences de la nature. Prenons quelques exemples : — 1. La voûte céleste est représentée comme une enveloppe solide, et il est dit dans la Genèse (i, 6-7), que le firmament « sépare les eaux supérieures des eaux inférieures qui sont sur la terre», que « les écluses du ciel s'ouvrirent» (Gen., vii, 11) et laissèrent tomber des pluies torrentielles, alors que la science moderne a démontré qu'il n'y a pas de voûte céleste et que les pluies ne proviennent nullement de réservoirs placés au-dessus de nos têtes. — 2. Les astres sont décrits comme des points fixes placés « dans l'étendue du ciel pour éclairer la terre et pour présider au jour et à la nuit » (Gen., I, 17-18). — 3. La manière dont il est parlé, à certains endroits, du soleil, suppose qu'il tourne autour de la terre (Jos., x, 13 ; Ecclé., xlviii, 23). L'Ecclésiaste (i, 6) nous le montre qui « se lèVe », « se couche », « se hâte de retourner à sa demeure, d'où il se lève de nouveau ». — 4. La terre est conçue comme une surface convexe, creusée en forme de cuvette, pour contenir les mers dont les eaux sont retenues par des barrières dressées par Dieu à cette fin (Prov., viii,, 30), alors qu'elles sont simplement retenues par la pesanteur qui les attache à l'écorce terrestre. — 5. Le lièvre que les naturalistes classent parmi les rongeurs, est désigné comme ruminant dans le Deutéronome (xiv, 7).
b) Cosmogonie mosaïque. — Les deux premiers chapitres de la Genèse où l'écrivain sacré nous raconte les origines des choses, dépeignent Dieu organisant le monde en six jours, par des actes immédiats, par la toute-puissance de sa parole et sans recourir à l'action des causes secondes. Au contraire, l’hypothèse de Laplace suppose que les mondes se sont formés peu à peu, par une lente et progressive évolution382
Qu'il s'agisse des descriptions cosmographiques ou de la cosmogonie mosaïque, y a-t-il vraiment opposition entre la Bible et la Science? Bien certainement, il y aurait conflit entre les deux si la Bible devait être regardée comme un livre de science. Or il n'en est rien. Les auteurs sacrés ne poursuivent pas un but scientifique, mais un but religieux. Les choses de la science étant pour eux un point secondaire, ils parlent des phénomènes de la nature et de la formation du monde, selon les apparences et d'après les données de la science de l'époque où ils écrivent. Dans ces conditions, l'on ne saurait voir un conflit entre leur langage et celui de la science actuelle.
c) Le Déluge. — Le récit biblique du déluge (Gen., vi et vii) a été combattu au nom de l'histoire naturelle, de l'ethnographie et de la géologie. Contre la thèse d'un déluge universel, qui aurait inondé toute la terre et englouti tous les hommes et tous les animaux, on objecte : — 1. qu'il n'y a pas sur la terre une masse d'eau assez considérable pour s'élever jusqu'au sommet des plus hautes montagnes dont l'altitude dépasse 8.000 mètres, que Dieu aurait dû donc la créer et la faire disparaître ensuite ; — 2. que Noé ne pouvait faire entrer dans l'arche un couple de tous les animaux existants ; — 8. que, si tous les hommes avaient péri à l'exception de la seule famille de Noé, on ne saurait expliquer la différenciation des races, blanche, noire et jaune qui, d'après les documents de l'histoire, était déjà un fait accompli trois mille ans avant Jésus-Christ ; — 4. que la terre ne porte aucune trace d'une telle inondation. Au contraire, les géologues constatent, par exemple sur les montagnes de l'Auvergne, des monceaux de cendre et de scories qui proviennent de volcans éteints avant l'apparition de l'homme et qui, dans l'hypothèse d'un déluge universel, auraient été certainement emportés par les eaux.
Les difficultés que nous venons de signaler n'embarrassent guère l'apologiste, pour cette bonne raison que l’universalité absolue du déluge n'a jamais été enseignée par l'Église comme article de foi, et que dès lors les opinions ont libre cours. L'universalité du cataclysme décrit dans la Genèse peut donc s'entendre : — 1. dans ce sens que les eaux inondèrent seulement la terre habitée ; — 2. ou même dans ce sens plus restreint qu'elles ne firent périr que la race de Seth, et non l'humanité tout entière.
Ces deux systèmes, qui supposent que l'universalité du déluge fut relative, tout en s'accordant avec les sciences naturelles, ne sont nullement en contradiction avec le texte de la Genèse. Car l'écrivain sacré n'a pu vouloir parler des contrées, telles que l'Amérique et l'Australie ou autres, dont il y a tout lieu de croire qu'il ignorait l'existence. Du reste, il arrive souvent dans la Sainte Écriture que les expressions « la terre » et même « toute la terre » ne sont pas employées dans un sens absolu. Ainsi il est dit dans l'histoire de Joseph qu' « il y eut famine sur toute la terre » (Gen., xxi, 57). De même, saint Luc nous montre réunis à Jérusalem, le jour de la Pentecôte, « des hommes pieux de toutes les nations qui sont sous le ciel» (Act., ii, 5). Rien ne nous empêche donc, ni au point de vue de la foi, ni au point de vue de l'exégèse, de nous rallier à l'opinion d'un déluge restreint, contre la réalité duquel la science ne peut élever d'objection sérieuse.
CONCLUSION GÉNÉRALE. —Ainsi, les difficultés soulevées contre l'Église, au nom de la raison et de la science, pas plus que les nombreuses objections que nous avons rencontrées déjà au cours de ce long travail, ne sont de nature à ébranler le bien-fondé de nos dogmes, ni la valeur de nos raisons de croire. Et pourtant, l'on voudra bien nous rendre cette justice que, à aucun moment de notre démonstration, nous n'avons cherché à affaiblir les arguments de nos adversaires. Nous avons mis plutôt un certain scrupule à les présenter dans toute leur force. Si nous avons cru que c'était là une affaire de conscience vis-à-vis d'adversaires dont nous n'avons pas le droit de suspecter la bonne foi et la loyauté, il nous semblait aussi que c'eût été faire injure à la vérité que de la défendre par des moyens inavouables.
BIBLIOGRAPHIE. — Bainvel, art. Foi (Dict. d'Alès) ; La foi et l’acte de foi (Beauchesne). — Catherinet, Le rôle de la volonté dans l’acte de foi (Langres). — E. Julien, Le croyant garde-t-il sa liberté de penser? (Rev. pr. d'Ap. 1907). — Abbé de Broglie, Les relations entre la foi et la raison (Bloud). — Verdier, La révélation devant la raison (Bloud). — Ponsard, La croyance religieuse et les aspirations de la société contemporaine (Beauchesne). — Fonsegrive, L'attitude du catholique devant la science (Bloud). — Guibert, Les croyances religieuses et les sciences de la nature (Beauchesne). — Brucker, art. Déluge (Dict. d'Alès).
381
Fonsegrive, Catholicisme et Libre Pensée, page 33.
382
Voir pour plus de détails notre Doctrine catholique, N° 55 et suiv.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
A
Abus (appel comme d'), 429 (n).
Accusations (les principales) contre l'Église, 445 et suiv.
Acte pur, 42 (n).
Actes (des Apôtres), 311 (n).
Agnosticisme, 31, 31 (n), 65.
Albigeois (La croisade des), 446 et suiv.
Ame humaine, existence, 104 ; objection, 105 ; nature : l'âme humaine et l'âme des bêtes, 106, 107 ; spiritualité de l'âme humaine, 108 ; objection matérialiste, 109.
Ame (de l'Église), 384. -
Anabaptisme, 362 (n).
Anglicanisme, origine, 361, doctrine, 362, état actuel, 363.
Animisme, 138. 142.
Apocryphes (Évangiles), 214 (n).
Apologétique, définition, 1 ; objet, 2 ; but, 4 ; importance, 5 ; division, 6 ; méthodes, 10 ; historique, 15.
Apologie, 3.
Apostolicité, 351.
Apôtres, 317, 318 (n).
Armée (du Salut), 363 (n).
Articles (fondamentaux), 345, 346.
Athéisme, 61 ; causes, 62 ; conséquences, 63.
Attributs (de Dieu), notion, 68 ; espèces, 69 ; négatifs, 69, 70 ; moraux, 71-75.
Autodafé, 450.
B
Barthélemy (La Saint-), 453, 456.
béatification, 391. Blondel, 14, 52".
Boniface VIII, 463.
Bouddhisme, 194-197.
Brahmanisme, 193.
Bref pontifical, 401.
Bulle, 410 (n).
C
Calvinisme, origine, 358 ; doctrine, 359 ; état actuel, 360.
Canonisation, 391 (n).
Cardinaux (Le Sacré-Collège des), 404.
Catholicité, 350.
Cause première (argument de la), 36; objections, 37 et suiv.
Causes finales, 44; objections, 45, 46.
Censures (doctrinales), 391 (n).
Certitude (le problème de la), 20 et suiv.
Cérulaire (Michel), 371.
Cerveau (Le — et la pensée), 109.
Césarisme (erreur du), 434.
Chapitre, 388.
Charismes, 311 et suiv.
Chine (religions de la), 182 et suiv.
Christianisme,- preuves de sa divinité, 206 et suiv., sa doctrine, 285 ; rapide diffusion, 279-288 ; merveilleuse conservation, 289.
Commission biblique, 407.
Conciles, œcuménicité, 414 ; autorité, 415, 416; utilité, 417; leur nombre, 418.
Conclave, 404 (n).486
Conclusions (théologiques), 391.
Concordat, 436 (n).
Confucianisme, 184-186.
congrégationalistes, 363 (»).
Congrégations romaines, 402, 406.
Conscience (liberté de), 439.
Consistoires, 405.
Constitutions dogmatiques, 401.
consulteurs, 407.
Contingence (argument de la), 36.
Cosmogonie (mosaïque), 484.
Création, 81 et suiv.
Critères (de la Révélation), 155 et suiv.
Criticisme (Kantien), 24, 27, 33.
Croisades (Les), 446 et suiv.
Curé, 388.
Curie (cardinal de), 405 [n).
D
Darwinisme, 92.
Dégradation (de l'énergie), 40 (n).
Déluge, 484.
Déterminisme, 112 et suiv.
Didascales, 318 (n).
Dieu (existence de), 30 ; démonstrabilité, 31, 32 ; erreurs, 33 ; preuves, 34 ; preuves cosmologiques, 35 ; psychologiques, 47 et suiv. ; critique, 60.
Docteurs, 317, 318 (n).
Doctrine (chrétienne), 276 et suiv., 285.
Dogmatiques (faits), 391.
Dogmatisme, 27, 28.
Dragonnades (Les), 457, 459.
Dualisme, 82 ; manichéen, 82 (ra).
E
Écoles (et l'Église), 423.
Édit de Nantes, 453 ; révocation, 157, 458, 459.
Église, concept, 300 ; Jésus-Christ a pu songer à fonder une Église, 303 et suiv. ; caractères essentiels de l'Église qu'il a fondée, 308 ; notes de la vraie Église, 342 ; constitution, 385 ; hiérarchie, 386 ; l'Église, société parfaite, 419 ; ses droits, 420 et suiv. ; l'Église et les diverses formes de gouvernement, 443 ; services rendus par l'Église, 469 et suiv.
Église (Haute, Basse, Large), 363.
Église grecque, 369 et suiv.
Églises séparées d'Orient, 374.
Élection, du Pape, 404 (n) ; des Évêques, 410 (n).
Encycliques, 401.
Épiscopat (Les origines de 1'), 317, 318.
Esclavage (L'Église et l'), 470, 471.
Espèces (origine des), 87 ; espèce humaine (unité de V), 127 et suiv.
Éternité (de la matière), 40.
Évangélistes, 214, 318 (n).
Évangiles, 214 (n) ; intégrité, 215; authenticité, 217 ; véracité, 221.
Évêques, leurs pouvoirs, 410 et suiv.
Évolution (théorie de 1'), 40 ; évolution créatrice, 45.
Évolutionniste (morale), 54.
Ex cathedra, 399 (n).
Exclusive (droit d'), 404 (n).
Expérience (individuelle), 52 (n). Expérience religieuse (W. James), 142.
F
Faits dogmatiques, 391.
Famille (et l'Église), 472, 473.
Fétichisme, 138.
Fidéisme, 33.
Fixisme, 87, 88, 94.
Foi et raison, 479 et suiv. ; — et science,
482 et suiv.
For, privilège du — ecclésiastique, 432.
Fossiles, 93.
G
Galilée (le procès de), 460 et suiv.
Gallicanisme (erreur du), 434.
Génération (spontanée), 40.
Gnosticisme, 312, 314.
Grégoire VII, 463.
Guerres de religion, 453, 454, 455.
H
Hasard (objection contre l'ordre du monde), 45.
Hénothéisme, 143 (n).
Hiérarchie, 308 (n) ; de l'Église, 386 et suiv.
Hindouisme, 198 et suiv.
Homme, nature, 102 ; origine, 120; destinée, 124 ; antiquité de l'homme, 130, 131.
Honorius (le pape), 339.
I
Idéalisation (théorie de 1'), 227.
Immanence (méthode d'), 12, 13, 14.
Immunités ecclésiastiques, 422 (n).
Inde (religions de 1'), 192 et suiv.
Index, 424; objection, 425.
Infaillibilité, 330 ; existence, 331 et
suiv. ; sujet, 335 ; objet, 390 et suiv.
Ingérence (des Papes dans les affaires
temporelles), 463.
Innocent III, 463.
Inquisition, 450 et suiv.
Interdit, 430.
Interpolation, 209 (n).
Intuitionnisme, 26, 27, 33.
Investitures (querelle des), 463.
Islamisme, 201 et suiv.
J
Jean (authenticité de l'évangile de saint), 220, valeur historique, 228.
Jésus-Christ (affirmation de) sur sa messianité, 231 et suiv. ; sur sa filiation divine, 234 et suiv. ; Jésus a confirmé son affirmation par ses prophéties, 255, par ses miracles, 262, par sa résurrection, 266 et suiv.
Joséphisme (erreur du), 434.
Judaïsme (actuel), 204.
Judéo-christianisme, 314 (n).
L
Lamarckisme, 91.
Légats, 403 (n).
Libéralisme (erreur du), 434.
Libère (le cas du pape), 338.
Liberté, 110 et suiv. ; les libertés modernes, 439.
Lourdes (le fait de), 168.
Luc (authenticité de l'évangile de saint), 219.
Luthéranisme, 355 et suiv.
M
Magie, 138.
Magistère (de l'Église), 392.
Mahomet, 201.
Marc (Évangile de saint), 218.
Martyre, 290 et suiv.
Matérialisme, 31 ; objection du — contre l'existence de Dieu, 39, 40.
Matthieu (Évangile de saint), 217.
Mazdéisme, 187 et suiv.
Méthodes (en Apologétique), 10 et suiv.
Méthodistes, 363 (n).
Miracle, 15V et suiv. ; miracles de Jésus-Christ, 262 et suiv.
Mithriacisme, 191.
Moderniste (apologétique), 17, 33.
Monde (origine du), 82.
Monophysites, 339. Montanisme, 312, 314.
Mystères, 149.
N
Naturiste (théorie), 142,143.
Néo-brahmanisme, 198 et suiv.
Nonces, 403 (n).
Non-jureurs (secte des), 373 (re).
Notes (de la vraie Église), 342 et suiv. ; leur application au Protestantisme, 365 et suiv. ; à l'Église grecque, 375 et suiv. ; à l'Église romaine, 379 et suiv.
O
Offices (ou secrétaireries romaines),
Officialité (diocésaine), 412.
Ontologisme, 33.
Orthodoxes (protestants), 364 ; église grecque — 369.
Oxford (mouvement d'), 363 (n).
P
Paganisme, 179 et suiv.
Panthéisme, 77 et suiv.
Pape, 325 (n) ; ses pouvoirs, 396 et suiv. ; pouvoir temporel, 428.
Paroisse, 388.
Parousie, 260 (n).
Peines, spirituelles, 430; temporelles, 431.
Pentateuque, 208 et suiv.
Pères (apostoliques), 325 (n).
Perse (religion de la), 187 et suiv.
Persécutions, 287.
Personnalité (divine), 76.
Photius, 371.488
Pierre (saint), sa venue et son martyre à Rome, 325.
Positivisme, 25, 27.
Prayer book, 362.
Prescience (divine et liberté humaine), 72.
Primauté, de saint Pierre et de ses successeurs, 319 et suiv.
Primitifs (religion des), 138.
Prophètes, 243 ; grands et petits, 246, 317, 318 (n).
Prophétie, 172 et suiv.
Prophétique (l'argument), 240 et suiv.
Protestantisme , 353 et suiv.
Protestants, conservateurs et libéraux, 364 ; leur prétendue supériorité, 477.
Providence, 96 et suiv.
Psychologique (théorie), 142, 143.
R
Ramadan (jeûne du), 202.
Rationnelle (morale), 54.
Réforme, 353 et suiv.
Relations (de l'Église et de l'État), 433 et suiv.
Religion, 135 et suiv.
Résurrection, adversaires, 267 ; preuves, 268 et suiv.
Rig-Veda, 192.
Ritualistes, 363.
Révélation, 144 et suiv. ; primitive, mosaïque, et suiv., 206 (n) ; chrétienne, 214
S
Sainteté (de Jésus), 238 («) ; note de la vraie Église, 348.
Sanction, 55, 56.
Scepticisme, 23, 27.
Schisme grec, 370 et suiv.
Sélection naturelle, 92.
Sociale (question), 474.
Subconscience, 17, 142.,
Suspense, 430.
Syllabus, 419, 466 et suiv.
Symbole des Apôtres, 312, 314.
Syncrétisme (gréco-romain), 284 (n).
Synode, 412 (n).
Synoptique (le problème), 224 et suiv.
T
Tabou, 138.
Taoïsme, 182,183.
Totémisme, 138.
Traditionalisme, 33.
Traditionnelle (apologétique), 15.
Transcendance (du christianisme), 205.
Transformisme, 40, 90, 93.
Tribunaux (romains), 408.
Trullo (concile in), 370 (n).
U
Uniates, 374.
Unité (note de la vraie Église), 349.
V
Védisme, 192.
Vie (origine de la), 84.
Vieux Catholiques, 373 (n).
Vishnouisme, 198, 199, 200.
Z
Zend-Avesta, 188.
Zoroastrisme, 187 et suiv.
Merci à ceux qui ont suivi ce forum de lecture, c'est la fin de ce livre, il reste disponible pour de futur recherche sur notre foi, le glossaire ci-haut aidant à retrouver des points qui nous questionnent.
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