Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
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Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Rappel du premier message :
Je vais poster ici, jour après jour l'entièreté d'un ouvrage qui enseigne l'art de défendre sa foi par les mots, devant ceux qui pourraient la contester et vous troubler. Cet art s'appelle de l'apologétique et cet ouvrage, écrit par le Père Auguste Boulenger à pour titre : Manuel d’Apologétique : Introduction à la doctrine catholique.
Alors débutons :
N.B. Je ne retranscris pas les 29 premiers numéros du livre, qui sont une explication de la démarche, je passe directement au vif du sujet.
**********************************************************************************************
[ IMPRIMATUR : C. Guillemant, Vic. gen. , Atrebati, die 30 Aprilis 1920.]
CHAPITRE I. - De l'Existence de Dieu.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
30. - La question de l'existence de Dieu comporte une triple étude: 1° Une question préliminaire: est-il possible de démontrer l'existence de Dieu' ? - 2° Seconde étude: exposé des preuves qui établissent l'existence de Dieu.- 3° Enfin une question subsidiaire: si la raison démontre Dieu d'une façon péremptoire, comment expliquer qu'il y ait des athées ? Quelles sont les causes de l'athéisme et quelles en sont les conséquences ? D'où trois articles:
Art. I - L'existence de Dieu est-elle démontrable ?
Cette première question de la démonstrabilité de l'existence de Dieu se subdivise à son tour en deux autres: 1° Est-il possible de démontrer l'existence de Dieu ? 2° Par quelles voies peut-on faire cette démonstration ?
§ 1. - EST-IL POSSIBLE DE DÉMONTRER L'EXISTENCE DE DIEU ? ERREURS DU MATÉRIALISME ET DE L'AGNOSTICISME.
31. – Devant le problème de l'existence de Dieu, trois attitudes sont possibles: on peut répondre par l'affirmation, par la négation, ou par une fin de non-recevoir. Au premier groupe appartiennent les théistes ou croyants, au second, les matérialistes ou athées, au troisième, les agnostiques ou indifférents.
1° Théisme (du grec théos, Dieu). - Les théistes affirment qu'il est possible de démontrer l'existence de Dieu. Dans l'article suivant, nous exposerons les preuves sur lesquelles ils appuient leur croyance.
2° Matérialisme. - L'athée, de quelque nom qu'il s'appelle, - matérialiste, naturaliste, ou moniste19, - prétend qu'on ne peut démontrer l'existence de Dieu, parce que Dieu n'existe pas. Il estime qu'il n'est pas nécessaire de recourir à un créateur pour expliquer le monde, et que Dieu est une hypothèse inutile. La matière est la seule réalité qui soit: éternelle et douée d’énergie, elle suffit, seule, à résoudre les énigmes de l'univers. Le arguments du matérialisme seront du reste exposés dans l'article 2 sous le titre d'objections.
3° Agnosticisme. - D'une manière générale, le positiviste ou agnostique20 déclare que l'existence de Dieu est du domaine de l'inconnaissable. La raison théorique ne peut en effet dépasser les phénomènes; l'être en soi, les substances et les causes, ce qui est au fond intime des apparences, tout cela lui échappe. « Le problème de la cause dernière de l'existence, écrivait HUXLEY, en 1874, me paraît définitivement hors de l’étreinte de mes pauvres facultés.» Pour LITTRÉ (1801-1881), l'infini est « comme un océan qui vient battre notre rive », et, pour l'explorer, « nous n'avons ni barque ni voile ». ( Auguste Comte et la philosophie positive). D'où conclusion toute naturelle : puisque la recherche des causes en général et, a fortiori, de la cause dernière, est vouée à l'insuccès, ne perdons pas notre temps à l'entreprendre. Et c'est bien le conseil que LITTRÉ nous donne encore: « Pourquoi vous obstinez-vous à vous enquérir d'où vous venez et où vous allez, s'il y a un créateur intelligent, libre et bon ! Vous ne saurez jamais un mot de tout cela. Laissez donc là ces chimères... La perfection de l'homme et de l'ordre social est de n'en tenir aucun compte... Ces problèmes sont une maladie; le moyen d'en guérir est de n'y pas penser21.»
Ainsi, là où le matérialiste prend position contre Dieu, l'agnostique observe une sage réserve: il « ne nie rien, n'affirme rien, car nier ou affirmer ce serait déclarer que l'on a une connaissance quelconque de l'origine des êtres et de leur fin» (LITTRÉ). Il consent même à admettre la distinction entre le phénomène et la substance, entre le relatif et l'absolu, pourvu,
qu'on lui concède que l'absolu est inaccessible. Ignorance et désintéressement de la question, telle pourrait donc être la formule agnostique. Il est vrai que cette neutralité n'est souvent qu'apparente, car il est évident que de l'attitude d'abstention à la négation il n'y a qu'un pas, et la plupart des agnostiques le franchissent. Après avoir dit: « Au delà des données de l'expérience nous ne savons rien », ils ajoutent: « Au delà des objets de notre expérience il n'existe rien.»
Toutefois, tous les agnostiques ne vont pas aussi loin. Certains, comme KANT, LOCKE, HAMILTON, MANSEL, H. SPENCER, distinguant entre existence et nature de Dieu, proclament que l'être en soi existe mais que nous ne pouvons rien savoir de ce qu'il est. Si, dans ce système, Dieu devient, selon le mot de H. SPENCER, une « Réalité inconnue», il reste cependant une réalité et un objet de croyance.
Je vais poster ici, jour après jour l'entièreté d'un ouvrage qui enseigne l'art de défendre sa foi par les mots, devant ceux qui pourraient la contester et vous troubler. Cet art s'appelle de l'apologétique et cet ouvrage, écrit par le Père Auguste Boulenger à pour titre : Manuel d’Apologétique : Introduction à la doctrine catholique.
Alors débutons :
N.B. Je ne retranscris pas les 29 premiers numéros du livre, qui sont une explication de la démarche, je passe directement au vif du sujet.
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[ IMPRIMATUR : C. Guillemant, Vic. gen. , Atrebati, die 30 Aprilis 1920.]
CHAPITRE I. - De l'Existence de Dieu.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
30. - La question de l'existence de Dieu comporte une triple étude: 1° Une question préliminaire: est-il possible de démontrer l'existence de Dieu' ? - 2° Seconde étude: exposé des preuves qui établissent l'existence de Dieu.- 3° Enfin une question subsidiaire: si la raison démontre Dieu d'une façon péremptoire, comment expliquer qu'il y ait des athées ? Quelles sont les causes de l'athéisme et quelles en sont les conséquences ? D'où trois articles:
Art. I - L'existence de Dieu est-elle démontrable ?
Cette première question de la démonstrabilité de l'existence de Dieu se subdivise à son tour en deux autres: 1° Est-il possible de démontrer l'existence de Dieu ? 2° Par quelles voies peut-on faire cette démonstration ?
§ 1. - EST-IL POSSIBLE DE DÉMONTRER L'EXISTENCE DE DIEU ? ERREURS DU MATÉRIALISME ET DE L'AGNOSTICISME.
31. – Devant le problème de l'existence de Dieu, trois attitudes sont possibles: on peut répondre par l'affirmation, par la négation, ou par une fin de non-recevoir. Au premier groupe appartiennent les théistes ou croyants, au second, les matérialistes ou athées, au troisième, les agnostiques ou indifférents.
1° Théisme (du grec théos, Dieu). - Les théistes affirment qu'il est possible de démontrer l'existence de Dieu. Dans l'article suivant, nous exposerons les preuves sur lesquelles ils appuient leur croyance.
2° Matérialisme. - L'athée, de quelque nom qu'il s'appelle, - matérialiste, naturaliste, ou moniste19, - prétend qu'on ne peut démontrer l'existence de Dieu, parce que Dieu n'existe pas. Il estime qu'il n'est pas nécessaire de recourir à un créateur pour expliquer le monde, et que Dieu est une hypothèse inutile. La matière est la seule réalité qui soit: éternelle et douée d’énergie, elle suffit, seule, à résoudre les énigmes de l'univers. Le arguments du matérialisme seront du reste exposés dans l'article 2 sous le titre d'objections.
3° Agnosticisme. - D'une manière générale, le positiviste ou agnostique20 déclare que l'existence de Dieu est du domaine de l'inconnaissable. La raison théorique ne peut en effet dépasser les phénomènes; l'être en soi, les substances et les causes, ce qui est au fond intime des apparences, tout cela lui échappe. « Le problème de la cause dernière de l'existence, écrivait HUXLEY, en 1874, me paraît définitivement hors de l’étreinte de mes pauvres facultés.» Pour LITTRÉ (1801-1881), l'infini est « comme un océan qui vient battre notre rive », et, pour l'explorer, « nous n'avons ni barque ni voile ». ( Auguste Comte et la philosophie positive). D'où conclusion toute naturelle : puisque la recherche des causes en général et, a fortiori, de la cause dernière, est vouée à l'insuccès, ne perdons pas notre temps à l'entreprendre. Et c'est bien le conseil que LITTRÉ nous donne encore: « Pourquoi vous obstinez-vous à vous enquérir d'où vous venez et où vous allez, s'il y a un créateur intelligent, libre et bon ! Vous ne saurez jamais un mot de tout cela. Laissez donc là ces chimères... La perfection de l'homme et de l'ordre social est de n'en tenir aucun compte... Ces problèmes sont une maladie; le moyen d'en guérir est de n'y pas penser21.»
Ainsi, là où le matérialiste prend position contre Dieu, l'agnostique observe une sage réserve: il « ne nie rien, n'affirme rien, car nier ou affirmer ce serait déclarer que l'on a une connaissance quelconque de l'origine des êtres et de leur fin» (LITTRÉ). Il consent même à admettre la distinction entre le phénomène et la substance, entre le relatif et l'absolu, pourvu,
qu'on lui concède que l'absolu est inaccessible. Ignorance et désintéressement de la question, telle pourrait donc être la formule agnostique. Il est vrai que cette neutralité n'est souvent qu'apparente, car il est évident que de l'attitude d'abstention à la négation il n'y a qu'un pas, et la plupart des agnostiques le franchissent. Après avoir dit: « Au delà des données de l'expérience nous ne savons rien », ils ajoutent: « Au delà des objets de notre expérience il n'existe rien.»
Toutefois, tous les agnostiques ne vont pas aussi loin. Certains, comme KANT, LOCKE, HAMILTON, MANSEL, H. SPENCER, distinguant entre existence et nature de Dieu, proclament que l'être en soi existe mais que nous ne pouvons rien savoir de ce qu'il est. Si, dans ce système, Dieu devient, selon le mot de H. SPENCER, une « Réalité inconnue», il reste cependant une réalité et un objet de croyance.
19
Les trois dénominations: matérialiste, naturaliste, moniste, désignent, sous des aspects différents, le même fond de doctrine. Tous trois prétendent expliquer le monde par l'existence d'un seul élément, mais tandis que le matérialiste met en avant la seule matière, le naturaliste parle de la nature, ce qui est déjà un terme plus vague, et le moniste fait appel au mouvement cosmique. - Le moniste dont nous parlons ici est évidemment le moniste matérialiste.
20
Agnostique (du grec « a » privatif et « gnosis » connaissance). - D'après l'étymologie, le mot agnostique est opposé à gnostique.. l'agnostique déclare ignorer là où le gnostique prétend savoir. Le mot a été jeté dans la circulation par le philosophe anglais HUXLEY vers 1869. , La plupart de mes contemporains, dit-il un jour, pour faire profession de libre-pensée, pensaient avoir atteint une certaine gnose et prétendaient avoir résolu le problème de l'existence; j'étais parfaitement sûr de ne rien savoir sur ce sujet, et bien convaincu que le problème est insoluble : et comme j'avais Hume et Kant de mon côté, je ne croyais pas présomptueux de m'en tenir à mon opinion. .
21
Revue des Deux- Mondes. 1er juin 1865
Dernière édition par Rémi le Mar 10 Jan 2012 - 20:10, édité 4 fois
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. III - De l'Athéisme.
Y a-t-il des athées ? Causes et conséquences de l'athéisme.
61. - Après l'exposé des preuves de l'existence de Dieu, une question subsidiaire, avons-nous dit, se pose à nos investigations. Si Dieu est nécessaire pour expliquer le monde, comment se fait-il qu'il y ait des athées ? Mais est-il vrai tout d'abord qu'il y ait des athées ? Et s'il y en a, quelles sont les causes et les conséquences de l'athéisme.
1° Y a-t-il des athées ? - L'athée (du grec a privatif et theos, dieu) est celui qui ne croit pas à l'existence de Dieu.
De cette définition il ressort qu'il ne faut pas ranger parmi les athées: - a) les indifférents qui laissent de côté la question des origines du monde et de l'âme, et vivent sans se préoccuper de leur destinée. Bien que cette manière d'être aboutisse pratiquement à l'athéisme, les indifférents ne sont pas des athées proprement dits. - b) Les agnostiques qui proclament que Dieu est du domaine de l'inconnaissable, ne sont pas non plus des athées. Aussi longtemps qu'ils s'en tiennent à cette affirmation, leur état d'esprit équivaut à un scepticisme religieux. - c) Encore moins faut-il compter parmi les athées ceux qui, ignorant le tout, ou à peu près, de la question religieuse, font profession extérieure d'athéisme, soit parce qu'ils jugent que cette attitude convient à des esprits forts qui ne veulent pas suivre le vulgaire troupeau, soit parce qu'ils ont intérêt à aller du côté où souffle le vent des faveurs officielles.
Il convient donc de ne considérer comme athées, que les scientifiques et les philosophes qui, après mûr examen des raisons pour et contre l'existence de Dieu, se prononcent pour ces dernières. De ces athées, qui seuls méritent de retenir notre attention, l'on peut bien dire que le nombre est fort restreint. Il suffirait, pour le prouver, de nous en référer au témoignage d'un des leurs. « A notre époque, écrit M. LE DANTEC (L'athéisme), quoi qu'on dise, il existe une infime minorité d'athées. » Mais il faut ajouter, pour être juste, qu'en revanche le nombre des agnostiques qui veulent que la question soit insoluble, a augmenté dans une sérieuse proportion.
Y a-t-il des athées ? Causes et conséquences de l'athéisme.
61. - Après l'exposé des preuves de l'existence de Dieu, une question subsidiaire, avons-nous dit, se pose à nos investigations. Si Dieu est nécessaire pour expliquer le monde, comment se fait-il qu'il y ait des athées ? Mais est-il vrai tout d'abord qu'il y ait des athées ? Et s'il y en a, quelles sont les causes et les conséquences de l'athéisme.
1° Y a-t-il des athées ? - L'athée (du grec a privatif et theos, dieu) est celui qui ne croit pas à l'existence de Dieu.
De cette définition il ressort qu'il ne faut pas ranger parmi les athées: - a) les indifférents qui laissent de côté la question des origines du monde et de l'âme, et vivent sans se préoccuper de leur destinée. Bien que cette manière d'être aboutisse pratiquement à l'athéisme, les indifférents ne sont pas des athées proprement dits. - b) Les agnostiques qui proclament que Dieu est du domaine de l'inconnaissable, ne sont pas non plus des athées. Aussi longtemps qu'ils s'en tiennent à cette affirmation, leur état d'esprit équivaut à un scepticisme religieux. - c) Encore moins faut-il compter parmi les athées ceux qui, ignorant le tout, ou à peu près, de la question religieuse, font profession extérieure d'athéisme, soit parce qu'ils jugent que cette attitude convient à des esprits forts qui ne veulent pas suivre le vulgaire troupeau, soit parce qu'ils ont intérêt à aller du côté où souffle le vent des faveurs officielles.
Il convient donc de ne considérer comme athées, que les scientifiques et les philosophes qui, après mûr examen des raisons pour et contre l'existence de Dieu, se prononcent pour ces dernières. De ces athées, qui seuls méritent de retenir notre attention, l'on peut bien dire que le nombre est fort restreint. Il suffirait, pour le prouver, de nous en référer au témoignage d'un des leurs. « A notre époque, écrit M. LE DANTEC (L'athéisme), quoi qu'on dise, il existe une infime minorité d'athées. » Mais il faut ajouter, pour être juste, qu'en revanche le nombre des agnostiques qui veulent que la question soit insoluble, a augmenté dans une sérieuse proportion.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
62. - 2° Causes de l'athéisme, - L'on explique généralement l'athéisme par des raisons intellectuelles, des raisons morales et des raisons sociales.
A. RAISONS INTELLECTUELLES. - a) L'incrédulité des scientifiques: physiciens, chimistes, biologistes, médecins, etc., doit être attribuée souvent à leurs préjugés et à l'application d'une fausse méthode. Il est clair, en effet, que s'ils prétendent employer ici la méthode expérimentale, qui n'admet que ce qui peut être vérifié par l'expérience, que ce qui tombe sous les sens, ils ne pourront pas dépasser les phénomènes et atteindre les substances54. Notons, en outre, que certaines formules, dont ils abusent dans l'intérêt de leurs négations, ne sont pas vraies, au moins dans le sens où ils s'en servent. Quand, par exemple, ils allèguent que la matière est nécessaire et non contingente, ils invoquent, pour le démontrer, la nécessité de l'énergie et des lois (N° 40). Or il apparaît tout de suite que le mot nécessaire renferme ici une équivoque. La nécessité d'une chose est en effet absolue ou relative. Elle est absolue si sa non-existence implique contradiction, relative lorsque la chose en question, dans l'hypothèse de son existence, doit avoir telle ou telle essence, telle ou telle qualité: ainsi un oiseau doit avoir des ailes, autrement il ne serait plus un oiseau. De ce que l'énergie et les lois sont nécessaires, au sens relatif, les matérialistes ont donc le tort de conclure que la matière elle-même est l'Etre nécessaire au sens absolu.
b) L'athéisme des philosophes contemporains dérive du criticisme de Kant et du positivisme d'A. Comte. Nous avons vu, dans le chapitre préliminaire, que, d'après les criticistes et les positivistes, la raison ne peut arriver à une certitude objective ni atteindre les substances derrière les phénomènes. En rabaissant ainsi la raison, on ruine du même coup toutes les preuves traditionnelles de l'existence de Dieu. L'on peut donc dire que, chez la plupart des philosophes contemporains, la crise de la foi est, en fait, une crise de la raison: les négateurs de Dieu sont, à notre époque, les négateurs de la raison. Mais celle-ci, comme il arrive toujours pour les arrêts injustes, sera un jour réhabilitée et reprendra ses droits.
B. RAISONS MORALES.- Nous citerons parmi les raisons morales: - a) le manque de bonne volonté. Si l'on étudiait les preuves de l'existence de Dieu avec plus de simplicité, et moins d'esprit critique, on serait sans doute moins rebelle à la force des arguments. Il ne faut pas non plus demander aux preuves plus qu'elles ne peuvent donner: leur force démonstrative, bien que réelle et absolue, n'entraîne pas une évidence mathématique; - b) les passions. Il est bien évident que la foi se dresse devant les passions comme un obstacle. Or, quand une chose gêne, on trouve toujours de bonnes raisons pour la supprimer.
« Il y a toujours dans un cœur égaré par les passions, dit Mgr FRAYSSINOUS, des raisons secrètes de trouver faux ce qui est vrai... On se persuade aisément ce qu'on aime et, quand le cœur se livre au plaisir qui séduit, l'esprit s'abandonne volontiers à l'erreur qui justifie »55.
Et Paul BOURGET, dans une analyse très pénétrante de l'incrédulité, écrit les lignes suivantes: «l’homme, en se détachant de la foi, se détache surtout d'une chaîne insupportable à ses plaisirs... je n'étonnerai aucun de ceux qui ont traversé les études de nos lycées en affirmant que la précoce impiété des libres penseurs en tunique a pour point de départ quelque faiblesse de la chair accompagnée d'une horreur de l'aveu au confessionnal. Le raisonnement - quel raisonnement ! - arrive ensuite et fournit des preuves (!!!) à l'appui d'une thèse de négation acceptée d'abord pour les besoins de la pratique »56; - c) Les mauvais livres et les mauvais journaux. Sous cette dénomination nous n'entendons pas les livres et les journaux qui sont immoraux, mais ceux qui, sous des formes parfois dissimulées, s'attaquent à tout ce qui est à la base de la moralité, et veulent faire croire, au nom du soi-disant Progrès et d'une prétendue Science, que Dieu, l'âme, la liberté ne sont plus que des mots qui recouvrent des chimères.
C. RAISONS SOCIALES. - Signalons seulement: - a) l'éducation. Il n'est pas exagéré de dire que les écoles neutres ont été pour l'athéisme un terrain de culture exceptionnel. Prise en masse, notre société va donc à l'athéisme parce qu'elle le veut; - b) le respect humain. Beaucoup ont peur de paraître religieux parce que la religion n'est plus en faveur et qu'ils pourraient être tournés en dérision.
A. RAISONS INTELLECTUELLES. - a) L'incrédulité des scientifiques: physiciens, chimistes, biologistes, médecins, etc., doit être attribuée souvent à leurs préjugés et à l'application d'une fausse méthode. Il est clair, en effet, que s'ils prétendent employer ici la méthode expérimentale, qui n'admet que ce qui peut être vérifié par l'expérience, que ce qui tombe sous les sens, ils ne pourront pas dépasser les phénomènes et atteindre les substances54. Notons, en outre, que certaines formules, dont ils abusent dans l'intérêt de leurs négations, ne sont pas vraies, au moins dans le sens où ils s'en servent. Quand, par exemple, ils allèguent que la matière est nécessaire et non contingente, ils invoquent, pour le démontrer, la nécessité de l'énergie et des lois (N° 40). Or il apparaît tout de suite que le mot nécessaire renferme ici une équivoque. La nécessité d'une chose est en effet absolue ou relative. Elle est absolue si sa non-existence implique contradiction, relative lorsque la chose en question, dans l'hypothèse de son existence, doit avoir telle ou telle essence, telle ou telle qualité: ainsi un oiseau doit avoir des ailes, autrement il ne serait plus un oiseau. De ce que l'énergie et les lois sont nécessaires, au sens relatif, les matérialistes ont donc le tort de conclure que la matière elle-même est l'Etre nécessaire au sens absolu.
b) L'athéisme des philosophes contemporains dérive du criticisme de Kant et du positivisme d'A. Comte. Nous avons vu, dans le chapitre préliminaire, que, d'après les criticistes et les positivistes, la raison ne peut arriver à une certitude objective ni atteindre les substances derrière les phénomènes. En rabaissant ainsi la raison, on ruine du même coup toutes les preuves traditionnelles de l'existence de Dieu. L'on peut donc dire que, chez la plupart des philosophes contemporains, la crise de la foi est, en fait, une crise de la raison: les négateurs de Dieu sont, à notre époque, les négateurs de la raison. Mais celle-ci, comme il arrive toujours pour les arrêts injustes, sera un jour réhabilitée et reprendra ses droits.
B. RAISONS MORALES.- Nous citerons parmi les raisons morales: - a) le manque de bonne volonté. Si l'on étudiait les preuves de l'existence de Dieu avec plus de simplicité, et moins d'esprit critique, on serait sans doute moins rebelle à la force des arguments. Il ne faut pas non plus demander aux preuves plus qu'elles ne peuvent donner: leur force démonstrative, bien que réelle et absolue, n'entraîne pas une évidence mathématique; - b) les passions. Il est bien évident que la foi se dresse devant les passions comme un obstacle. Or, quand une chose gêne, on trouve toujours de bonnes raisons pour la supprimer.
« Il y a toujours dans un cœur égaré par les passions, dit Mgr FRAYSSINOUS, des raisons secrètes de trouver faux ce qui est vrai... On se persuade aisément ce qu'on aime et, quand le cœur se livre au plaisir qui séduit, l'esprit s'abandonne volontiers à l'erreur qui justifie »55.
Et Paul BOURGET, dans une analyse très pénétrante de l'incrédulité, écrit les lignes suivantes: «l’homme, en se détachant de la foi, se détache surtout d'une chaîne insupportable à ses plaisirs... je n'étonnerai aucun de ceux qui ont traversé les études de nos lycées en affirmant que la précoce impiété des libres penseurs en tunique a pour point de départ quelque faiblesse de la chair accompagnée d'une horreur de l'aveu au confessionnal. Le raisonnement - quel raisonnement ! - arrive ensuite et fournit des preuves (!!!) à l'appui d'une thèse de négation acceptée d'abord pour les besoins de la pratique »56; - c) Les mauvais livres et les mauvais journaux. Sous cette dénomination nous n'entendons pas les livres et les journaux qui sont immoraux, mais ceux qui, sous des formes parfois dissimulées, s'attaquent à tout ce qui est à la base de la moralité, et veulent faire croire, au nom du soi-disant Progrès et d'une prétendue Science, que Dieu, l'âme, la liberté ne sont plus que des mots qui recouvrent des chimères.
C. RAISONS SOCIALES. - Signalons seulement: - a) l'éducation. Il n'est pas exagéré de dire que les écoles neutres ont été pour l'athéisme un terrain de culture exceptionnel. Prise en masse, notre société va donc à l'athéisme parce qu'elle le veut; - b) le respect humain. Beaucoup ont peur de paraître religieux parce que la religion n'est plus en faveur et qu'ils pourraient être tournés en dérision.
54Les philosophes matérialistes rentrent donc dans cette catégorie.
55FRAYSSINOUS, Défense du christianisme. L'incrédulité des jeunes gens.
56P. BOURGET, Essai de psychologie contemporaine.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
63. - 3° Conséquences de l'athéisme. - L'athéisme, en supprimant Dieu, enlève toute base à la morale. De là les plus graves conséquences pour l'individu et pour la société.
A. POUR L'INDIVIDU. - a) L'athéisme le livre sans frein à ses passions. Si l'homme ne reconnaît pas un maître suprême qui ait le pouvoir de lui commander le bien et de le châtier s'il fait mal, pourquoi ne se laisserait-il pas aller au gré de ses désirs, et ne courrait-il pas après le bonheur terrestre, ou du moins ce qu'il croit tel, par quelque voie qu'il pense l'obtenir ? - b) Mais, par réciproque, l'athéisme enlève à l'homme toute consolation parmi les épreuves de la vie. Celui qui ne croit pas en Dieu doit abandonner tout espoir de réconfort, lorsque la vie lui devient amère et que la terre lui refuse les joies qu'il lui demande.
B. POUR LA SOCIÉTÉ. - Les conséquences de l'athéisme sont plus ruineuses encore pour la société. En supprimant les idées de justice et de responsabilité, il conduit au despotisme et à l'anarchie, la force remplace le droit. Si les gouvernants ne sentent pas au-dessus d'eux un maître qui leur demandera compte de leur gestion, ils sont libres de gouverner la société suivant leurs caprices: « Je ne voudrais pas, disait VOLTAIRE, avoir affaire à un prince athée qui trouverait son intérêt à me faire piler dans un mortier: je serais bien sûr d'être pilé. » D'autre part, il y a dans toute société de grandes distances entre chaque membre au point de vue du rang, des honneurs, des dignités, de la situation et des richesses. S'il n'y a pas de Dieu pour récompenser un jour ceux qui, moins bien partagés, acceptent leur destinée avec courage et font leur devoir, pourquoi ne pas se révolter contre une société mal faite et lui réclamer sa part de bonheur et de jouissances ?
BIBLIOGRAPHIE. - Dictionnaire de la foi cath. : CHOSSAT, Art. Agnosticisme.. GARRIGOU-LAGRANGE, Art. Dieu.. GRIVET, Art. Évolution créatrice.. DARIO, Art. Matérialisme. MOISANT, Art. Athéisme. - CHOSSAT, Art. Dieu. Dict. de théol. SERTILLANGES, Les Sources de la croyance en Dieu. - MICHELET, Dieu et l'Agnosticisme contemporain. - FARGES, Nouvelle Apologétique.. L'idée de Dieu d'après la Raison et la Science (Berche et Tralin). - GUIBERT, Les Origines (Letouzey) ; Le Conflit des croyances religieuses et des sciences de la nature (Beauchesne). - DUILBIÉ DE SAINT-PROJET et SANDERENS, Apologie scientifique de la foi chrétienne (Poussielgue). - Mgr GOURAUD, Notions élémentaires d'apologétique (Belin). - PRUNEL, Les Fondements de la doctrine catholique (Beauchesne). - Mgr D'HULST, 1re Conf. car. 1892 (Poussielgue). - POU LIN et LOUTIL, Dieu (Bonne-Presse). - Mgr Le Roy, La Religion des Primitifs. - C. PIAT, De la croyance en Dieu (Alcan). - VILLARD, Dieu devant la science et la raison (Oudin). - DE LAPPARENT, Science et Apologétique (Bloud), Traité de géologie. - P. JANET, Les causes finales ; Le matérialisme contemporain (Baillère). - Saint THOMAS, Contra gentes, Somme théologique. - KLEUTGEN, Philosophie scolastique. - Traités de philosophie de G. SORTAIS, du P. LAHR, de FONSEGRIVE, de l'abbé DOMECQ, etc. - DE MARGERIE. Théodicée. - Abbé DE BROGLIE, Le Positivisme et la Science expérimentale (Victor Palmé). - L'Ami du Clergé, 10 mai 1923.
A. POUR L'INDIVIDU. - a) L'athéisme le livre sans frein à ses passions. Si l'homme ne reconnaît pas un maître suprême qui ait le pouvoir de lui commander le bien et de le châtier s'il fait mal, pourquoi ne se laisserait-il pas aller au gré de ses désirs, et ne courrait-il pas après le bonheur terrestre, ou du moins ce qu'il croit tel, par quelque voie qu'il pense l'obtenir ? - b) Mais, par réciproque, l'athéisme enlève à l'homme toute consolation parmi les épreuves de la vie. Celui qui ne croit pas en Dieu doit abandonner tout espoir de réconfort, lorsque la vie lui devient amère et que la terre lui refuse les joies qu'il lui demande.
B. POUR LA SOCIÉTÉ. - Les conséquences de l'athéisme sont plus ruineuses encore pour la société. En supprimant les idées de justice et de responsabilité, il conduit au despotisme et à l'anarchie, la force remplace le droit. Si les gouvernants ne sentent pas au-dessus d'eux un maître qui leur demandera compte de leur gestion, ils sont libres de gouverner la société suivant leurs caprices: « Je ne voudrais pas, disait VOLTAIRE, avoir affaire à un prince athée qui trouverait son intérêt à me faire piler dans un mortier: je serais bien sûr d'être pilé. » D'autre part, il y a dans toute société de grandes distances entre chaque membre au point de vue du rang, des honneurs, des dignités, de la situation et des richesses. S'il n'y a pas de Dieu pour récompenser un jour ceux qui, moins bien partagés, acceptent leur destinée avec courage et font leur devoir, pourquoi ne pas se révolter contre une société mal faite et lui réclamer sa part de bonheur et de jouissances ?
BIBLIOGRAPHIE. - Dictionnaire de la foi cath. : CHOSSAT, Art. Agnosticisme.. GARRIGOU-LAGRANGE, Art. Dieu.. GRIVET, Art. Évolution créatrice.. DARIO, Art. Matérialisme. MOISANT, Art. Athéisme. - CHOSSAT, Art. Dieu. Dict. de théol. SERTILLANGES, Les Sources de la croyance en Dieu. - MICHELET, Dieu et l'Agnosticisme contemporain. - FARGES, Nouvelle Apologétique.. L'idée de Dieu d'après la Raison et la Science (Berche et Tralin). - GUIBERT, Les Origines (Letouzey) ; Le Conflit des croyances religieuses et des sciences de la nature (Beauchesne). - DUILBIÉ DE SAINT-PROJET et SANDERENS, Apologie scientifique de la foi chrétienne (Poussielgue). - Mgr GOURAUD, Notions élémentaires d'apologétique (Belin). - PRUNEL, Les Fondements de la doctrine catholique (Beauchesne). - Mgr D'HULST, 1re Conf. car. 1892 (Poussielgue). - POU LIN et LOUTIL, Dieu (Bonne-Presse). - Mgr Le Roy, La Religion des Primitifs. - C. PIAT, De la croyance en Dieu (Alcan). - VILLARD, Dieu devant la science et la raison (Oudin). - DE LAPPARENT, Science et Apologétique (Bloud), Traité de géologie. - P. JANET, Les causes finales ; Le matérialisme contemporain (Baillère). - Saint THOMAS, Contra gentes, Somme théologique. - KLEUTGEN, Philosophie scolastique. - Traités de philosophie de G. SORTAIS, du P. LAHR, de FONSEGRIVE, de l'abbé DOMECQ, etc. - DE MARGERIE. Théodicée. - Abbé DE BROGLIE, Le Positivisme et la Science expérimentale (Victor Palmé). - L'Ami du Clergé, 10 mai 1923.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Chapitre II : LA NATURE DE DIEU
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
64. — La nature de Dieu, — comme l'existence, — comporte une triple étude : — 1° Une question préliminaire : La raison qui démontre l'existence de Dieu peut-elle aussi connaître sa nature ? — 2° Si oui, quelle est-elle et Quels sont ses attributs.— 3° La connaissance que nous avons de sa nature, nous permet-elle d'affirmer, contre les panthéistes, que Dieu est une personne distincte du monde ?
D'où trois articles.
Art. I. Pouvons-nous connaître la nature de Dieu ?
Cette première question peut se subdiviser en deux autres : 1° Est-il possible de connaître la nature de Dieu? 2° Par quelles voies peut-on arriver à cette connaissance ?
§ 1. L'erreur agnostique. — Dieu n'est pas inconnaissable.
65. — Dieu est, mais pouvons-nous savoir ce qu'il est? Pouvons-nous avoir de sa nature une connaissance, sinon parfaite, au moins initiale et confuse?
1° L'erreur agnostique — A cette question les agnostiques dogmatiques57) répondent par la négative. Les philosophes, comme Kant et H. Spencer, déclarent qu'il ne convient pas de laisser à la base de la vie religieuse des vérités métaphysiques que la raison pure ne peut pas prouver. Les protestants libéraux, comme Ritschl, Sabatier ; les modernistes, comme Le Roy et Tierel; les pragmatistes, comme W. James, supposant l'existence de Dieu démontrée par le sentiment et l'expérience religieuse, prétendent qu'il est impossible, et dès lors inutile, de se faire une représentation quelconque de l'essence divine, et ils reprochent aux théologiens leur intellectualisme, c'est-à-dire leurs affirmations catégoriques et définies sur la nature intrinsèque de Dieu. A quoi bon, disent les pragmatistes, se représenter Dieu ? Une religion n'a de valeur que par ses résultats et le degré de piété qu'elle produit, et non par ses formules dogmatiques58 — Sans doute, c'est la piété qui importe, mais est-il vrai, comme l'affirment les pragmatistes, que la pratique religieuse soit indépendante des idées de l'esprit ? Si l'on conçoit Dieu comme l'âme de la nature, ou comme un idéal abstrait, selon la doctrine panthéiste, peut-on encore le prier et lui rendre un culte? Il est bien évident que non. Pour commencer la vie religieuse, il est nécessaire que nous ayons d'abord de Dieu une connaissance rationnelle, et la prière ne sortira du cœur qu'autant que nous connaissons Dieu comme un Etre personnel, distinct du monde, bon et miséricordieux.
66. — 2° Dieu incompréhensible, mais non inconnaissable. — Quand on parle de la nature de Dieu, il importe, si l'on veut éviter tout malentendu, de faire la distinction entre la connaissance et la compréhension de la nature divine. Dieu est incompréhensible mais non inconnaissable : — a) Incompréhensible. Sous quelque aspect que nous le considérions, Dieu c'est l'Etre infini. Or il est bien évident qu'une intelligence finie comme celle de l'homme est incapable de comprendre l'infini ; Dieu dépasse notre conception et notre langage : il est ineffable, comme disent les théologiens. — b) Mais non inconnaissable. Là où les agnostiques disent : nous ne pouvons absolument rien savoir, les apologistes catholiques répondent : nous savons assurément peu de choses, mais nous savons quelque chose. En nous révélant son existence, la raison nous a appris que Dieu est la Cause première, l'Etre nécessaire, éternel, le Premier Moteur, l'Organisateur du monde en même temps que l'Etre parfait, le Souverain Bien et le Législateur Suprême. Savoir tout cela, c'est avoir déjà une connaissance, qui permet de pousser plus loin notre recherche59
Naturellement, la connaissance à laquelle nous parvenons, n'est pas une connaissance adéquate et entière de l'objet. Faut-il s'en étonner ? S'il est vrai que nous ne « savons le tout de rien » combien plus Dieu reste enveloppé d'obscurité ! Alors que la science ne peut nous expliquer les nombreux mystères de la nature, et qu'elle ne sait nous dire, par exemple, ce qu'est l'électricité, la lumière, la gravitation, la germination, etc., pourquoi voudrait-on nous enfermer dans ce dilemme inacceptable : Ou vous connaissez entièrement la nature de Dieu, ou vous n'en savez absolument rien ?
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
64. — La nature de Dieu, — comme l'existence, — comporte une triple étude : — 1° Une question préliminaire : La raison qui démontre l'existence de Dieu peut-elle aussi connaître sa nature ? — 2° Si oui, quelle est-elle et Quels sont ses attributs.— 3° La connaissance que nous avons de sa nature, nous permet-elle d'affirmer, contre les panthéistes, que Dieu est une personne distincte du monde ?
D'où trois articles.
Art. I. Pouvons-nous connaître la nature de Dieu ?
Cette première question peut se subdiviser en deux autres : 1° Est-il possible de connaître la nature de Dieu? 2° Par quelles voies peut-on arriver à cette connaissance ?
§ 1. L'erreur agnostique. — Dieu n'est pas inconnaissable.
65. — Dieu est, mais pouvons-nous savoir ce qu'il est? Pouvons-nous avoir de sa nature une connaissance, sinon parfaite, au moins initiale et confuse?
1° L'erreur agnostique — A cette question les agnostiques dogmatiques57) répondent par la négative. Les philosophes, comme Kant et H. Spencer, déclarent qu'il ne convient pas de laisser à la base de la vie religieuse des vérités métaphysiques que la raison pure ne peut pas prouver. Les protestants libéraux, comme Ritschl, Sabatier ; les modernistes, comme Le Roy et Tierel; les pragmatistes, comme W. James, supposant l'existence de Dieu démontrée par le sentiment et l'expérience religieuse, prétendent qu'il est impossible, et dès lors inutile, de se faire une représentation quelconque de l'essence divine, et ils reprochent aux théologiens leur intellectualisme, c'est-à-dire leurs affirmations catégoriques et définies sur la nature intrinsèque de Dieu. A quoi bon, disent les pragmatistes, se représenter Dieu ? Une religion n'a de valeur que par ses résultats et le degré de piété qu'elle produit, et non par ses formules dogmatiques58 — Sans doute, c'est la piété qui importe, mais est-il vrai, comme l'affirment les pragmatistes, que la pratique religieuse soit indépendante des idées de l'esprit ? Si l'on conçoit Dieu comme l'âme de la nature, ou comme un idéal abstrait, selon la doctrine panthéiste, peut-on encore le prier et lui rendre un culte? Il est bien évident que non. Pour commencer la vie religieuse, il est nécessaire que nous ayons d'abord de Dieu une connaissance rationnelle, et la prière ne sortira du cœur qu'autant que nous connaissons Dieu comme un Etre personnel, distinct du monde, bon et miséricordieux.
66. — 2° Dieu incompréhensible, mais non inconnaissable. — Quand on parle de la nature de Dieu, il importe, si l'on veut éviter tout malentendu, de faire la distinction entre la connaissance et la compréhension de la nature divine. Dieu est incompréhensible mais non inconnaissable : — a) Incompréhensible. Sous quelque aspect que nous le considérions, Dieu c'est l'Etre infini. Or il est bien évident qu'une intelligence finie comme celle de l'homme est incapable de comprendre l'infini ; Dieu dépasse notre conception et notre langage : il est ineffable, comme disent les théologiens. — b) Mais non inconnaissable. Là où les agnostiques disent : nous ne pouvons absolument rien savoir, les apologistes catholiques répondent : nous savons assurément peu de choses, mais nous savons quelque chose. En nous révélant son existence, la raison nous a appris que Dieu est la Cause première, l'Etre nécessaire, éternel, le Premier Moteur, l'Organisateur du monde en même temps que l'Etre parfait, le Souverain Bien et le Législateur Suprême. Savoir tout cela, c'est avoir déjà une connaissance, qui permet de pousser plus loin notre recherche59
Naturellement, la connaissance à laquelle nous parvenons, n'est pas une connaissance adéquate et entière de l'objet. Faut-il s'en étonner ? S'il est vrai que nous ne « savons le tout de rien » combien plus Dieu reste enveloppé d'obscurité ! Alors que la science ne peut nous expliquer les nombreux mystères de la nature, et qu'elle ne sait nous dire, par exemple, ce qu'est l'électricité, la lumière, la gravitation, la germination, etc., pourquoi voudrait-on nous enfermer dans ce dilemme inacceptable : Ou vous connaissez entièrement la nature de Dieu, ou vous n'en savez absolument rien ?
57
Nous appelons agnostiques dogmatiques ceux qui bornent leur agnosticisme à la nature de Dieu, par opposition aux agnostiques purs qui prétendent que l'existence même de Dieu est du domaine de l'inconnaissable.
58« L'aséité de Dieu, sa nécessité, son immatérialité, sa simplicité, son individualité, son indétermination logique, son infinité, sa personnalité métaphysique, son rapport avec le mal qu'il permet sans le créer ; sa suffisance, son amour de lui-même et son absolue félicité : franchement, qu'importent tous ces attributs pour la vie de l'homme? dit W. James. S'ils ne peuvent rien changer à notre conduite, qu'importe à la pensée religieuse qu'ils soient vrais ou faux ? » (L'expérience religieuse.)
59Nous ne parlons ici que de la connaissance de Dieu par la raison. Cette connaissance a été augmentée par la Révélation qui, en nous découvrant les mystères de la Trinité et de l'Incarnation, nous a fait pénétrer plus avant dans les secrets de la vie divine.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 2. — Par quelles voies peut-on connaître la nature de Dieu ?
67. — En partant des êtres créés, nous avons vu que la raison prouvait l'existence d'une Cause première, d'un Etre nécessaire et d'un premier Moteur. Si nous nous bornons à cette seule preuve indiquée par le Concile du Vatican, nous arrivons à déduire la nature de Dieu par une double méthode : a priori et a posteriori.
1° A PR1ORI, c'est-à-dire en déduisant ce qui est contenu dans les notions de Cause première, d'Etre nécessaire et de premier Moteur, nous pouvons tirer cette triple conclusion : — a) Dieu est l’Être parfait. En effet, un être imparfait est un être limité et contingent, puisqu'il pourrait changer pour devenir meilleur et acquérir la perfection qui lui fait défaut. Or, s'il pouvait recevoir cette qualité d'un autre, il ne serait plus la Cause première de tout, ni l'Être nécessaire, vu qu'il pourrait être autrement qu'il n'est. La Cause première, l'Être nécessaire est donc en même temps l'Être parfait. — b) Dieu est infini. La notion d'infini découle de celle d'Être parfait. Dire que Dieu n'est pas infini, c'est dire qu'il n'a pas la plénitude absolue de l'être, et, par conséquent, qu'il n'est pas parfait, qu'on pourrait concevoir un être plus grand, à savoir, celui qui aurait cette plénitude de l'être. — c) Dieu est unique. L'unicité de Dieu se déduit de la notion d'infini. La raison ne peut admettre l'existence de deux êtres infinis. Car, ou bien ils sont indépendants l'un de l'autre, ou l'un dépend de l'autre. Dans le premier cas, la puissance de l'un étant limitée par la puissance de l'autre, aucun n'est infini. Dans le second cas, celui qui dépend de l'autre ne saurait être infini. Le dualisme, qui admet l'existence de deux dieux, le polythéisme qui en admet plusieurs, sont donc des erreurs : la raison nous dit qu'il ne peut y avoir qu'un seul Dieu.
2° A POSTERIORI, c'est-à-dire en prenant pour point de départ les êtres créés, nous déduisons les perfections divines. Si nous examinons l'œuvre de Dieu, et en particulier l'homme, nous y trouvons des qualités mêlées à des imperfections. Or, étant donné que Dieu est l'Etre parfait, comme nous venons de l'établir a priori, il s'ensuit que nous devons retrancher de sa nature toutes les imperfections des êtres créés et lui attribuer toutes leurs qualités60. D'où deux procédés : — a) la voie de négation ou d'élimination qui supprime en Dieu tous les défauts des créatures, et — b) la voie d'éminence qui lui attribue, en les élevant à l'infini, toutes les perfections des êtres créés. La méthode a posteriori n'est pas de l'anthropomorphisme61. Nous nous servons des qualités des créatures pour nous représenter Dieu, mais nous ne concevons pas la nature de Dieu sur notre modèle, nous ne le faisons pas à notre ressemblance. Nous attribuons à Dieu les qualités des créatures par analogie62 seulement, et nous pensons bien que l'intelligence divine par exemple n'est pas seulement supérieure à l'intelligence humaine, mais d'un autre ordre.
67. — En partant des êtres créés, nous avons vu que la raison prouvait l'existence d'une Cause première, d'un Etre nécessaire et d'un premier Moteur. Si nous nous bornons à cette seule preuve indiquée par le Concile du Vatican, nous arrivons à déduire la nature de Dieu par une double méthode : a priori et a posteriori.
1° A PR1ORI, c'est-à-dire en déduisant ce qui est contenu dans les notions de Cause première, d'Etre nécessaire et de premier Moteur, nous pouvons tirer cette triple conclusion : — a) Dieu est l’Être parfait. En effet, un être imparfait est un être limité et contingent, puisqu'il pourrait changer pour devenir meilleur et acquérir la perfection qui lui fait défaut. Or, s'il pouvait recevoir cette qualité d'un autre, il ne serait plus la Cause première de tout, ni l'Être nécessaire, vu qu'il pourrait être autrement qu'il n'est. La Cause première, l'Être nécessaire est donc en même temps l'Être parfait. — b) Dieu est infini. La notion d'infini découle de celle d'Être parfait. Dire que Dieu n'est pas infini, c'est dire qu'il n'a pas la plénitude absolue de l'être, et, par conséquent, qu'il n'est pas parfait, qu'on pourrait concevoir un être plus grand, à savoir, celui qui aurait cette plénitude de l'être. — c) Dieu est unique. L'unicité de Dieu se déduit de la notion d'infini. La raison ne peut admettre l'existence de deux êtres infinis. Car, ou bien ils sont indépendants l'un de l'autre, ou l'un dépend de l'autre. Dans le premier cas, la puissance de l'un étant limitée par la puissance de l'autre, aucun n'est infini. Dans le second cas, celui qui dépend de l'autre ne saurait être infini. Le dualisme, qui admet l'existence de deux dieux, le polythéisme qui en admet plusieurs, sont donc des erreurs : la raison nous dit qu'il ne peut y avoir qu'un seul Dieu.
2° A POSTERIORI, c'est-à-dire en prenant pour point de départ les êtres créés, nous déduisons les perfections divines. Si nous examinons l'œuvre de Dieu, et en particulier l'homme, nous y trouvons des qualités mêlées à des imperfections. Or, étant donné que Dieu est l'Etre parfait, comme nous venons de l'établir a priori, il s'ensuit que nous devons retrancher de sa nature toutes les imperfections des êtres créés et lui attribuer toutes leurs qualités60. D'où deux procédés : — a) la voie de négation ou d'élimination qui supprime en Dieu tous les défauts des créatures, et — b) la voie d'éminence qui lui attribue, en les élevant à l'infini, toutes les perfections des êtres créés. La méthode a posteriori n'est pas de l'anthropomorphisme61. Nous nous servons des qualités des créatures pour nous représenter Dieu, mais nous ne concevons pas la nature de Dieu sur notre modèle, nous ne le faisons pas à notre ressemblance. Nous attribuons à Dieu les qualités des créatures par analogie62 seulement, et nous pensons bien que l'intelligence divine par exemple n'est pas seulement supérieure à l'intelligence humaine, mais d'un autre ordre.
60Ainsi nous attribuons à Dieu toutes les perfections des créatures parce que nous avons d'abord établi a priori que Dieu est l’Etre parlait. Nous ne nous appuyons donc pas sur le principe de causalité selon lequel tout ce qu'il y a dans les effets se retrouve dans la cause. Cette dernière méthode parait en effet défectueuse, car de ce que toutes les perfections des effets se retrouveraient dans la cause, même à un degré supérieur, il ne s'ensuit pas que la cause première soit infinie et parfaite, vu que les effets sont finis et Imparfaits et n'exigent pas dès lors une cause parfaite.
61
l'anthropomorphisme (gr. « anthrôpos », homme, et « morphê », forme) désigne en philosophie cette tendance de notre esprit qui nous porte à prêter à la Divinité les sentiments, les passions, les pensées et les actes des hommes.
62Analogie (grec. «ana » : par ; « logos » : rapport). Comme l'étymologie l'indique, l'analogie résulte d'une comparaison, et conclut a une ressemblance entre deux choses, mais à une ressemblance qui n'implique pas identité et laisse subsister des différences.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. II — La Nature de Dieu. Les Attributs de Dieu. Notion. Espèces.
68. — 1° Notion. — L''attribut en général, c'est toute qualité essentielle à un être. Les attributs de Dieu ce sont donc ses perfections, c'est-à-dire ce qui constitue son essence. En réalité, attributs et essence désignent une seule et même chose. Il n'y a pas plusieurs perfections divines, il n'y a que l'essence divine qui est parfaite et indécomposable. La distinction que nous établissons n'est donc qu'une distinction de raison, nécessitée par la faiblesse de notre intelligence.
69. — 2° Espèces — Par le double procédé indiqué plus haut, nous obtenons deux sortes d'attributs : — a) les attributs négatifs ou métaphysiques, par la voie de négation, et — b) les attributs positifs ou moraux par la voie d'éminence.
§ 1. — Les attributs négatifs ou métaphysiques.
70. — Les attributs négatifs s'obtiennent, avons-nous dit, en retranchant de la nature divine, toutes les imperfections des êtres créés. Or ceux-ci sont contingents, composés de parties, sujets au changement, limités par le temps et l'espace. Les attributs négatifs de Dieu seront donc ; l'aséité, la simplicité, l’immutabilité, l'éternité et l'immensité.
1° Aséité. — Sous ce vocable emprunté à la langue scolastique (aseitas), on désigne la propriété qui appartient à Dieu seul d'exister par soi (ens a se) et non par un autre, d'avoir la plénitude de l'être, contrairement aux créatures qui tiennent leur existence de Dieu et sont des êtres imparfaits et contingents.
2° Simplicité. — Dieu n'est pas composé de parties. S'il était composé de parties, celles-ci seraient finies ou infinies. Si elles étaient finies, Dieu ne serait plus l'infini, car l'addition du fini avec le fini ne donne pas l'infini. Dire, d'autre part, que les parties sont infinies est une chose contradictoire : nous venons de voir plus haut que la notion d'infini implique l'unité. Mais si Dieu est simple c'est qu'il est esprit, vu que le propre de la matière est d'être composée de parties et divisible.
3° Immutabilité. — Dieu est immuable. On ne change que pour acquérir les perfections qu'on n'a pas ou pour perdre celles que l'on a. Dans les deux hypothèses, Dieu ne serait plus ni l'Etre nécessaire ni l'Etre parfait puisqu'il ne serait pas toujours le même et qu'il passerait d'un état moins parfait à un plus parfait, ou réciproquement.
4° Éternité — Etre nécessaire, ne pouvant pas ne pas être, Dieu est donc éternel. Toutefois, n'expliquons pas cette perfection en disant que Dieu n'a ni commencement ni fin. Cette manière de parler serait impropre, car elle ne s'applique qu'au temps. Et précisément l'éternité est opposée au temps. Quand nous disons que Dieu est éternel, nous entendons par là, si difficile que la chose soit à concevoir, que Dieu est en dehors du temps, en dehors du commencement et de la fin. Et pourquoi Dieu est-il en dehors du temps? C'est que le temps est divisible, qu'il implique le changement, la succession, le devenir, c'est qu'il est fait d'un passé qui n'est plus, d'un avenir qui n'est pas encore, et d'un présent qui fuit entre le passé et le futur ; en un mot, qu'il est imparfait. Il répugne donc à la perfection et à l'immutabilité de Dieu : d'où il suit qu'il faut concevoir l'éternité divine comme un éternel présent où il n'est question ni de passé ni de futur.
5° Immensité. — Ce que nous venons de dire de l'éternité, s'applique à l'immensité de Dieu. De même que l'éternité est en dehors du temps,. l'immensité est en dehors de l'espace. Dieu est donc partout, non pas à la manière des corps qui sont limités par leur propre étendue, mais comme un esprit qui pénètre tout, même les corps matériels, sans cependant se confondre avec eux (exemple : l'âme humaine). S'il est vrai que Dieu est en tout et partout, il n'est pas moins juste d'ajouter que tout est en lui et par lui, selon la parole de saint Paul aux Athéniens : « C'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être. » (Actes, XVIII 28.)
68. — 1° Notion. — L''attribut en général, c'est toute qualité essentielle à un être. Les attributs de Dieu ce sont donc ses perfections, c'est-à-dire ce qui constitue son essence. En réalité, attributs et essence désignent une seule et même chose. Il n'y a pas plusieurs perfections divines, il n'y a que l'essence divine qui est parfaite et indécomposable. La distinction que nous établissons n'est donc qu'une distinction de raison, nécessitée par la faiblesse de notre intelligence.
69. — 2° Espèces — Par le double procédé indiqué plus haut, nous obtenons deux sortes d'attributs : — a) les attributs négatifs ou métaphysiques, par la voie de négation, et — b) les attributs positifs ou moraux par la voie d'éminence.
§ 1. — Les attributs négatifs ou métaphysiques.
70. — Les attributs négatifs s'obtiennent, avons-nous dit, en retranchant de la nature divine, toutes les imperfections des êtres créés. Or ceux-ci sont contingents, composés de parties, sujets au changement, limités par le temps et l'espace. Les attributs négatifs de Dieu seront donc ; l'aséité, la simplicité, l’immutabilité, l'éternité et l'immensité.
1° Aséité. — Sous ce vocable emprunté à la langue scolastique (aseitas), on désigne la propriété qui appartient à Dieu seul d'exister par soi (ens a se) et non par un autre, d'avoir la plénitude de l'être, contrairement aux créatures qui tiennent leur existence de Dieu et sont des êtres imparfaits et contingents.
2° Simplicité. — Dieu n'est pas composé de parties. S'il était composé de parties, celles-ci seraient finies ou infinies. Si elles étaient finies, Dieu ne serait plus l'infini, car l'addition du fini avec le fini ne donne pas l'infini. Dire, d'autre part, que les parties sont infinies est une chose contradictoire : nous venons de voir plus haut que la notion d'infini implique l'unité. Mais si Dieu est simple c'est qu'il est esprit, vu que le propre de la matière est d'être composée de parties et divisible.
3° Immutabilité. — Dieu est immuable. On ne change que pour acquérir les perfections qu'on n'a pas ou pour perdre celles que l'on a. Dans les deux hypothèses, Dieu ne serait plus ni l'Etre nécessaire ni l'Etre parfait puisqu'il ne serait pas toujours le même et qu'il passerait d'un état moins parfait à un plus parfait, ou réciproquement.
4° Éternité — Etre nécessaire, ne pouvant pas ne pas être, Dieu est donc éternel. Toutefois, n'expliquons pas cette perfection en disant que Dieu n'a ni commencement ni fin. Cette manière de parler serait impropre, car elle ne s'applique qu'au temps. Et précisément l'éternité est opposée au temps. Quand nous disons que Dieu est éternel, nous entendons par là, si difficile que la chose soit à concevoir, que Dieu est en dehors du temps, en dehors du commencement et de la fin. Et pourquoi Dieu est-il en dehors du temps? C'est que le temps est divisible, qu'il implique le changement, la succession, le devenir, c'est qu'il est fait d'un passé qui n'est plus, d'un avenir qui n'est pas encore, et d'un présent qui fuit entre le passé et le futur ; en un mot, qu'il est imparfait. Il répugne donc à la perfection et à l'immutabilité de Dieu : d'où il suit qu'il faut concevoir l'éternité divine comme un éternel présent où il n'est question ni de passé ni de futur.
5° Immensité. — Ce que nous venons de dire de l'éternité, s'applique à l'immensité de Dieu. De même que l'éternité est en dehors du temps,. l'immensité est en dehors de l'espace. Dieu est donc partout, non pas à la manière des corps qui sont limités par leur propre étendue, mais comme un esprit qui pénètre tout, même les corps matériels, sans cependant se confondre avec eux (exemple : l'âme humaine). S'il est vrai que Dieu est en tout et partout, il n'est pas moins juste d'ajouter que tout est en lui et par lui, selon la parole de saint Paul aux Athéniens : « C'est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l'être. » (Actes, XVIII 28.)
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 2. — Les attributs positifs ou moraux de Dieu.
71. — Les attributs positifs s'induisent en prenant comme point de départ les facultés de l'homme et en les élevant à un degré infini. Or les facultés de l'homme sont l'intelligence, la volonté et la sensibilité. Les attributs de Dieu seront donc : l'intelligence, la volonté et l'amour.
1° Intelligence. — L'intelligence de l'homme est bornée dans son mode de connaissance et dans son objet. D'une manière générale, elle n'arrive à connaître que lentement, péniblement et par le raisonnement. De plus, elle est sujette à l'erreur, au doute, à l'oubli, et son savoir est toujours limité.
L'intelligence divine, au contraire, est parfaite : — a) dans son mode de connaissance. Elle voit tout, d'une seule intuition, et sans recourir au raisonnement ; — b) dans son objet. La science divine embrasse tout : Dieu se connaît lui-même et il connaît ses œuvres d'une manière parfaite. Le passé et l'avenir n'existent pas devant lui : ils sont un éternel présent.
72. — Objection. Prescience divine et liberté humaine. — Si Dieu connaît l'avenir, que devient la liberté de l'homme, puisqu'il est entendu que tout ce que Dieu prévoit arrive nécessairement?
Réfutation. — La conciliation de la prescience divine et de la liberté humaine est une difficulté plus apparente que réelle. -— a) II importe, avant tout, de s'entendre sur les mots : — 1. Et d'abord, le mot prescience ou prévision est un terme impropre, appliqué à Dieu. Nous avons vu, en effet, au N° 70, au sujet de l'éternité, qu'il n'y a en Dieu ni passé, ni futur, mais seul, un éternel présent. Par conséquent, Dieu ne prévoit pas, il voit.
— 2. Dire, d'autre part, que ce que Dieu a prévu arrive nécessairement n'est pas une expression plus juste. Sans doute, la science de Dieu est infaillible ; et ce que Dieu voit de toute éternité, arrivera certainement dans le temps. Mais ne nous y trompons pas. La chose arrivera : — 1 ) d'une manière nécessaire, s'il s'agit des êtres privés de raison et qui obéissent aux lois physiques de leur nature ou aux impulsions de leur instinct ;.
— 2) d'une manière libre, s'il s'agit des êtres raisonnables.
b) Mais, à supposer que le terme « prescience» soit juste et puisse être retenu, à propos de la science divine, n'est-il pas évident que le fait de prévoir un événement n'est nullement la cause de cet événement? Je prévois qu'un aveugle, qui marche dans la direction d'un précipice, va tomber dans l'abîme et se tuer. Dira-t-on que ma prévision a été cause de sa chute et de sa mort? Donc la prescience de Dieu, tout éternelle et infaillible qu'elle est, n'est pas la cause de nos actions, elle n'en est que la conséquence.
c) I1 est vrai que notre imagination se représente mal ces choses, mais, quand on ne peut pénétrer tous les secrets d'un mystère, il faut écouter le conseil de Bossuet, qui nous dit de tenir fermement les deux bouts de la chaîne, — science de Dieu et liberté de l'homme, — bien que nous ne voyions pas les anneaux intermédiaires par ou ils se relient.
73. — 2° La volonté de Dieu. — La volonté de l'homme est limitée dans son mode d'opération et dans son objet. Elle n'arrive souvent à ses ' fins qu'au prix de laborieux efforts et elle ne fait pas tout ce qu'elle veut, En Dieu, la volonté est toute-puissante : elle ne connaît ni l'effort ni la limite. Dieu peut tout Ce qu'il veut, mais il ne peut vouloir que ce qui est conforme aux lumières de son intelligence, c'est-à-dire le bien. Quant au mal, s'il s'agit du mal physique, Dieu peut le vouloir, comme moyen d'obtenir un bien supérieur (V. N° 101) ; s'il s'agit du mal moral, il ne peut jamais le vouloir, il ne peut que le tolérer pour laisser à l'homme le libre choix de ses actes, et conséquemment, le mérite ou le démérite.
74. — Objection. — Mais, dira-t-on, Dieu n'est pas libre, s'il ne peut choisir entre le bien et le mal.
Réponse. — Ne confondons pas la liberté divine avec la liberté humaine. L'homme peut hésiter entre le bien et le mal et se déterminer pour le mal. C'est là une imperfection de la liberté humaine, car la vraie liberté consiste dans le choix entre deux biens : telle est la liberté divine. Or, comme Dieu est l'Etre infiniment parfait, le souverain Bien, il se veut et s'aime lui-même nécessairement. La liberté divine ne concerne donc que ses actes extérieurs, ceux qui sont relatifs aux créatures : Dieu a créé le monde librement, il a créé celui qui existe, comme il en aurait pu créer un autre.
75. — 3° L'amour de Dieu. — L'amour c'est le mouvement de la sensibilité vers le bien. Or, l'homme se trompe souvent sur ce qui en doit être l'objet, et alors qu'il ne se trompe pas, le bien qu'il atteint n'est jamais complet, soit qu'il s'y mêle la crainte de le perdre, où la déception de ne pas le trouver aussi grand qu'il l'avait rêvé. Il faut donc supprimer en Dieu ces imperfections et ces souffrances qui accompagnent même la possession du bonheur. Dieu aime les choses en proportion de leur valeur : il s'aime donc infiniment et il aime le bien qu'il trouve dans ses oeuvres dans la mesure où il reflète ses propres perfections. Et comme l'amour engendre la bonté, Dieu répand ses bienfaits parmi ses créatures « bonum diffusivum sui ». C'est en le considérant sous cet aspect que saint Jean a dit de Dieu qu'il était la charité. « Deus caritas est » ( I Jean, IV, 8).
Parmi les attributs moraux de Dieu, on cite parfois la sainteté, la justice et la miséricorde. Infiniment parfait, Dieu est évidemment saint, juste et miséricordieux dans une mesure infinie ; mais, en réalité, ce sont là des perfections de sa volonté plutôt que des attributs distincts.
71. — Les attributs positifs s'induisent en prenant comme point de départ les facultés de l'homme et en les élevant à un degré infini. Or les facultés de l'homme sont l'intelligence, la volonté et la sensibilité. Les attributs de Dieu seront donc : l'intelligence, la volonté et l'amour.
1° Intelligence. — L'intelligence de l'homme est bornée dans son mode de connaissance et dans son objet. D'une manière générale, elle n'arrive à connaître que lentement, péniblement et par le raisonnement. De plus, elle est sujette à l'erreur, au doute, à l'oubli, et son savoir est toujours limité.
L'intelligence divine, au contraire, est parfaite : — a) dans son mode de connaissance. Elle voit tout, d'une seule intuition, et sans recourir au raisonnement ; — b) dans son objet. La science divine embrasse tout : Dieu se connaît lui-même et il connaît ses œuvres d'une manière parfaite. Le passé et l'avenir n'existent pas devant lui : ils sont un éternel présent.
72. — Objection. Prescience divine et liberté humaine. — Si Dieu connaît l'avenir, que devient la liberté de l'homme, puisqu'il est entendu que tout ce que Dieu prévoit arrive nécessairement?
Réfutation. — La conciliation de la prescience divine et de la liberté humaine est une difficulté plus apparente que réelle. -— a) II importe, avant tout, de s'entendre sur les mots : — 1. Et d'abord, le mot prescience ou prévision est un terme impropre, appliqué à Dieu. Nous avons vu, en effet, au N° 70, au sujet de l'éternité, qu'il n'y a en Dieu ni passé, ni futur, mais seul, un éternel présent. Par conséquent, Dieu ne prévoit pas, il voit.
— 2. Dire, d'autre part, que ce que Dieu a prévu arrive nécessairement n'est pas une expression plus juste. Sans doute, la science de Dieu est infaillible ; et ce que Dieu voit de toute éternité, arrivera certainement dans le temps. Mais ne nous y trompons pas. La chose arrivera : — 1 ) d'une manière nécessaire, s'il s'agit des êtres privés de raison et qui obéissent aux lois physiques de leur nature ou aux impulsions de leur instinct ;.
— 2) d'une manière libre, s'il s'agit des êtres raisonnables.
b) Mais, à supposer que le terme « prescience» soit juste et puisse être retenu, à propos de la science divine, n'est-il pas évident que le fait de prévoir un événement n'est nullement la cause de cet événement? Je prévois qu'un aveugle, qui marche dans la direction d'un précipice, va tomber dans l'abîme et se tuer. Dira-t-on que ma prévision a été cause de sa chute et de sa mort? Donc la prescience de Dieu, tout éternelle et infaillible qu'elle est, n'est pas la cause de nos actions, elle n'en est que la conséquence.
c) I1 est vrai que notre imagination se représente mal ces choses, mais, quand on ne peut pénétrer tous les secrets d'un mystère, il faut écouter le conseil de Bossuet, qui nous dit de tenir fermement les deux bouts de la chaîne, — science de Dieu et liberté de l'homme, — bien que nous ne voyions pas les anneaux intermédiaires par ou ils se relient.
73. — 2° La volonté de Dieu. — La volonté de l'homme est limitée dans son mode d'opération et dans son objet. Elle n'arrive souvent à ses ' fins qu'au prix de laborieux efforts et elle ne fait pas tout ce qu'elle veut, En Dieu, la volonté est toute-puissante : elle ne connaît ni l'effort ni la limite. Dieu peut tout Ce qu'il veut, mais il ne peut vouloir que ce qui est conforme aux lumières de son intelligence, c'est-à-dire le bien. Quant au mal, s'il s'agit du mal physique, Dieu peut le vouloir, comme moyen d'obtenir un bien supérieur (V. N° 101) ; s'il s'agit du mal moral, il ne peut jamais le vouloir, il ne peut que le tolérer pour laisser à l'homme le libre choix de ses actes, et conséquemment, le mérite ou le démérite.
74. — Objection. — Mais, dira-t-on, Dieu n'est pas libre, s'il ne peut choisir entre le bien et le mal.
Réponse. — Ne confondons pas la liberté divine avec la liberté humaine. L'homme peut hésiter entre le bien et le mal et se déterminer pour le mal. C'est là une imperfection de la liberté humaine, car la vraie liberté consiste dans le choix entre deux biens : telle est la liberté divine. Or, comme Dieu est l'Etre infiniment parfait, le souverain Bien, il se veut et s'aime lui-même nécessairement. La liberté divine ne concerne donc que ses actes extérieurs, ceux qui sont relatifs aux créatures : Dieu a créé le monde librement, il a créé celui qui existe, comme il en aurait pu créer un autre.
75. — 3° L'amour de Dieu. — L'amour c'est le mouvement de la sensibilité vers le bien. Or, l'homme se trompe souvent sur ce qui en doit être l'objet, et alors qu'il ne se trompe pas, le bien qu'il atteint n'est jamais complet, soit qu'il s'y mêle la crainte de le perdre, où la déception de ne pas le trouver aussi grand qu'il l'avait rêvé. Il faut donc supprimer en Dieu ces imperfections et ces souffrances qui accompagnent même la possession du bonheur. Dieu aime les choses en proportion de leur valeur : il s'aime donc infiniment et il aime le bien qu'il trouve dans ses oeuvres dans la mesure où il reflète ses propres perfections. Et comme l'amour engendre la bonté, Dieu répand ses bienfaits parmi ses créatures « bonum diffusivum sui ». C'est en le considérant sous cet aspect que saint Jean a dit de Dieu qu'il était la charité. « Deus caritas est » ( I Jean, IV, 8).
Parmi les attributs moraux de Dieu, on cite parfois la sainteté, la justice et la miséricorde. Infiniment parfait, Dieu est évidemment saint, juste et miséricordieux dans une mesure infinie ; mais, en réalité, ce sont là des perfections de sa volonté plutôt que des attributs distincts.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. III. — La Personnalité de Dieu.
§ 1. — Dieu est une personnalité distincte du monde.
76. — Les attributs que nous venons d'étudier forment ce qu'on appelle la personnalité divine. Or, dire que Dieu est un être personnel c'est affirmer qu'il est une substance individuelle, distincte des créatures. Dieu est : — a) une substance, c'est-à-dire un être qui demeure, et non un mode ou un phénomène qui passe : il n'est pas un perpétuel devenir ; — b) une substance individuelle ; en d'autres termes, Dieu est capable d'agir par lui-même, et ses actes lui sont imputables, comme les effets le sont à leur cause ; — c) une substance distincte des créatures ; sinon, le monde et Dieu ne seraient plus qu'un seul et même être, comme le prétendent les panthéistes, dont nous allons parler dans le paragraphe suivant.
La personnalité de Dieu découle de sa perfection infinie. Si Dieu, en effet, n'était pas un être personnel63 et distinct du monde, il ne serait pas indépendant. Or s'il n'était pas indépendant, il ne serait plus l'Être parfait.
§2. — Le Panthéisme. Réfutation.
77. — 1° Exposé du Panthéisme. — Pour les panthéistes, Dieu n'est pas une personnalité transcendante et distincte II ne fait qu'un avec le monde : il lui est immanent64. Et voici la raison principale qu'ils invoquent pour appuyer leur thèse. Dieu, disent-ils, est l'infini. Or rien ne peut exister en dehors de l'infini. Donc le monde doit en faire partie intégrante : Dieu est tout et tout est Dieu. D'où l'origine de leur nom (du grec « pan » tout, et « theos» Dieu).
78. — FORMES DU PANTHÉISME. — Nous venons de voir le principe général du panthéisme. Tout en gardant ce fonds commun, la doctrine panthéiste a revêtu de nombreuses formes, dont les deux principales sont : le panthéisme naturaliste ou matérialiste, et le panthéisme idéaliste ou évolutionniste. — a) D'après le panthéisme naturaliste, Dieu et le monde sont deux substances incomplètes qui s'unissent comme le corps et l'âme pour former le même individu. Dans ce système, Dieu est l'âme du monde, une force inhérente à la nature, le principe de la vie. Cette doctrine se confond d'ailleurs avec le matérialisme dont nous avons parlé dans le chapitre précédent (N° 40), elle ne s'en distingue guère que par le nom de Dieu qu'elle retient, c'est, si l'on veut, un athéisme déguisé, ou, selon le mot du P. Gratry « c'est l'athéisme, plus un mensonge». — b) Le panthéisme idéaliste de Spinoza (1632-1677) et de Hegel (1754-1831) est devenu très à la mode par les idées de progrès et d'évolution qui ont été introduites dans le système. Il a été popularisé en France par Renan, Taine et Vacherot. Dans le panthéisme évolutionniste, Dieu s'appelle la « catégorie de l'idéal ». Ce qui revient à dire qu'il n'a de réel que le nom ; c'est un idéal qui évolue, qui se réalise un peu chaque jour, qui est en marche vers un progrès indéfini ; on ne peut donc pas dire que Dieu est, mais il se fait, il se crée de jour en jour. Le monde est ainsi l'évolution nécessaire de la substance divine.
79. — 2° Réfutation. — La doctrine panthéiste qui confond Dieu avec le monde est contredite par les principes de la raison (argument métaphysique), par le témoignage de la conscience (argument psychologique), et elle est inadmissible à cause des conséquences désastreuses qui en résultent pour la morale et la société {argument moral).
a) ARGUMENT MÉTAPHYSIQUE. — Le panthéisme va contre le principe de contradiction qui dit qu'il est impossible qu'une même chose soit et ne soit pas, en même temps, et sous le même rapport : la même ligne ne peut pas être à la fois droite et oblique. Or le panthéisme, en faisant de Dieu et du monde la même substance, suppose que le nécessaire et le contingent, l'infini et le fini, l'esprit et la matière, le moi et le non-moi, le vrai et le faux, le blanc et le noir ne sont qu'une seule et même chose. Il proclame donc l'identité des contraires : ce qui est absurde.
b) ARGUMENT PSYCHOLOGIQUE. — Le panthéisme contredit le témoignage de la conscience. Nous avons tous le sentiment d'être des êtres individuels, des personnes distinctes les unes des autres, et non des manières d'être, des modes de la même substance : le moi ne se confond pas avec le non-moi Au surplus, nous n'avons pas l'impression d'être des parcelles de la divinité : nos imperfections, nos misères et nos maladies nous rappellent trop bien à la réalité des choses.
c) ARGUMENT MORAL. — Le panthéisme a des conséquences désastreuses pour la morale et la société. Si nous sommes des parcelles de la substance divine, de l'Etre nécessaire et parfait, il n'y a plus place ni pour la liberté, ni pour la responsabilité ; la morale s'écroule et la société est impuissante à la fonder. En effet, si tout est Dieu, tout est bien ; tout ce qui arrive est l'évolution de la substance divine. Dès lors il n'y a plus ni vertu ni vice, ni droit ni violence, ni mérite ni démérite : tout se vaut, tout est respectable et sacré, comme le reconnaissait Vacherot lui-même : « Diviniser tout, disait-il, c'est tout justifier, tout consacrer. Quelle affreuse nécessité ! Quelle amère dérision65 ! »
80. — Objection- — Le monde, disent les panthéistes, doit faire partie intégrante de l'infini, sinon l'infini aurait des limites, ce qui est contradictoire.
Réponse. — a) Notons d'abord que le panthéisme ne supprime, en aucune façon, la difficulté, car si les êtres particuliers et finis font partie de la divinité, s'ils sont des modes de la substance divine, Dieu n'est plus l'Etre infini, vu que les êtres finis sont imparfaits et contingents et dès lors ne peuvent, aussi nombreux qu'ils soient, former l'infini. — b) Mais, par ailleurs, l'objection panthéiste repose sur une conception fausse de l'infini. Il ne faut pas confondre infini avec totalité. L'infini n'est pas une collection infinie d'êtres, c'est la plénitude de l'être, ce n'est pas une somme, un total, mais une perfection infinie, une substance transcendante. Peu importent les perfections qui se trouvent dans les êtres, elles ne diminuent en rien la perfection de l'Etre infini, de même que la science d'un maître n'est ni augmentée ni amoindrie, au fur et à mesure que ses élèves y participent : après, comme avant, il n'y a pas plus de science, mais seulement plus de savants.
La création, par conséquent, que les panthéistes considèrent comme impossible parce qu'elle aurait limité l'infini, n'a rien ajouté à la perfection de Dieu. Il y a eu, en plus, des êtres seconds, limités, imparfaits, bref, des êtres finis ; l'Etre infini est resté le même. La coexistence de l'infini et du fini n'est donc pas contradictoire, parce que les deux ne sont pas du même ordre.
BIBLIOGRAPHIE. — Les mêmes auteurs qu'au chapitre précédent.
§ 1. — Dieu est une personnalité distincte du monde.
76. — Les attributs que nous venons d'étudier forment ce qu'on appelle la personnalité divine. Or, dire que Dieu est un être personnel c'est affirmer qu'il est une substance individuelle, distincte des créatures. Dieu est : — a) une substance, c'est-à-dire un être qui demeure, et non un mode ou un phénomène qui passe : il n'est pas un perpétuel devenir ; — b) une substance individuelle ; en d'autres termes, Dieu est capable d'agir par lui-même, et ses actes lui sont imputables, comme les effets le sont à leur cause ; — c) une substance distincte des créatures ; sinon, le monde et Dieu ne seraient plus qu'un seul et même être, comme le prétendent les panthéistes, dont nous allons parler dans le paragraphe suivant.
La personnalité de Dieu découle de sa perfection infinie. Si Dieu, en effet, n'était pas un être personnel63 et distinct du monde, il ne serait pas indépendant. Or s'il n'était pas indépendant, il ne serait plus l'Être parfait.
§2. — Le Panthéisme. Réfutation.
77. — 1° Exposé du Panthéisme. — Pour les panthéistes, Dieu n'est pas une personnalité transcendante et distincte II ne fait qu'un avec le monde : il lui est immanent64. Et voici la raison principale qu'ils invoquent pour appuyer leur thèse. Dieu, disent-ils, est l'infini. Or rien ne peut exister en dehors de l'infini. Donc le monde doit en faire partie intégrante : Dieu est tout et tout est Dieu. D'où l'origine de leur nom (du grec « pan » tout, et « theos» Dieu).
78. — FORMES DU PANTHÉISME. — Nous venons de voir le principe général du panthéisme. Tout en gardant ce fonds commun, la doctrine panthéiste a revêtu de nombreuses formes, dont les deux principales sont : le panthéisme naturaliste ou matérialiste, et le panthéisme idéaliste ou évolutionniste. — a) D'après le panthéisme naturaliste, Dieu et le monde sont deux substances incomplètes qui s'unissent comme le corps et l'âme pour former le même individu. Dans ce système, Dieu est l'âme du monde, une force inhérente à la nature, le principe de la vie. Cette doctrine se confond d'ailleurs avec le matérialisme dont nous avons parlé dans le chapitre précédent (N° 40), elle ne s'en distingue guère que par le nom de Dieu qu'elle retient, c'est, si l'on veut, un athéisme déguisé, ou, selon le mot du P. Gratry « c'est l'athéisme, plus un mensonge». — b) Le panthéisme idéaliste de Spinoza (1632-1677) et de Hegel (1754-1831) est devenu très à la mode par les idées de progrès et d'évolution qui ont été introduites dans le système. Il a été popularisé en France par Renan, Taine et Vacherot. Dans le panthéisme évolutionniste, Dieu s'appelle la « catégorie de l'idéal ». Ce qui revient à dire qu'il n'a de réel que le nom ; c'est un idéal qui évolue, qui se réalise un peu chaque jour, qui est en marche vers un progrès indéfini ; on ne peut donc pas dire que Dieu est, mais il se fait, il se crée de jour en jour. Le monde est ainsi l'évolution nécessaire de la substance divine.
79. — 2° Réfutation. — La doctrine panthéiste qui confond Dieu avec le monde est contredite par les principes de la raison (argument métaphysique), par le témoignage de la conscience (argument psychologique), et elle est inadmissible à cause des conséquences désastreuses qui en résultent pour la morale et la société {argument moral).
a) ARGUMENT MÉTAPHYSIQUE. — Le panthéisme va contre le principe de contradiction qui dit qu'il est impossible qu'une même chose soit et ne soit pas, en même temps, et sous le même rapport : la même ligne ne peut pas être à la fois droite et oblique. Or le panthéisme, en faisant de Dieu et du monde la même substance, suppose que le nécessaire et le contingent, l'infini et le fini, l'esprit et la matière, le moi et le non-moi, le vrai et le faux, le blanc et le noir ne sont qu'une seule et même chose. Il proclame donc l'identité des contraires : ce qui est absurde.
b) ARGUMENT PSYCHOLOGIQUE. — Le panthéisme contredit le témoignage de la conscience. Nous avons tous le sentiment d'être des êtres individuels, des personnes distinctes les unes des autres, et non des manières d'être, des modes de la même substance : le moi ne se confond pas avec le non-moi Au surplus, nous n'avons pas l'impression d'être des parcelles de la divinité : nos imperfections, nos misères et nos maladies nous rappellent trop bien à la réalité des choses.
c) ARGUMENT MORAL. — Le panthéisme a des conséquences désastreuses pour la morale et la société. Si nous sommes des parcelles de la substance divine, de l'Etre nécessaire et parfait, il n'y a plus place ni pour la liberté, ni pour la responsabilité ; la morale s'écroule et la société est impuissante à la fonder. En effet, si tout est Dieu, tout est bien ; tout ce qui arrive est l'évolution de la substance divine. Dès lors il n'y a plus ni vertu ni vice, ni droit ni violence, ni mérite ni démérite : tout se vaut, tout est respectable et sacré, comme le reconnaissait Vacherot lui-même : « Diviniser tout, disait-il, c'est tout justifier, tout consacrer. Quelle affreuse nécessité ! Quelle amère dérision65 ! »
80. — Objection- — Le monde, disent les panthéistes, doit faire partie intégrante de l'infini, sinon l'infini aurait des limites, ce qui est contradictoire.
Réponse. — a) Notons d'abord que le panthéisme ne supprime, en aucune façon, la difficulté, car si les êtres particuliers et finis font partie de la divinité, s'ils sont des modes de la substance divine, Dieu n'est plus l'Etre infini, vu que les êtres finis sont imparfaits et contingents et dès lors ne peuvent, aussi nombreux qu'ils soient, former l'infini. — b) Mais, par ailleurs, l'objection panthéiste repose sur une conception fausse de l'infini. Il ne faut pas confondre infini avec totalité. L'infini n'est pas une collection infinie d'êtres, c'est la plénitude de l'être, ce n'est pas une somme, un total, mais une perfection infinie, une substance transcendante. Peu importent les perfections qui se trouvent dans les êtres, elles ne diminuent en rien la perfection de l'Etre infini, de même que la science d'un maître n'est ni augmentée ni amoindrie, au fur et à mesure que ses élèves y participent : après, comme avant, il n'y a pas plus de science, mais seulement plus de savants.
La création, par conséquent, que les panthéistes considèrent comme impossible parce qu'elle aurait limité l'infini, n'a rien ajouté à la perfection de Dieu. Il y a eu, en plus, des êtres seconds, limités, imparfaits, bref, des êtres finis ; l'Etre infini est resté le même. La coexistence de l'infini et du fini n'est donc pas contradictoire, parce que les deux ne sont pas du même ordre.
BIBLIOGRAPHIE. — Les mêmes auteurs qu'au chapitre précédent.
63Nous employons ici l'expression courante « être personnel » en tant qu'elle s'oppose au système panthéiste gui confond Dieu avec le monde. Évidemment, nous ne voulons pas entendre par là qu'il n'y aurait en Dieu qu'une seule personne. A la rigueur, l'expression « être personnel » serait avantageusement remplacée par cette autre expression « substance distincte ».
64Ainsi le mot immanent s'oppose à transcendant. Dire de Dieu qu'il est transcendant, c'est affirmer son existence hors du monde; dire qu'il est immanent c'est l'identifier avec le monde.
65Vacherot, Le nouveau Spiritualisme.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Chapitre III. — Action de Dieu.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
81 — Après avoir établi l'existence et la nature de Dieu, nous devons rechercher quelle est son action, ou, si l'on préfère, quels sont ses rapports avec le monde. Dieu est la Cause première de tout, nous l'avons vu en démontrant son existence. Nous devons poursuivre plus loin et faire sur ce sujet une double enquête. Nous nous demanderons : 1° Comment Dieu, qui est le seul Etre nécessaire, a produit le monde, s'il l'a créé, ou s'il l'a tiré de sa substance, et 2° comment il le gouverne. D'où deux articles.
Art. I. — De la Création.
Cet article se subdivisera en trois paragraphes : 1° Origine du monde. 2° Origine de la vie. 3° Origine des espèces.
§1. Origine du monde.
82. — 1° Erreurs sur ce point- — On ne peut expliquer l'origine du monde que de trois manières : — a) Ou bien l'on peut dire que la matière est éternelle, nécessaire, indépendante comme Dieu qui n'en serait alors que l'organisateur : c'est la réponse du dualisme. — b) Ou bien le monde est une émanation de la substance divine, Dieu l'aurait tiré de sa propre substance : c'est la réponse du panthéisme. Une forme de panthéisme, plus à la mode de nos jours, le panthéisme évolutionniste (N° 78), dit plutôt que Dieu, c'est le monde qui évolue. — c) Ou bien le monde a été produit de rien par la toute-puissance de Dieu, il a été créé : c'est la réponse des théistes.
Seule, la dernière réponse est acceptable. Les deux premières constituent des erreurs. — a) Le dualisme, qui fait de la matière un être nécessaire et indépendant, suppose par le fait qu'il y a deux dieux. Or nous avons vu (N° 70) que, Dieu étant l'être infini, il ne saurait exister, à côté de lui, un autre être indépendant, puisque ce dernier limiterait sa puissance66 (1). — b) Le panthéisme a été également réfuté dans la leçon précédente (N° 79). La théorie de l'émanation est, du reste, une hypothèse contradictoire. Comment expliquer qu'une substance, qui tirerait son origine de l'infini, n'aurait plus les attributs de la substance d'où elle émane ? Comment la substance nécessaire et infinie deviendrait-elle contingente et finie ? II faudrait donc supposer qu'une partie de la substance divine perdrait ses propriétés en se détachant de la substance commune : ce qui est contradictoire dans un être immuable et simple.
83. — 2° La Création. — A. DÉFINITION. — créer c'est tirer du néant. La création du. monde, c'est donc Dieu qui tire le monde du néant, et non de sa substance, ni d'aucune matière préexistante.
B. POSSIBILITÉ. — Mais la création est-elle possible? On objecte que du néant il ne sort rien. « Ex nihilo nihil fit». Et cela est juste si l'on entend par là que le néant ne peut être une cause, que, n'existant pas, il ne peut rien produire ; cela est encore vrai si l'on suppose un néant absolu et que Dieu n'existe pas ; mais cela est faux si l'on prétend que là où il n'y avait rien, il n'est pas possible que quelque chose soit67. Il n'y a dans ce fait ni contradiction ni impossibilité. D'ailleurs le concept de création peut trouver des analogies parmi les causes secondes. Si aucune substance créée n'a le pouvoir de créer d'autres substances, elle peut cependant donner naissance à des accidents nouveaux ou produire de nouvelles substances. C'est ainsi que notre esprit produit nos pensées ; notre volonté, nos volitions. Par la synthèse et l'analyse le chimiste produit de nouvelles substances (ex : l'eau avec l'oxygène et l'hydrogène). Il ne faut donc pas refuser à Dieu, dont la puissance est infinie, ce que l'homme peut faire dans une certaine mesure.
C. NÉCESSITÉ. — La création est non seulement possible, mais elle est nécessaire. Nous avons vu en effet que les systèmes, dualiste et panthéiste, étaient inadmissibles. La création est donc la seule explication valable de l'origine du monde68.
Mais si le fait de la création peut être affirmé avec certitude, le problème se complique quand il s'agit d'en déterminer le mode. Comment le monde a-t-il été formé ? Nous renvoyons, pour les réponses que la Foi et la Science font à cette question, à notre Doctrine catholique (Nos 55-57).
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
81 — Après avoir établi l'existence et la nature de Dieu, nous devons rechercher quelle est son action, ou, si l'on préfère, quels sont ses rapports avec le monde. Dieu est la Cause première de tout, nous l'avons vu en démontrant son existence. Nous devons poursuivre plus loin et faire sur ce sujet une double enquête. Nous nous demanderons : 1° Comment Dieu, qui est le seul Etre nécessaire, a produit le monde, s'il l'a créé, ou s'il l'a tiré de sa substance, et 2° comment il le gouverne. D'où deux articles.
Art. I. — De la Création.
Cet article se subdivisera en trois paragraphes : 1° Origine du monde. 2° Origine de la vie. 3° Origine des espèces.
§1. Origine du monde.
82. — 1° Erreurs sur ce point- — On ne peut expliquer l'origine du monde que de trois manières : — a) Ou bien l'on peut dire que la matière est éternelle, nécessaire, indépendante comme Dieu qui n'en serait alors que l'organisateur : c'est la réponse du dualisme. — b) Ou bien le monde est une émanation de la substance divine, Dieu l'aurait tiré de sa propre substance : c'est la réponse du panthéisme. Une forme de panthéisme, plus à la mode de nos jours, le panthéisme évolutionniste (N° 78), dit plutôt que Dieu, c'est le monde qui évolue. — c) Ou bien le monde a été produit de rien par la toute-puissance de Dieu, il a été créé : c'est la réponse des théistes.
Seule, la dernière réponse est acceptable. Les deux premières constituent des erreurs. — a) Le dualisme, qui fait de la matière un être nécessaire et indépendant, suppose par le fait qu'il y a deux dieux. Or nous avons vu (N° 70) que, Dieu étant l'être infini, il ne saurait exister, à côté de lui, un autre être indépendant, puisque ce dernier limiterait sa puissance66 (1). — b) Le panthéisme a été également réfuté dans la leçon précédente (N° 79). La théorie de l'émanation est, du reste, une hypothèse contradictoire. Comment expliquer qu'une substance, qui tirerait son origine de l'infini, n'aurait plus les attributs de la substance d'où elle émane ? Comment la substance nécessaire et infinie deviendrait-elle contingente et finie ? II faudrait donc supposer qu'une partie de la substance divine perdrait ses propriétés en se détachant de la substance commune : ce qui est contradictoire dans un être immuable et simple.
83. — 2° La Création. — A. DÉFINITION. — créer c'est tirer du néant. La création du. monde, c'est donc Dieu qui tire le monde du néant, et non de sa substance, ni d'aucune matière préexistante.
B. POSSIBILITÉ. — Mais la création est-elle possible? On objecte que du néant il ne sort rien. « Ex nihilo nihil fit». Et cela est juste si l'on entend par là que le néant ne peut être une cause, que, n'existant pas, il ne peut rien produire ; cela est encore vrai si l'on suppose un néant absolu et que Dieu n'existe pas ; mais cela est faux si l'on prétend que là où il n'y avait rien, il n'est pas possible que quelque chose soit67. Il n'y a dans ce fait ni contradiction ni impossibilité. D'ailleurs le concept de création peut trouver des analogies parmi les causes secondes. Si aucune substance créée n'a le pouvoir de créer d'autres substances, elle peut cependant donner naissance à des accidents nouveaux ou produire de nouvelles substances. C'est ainsi que notre esprit produit nos pensées ; notre volonté, nos volitions. Par la synthèse et l'analyse le chimiste produit de nouvelles substances (ex : l'eau avec l'oxygène et l'hydrogène). Il ne faut donc pas refuser à Dieu, dont la puissance est infinie, ce que l'homme peut faire dans une certaine mesure.
C. NÉCESSITÉ. — La création est non seulement possible, mais elle est nécessaire. Nous avons vu en effet que les systèmes, dualiste et panthéiste, étaient inadmissibles. La création est donc la seule explication valable de l'origine du monde68.
Mais si le fait de la création peut être affirmé avec certitude, le problème se complique quand il s'agit d'en déterminer le mode. Comment le monde a-t-il été formé ? Nous renvoyons, pour les réponses que la Foi et la Science font à cette question, à notre Doctrine catholique (Nos 55-57).
66Mentionnons aussi le dualisme manichéen, d'après lequel il y aurait deux principes : un principe bon, source de tout bien, qui est l'esprit, et un principe mauvais source de tout mal, qui est la nature. Le bien et le mal que nous constatons dans le monde s'expliqueraient par une lutte éternelle entre ces deux principes.
67
Il est facile après cela de saisir le sens exact de l'expression « tirer du néant ». Le néant et l'objet créé n'ont pas ici les rapports de cause à effet ; pas davantage, ils ne sont les deux termes d'une évolution. La relation qui existe entre les deux est une relation purement mentale. Tirer du néant marque donc le passage du non-être à l'être, sans qu'il y ait entre le premier et le second d'autre relation que celle de deux moments différents.
68Nous pourrions faire remarquer ici que la science ne peut rien opposer au dogme de la création. La création, en effet, est en dehors du champ d'observation de la science, et elle ne présente rien de contraire aux faits constatés par la science.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 2. — Origine de la vie.
84. — Les êtres vivants n'ont pas toujours existé sur la terre: tous les savants sont unanimes à le reconnaître. L’hypothèse de Laplace qui explique la formation du monde, suppose que la terre a passé par une période d'incandescence incompatible avec la vie. Mais si la vie n'a pas toujours existé, comment a-t-elle commencé ? I1 n'y a sur ce point que deux hypothèses possibles : il y a eu création ou génération spontanée69.
85. — 1° Création. — Selon cette hypothèse, les premiers êtres vivants ont été créés par Dieu. Toutefois, cette création a pu se faire de deux façons. — a) Ou bien Dieu, par un acte de sa toute-puissance, a fait apparaître les premiers êtres vivants lorsque les conditions nécessaires à la vie furent réalisées sur la terre : il y aurait eu, dans ce cas, création directe. — b) Ou bien Dieu a déposé, à l'origine, au sein de la matière, soit des germes, soit des forces capables de produire les premiers organismes, au moment propice à leur éclosion : dans ce second cas, il y aurait eu création indirecte. La supposition de germes, créés par Dieu en même temps que la matière, est du reste peu vraisemblable, car il serait difficile d'expliquer, dans cette hypothèse, comment ces germes auraient pu résister aux températures extrêmement élevées que la terre a connues dans sa période d'incandescence
86. — 2° Génération spontanée. — On appelle génération spontanée ou hétérogénie (du grec, heteros, autre et genos, race) la naissance d'un être vivant, sans germes préexistants, et par le simple jeu des activités physico-chimiques de la matière. Autrement dit, le premier être vivant serait sorti de la matière ; le minéral aurait produit le végétal, le corps brut aurait donné naissance à un être doué de vie. Que, penser de cette hypothèse? Que vaut-elle au point de vue scientifique? Et quelle importance aurait-elle au point de vue philosophique, si elle était vérifiée ?
A. — AU POINT DE VUE SCIENTIFIQUE, l'hypothèse de la génération spontanée est loin d'être nouvelle. Elle remonte, au contraire, à la plus haute antiquité. Aristote croyait que le monde était plein d'âmes et de vies, qu'il portait en lui les semences des êtres. On connaît le passage des Géorgiques (liv. IV) où Virgile décrit la naissance d'un essaim d'abeilles qui sort des flancs d'un taureau mort. D'après Lucrèce (De rerum natura, liv. V, v. 794-795), « l'on voit sortir de terre des animaux qui sont produits par la pluie et par les chaudes vapeurs du soleil ». Ovide (Métamorphoses, I, 416-438) fait sortir les animaux du dépôt limoneux laissé par le déluge. Van Helmont, au XVIe siècle, enseignait encore le moyen de produire spontanément des souris ; d'autres auteurs donnaient des recettes pour les grenouilles et les anguilles. L'hypothèse de l'hétérogénie resta en vogue jusqu'au XVIIIe siècle, mais il convient d'ajouter de suite qu'elle n'était pas exploitée, du moins d'une manière générale, dans un sens athée ; et la preuve en est que des Pères de l'Église comme saint Augustin, et plus tard, des scolastiques comme Albert le Grand et saint Thomas, pensaient que tous les êtres vivants avaient été créés, en puissance et dans leurs germes, au premier instant de la Création, et que la matière avait reçu de Dieu le pouvoir de s'organiser sous l'action de forces terrestres ou d'influences astrales. Entendue dans ce sens, la génération spontanée était donc une création indirecte.
C'est seulement vers le milieu du XIXe siècle, que l'hypothèse de la génération spontanée prit un autre aspect. Elle fut considérée désormais par l'école matérialiste ou moniste (Vogt, Buchner, Haeckel) comme le seul moyen de se passer de Dieu. Si l'on pose, en effet, comme principe, que la matière est éternelle, qu'elle est douée de force et capable de produire la vie, et que les premiers être vivants purent se développer et s'organiser peu à peu en espèces, si, selon la formule d'Haeckel, « depuis la chute d'une pierre jusqu'à la pensée de l'homme tout se réduit dans l'univers à du mouvement dans les atomes », il sera permis de dire, avec Karl Vogt, que « Dieu est une borne qui recule à mesure que la science avance ».
Le premier problème que les adversaires de Dieu avaient donc à résoudre, c'était de prouver que la vie peut sortir de la matière. A maintes reprises, les hétérogénistes crurent qu'ils tenaient la solution. Mais les expériences de Pasteur ( 1859-1865) renversèrent leurs espérances. Un savant de marque, Pouchet, avait prétendu qu'il n'y a pas de germes dans l'air et qu'il avait obtenu la génération spontanée d'infusoires dans une matière putrescible. Pasteur démontra au contraire par une triple expérience : — 1. que l'air contient en suspens des corpuscules organisés semblables à des germes ; — 2. que, si l'on prend soin d'éliminer ces germes, on n'obtient jamais de production d'infusoires ; — 3. qu'on peut obtenir ou supprimer les productions d'infusoires selon qu'on introduit ou qu'on supprime les germes obtenus par la première méthode.
Devant les conclusions de Pasteur, les partisans de la génération spontanée ne s'avouèrent pas cependant vaincus. Changeant de tactique, ils objectèrent que les êtres unicellulaires, que nous révèle le microscope, ne représentent pas la première ébauche de la vie, qu'ils sont déjà l'aboutissement d'une longue période d'évolution et de perfectionnement, que la vie est apparue à l'origine sous la forme d'organismes beaucoup plus rudimentaires que les microbes, et que les premiers êtres vivants étaient intermédiaires entre ces derniers et les molécules chimiques. En 1868, on crut avoir découvert la fameuse monère70 primitive. On, avait retiré du fond de la mer une matière gélatineuse semblable à un informe protoplasme71. Haeckel pensa que l'on se trouvait en présence d'un type élémentaire d'être vivant sorti de la matière inerte. Huxley le baptisa alors du nom de Bathybius (c'est-à-dire qui vit dans les profondeurs). Cependant le bonheur du camp matérialiste fut éphémère, car la critique scientifique ne tarda pas à montrer que le Bathybius n'était pas un vrai protoplasme doué de vie, mais « un amas de mucosités que les éponges et certains zoophytes laissent échapper quand leurs tissus sont froissés par le contact des engins de pêche» (Milne-Edwards). Au surplus, en admettant que le Bathybius eût été une monère douée de toutes les propriétés vitales, il aurait encore fallu prouver qu'il était le résultat de la génération spontanée.
Mais, se dirent alors les matérialistes, si la nature nous refuse des exemples, de génération spontanée, pourquoi n'essaierions-nous pas de produire chimiquement des organismes élémentaires tels que la monère ? La science a établi que la matière de l'être vivant ne lui est pas spéciale, que tout être vivant se compose en grande partie d'hydrogène, d'oxygène, d'azote, de carbone et, en petite proportion, de phosphore, de fer, de soufre, etc. Par ailleurs, Berthelot est arrivé â reconstruire artificiellement les sucres, les éthers, les alcools, reliant ainsi la chimie organique à la chimie minérale. Mais si la matière vivante est réductible à la matière inorganique, pourquoi ne pourrait-on pas, par de simples procédés de laboratoire, créer des matières que l'on considérait autrefois comme l'œuvre de la force vitale ? Les forces physico-chimiques ne sont-elles pas suffisantes à rendre compte de la vie végétative. Des tentatives furent faites dans ce sens. Il y eut surtout, dans ces derniers temps, deux expériences qui firent grand bruit et qui aboutirent d'ailleurs à un piteux échec. Nous les rappellerons brièvement.
84. — Les êtres vivants n'ont pas toujours existé sur la terre: tous les savants sont unanimes à le reconnaître. L’hypothèse de Laplace qui explique la formation du monde, suppose que la terre a passé par une période d'incandescence incompatible avec la vie. Mais si la vie n'a pas toujours existé, comment a-t-elle commencé ? I1 n'y a sur ce point que deux hypothèses possibles : il y a eu création ou génération spontanée69.
85. — 1° Création. — Selon cette hypothèse, les premiers êtres vivants ont été créés par Dieu. Toutefois, cette création a pu se faire de deux façons. — a) Ou bien Dieu, par un acte de sa toute-puissance, a fait apparaître les premiers êtres vivants lorsque les conditions nécessaires à la vie furent réalisées sur la terre : il y aurait eu, dans ce cas, création directe. — b) Ou bien Dieu a déposé, à l'origine, au sein de la matière, soit des germes, soit des forces capables de produire les premiers organismes, au moment propice à leur éclosion : dans ce second cas, il y aurait eu création indirecte. La supposition de germes, créés par Dieu en même temps que la matière, est du reste peu vraisemblable, car il serait difficile d'expliquer, dans cette hypothèse, comment ces germes auraient pu résister aux températures extrêmement élevées que la terre a connues dans sa période d'incandescence
86. — 2° Génération spontanée. — On appelle génération spontanée ou hétérogénie (du grec, heteros, autre et genos, race) la naissance d'un être vivant, sans germes préexistants, et par le simple jeu des activités physico-chimiques de la matière. Autrement dit, le premier être vivant serait sorti de la matière ; le minéral aurait produit le végétal, le corps brut aurait donné naissance à un être doué de vie. Que, penser de cette hypothèse? Que vaut-elle au point de vue scientifique? Et quelle importance aurait-elle au point de vue philosophique, si elle était vérifiée ?
A. — AU POINT DE VUE SCIENTIFIQUE, l'hypothèse de la génération spontanée est loin d'être nouvelle. Elle remonte, au contraire, à la plus haute antiquité. Aristote croyait que le monde était plein d'âmes et de vies, qu'il portait en lui les semences des êtres. On connaît le passage des Géorgiques (liv. IV) où Virgile décrit la naissance d'un essaim d'abeilles qui sort des flancs d'un taureau mort. D'après Lucrèce (De rerum natura, liv. V, v. 794-795), « l'on voit sortir de terre des animaux qui sont produits par la pluie et par les chaudes vapeurs du soleil ». Ovide (Métamorphoses, I, 416-438) fait sortir les animaux du dépôt limoneux laissé par le déluge. Van Helmont, au XVIe siècle, enseignait encore le moyen de produire spontanément des souris ; d'autres auteurs donnaient des recettes pour les grenouilles et les anguilles. L'hypothèse de l'hétérogénie resta en vogue jusqu'au XVIIIe siècle, mais il convient d'ajouter de suite qu'elle n'était pas exploitée, du moins d'une manière générale, dans un sens athée ; et la preuve en est que des Pères de l'Église comme saint Augustin, et plus tard, des scolastiques comme Albert le Grand et saint Thomas, pensaient que tous les êtres vivants avaient été créés, en puissance et dans leurs germes, au premier instant de la Création, et que la matière avait reçu de Dieu le pouvoir de s'organiser sous l'action de forces terrestres ou d'influences astrales. Entendue dans ce sens, la génération spontanée était donc une création indirecte.
C'est seulement vers le milieu du XIXe siècle, que l'hypothèse de la génération spontanée prit un autre aspect. Elle fut considérée désormais par l'école matérialiste ou moniste (Vogt, Buchner, Haeckel) comme le seul moyen de se passer de Dieu. Si l'on pose, en effet, comme principe, que la matière est éternelle, qu'elle est douée de force et capable de produire la vie, et que les premiers être vivants purent se développer et s'organiser peu à peu en espèces, si, selon la formule d'Haeckel, « depuis la chute d'une pierre jusqu'à la pensée de l'homme tout se réduit dans l'univers à du mouvement dans les atomes », il sera permis de dire, avec Karl Vogt, que « Dieu est une borne qui recule à mesure que la science avance ».
Le premier problème que les adversaires de Dieu avaient donc à résoudre, c'était de prouver que la vie peut sortir de la matière. A maintes reprises, les hétérogénistes crurent qu'ils tenaient la solution. Mais les expériences de Pasteur ( 1859-1865) renversèrent leurs espérances. Un savant de marque, Pouchet, avait prétendu qu'il n'y a pas de germes dans l'air et qu'il avait obtenu la génération spontanée d'infusoires dans une matière putrescible. Pasteur démontra au contraire par une triple expérience : — 1. que l'air contient en suspens des corpuscules organisés semblables à des germes ; — 2. que, si l'on prend soin d'éliminer ces germes, on n'obtient jamais de production d'infusoires ; — 3. qu'on peut obtenir ou supprimer les productions d'infusoires selon qu'on introduit ou qu'on supprime les germes obtenus par la première méthode.
Devant les conclusions de Pasteur, les partisans de la génération spontanée ne s'avouèrent pas cependant vaincus. Changeant de tactique, ils objectèrent que les êtres unicellulaires, que nous révèle le microscope, ne représentent pas la première ébauche de la vie, qu'ils sont déjà l'aboutissement d'une longue période d'évolution et de perfectionnement, que la vie est apparue à l'origine sous la forme d'organismes beaucoup plus rudimentaires que les microbes, et que les premiers êtres vivants étaient intermédiaires entre ces derniers et les molécules chimiques. En 1868, on crut avoir découvert la fameuse monère70 primitive. On, avait retiré du fond de la mer une matière gélatineuse semblable à un informe protoplasme71. Haeckel pensa que l'on se trouvait en présence d'un type élémentaire d'être vivant sorti de la matière inerte. Huxley le baptisa alors du nom de Bathybius (c'est-à-dire qui vit dans les profondeurs). Cependant le bonheur du camp matérialiste fut éphémère, car la critique scientifique ne tarda pas à montrer que le Bathybius n'était pas un vrai protoplasme doué de vie, mais « un amas de mucosités que les éponges et certains zoophytes laissent échapper quand leurs tissus sont froissés par le contact des engins de pêche» (Milne-Edwards). Au surplus, en admettant que le Bathybius eût été une monère douée de toutes les propriétés vitales, il aurait encore fallu prouver qu'il était le résultat de la génération spontanée.
Mais, se dirent alors les matérialistes, si la nature nous refuse des exemples, de génération spontanée, pourquoi n'essaierions-nous pas de produire chimiquement des organismes élémentaires tels que la monère ? La science a établi que la matière de l'être vivant ne lui est pas spéciale, que tout être vivant se compose en grande partie d'hydrogène, d'oxygène, d'azote, de carbone et, en petite proportion, de phosphore, de fer, de soufre, etc. Par ailleurs, Berthelot est arrivé â reconstruire artificiellement les sucres, les éthers, les alcools, reliant ainsi la chimie organique à la chimie minérale. Mais si la matière vivante est réductible à la matière inorganique, pourquoi ne pourrait-on pas, par de simples procédés de laboratoire, créer des matières que l'on considérait autrefois comme l'œuvre de la force vitale ? Les forces physico-chimiques ne sont-elles pas suffisantes à rendre compte de la vie végétative. Des tentatives furent faites dans ce sens. Il y eut surtout, dans ces derniers temps, deux expériences qui firent grand bruit et qui aboutirent d'ailleurs à un piteux échec. Nous les rappellerons brièvement.
69II n'y a pas lieu, en effet, d'envisager une troisième hypothèse comme celle du panspermisme interastral, d'après laquelle la terre aurait été ensemencée par des germes tombés des espaces interplanétaires, au moment où elle commença à se refroidir. Une semblable réponse ne ferait que reculer la difficulté, car il faudrait toujours dire comment ces germes se trouvaient dans les autres astres et quelle en était l'origine.
70
La monère est, dans la théorie moniste, le plus simple organisme que nous puissions connaître, une parcelle de protoplasme sans noyau. — La cellule, elle, se compose du noyau, au centre, et autour du noyau, du protoplasme, formé d'un ensemble de filaments plongeant dans un liquide assez dense ; c'est déjà un organisme plus compliqué, puisqu'il contient un noyau. — Au-dessus des organismes unicellulaires (composés d'une seule cellule) tels que les microbes, il y a les organismes pluricellulaires, composés d'un nombre incalculable de cellules. Et dans un organisme pluricellulaire, il y a différentes sortes de cellules. Le groupement des cellules semblables entre elles forme le tissu : tissu nerveux, tissu musculaire, etc.
71Le protoplasme (de deux mots grec prôtos, premier, et plassein, former) désigne, selon l'étymologie du mot, l'organisme primitif, la première forme d'être vivant.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
a) Les radiobes de Burke. — En 1905, un jeune physicien anglais, J. Burke, crut qu'il avait réussi à produire, par le radium, des organismes tout à fait primitifs qu'il appela radiobes, c'est-à-dire vivants par la toute-puissante vertu du radium. Voici comment il fit ses expériences. Il prit trois ballons dans lesquels il introduisit un bouillon de culture, c'est-à-dire un mélange de substances organiques destinées à servir au développement des microbes. Après avoir soigneusement stérilisé ce bouillon de culture, il introduisit du bromure de radium dans le premier ballon, du chlorure de radium dans le second et rien dans le troisième qui devait être le ballon témoin. Après quelques jours, Burke constata que les deux premiers ballons dans lesquels il avait mis un composé de radium, présentaient à la surface de leur bouillon un recouvrement qui avait toutes les apparences d'une culture de microbes, tandis que rien n'apparaissait dans le ballon témoin. Ces fruits du radium, ou radiobes, étaient, aux yeux de Burke, les microorganismes, tels qu'ils durent apparaître à l'origine. Mais, quelque temps après, Burke fut obligé de reconnaître qu'il s'était trompé, qu'il avait pris pour des vivants des apparences de vivants et que ses radiobes n'étaient que des bulles gazeuses formées par la décomposition de l'eau de la gélatine sous l'influence du radium.
b) Vers la fin de 1906, un professeur à l'École de médecine de Nantes, M. Stéphane Leduc, communiqua à l'Académie des Sciences la découverte qu'il venait de faire de « cellules artificielles réalisant la plupart des fonctions de la vie ». L'expérience consistait à semer des granules de sulfate de cuivre sur une gélatine formée de ferro-cyanure de potassium, de sucre, de sel et d'eau. Bientôt les granules se gonflaient comme des graines et se développaient comme des plantes. M. Leduc concluait qu'il avait ainsi réalisé la vie sans germes. Conclusion encore prématurée, car on lui démontra bientôt que ce qui s'était produit sous ses yeux, ce n'était nullement la génération spontanée d'un être vivant, et qu'on se trouvait en présence d'un cas du phénomène connu en physique sous le nom d'osmose. Quand deux liquides sont séparés par une membrane ou une cloison poreuse, l'un d'eux peut se transporter vers l'autre et l'augmenter indéfiniment, ce qui donne à ce dernier l'apparence de grossir et de croître comme la pousse d'une végétation. M. Leduc n'avait donc produit qu'une contrefaçon de la vie, « un calembour de la vie » comme l'appelèrent d'Arsonval et Bonnier, membres de l'Institut.
La science expérimentale en est toujours là. Les expériences de Pasteur restent intactes : l'être vivant vient d'un autre être vivant. Si les laboratoires ont été impuissants à créer la vie, c'est qu'entre la matière inorganique et la matière vivante, il y a apparemment une barrière infranchissable. Le principe vital dépasse les forces de la matière ; en d'autres termes, la vie ne peut être le produit de la matière. Jusqu'à preuve du contraire, nous avons donc le droit dé conclure que la vie a dû être créée en dehors des forces de la nature.
B. AU POINT DE VUE PHILOSOPHIQUE, que devons-nous penser de la génération spontanée ? Dans l'état actuel de la science, toutes les expériences ont démontré qu'elle n'existe pas. Avons-nous le droit d'en conclure qu'elle n'a jamais existé et qu'elle n'est pas possible , ? Ces deux conclusions seraient téméraires. Car, si nous prétendons qu'elle n'a jamais existé parce qu'autrement elle existerait encore, vu que les lois de la nature sont immuables et que la matière n'a pas dû perdre sa puissance, on pourra nous répondre que les conditions voulues font défaut pour le moment et qu'il n'en a pas été ainsi par le passé. Et si nous estimons qu'elle n'est pas possible parce que nos adversaires sont incapables d'en faire la preuve, on pourra nous répondre que la création est également impossible, puisque nous ne sommes pas non plus en état d'en apporter des exemples72.
Les apologistes catholiques n'ont donc pas à prendre parti dans le débat. Ils affirment seulement que, si la vie a commencé par génération spontanée, c'est que Dieu avait doué la matière de forces capables de produire la vie. Directement ou indirectement, il faut toujours recourir à la création. Ainsi nous pouvons conclure, avec le matérialiste Viechow, que la création spontanée « ce ne sont pas les théologiens qui la repoussent, ce sont les savants ».
b) Vers la fin de 1906, un professeur à l'École de médecine de Nantes, M. Stéphane Leduc, communiqua à l'Académie des Sciences la découverte qu'il venait de faire de « cellules artificielles réalisant la plupart des fonctions de la vie ». L'expérience consistait à semer des granules de sulfate de cuivre sur une gélatine formée de ferro-cyanure de potassium, de sucre, de sel et d'eau. Bientôt les granules se gonflaient comme des graines et se développaient comme des plantes. M. Leduc concluait qu'il avait ainsi réalisé la vie sans germes. Conclusion encore prématurée, car on lui démontra bientôt que ce qui s'était produit sous ses yeux, ce n'était nullement la génération spontanée d'un être vivant, et qu'on se trouvait en présence d'un cas du phénomène connu en physique sous le nom d'osmose. Quand deux liquides sont séparés par une membrane ou une cloison poreuse, l'un d'eux peut se transporter vers l'autre et l'augmenter indéfiniment, ce qui donne à ce dernier l'apparence de grossir et de croître comme la pousse d'une végétation. M. Leduc n'avait donc produit qu'une contrefaçon de la vie, « un calembour de la vie » comme l'appelèrent d'Arsonval et Bonnier, membres de l'Institut.
La science expérimentale en est toujours là. Les expériences de Pasteur restent intactes : l'être vivant vient d'un autre être vivant. Si les laboratoires ont été impuissants à créer la vie, c'est qu'entre la matière inorganique et la matière vivante, il y a apparemment une barrière infranchissable. Le principe vital dépasse les forces de la matière ; en d'autres termes, la vie ne peut être le produit de la matière. Jusqu'à preuve du contraire, nous avons donc le droit dé conclure que la vie a dû être créée en dehors des forces de la nature.
B. AU POINT DE VUE PHILOSOPHIQUE, que devons-nous penser de la génération spontanée ? Dans l'état actuel de la science, toutes les expériences ont démontré qu'elle n'existe pas. Avons-nous le droit d'en conclure qu'elle n'a jamais existé et qu'elle n'est pas possible , ? Ces deux conclusions seraient téméraires. Car, si nous prétendons qu'elle n'a jamais existé parce qu'autrement elle existerait encore, vu que les lois de la nature sont immuables et que la matière n'a pas dû perdre sa puissance, on pourra nous répondre que les conditions voulues font défaut pour le moment et qu'il n'en a pas été ainsi par le passé. Et si nous estimons qu'elle n'est pas possible parce que nos adversaires sont incapables d'en faire la preuve, on pourra nous répondre que la création est également impossible, puisque nous ne sommes pas non plus en état d'en apporter des exemples72.
Les apologistes catholiques n'ont donc pas à prendre parti dans le débat. Ils affirment seulement que, si la vie a commencé par génération spontanée, c'est que Dieu avait doué la matière de forces capables de produire la vie. Directement ou indirectement, il faut toujours recourir à la création. Ainsi nous pouvons conclure, avec le matérialiste Viechow, que la création spontanée « ce ne sont pas les théologiens qui la repoussent, ce sont les savants ».
72
A vrai dire ni l'une ni l'autre des deux thèses, ni celle qui affirme ni celle gui nie la possibilité de jamais produire chimiquement un organisme élémentaire, ne peut Invoquer l'autorité de l'expérience. Elles sont toutes deux invérifiables, la première parce que la science n'a pas encore avancé d'un pas vers la synthèse chimique d'une substance vivante, la seconde parce qu'il n'existe aucun moyen concevable de prouver expérimentalement l'impossibilité d'un fait. » (H. Bergson, L'évolution créatrice.)
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 3. — Origine des espèces. Fixisme ou Évolutionnisme.
87. — Quelle que soit l'origine de la vie, elle nous apparaît actuellement sous beaucoup de formes qui vont des plus simples aux plus compliquées. Si nous considérons les deux grands règnes, végétal et animal, dans lesquels on classe tous les êtres vivants, nous constatons que, depuis l'algue unicellulaire jusqu'au chêne, et depuis l'infusoire jusqu'au mammifère, il y a de multiples variétés, de nombreuses espèces, dont les ressemblances et les divergences sont en proportion de la distance qui les sépare. D'où viennent ces espèces? Ont-elles été créées par Dieu, par autant d'actes créateurs qu'il y a d'espèces ? Ont-elles, au contraire, une origine commune et sortent-elles d'un même tronc, d'un même protoplasme qui aurait évolué peu à peu? Telles sont les deux hypothèses que comporte l'origine des espèces. Elles s'appellent : 1° le fixisme, et 2° l’évolutionnisme.
88. — 1° Fixisme. — Dans l'hypothèse fixiste, les espèces ont été créées par Dieu, telles que nous les voyons. Ou tout au moins, elles proviennent de germes créés directement par Dieu, en aussi grand nombre qu'il y a d'espèces différentes, et qui auraient éclos lorsqu'ils auraient été dans les conditions voulues. Quelle que soit, du reste, la manière dont elles ont été créées, les espèces ont pour caractéristique d'être fixes, de ne pouvoir subir aucune modification essentielle, et partant, d'être inaptes à produire de nouvelles espèces par voie d'évolution. Cette hypothèse que, pour cette raison, on appelle fixisme, a eu pour partisans la plupart des anciens apologistes, et des naturalistes de première valeur : Cuvier, de QUATREFAGES, FLOUKENS, AGASSIZ, FAIVRE, HÉBERT, BLANOCHIARD, DE NADAILLAC, etc. Nous verrons plus loin les arguments qu'elle oppose à l'évolutionnisme.
89. — 2° Évolutionnisme. — Considéré à un point de vue général, l'évolutionnisme est un vaste système qui explique l'origine des choses par l’évolution. Suivant cette théorie, tout ici-bas évolue : matière, vie, pensée. L'évolution de la matière a fait passer celle-ci de l'état de masse confuse, chaotique, à l'état de monde organisé et habitable (théorie de Lapidée). L'évolution de la vie a donné naissance aux espèces, et l'évolution de la pensée explique tous les progrès que les hommes ont faits dans le domaine des lettres, des sciences et des arts73.
90. — Transformisme. — Appliqué aux espèces, l'évolutionnisme porte le nom de transformisme: Comme le mot l'indique, le transformisme enseigne que les espèces sont issues les unes des autres par une série de transformations successives, qu'elles ont une descendance commune et sont ainsi comme les rameaux d'un grand arbre. Mais comment ces transformations se sont-elles opérées? Le problème est résolu différemment par les deux systèmes qui s'appellent le lamarckisme et le darwinisme.74.
87. — Quelle que soit l'origine de la vie, elle nous apparaît actuellement sous beaucoup de formes qui vont des plus simples aux plus compliquées. Si nous considérons les deux grands règnes, végétal et animal, dans lesquels on classe tous les êtres vivants, nous constatons que, depuis l'algue unicellulaire jusqu'au chêne, et depuis l'infusoire jusqu'au mammifère, il y a de multiples variétés, de nombreuses espèces, dont les ressemblances et les divergences sont en proportion de la distance qui les sépare. D'où viennent ces espèces? Ont-elles été créées par Dieu, par autant d'actes créateurs qu'il y a d'espèces ? Ont-elles, au contraire, une origine commune et sortent-elles d'un même tronc, d'un même protoplasme qui aurait évolué peu à peu? Telles sont les deux hypothèses que comporte l'origine des espèces. Elles s'appellent : 1° le fixisme, et 2° l’évolutionnisme.
88. — 1° Fixisme. — Dans l'hypothèse fixiste, les espèces ont été créées par Dieu, telles que nous les voyons. Ou tout au moins, elles proviennent de germes créés directement par Dieu, en aussi grand nombre qu'il y a d'espèces différentes, et qui auraient éclos lorsqu'ils auraient été dans les conditions voulues. Quelle que soit, du reste, la manière dont elles ont été créées, les espèces ont pour caractéristique d'être fixes, de ne pouvoir subir aucune modification essentielle, et partant, d'être inaptes à produire de nouvelles espèces par voie d'évolution. Cette hypothèse que, pour cette raison, on appelle fixisme, a eu pour partisans la plupart des anciens apologistes, et des naturalistes de première valeur : Cuvier, de QUATREFAGES, FLOUKENS, AGASSIZ, FAIVRE, HÉBERT, BLANOCHIARD, DE NADAILLAC, etc. Nous verrons plus loin les arguments qu'elle oppose à l'évolutionnisme.
89. — 2° Évolutionnisme. — Considéré à un point de vue général, l'évolutionnisme est un vaste système qui explique l'origine des choses par l’évolution. Suivant cette théorie, tout ici-bas évolue : matière, vie, pensée. L'évolution de la matière a fait passer celle-ci de l'état de masse confuse, chaotique, à l'état de monde organisé et habitable (théorie de Lapidée). L'évolution de la vie a donné naissance aux espèces, et l'évolution de la pensée explique tous les progrès que les hommes ont faits dans le domaine des lettres, des sciences et des arts73.
90. — Transformisme. — Appliqué aux espèces, l'évolutionnisme porte le nom de transformisme: Comme le mot l'indique, le transformisme enseigne que les espèces sont issues les unes des autres par une série de transformations successives, qu'elles ont une descendance commune et sont ainsi comme les rameaux d'un grand arbre. Mais comment ces transformations se sont-elles opérées? Le problème est résolu différemment par les deux systèmes qui s'appellent le lamarckisme et le darwinisme.74.
73
L’évolution, n'est du reste pas une idée nouvelle ; nous la trouvons déjà chez les philosophes grecs (École d’Ionie, Stoïciens, Alexandrins), chez certains Pères de l'Eglise (saint Grégoire de Nysse, saint Hilaire, saint Ambroise, saint Augustin), chez les scolastiques (Albert le Grand, saint Thomas). Chez les modernes, Bacon, Pascal, Leibniz sont plus ou moins évolutionnistes ; Turgot et Condorcet défendent l'idée de progrès, voisine de celle d'évolution. H. Spencer a fait de l'évolutionnisme une vaste synthèse où l'évolution est regardée comme la loi générale qui régit le monde.
74 Il ne faut pas confondre, en effet, le transformisme qui est la théorie générale affirmant la transformation des espèces, avec les systèmes particuliers : le lamarckisme ou système de Lamarck, le darwinisme ou système de Darwin, qui prétendent expliquer comment l'évolution a eu lieu, et indiquer les causes qui ont déterminé les transformations.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
91. — A. LE LAMARCKISME. — D'après Lamarck (1744-1829) qui peut être regardé comme le père du transformisme, trois facteurs expliquent le passage d'une espèce à l'autre : le milieu, l'hérédité et le temps. Le milieu, et il faut entendre par là le climat, la lumière, la température, la nourriture, etc., est le facteur principal. Le milieu force l'organisme à s'adapter aux conditions qui lui sont faites, il crée donc de nouveaux besoins, et les besoins créent les organes, lesquels se transmettent par l'hérédité. Toutefois, les transformations ne se faisant que lentement et progressivement, le temps est un facteur indispensable.
92. — B. LE DARWINISME. — D'après Darwin (1809-1882), un autre facteur plus important explique le fait des transformations. Ce facteur c'est la sélection naturelle. Puisque l'homme peut bien améliorer les espèces, végétales ou animales, par la sélection artificielle, pourquoi la nature, se dit Darwin, ne serait-elle pas capable d'en faire autant ? Partant de cette idée, le naturaliste anglais avait à rechercher la raison d'être de la sélection naturelle. Il crut la trouver dans le fait de la concurrence vitale. La nature produisant dans les mêmes milieux plus d'individus qu'elle n'en peut nourrir, il s'établit entre eux une lutte pour la vie (struggle for life), dans laquelle les plus faibles succombent. Seuls les plus forts survivent et transmettent leurs qualités à leurs descendants.75 Ainsi, Darwin ajoute à l'influence du milieu et à l'hérédité la sélection naturelle76, c'est-à-dire la survivance du plus fort dans la lutte pour la vie.
93. — Arguments des transformistes. — Que les espèces ne sont pas fixes et n'ont pas été créées telles qu'elles sont, qu'elles ont une descendance commune, qu'elles proviennent, sinon du même ancêtre, tout au moins d'un nombre d'ascendants très restreint, les évolutionnistes prétendent pouvoir en faire la preuve scientifique par la double étude du passé et du présent.
A. L'HISTOIRE DU PASSÉ est, à vrai dire, l'argument le plus décisif en faveur de leur thèse, vu que l'un des facteurs essentiels de l'évolution des espèces, c'est le temps. D'après les transformistes, les paléontologistes, en étudiant les fossiles77 retrouvés dans les couches de la terre, ont constaté : 1) qu'il y a une grande différence entre les espèces actuelles et les espèces anciennes, que ces dernières ont subi, dans le cours des temps, de nombreuses modifications, attestant par là qu'elles ne sont pas fixes et n'ont pas été créées telles qu'elles sont actuellement ; 2) que les espèces ont apparu les unes après les autres, que leur nombre augmente au fur et à mesure qu'on remonte les terrains. Cette apparition successive des espèces, leur nombre toujours croissant, indiquent bien qu'elles descendent les unes des autres ; autrement il faudrait supposer que Dieu retouche sans cesse son œuvre, changeant les espèces anciennes, leur ajoutant des traits insignifiants pour en faire des espèces nouvelles.
B. POUR LE PRÉSENT, les évolutionnistes font appel surtout aux données de deux sciences : l’anatomie et la biologie. — a) En anatomie, disent-ils, nous voyons qu'il y a similitude entre les organes et les os des différentes espèces : ainsi, la patte d'un lion, celle d'une tortue, la nageoire d'une baleine, l'aile d'une chauve-souris et le bras d'un homme comportent les mêmes os semblablement disposés et ne différant que par leurs dimensions relatives ; or, une telle similitude n'est-elle pas la preuve évidente d'une descendance commune? — b) De son côté, la biologie peut, de nos jours encore, nous montrer des êtres en voie d'évolution, de vraies créations d'espèces par la culture
Les évolutionnistes allèguent encore que deux faits sont inexplicables dans l'hypothèse fixiste : — 1. la présence, chez un grand nombre d'animaux, d'organes rudimentaires si peu développés qu'ils sont impropres à tout usage : tels sont, par exemple, les dents fœtales de la baleine, les ailes de l'autruche qui ne lui servent pas à voler, les lobes des poumons chez les serpents, etc. Dans la théorie fixiste, il faut dire que Dieu a fait œuvre inutile en créant des tronçons d'organes. Les évolutionnistes y voient, au contraire, une preuve de la descendance commune : ces organes atrophiés par suite du manque d'usage, rappellent l'ancêtre commun et sont comme sa signature ; — 2. L'histoire du développement individuel que nous révèle l'embryologie. D'après Haeckel et l'école transformiste, [quote]enèse (développement de l'individu) serait la reproduction à grands traits de la phylogénèse (développement de l'espèce) ; en d'autres termes, chaque individu répéterait brièvement, au cours de sa formation, les phases par lesquelles a dû passer son espèce. Les transformistes objectent aux fixistes que le passage d'un être par des formes inférieures à son espèce, est incompréhensible dans leur hypothèse, tandis que pour eux, la chose paraît toute simple, l'évolution individuelle étant comme la reproduction abrégée de l'évolution de l'espèce
92. — B. LE DARWINISME. — D'après Darwin (1809-1882), un autre facteur plus important explique le fait des transformations. Ce facteur c'est la sélection naturelle. Puisque l'homme peut bien améliorer les espèces, végétales ou animales, par la sélection artificielle, pourquoi la nature, se dit Darwin, ne serait-elle pas capable d'en faire autant ? Partant de cette idée, le naturaliste anglais avait à rechercher la raison d'être de la sélection naturelle. Il crut la trouver dans le fait de la concurrence vitale. La nature produisant dans les mêmes milieux plus d'individus qu'elle n'en peut nourrir, il s'établit entre eux une lutte pour la vie (struggle for life), dans laquelle les plus faibles succombent. Seuls les plus forts survivent et transmettent leurs qualités à leurs descendants.75 Ainsi, Darwin ajoute à l'influence du milieu et à l'hérédité la sélection naturelle76, c'est-à-dire la survivance du plus fort dans la lutte pour la vie.
93. — Arguments des transformistes. — Que les espèces ne sont pas fixes et n'ont pas été créées telles qu'elles sont, qu'elles ont une descendance commune, qu'elles proviennent, sinon du même ancêtre, tout au moins d'un nombre d'ascendants très restreint, les évolutionnistes prétendent pouvoir en faire la preuve scientifique par la double étude du passé et du présent.
A. L'HISTOIRE DU PASSÉ est, à vrai dire, l'argument le plus décisif en faveur de leur thèse, vu que l'un des facteurs essentiels de l'évolution des espèces, c'est le temps. D'après les transformistes, les paléontologistes, en étudiant les fossiles77 retrouvés dans les couches de la terre, ont constaté : 1) qu'il y a une grande différence entre les espèces actuelles et les espèces anciennes, que ces dernières ont subi, dans le cours des temps, de nombreuses modifications, attestant par là qu'elles ne sont pas fixes et n'ont pas été créées telles qu'elles sont actuellement ; 2) que les espèces ont apparu les unes après les autres, que leur nombre augmente au fur et à mesure qu'on remonte les terrains. Cette apparition successive des espèces, leur nombre toujours croissant, indiquent bien qu'elles descendent les unes des autres ; autrement il faudrait supposer que Dieu retouche sans cesse son œuvre, changeant les espèces anciennes, leur ajoutant des traits insignifiants pour en faire des espèces nouvelles.
B. POUR LE PRÉSENT, les évolutionnistes font appel surtout aux données de deux sciences : l’anatomie et la biologie. — a) En anatomie, disent-ils, nous voyons qu'il y a similitude entre les organes et les os des différentes espèces : ainsi, la patte d'un lion, celle d'une tortue, la nageoire d'une baleine, l'aile d'une chauve-souris et le bras d'un homme comportent les mêmes os semblablement disposés et ne différant que par leurs dimensions relatives ; or, une telle similitude n'est-elle pas la preuve évidente d'une descendance commune? — b) De son côté, la biologie peut, de nos jours encore, nous montrer des êtres en voie d'évolution, de vraies créations d'espèces par la culture
Les évolutionnistes allèguent encore que deux faits sont inexplicables dans l'hypothèse fixiste : — 1. la présence, chez un grand nombre d'animaux, d'organes rudimentaires si peu développés qu'ils sont impropres à tout usage : tels sont, par exemple, les dents fœtales de la baleine, les ailes de l'autruche qui ne lui servent pas à voler, les lobes des poumons chez les serpents, etc. Dans la théorie fixiste, il faut dire que Dieu a fait œuvre inutile en créant des tronçons d'organes. Les évolutionnistes y voient, au contraire, une preuve de la descendance commune : ces organes atrophiés par suite du manque d'usage, rappellent l'ancêtre commun et sont comme sa signature ; — 2. L'histoire du développement individuel que nous révèle l'embryologie. D'après Haeckel et l'école transformiste, [quote]enèse (développement de l'individu) serait la reproduction à grands traits de la phylogénèse (développement de l'espèce) ; en d'autres termes, chaque individu répéterait brièvement, au cours de sa formation, les phases par lesquelles a dû passer son espèce. Les transformistes objectent aux fixistes que le passage d'un être par des formes inférieures à son espèce, est incompréhensible dans leur hypothèse, tandis que pour eux, la chose paraît toute simple, l'évolution individuelle étant comme la reproduction abrégée de l'évolution de l'espèce
75 D'après le darwinisme, les survivants transmettent à leurs descendants leurs caractères acquis ; d’après le néo-darwinisme (Weissmann) ils transmettent seulement leurs caractères innés.
76
La sélection (seligere, choisir) naturelle, c'est donc la nature qui, pour améliorer les espèces, semble imiter les éleveurs qui choisissent pour la reproduction les animaux les mieux constitués.
77 Les fossiles (latin fossilis, extrait de la terre) sont les restes, maintenant pétrifiés, des plantes et des animaux que l'on retrouve dans les couches géologiques Ces débris sont donc comme les témoins des différentes phases de la terre et nous permettent de reconstruire les étapes de son passé
Dernière édition par Rémi le Mar 10 Jan 2012 - 20:09, édité 1 fois
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
94. Arguments des fixistes. —Les fixistes pensent, au contraire, que la théorie des évolutionnistes n'a aucune base scientifique, ni dans le passé, ni dans le présent, et que les transformations invoquées par eux n'ont jamais été assez grandes pour former des espèces nouvelles, qu'elles n'ont abouti qu'à constituer des races parmi les espèces.
A. L'Histoire DU PASSÉ, loin d'appuyer la thèse transformiste, l'infirme. Non seulement les paléontologistes ont été, jusqu'ici, incapables de retrouver les formes de transition, et pour la bonne raison que ces formes n'existent pas, mais ils ont dû reconnaître que souvent, dans les terrains géologiques, de nouvelles espèces apparaissent brusquement et sans formes transitoires. Le savant Déperet a montré en systématique (science qui traite de la classification des êtres) que les séries des mammifères fossiles se présentaient comme des rameaux parallèles, absolument séparés les uns des autres, sans lien qui puisse les rattacher à leur base, ce qui ne permet pas de leur attribuer un ancêtre commun. D'autre part, les paléontologistes n'ont pas tardé à s'apercevoir que l'évolution réelle qu'ils ont pu établir d'après les pièces qu'ils avaient recueillies, ne s'était pas effectuée suivant la théorie transformiste, c'est-à-dire du simple au compliqué. La fameuse sélection naturelle, invoquée par Darwin, est contredite par les faits : plus d'une fois, les animaux les plus faibles ont survécu, tandis que les plus forts ont disparu (ex. : les reptiles géants des couches secondaires).
B. POUR LE PRÉSENT, ni l’anatomie, ni la biologie, n'apportent d'arguments sérieux en faveur du transformisme. — a) En anatomie, la conclusion tirée de la ressemblance entre les organes des différentes espèces, dérive d'une vue superficielle des choses. D'après l'éminent professeur d'histologie de Montpellier, M. Vialleton, qui en a fait la démonstration dans un récent ouvrage très remarqué (Membres et ceintures des vertébrés tétrapodes, critique morphologique du transformisme), si l'on examine attentivement chaque os, on voit qu'il revêt dans chaque cas une structure particulière, qu'il a sa nature propre, adaptée à ses conditions d'existence et qu'en fait, les organismes, une fois formés, sont comme des systèmes clos ne comportant pas de modification profonde, ce qui est une preuve manifeste que les passages d'une espèce à l’autre sont impossibles. — b) En biologie, les fixistes croient trouver leur meilleur argument dans le fait de l'infécondité qui existe entre les espèces; même les plus voisines. Est-il compréhensible que les espèces qui, d'après les transformistes, doivent être douées de la plus grande plasticité ou aptitude à évoluer, soient ainsi frappées de stérilité quand on les rapproche, ou n'aient qu'une fécondité extrêmement limitée? L'on est donc en droit de conclure, disent les fixistes, que les espèces sont permanentes, qu'elles constituent des essences différentes qui répugnent à se mélanger entre elles, puisque les efforts qu'on tente pour les transformer ne sont pas couronnés de succès. La permanence des formes organiques à travers de longues périodes est d'ailleurs attestée par l'histoire. C'est ainsi qu'on peut constater que des espèces décrites par Aristote n'ont pas varié depuis plus de vingt siècles et .qu'un grand nombre d'espèces actuelles sont absolument semblables à celles qu'on retrouve dans les terrains tertiaires78.
1. Les organes rudimentaires ne prouvent pas plus en faveur de la thèse transformiste que contre. « L'apparence morphologique, dit le professeur Rabaud (Rev. générale des Sciences, 1923) ne suffit pas pour nous permettre de dire si des parties que nous tenons pour rudimentaires, n'ont d'autre raison d'être qu'un état ancestral ». — 2. L'argument tiré du développement individuel n'a pas plus de valeur. « En réalité, écrit le professeur Brachet de Bruxelles (Rev. gén. des Sc. 1915), pourtant transformiste convaincu, l'ontogenèse n'est jamais une récapitulation de la phylogenèse. » Et ailleurs : « On a fait de l'embryologie historique un très mauvais usage... Il est bien démontré qu'elle est incapable d'atteindre le but que ses fondateurs lui avaient assigné ».
95. Conclusion. — 1. A notre époque, dans tous les pays, en France, en Belgique, en Italie, en Allemagne, aux Etats-Unis, etc., on s'accorde à proclamer que le transformisme passe par une crise grave et que sa prétention de vouloir expliquer la formation des espèces par l'évolution lente et graduelle d'un seul ou d'un nombre très restreint de types, ne repose sur aucun fondement solide.
2. Remarquons, par ailleurs, que seuls sont condamnés par l'Eglise les évolutionnistes matérialistes, c'est-à-dire ceux qui se servent de l'évolution comme d'une machine de guerre contre la religion, ceux qui, pour supprimer Dieu, se font fort de tout expliquer par cette triple formule : éternité de la matière (V. N° 40), génération spontanée sans intervention surnaturelle (N° 86), formation des espèces par les lois de l'évolution.
Il n'en est pas de même des évolutionnistes spiritualistes. Ces derniers observent, en effet, à juste titre, que le fixisme n'est nullement un dogme de la religion catholique, et qu'on peut être à la fois évolutionniste et créationniste. Pourvu qu'on suppose Dieu à l'origine du monde, à l'origine de la vie et à l'origine de l'âme humaine, la formation des espèces par suite d'un développement dont le Créateur aurait posé lés lois, n'est pas moins glorieuse pour Dieu. Elle l'est même plus, puisque l'évolution est une merveille d'ordre et d'harmonie, tandis que l'hypothèse de créations successives semble rabaisser le Créateur, en le montrant sous les traits d'un artiste maladroit, qui retouche son œuvre à mesure qu'il en aperçoit les défauts79. Au surplus, nous avons vu que l'évolutionnisme en général (N° 89), que le transformisme en particulier et même la génération spontanée (N° 86) avaient déjà des partisans parmi les Pères de l'Église et les théologiens scolastiques.
A. L'Histoire DU PASSÉ, loin d'appuyer la thèse transformiste, l'infirme. Non seulement les paléontologistes ont été, jusqu'ici, incapables de retrouver les formes de transition, et pour la bonne raison que ces formes n'existent pas, mais ils ont dû reconnaître que souvent, dans les terrains géologiques, de nouvelles espèces apparaissent brusquement et sans formes transitoires. Le savant Déperet a montré en systématique (science qui traite de la classification des êtres) que les séries des mammifères fossiles se présentaient comme des rameaux parallèles, absolument séparés les uns des autres, sans lien qui puisse les rattacher à leur base, ce qui ne permet pas de leur attribuer un ancêtre commun. D'autre part, les paléontologistes n'ont pas tardé à s'apercevoir que l'évolution réelle qu'ils ont pu établir d'après les pièces qu'ils avaient recueillies, ne s'était pas effectuée suivant la théorie transformiste, c'est-à-dire du simple au compliqué. La fameuse sélection naturelle, invoquée par Darwin, est contredite par les faits : plus d'une fois, les animaux les plus faibles ont survécu, tandis que les plus forts ont disparu (ex. : les reptiles géants des couches secondaires).
B. POUR LE PRÉSENT, ni l’anatomie, ni la biologie, n'apportent d'arguments sérieux en faveur du transformisme. — a) En anatomie, la conclusion tirée de la ressemblance entre les organes des différentes espèces, dérive d'une vue superficielle des choses. D'après l'éminent professeur d'histologie de Montpellier, M. Vialleton, qui en a fait la démonstration dans un récent ouvrage très remarqué (Membres et ceintures des vertébrés tétrapodes, critique morphologique du transformisme), si l'on examine attentivement chaque os, on voit qu'il revêt dans chaque cas une structure particulière, qu'il a sa nature propre, adaptée à ses conditions d'existence et qu'en fait, les organismes, une fois formés, sont comme des systèmes clos ne comportant pas de modification profonde, ce qui est une preuve manifeste que les passages d'une espèce à l’autre sont impossibles. — b) En biologie, les fixistes croient trouver leur meilleur argument dans le fait de l'infécondité qui existe entre les espèces; même les plus voisines. Est-il compréhensible que les espèces qui, d'après les transformistes, doivent être douées de la plus grande plasticité ou aptitude à évoluer, soient ainsi frappées de stérilité quand on les rapproche, ou n'aient qu'une fécondité extrêmement limitée? L'on est donc en droit de conclure, disent les fixistes, que les espèces sont permanentes, qu'elles constituent des essences différentes qui répugnent à se mélanger entre elles, puisque les efforts qu'on tente pour les transformer ne sont pas couronnés de succès. La permanence des formes organiques à travers de longues périodes est d'ailleurs attestée par l'histoire. C'est ainsi qu'on peut constater que des espèces décrites par Aristote n'ont pas varié depuis plus de vingt siècles et .qu'un grand nombre d'espèces actuelles sont absolument semblables à celles qu'on retrouve dans les terrains tertiaires78.
1. Les organes rudimentaires ne prouvent pas plus en faveur de la thèse transformiste que contre. « L'apparence morphologique, dit le professeur Rabaud (Rev. générale des Sciences, 1923) ne suffit pas pour nous permettre de dire si des parties que nous tenons pour rudimentaires, n'ont d'autre raison d'être qu'un état ancestral ». — 2. L'argument tiré du développement individuel n'a pas plus de valeur. « En réalité, écrit le professeur Brachet de Bruxelles (Rev. gén. des Sc. 1915), pourtant transformiste convaincu, l'ontogenèse n'est jamais une récapitulation de la phylogenèse. » Et ailleurs : « On a fait de l'embryologie historique un très mauvais usage... Il est bien démontré qu'elle est incapable d'atteindre le but que ses fondateurs lui avaient assigné ».
95. Conclusion. — 1. A notre époque, dans tous les pays, en France, en Belgique, en Italie, en Allemagne, aux Etats-Unis, etc., on s'accorde à proclamer que le transformisme passe par une crise grave et que sa prétention de vouloir expliquer la formation des espèces par l'évolution lente et graduelle d'un seul ou d'un nombre très restreint de types, ne repose sur aucun fondement solide.
2. Remarquons, par ailleurs, que seuls sont condamnés par l'Eglise les évolutionnistes matérialistes, c'est-à-dire ceux qui se servent de l'évolution comme d'une machine de guerre contre la religion, ceux qui, pour supprimer Dieu, se font fort de tout expliquer par cette triple formule : éternité de la matière (V. N° 40), génération spontanée sans intervention surnaturelle (N° 86), formation des espèces par les lois de l'évolution.
Il n'en est pas de même des évolutionnistes spiritualistes. Ces derniers observent, en effet, à juste titre, que le fixisme n'est nullement un dogme de la religion catholique, et qu'on peut être à la fois évolutionniste et créationniste. Pourvu qu'on suppose Dieu à l'origine du monde, à l'origine de la vie et à l'origine de l'âme humaine, la formation des espèces par suite d'un développement dont le Créateur aurait posé lés lois, n'est pas moins glorieuse pour Dieu. Elle l'est même plus, puisque l'évolution est une merveille d'ordre et d'harmonie, tandis que l'hypothèse de créations successives semble rabaisser le Créateur, en le montrant sous les traits d'un artiste maladroit, qui retouche son œuvre à mesure qu'il en aperçoit les défauts79. Au surplus, nous avons vu que l'évolutionnisme en général (N° 89), que le transformisme en particulier et même la génération spontanée (N° 86) avaient déjà des partisans parmi les Pères de l'Église et les théologiens scolastiques.
78
En se plaçant sur un autre terrain, et en ne considérant que le point de vue philosophique, les fixistes peuvent encore objecter aux évolutionnistes que dans le moins il n'y a pas le plus, en d'autres termes, qu'on ne donne pas ce qu'on n'a pas, que par conséquent l'évolution peut développer les qualités, mais non en créer de nouvelles et que dès lors une espèce n'a pas par elle-même de quoi produire une espèce supérieure
79
Pour expliquer la disparition de certaines espèces et l'apparition postérieure d'autres espèces, les fixistes sont en effet obligés de dire que les espèces disparues par suite de bouleversement dans l'écorce terrestre, ou de toute autre cause, ont été ensuite remplacées par de nouvelles créations, à moins toutefois qu'ils n'admettent qu'il y ait eu a l'origine des germes de toutes les espèces.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. II. — De la Providence.
§ 1. — La Providence. Notion. Existence. Mode.
96. — 1° Notion. — La Providence (lat. providere, prévoir et pourvoir) c'est l'action par laquelle Dieu conserve et gouverne le monde qu'il a créé, dirigeant tous les êtres à la fin qu'il s'est proposée dans sa sagesse.
97.— 2° Existence.—A. Adversaires.—La Providence a été niée: — a) par Aristote qui n'admet pas que l'Etre parfait puisse sans déchoir s'occuper des êtres imparfaits ; — b) par les fatalistes (latin, fatum, destin), qui regardent le monde comme soumis à un Destin inexorable qui aurait réglé irrévocablement la suite des événements sans laisser de place à la liberté (voir N° 114) ; — c) par les déistes et les rationalistes80 qui soutiennent que le monde, une fois créé, se conserve de lui-même par ses propres lois et indépendamment de Dieu ; — d) par les pessimistes, qui prétendent que tout est mal dans le monde.
B. PREUVES. — a) A priori. — L'existence de la Providence découle de la nature des êtres créés et des attributs de Dieu ; — 1. de la nature des êtres créés. A quelque moment qu'on les considère, les créatures sont contingentes : n'ayant jamais en soi leur raison d'être, elles restent dépendantes de leur Créateur. Il faut donc que celui qui les a créées, veuille bien les maintenir dans l'existence ; — 2. des attributs de Dieu, et en particulier de sa sagesse qui, après avoir créé le monde, doit le conserver dans l'ordre, de sa puissance qui peut exécuter tous les plans que sa sagesse a conçus, et de sa bonté qui serait en défaut s'il se désintéressait de ses créatures.
b) A posteriori. — L'existence de la Providence nous est révélée par l'ordre qui règne dans le monde. — 1. Ordre physique. L'ordre et l'harmonie que nous constatons partout, nous prouvent que la cause intelligente qui a créé et organisé le monde, continue de le conserver et de le diriger. — 2. Ordre moral. Non seulement Dieu gouverne le monde physique, mais il règle la volonté de l'homme en lui faisant connaître la loi morale par la voix de la conscience. — 3. Ordre social. L'histoire de l'humanité nous atteste l'action providentielle. Malgré les passions et les égoïsmes qui font et défont les empires, les sociétés n'en suivent pas moins une loi de progrès dans tous les domaines : progrès matériel et économique, progrès scientifique, progrès moral. Or ce fait s'expliquerait difficilement s'il n' y avait pas intervention d'une intelligence supérieure qui coordonne les efforts, tire le bien du mal et poursuit la réalisation de son plan.
c) Consentement universel. — Dans tous les temps, les peuples ont cru à la Providence. Les prières et les sacrifices, en usage dans tous les pays en sont une preuve évidente : ces appels à la divinité, ces actes de dépendance et de soumission pour obtenir les faveurs et écarter les maux, n'auraient pas, de sens sans la foi à un être souverain qui peut intervenir dans la marche des événements.
98. — 3° Mode. — La Providence existe ; mais comment gouverne-t-elle le monde ? Quel est l’objet et le mode du gouvernement divin ?
a) SON OBJET. — Celui-ci comprend l'ensemble des êtres et chaque être en particulier. Il y a donc une Providence générale qui veille à l'harmonie de l'univers et une providence spéciale qui s'occupe de chaque être en particulier, depuis le plus grand jusqu'au plus petit. Que l'homme soit parmi les créatures, l'objet d'une sollicitude plus vigilante, parce qu'il est un être moral et appelé à une plus haute destinée, c'est ce qu'il serait aisé de démontrer par l'histoire et ce qui apparaîtra quand nous étudierons la révélation chrétienne. (Voir Bossuet, Discours sur l’Histoire universelle.) b) SON MODE. — Quant à la manière dont gouverne la Providence, nous pouvons dire que son action s'exerce de double façon : par l'établissement de lois générales et par des interventions particulières. — 1. Par des lois générales : lois physiques selon lesquelles les mêmes causes secondes amènent les mêmes effets avec cette régularité inflexible qui fait l'ordre du monde ; lois morales qui s'adressent aux êtres doués dé liberté pour leur prescrire le bien et leur défendre le mal. — 2. Par des interventions particulières. Si les lois générales sont le mode ordinaire du gouvernement divin, il va de soi que Celui qui a fait les lois, peut y déroger et y déroge quand il le juge bon. Ainsi la grâce, le miracle et la prophétie sont autant d'interventions qui dépassent les forces et l'ordre de la nature. Elles ne sont pas pour cela un bouleversement dans le plan providentiel : qu'il s'agisse des exceptions ou des lois, il n'y a rien qui ne soit prévu de toute éternité. Seulement, les dérogations aux lois sont pour Dieu une manière plus éclatante de nous révéler son action et de nous faire entendre sa parole.
§ 1. — La Providence. Notion. Existence. Mode.
96. — 1° Notion. — La Providence (lat. providere, prévoir et pourvoir) c'est l'action par laquelle Dieu conserve et gouverne le monde qu'il a créé, dirigeant tous les êtres à la fin qu'il s'est proposée dans sa sagesse.
97.— 2° Existence.—A. Adversaires.—La Providence a été niée: — a) par Aristote qui n'admet pas que l'Etre parfait puisse sans déchoir s'occuper des êtres imparfaits ; — b) par les fatalistes (latin, fatum, destin), qui regardent le monde comme soumis à un Destin inexorable qui aurait réglé irrévocablement la suite des événements sans laisser de place à la liberté (voir N° 114) ; — c) par les déistes et les rationalistes80 qui soutiennent que le monde, une fois créé, se conserve de lui-même par ses propres lois et indépendamment de Dieu ; — d) par les pessimistes, qui prétendent que tout est mal dans le monde.
B. PREUVES. — a) A priori. — L'existence de la Providence découle de la nature des êtres créés et des attributs de Dieu ; — 1. de la nature des êtres créés. A quelque moment qu'on les considère, les créatures sont contingentes : n'ayant jamais en soi leur raison d'être, elles restent dépendantes de leur Créateur. Il faut donc que celui qui les a créées, veuille bien les maintenir dans l'existence ; — 2. des attributs de Dieu, et en particulier de sa sagesse qui, après avoir créé le monde, doit le conserver dans l'ordre, de sa puissance qui peut exécuter tous les plans que sa sagesse a conçus, et de sa bonté qui serait en défaut s'il se désintéressait de ses créatures.
b) A posteriori. — L'existence de la Providence nous est révélée par l'ordre qui règne dans le monde. — 1. Ordre physique. L'ordre et l'harmonie que nous constatons partout, nous prouvent que la cause intelligente qui a créé et organisé le monde, continue de le conserver et de le diriger. — 2. Ordre moral. Non seulement Dieu gouverne le monde physique, mais il règle la volonté de l'homme en lui faisant connaître la loi morale par la voix de la conscience. — 3. Ordre social. L'histoire de l'humanité nous atteste l'action providentielle. Malgré les passions et les égoïsmes qui font et défont les empires, les sociétés n'en suivent pas moins une loi de progrès dans tous les domaines : progrès matériel et économique, progrès scientifique, progrès moral. Or ce fait s'expliquerait difficilement s'il n' y avait pas intervention d'une intelligence supérieure qui coordonne les efforts, tire le bien du mal et poursuit la réalisation de son plan.
c) Consentement universel. — Dans tous les temps, les peuples ont cru à la Providence. Les prières et les sacrifices, en usage dans tous les pays en sont une preuve évidente : ces appels à la divinité, ces actes de dépendance et de soumission pour obtenir les faveurs et écarter les maux, n'auraient pas, de sens sans la foi à un être souverain qui peut intervenir dans la marche des événements.
98. — 3° Mode. — La Providence existe ; mais comment gouverne-t-elle le monde ? Quel est l’objet et le mode du gouvernement divin ?
a) SON OBJET. — Celui-ci comprend l'ensemble des êtres et chaque être en particulier. Il y a donc une Providence générale qui veille à l'harmonie de l'univers et une providence spéciale qui s'occupe de chaque être en particulier, depuis le plus grand jusqu'au plus petit. Que l'homme soit parmi les créatures, l'objet d'une sollicitude plus vigilante, parce qu'il est un être moral et appelé à une plus haute destinée, c'est ce qu'il serait aisé de démontrer par l'histoire et ce qui apparaîtra quand nous étudierons la révélation chrétienne. (Voir Bossuet, Discours sur l’Histoire universelle.) b) SON MODE. — Quant à la manière dont gouverne la Providence, nous pouvons dire que son action s'exerce de double façon : par l'établissement de lois générales et par des interventions particulières. — 1. Par des lois générales : lois physiques selon lesquelles les mêmes causes secondes amènent les mêmes effets avec cette régularité inflexible qui fait l'ordre du monde ; lois morales qui s'adressent aux êtres doués dé liberté pour leur prescrire le bien et leur défendre le mal. — 2. Par des interventions particulières. Si les lois générales sont le mode ordinaire du gouvernement divin, il va de soi que Celui qui a fait les lois, peut y déroger et y déroge quand il le juge bon. Ainsi la grâce, le miracle et la prophétie sont autant d'interventions qui dépassent les forces et l'ordre de la nature. Elles ne sont pas pour cela un bouleversement dans le plan providentiel : qu'il s'agisse des exceptions ou des lois, il n'y a rien qui ne soit prévu de toute éternité. Seulement, les dérogations aux lois sont pour Dieu une manière plus éclatante de nous révéler son action et de nous faire entendre sa parole.
80 On appelle déiste celui qui admet l'existence de Dieu et de la religion naturelle mais ne reconnaît ni révélation ni Providence. — Le rationaliste rejette également la révélation et prétend n'admettre que les vérités démontrées par la raison
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 2. — Objections contre la Providence.
99. — On fait contre la Providence trois sortes d'objections. La première est tirée de la nature de Dieu ; la seconde, de la difficulté de concilier le gouvernement divin avec la liberté de l'homme ; la troisième, de l'existence du mal dans le monde.
1re Objection tirée de là nature divine. — D'après Aristote, Dieu ne peut s'occuper des créatures, parce qu'elles sont imparfaites. Le gouvernement du monde détournerait Dieu de la contemplation de son être et de ses infinies perfections. Il ne serait plus alors souverainement heureux : ce qui est inadmissible.
Réponse. -— Dieu n'a pas à se détourner de la contemplation de son être pour voir tous les êtres créés : c'est à travers son essence qu'il connaît toutes choses. Du reste, le fait de connaître une chose imparfaite et d'en prendre soin, ne constitue nullement une imperfection.
100. — 2me Objection. La Providence et la liberté humaine- — Si Dieu concourt à nos actes, comment concevoir que notre liberté reste intacte ?
Réponse. — Cette objection revient à celle qui a déjà été faite contre la science divine (N° 72). Le concours divin ne modifie pas la nature des êtres. « Dieu meut les créatures, dit saint Thomas, selon le mode de leur nature, si bien que l'acte de l'agent nécessité est nécessaire, et que celui de l'agent libre est libre.» La coopération divine accompagne donc et affermit la volonté mais ne la violente pas.
101. — 3me Objection. Existence du mal. — Voici la grande objection contre la Providence. S'il existe du mal dans le monde, il est incompatible avec les attributs de Dieu : il s'élève contre sa toute-puissance s'il n'a pu l'empêcher, et contre sa bonté s'il ne l'a pas voulu. Or, dit-on, le mal existe dans le monde, et il se présente sous une triple forme : le mal métaphysique, le mal physique et le mal moral.
1° MAL MÉTAPHYSIQUE. — On entend par mal métaphysique l'imperfection des êtres. Le monde, dit-on, n'a pas la perfection qu'il devrait avoir. Le monde, disent les pessimistes, est essentiellement mauvais, et si l'on fait le bilan des biens et des maux, la vie est pire que le néant.
Réponse. — II paraît certain, en effet, que le monde n'a pas toute la perfection qu'il pourrait avoir81. Mais, fût-il plus parfait, il aurait toujours des limites, car qui dit créature, dit être contingent et limité. Dès lors, reprocher à Dieu d'avoir créé un monde imparfait c'est tout simplement lui reprocher d'avoir créé. Toute la question est donc de savoir si le monde, malgré ses imperfections, est bon ou mauvais, s'il vaut mieux être que ne pas être. Or il ne fait pas de doute que l'être vaut mieux que le non-être, que la vie présente est bonne et qu'il dépend de nous, créatures libres, qu'elle suive une ascension continue vers le mieux et qu'elle se rapproche de plus en plus de la perfection. La vie vaut donc ce que nous la faisons et, si elle devient mauvaise, qui avons-nous le droit d'accuser, sinon nous-mêmes et notre action.
2° MAL PHYSIQUE. — Tandis que le mal métaphysique est purement négatif, qu'il est le défaut d'être ou de perfection, le mal physique a un caractère positif : il est la privation d'un bien qui devait appartenir à la nature. Comment concilier alors le mal physique avec la puissance et la bonté de Dieu ? Pourquoi tant de désordres dans la nature ? Pourquoi les tremblements de terre, les inondations, les incendies? Pourquoi les catastrophes ? Pourquoi les fléaux, la peste, la famine, la guerre? En un mot, pourquoi la douleur? Comment justifier Dieu d'avoir refusé à la nature et à certains êtres la perfection à laquelle il semble qu'ils avaient droit ?
Réponse. — A. LES DÉSORDRES DE LA NATURE. — A vrai dire, les désordres de la nature, c'est-à-dire l'existence de choses ou d'êtres qui paraissent nuisibles, comme les tremblements de terre, les inondations, les fléaux, les animaux malfaisants, rentrent dans le mal métaphysique : ils sont l'inévitable conséquence des imperfections du monde. Considéré à ce point de vue, le pourquoi du mal nous échappe, pour la bonne raison que notre science est trop courte, et que, pour juger une œuvre, il nous faudrait la connaître dans son ensemble et dans ses détails.
99. — On fait contre la Providence trois sortes d'objections. La première est tirée de la nature de Dieu ; la seconde, de la difficulté de concilier le gouvernement divin avec la liberté de l'homme ; la troisième, de l'existence du mal dans le monde.
1re Objection tirée de là nature divine. — D'après Aristote, Dieu ne peut s'occuper des créatures, parce qu'elles sont imparfaites. Le gouvernement du monde détournerait Dieu de la contemplation de son être et de ses infinies perfections. Il ne serait plus alors souverainement heureux : ce qui est inadmissible.
Réponse. -— Dieu n'a pas à se détourner de la contemplation de son être pour voir tous les êtres créés : c'est à travers son essence qu'il connaît toutes choses. Du reste, le fait de connaître une chose imparfaite et d'en prendre soin, ne constitue nullement une imperfection.
100. — 2me Objection. La Providence et la liberté humaine- — Si Dieu concourt à nos actes, comment concevoir que notre liberté reste intacte ?
Réponse. — Cette objection revient à celle qui a déjà été faite contre la science divine (N° 72). Le concours divin ne modifie pas la nature des êtres. « Dieu meut les créatures, dit saint Thomas, selon le mode de leur nature, si bien que l'acte de l'agent nécessité est nécessaire, et que celui de l'agent libre est libre.» La coopération divine accompagne donc et affermit la volonté mais ne la violente pas.
101. — 3me Objection. Existence du mal. — Voici la grande objection contre la Providence. S'il existe du mal dans le monde, il est incompatible avec les attributs de Dieu : il s'élève contre sa toute-puissance s'il n'a pu l'empêcher, et contre sa bonté s'il ne l'a pas voulu. Or, dit-on, le mal existe dans le monde, et il se présente sous une triple forme : le mal métaphysique, le mal physique et le mal moral.
1° MAL MÉTAPHYSIQUE. — On entend par mal métaphysique l'imperfection des êtres. Le monde, dit-on, n'a pas la perfection qu'il devrait avoir. Le monde, disent les pessimistes, est essentiellement mauvais, et si l'on fait le bilan des biens et des maux, la vie est pire que le néant.
Réponse. — II paraît certain, en effet, que le monde n'a pas toute la perfection qu'il pourrait avoir81. Mais, fût-il plus parfait, il aurait toujours des limites, car qui dit créature, dit être contingent et limité. Dès lors, reprocher à Dieu d'avoir créé un monde imparfait c'est tout simplement lui reprocher d'avoir créé. Toute la question est donc de savoir si le monde, malgré ses imperfections, est bon ou mauvais, s'il vaut mieux être que ne pas être. Or il ne fait pas de doute que l'être vaut mieux que le non-être, que la vie présente est bonne et qu'il dépend de nous, créatures libres, qu'elle suive une ascension continue vers le mieux et qu'elle se rapproche de plus en plus de la perfection. La vie vaut donc ce que nous la faisons et, si elle devient mauvaise, qui avons-nous le droit d'accuser, sinon nous-mêmes et notre action.
2° MAL PHYSIQUE. — Tandis que le mal métaphysique est purement négatif, qu'il est le défaut d'être ou de perfection, le mal physique a un caractère positif : il est la privation d'un bien qui devait appartenir à la nature. Comment concilier alors le mal physique avec la puissance et la bonté de Dieu ? Pourquoi tant de désordres dans la nature ? Pourquoi les tremblements de terre, les inondations, les incendies? Pourquoi les catastrophes ? Pourquoi les fléaux, la peste, la famine, la guerre? En un mot, pourquoi la douleur? Comment justifier Dieu d'avoir refusé à la nature et à certains êtres la perfection à laquelle il semble qu'ils avaient droit ?
Réponse. — A. LES DÉSORDRES DE LA NATURE. — A vrai dire, les désordres de la nature, c'est-à-dire l'existence de choses ou d'êtres qui paraissent nuisibles, comme les tremblements de terre, les inondations, les fléaux, les animaux malfaisants, rentrent dans le mal métaphysique : ils sont l'inévitable conséquence des imperfections du monde. Considéré à ce point de vue, le pourquoi du mal nous échappe, pour la bonne raison que notre science est trop courte, et que, pour juger une œuvre, il nous faudrait la connaître dans son ensemble et dans ses détails.
81
II y a sur la question de la valeur du monde trois opinions : — a) l'optimisme absolu (Malebranche, Letbniz) qui prétend que le monde considéré dans son ensemble, est le meilleur possible ; — b) le pessimisme (Leopardi, Schopenhauer, Hartmann, Bahnsen) qui affirme que le monde est essentiellement mauvais. La religion bouddhiste professe aussi le pessimisme, et enseigne à ses adeptes qu'ils doivent détruire en eux le désir de vivre et tendre au nirvana, c'est-à-dire à l'anéantissement de l'être individuel. — c) Une troisième opinion, l'optimisme relatif (saint Anselme, saint Thomas, Bossuet, Fénelon) est celle crue nous exposons.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
B. LA DOULEUR. — Au surplus, si le mal qui est dans la nature nous révolte, c'est que nous en souffrons. Tout se ramène donc à cette unique question : pourquoi la douleur ? Incontestablement, la douleur est un mal, mais si elle se doit tourner en bien, si elle est, non une fin, mais un moyen, la bonté de Dieu n'est plus en défaut. Pour justifier la Providence, il suffit donc d'établir que le bien peut sortir du mal, et partant, que le but pour suivi par Dieu est bon.
Il convient d'abord de ne pas rendre Dieu responsable des maux qui sont le fait de l'homme. Que d'accidents viennent de sa témérité ou de son incurie82 ! Que de maladies ont leur cause dans l'inconduite des individus83 ! Que de familles, que de sociétés sont malheureuses par leur faute ! Quant aux cas où la douleur ne saurait être imputée à l'homme, elle est toujours une conséquence de sa nature et la condition d'un plus grand bien. — a) Elle est la conséquence de sa nature. Doué de sensibilité, l'homme doit accepter les peines aussi bien que les joies qui découlent des facultés de son âme. — b) La douleur est surtout la condition d'un plus grand bien, soit dans l'ordre physique, soit dans l'ordre moral. —, 1. Dans l'ordre physique, elle est la source du progrès en stimulant l'activité et en poussant à la recherche des remèdes qui peuvent guérir le mal. — 2. Dans l'ordre moral, elle est l'école des plus belles vertus et un excellent moyen d'expiation.84 École des plus belles vertus. La douleur est un merveilleux instrument de perfectionnement moral : elle développe dans l'homme les plus hautes vertus : la patience, la maîtrise de soi, l'héroïsme. Rien ne trempe les âmes comme la douleur ; rien ne leur donne cette grandeur morale, cette énergie surhumaine, cette délicatesse, « ce je ne sais quoi d'achevé», selon le mot de Bossuet, qui distingue les âmes qui ont connu la souffrance de celles qui ne l'ont pas connue ou mal supportée. Le poète avait raison quand il disait :
« L'homme est un apprenti, la douleur est son maître Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert » (A. de Musset). 2) Enfin la douleur est un excellent moyen d'expiation. Elle est le creuset où l'homme pécheur purifie son âme Elle devient alors « la bonne souffrance» qui arrache l'homme aux choses de la terre et tourne son regard vers le ciel. « Les épreuves n'ont-elles pas pour effet de faire rentrer l'homme en lui-même, de l'attacher à la réalité éternelle, au mépris des plaisirs? Que d'âmes, qui se perdaient parce que tout leur souriait ici-bas, ont été ramenées à Dieu par les déceptions, les mécomptes, les chagrins ! Qui n'a entendu la sagesse antique nous dire que la vertu languit, si elle n'éprouve pas de contradictions, qu'elle s'épure dans l'adversité comme l'or s'épure dans la fournaise ? qu'on la reconnaît à sa force au milieu des épreuves, que le plus beau spectacle est celui du juste aux prises avec l'infortune, et se montrant supérieur à elle? .. Si Dieu, lorsqu'il nous châtie, agit comme un père, qui retient ses enfants sous une discipline sévère, afin de les rendre vertueux, comme un médecin qui donne un breuvage amer pour rétablir la santé ou la fortifier, loin de se plaindre et de maudire à l'occasion des épreuves du juste, n'y a-t-il pas lieu, au contraire, de remercier et de bénir85? »
3° LE MAL MORAL — Sous ce titre nous comprendrons : — a) toutes les infractions à la loi du devoir, et — b) secondairement toutes les injustices morales qui sont dans le monde. Comment admettre que Dieu, qui est la sainteté même, permette le péché ? Et comment expliquer qu'un Etre souverainement juste ait réparti les biens de ce monde d'une manière si inégale ? Pourquoi, trop souvent, la fortune sourit-elle aux méchants tandis que les justes connaissent les insuccès et les revers ? Pourquoi ce mal social ?
Réponse- — «) II en est du mal moral comme du mal physique. Se demander pourquoi Dieu permet le péché alors qu'il aurait pu l'empêcher, c'est rechercher de quel autre bien il est la condition. Or il est facile d'apercevoir que le péché est une conséquence de la liberté. Pour supprimer le péché, il fallait donc supprimer la liberté. Mais alors il n'y avait plus de place pour le bien moral, plus de mérite ni de vertu. Qui oserait prétendre qu'un monde sans liberté ni moralité eût été meilleur qu'un monde avec la vertu et le péché?
b) L'inégale répartition des biens est un fait incontestable. La plainte ne doit pas cependant être exagérée : il s'en faut de beaucoup que la vertu soit toujours malheureuse et le vice toujours prospère. D'autre part, il est un bien qui n'abandonne pas le juste, même au sein de la misère, et qui n'appartient qu'à lui : c'est la paix, de l'âme que seul peut donner le témoignage d'une bonne conscience. Mais surtout il ne faut pas perdre de vue que les biens de la terre peuvent, être nuisibles, qu'ils sont toujours éphémères et que la vie présente n'est pas un terme, qu'il y a une autre vie où se feront les compensations nécessaires. Peu importent donc des privations passagères si elles sont le gage d'une récompense plus élevée.
La vie est un combat dont la palme est aux cieux.
Ainsi l'existence du ma] moral comme du mal physique, loin d'être un argument contre la Providence, démontre la nécessité d'un Dieu infiniment juste pour rétablir un jour l'équilibre que nous ne trouvons pas ici-bas, d'un Dieu sage qui se sert de la souffrance passagère comme d'un moyen pour nous conduire à une gloire éternelle86.
BIBLIOGRAPHIE. — Sur la Création. — Pinard, Art. Création, Dict. de la foi cath. — Mgr Farges, La Vie et l'Évolution des Espèces (Berche et Tralin). — Guibert, Les Origines (Letouzey) ; Les Croyances religieuses et les Sciences de la Nature (Beauchesne). — Duilhé de Saint-Projet et Sanderens, Apologie scientifique du christianisme (Poussielgue). — De Lapparent, Science et Apologétique (Bloud). Fantom, Les Radiobes de M. Burke (Rev. prat. d'Apol. 15 fév. 1906). — Wintrebert, Rev. prat. d'Apol., 15 janv. 1907. — Colin, Les théories récentes de l'évolution. Rev. prat. d'Apol., 19 mai 1910. — L'Ami du Clergé année 1925, N° 20. — La Presse médicale, 3 mai 1924. — Le Dantec, La crise du transformisme.
Sur la Providence. — Moisant. Pour discuter le problème du mal. Rev. prat. d'Apol., 15 avril 1910. Traités de philosophie du P. LAHR, de G. Sortais, etc. — Prunel., Les Fondements de la Doctrine catholique. — De Lapparent, La Providence créatrice (Bloud).
Il convient d'abord de ne pas rendre Dieu responsable des maux qui sont le fait de l'homme. Que d'accidents viennent de sa témérité ou de son incurie82 ! Que de maladies ont leur cause dans l'inconduite des individus83 ! Que de familles, que de sociétés sont malheureuses par leur faute ! Quant aux cas où la douleur ne saurait être imputée à l'homme, elle est toujours une conséquence de sa nature et la condition d'un plus grand bien. — a) Elle est la conséquence de sa nature. Doué de sensibilité, l'homme doit accepter les peines aussi bien que les joies qui découlent des facultés de son âme. — b) La douleur est surtout la condition d'un plus grand bien, soit dans l'ordre physique, soit dans l'ordre moral. —, 1. Dans l'ordre physique, elle est la source du progrès en stimulant l'activité et en poussant à la recherche des remèdes qui peuvent guérir le mal. — 2. Dans l'ordre moral, elle est l'école des plus belles vertus et un excellent moyen d'expiation.84 École des plus belles vertus. La douleur est un merveilleux instrument de perfectionnement moral : elle développe dans l'homme les plus hautes vertus : la patience, la maîtrise de soi, l'héroïsme. Rien ne trempe les âmes comme la douleur ; rien ne leur donne cette grandeur morale, cette énergie surhumaine, cette délicatesse, « ce je ne sais quoi d'achevé», selon le mot de Bossuet, qui distingue les âmes qui ont connu la souffrance de celles qui ne l'ont pas connue ou mal supportée. Le poète avait raison quand il disait :
« L'homme est un apprenti, la douleur est son maître Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert » (A. de Musset). 2) Enfin la douleur est un excellent moyen d'expiation. Elle est le creuset où l'homme pécheur purifie son âme Elle devient alors « la bonne souffrance» qui arrache l'homme aux choses de la terre et tourne son regard vers le ciel. « Les épreuves n'ont-elles pas pour effet de faire rentrer l'homme en lui-même, de l'attacher à la réalité éternelle, au mépris des plaisirs? Que d'âmes, qui se perdaient parce que tout leur souriait ici-bas, ont été ramenées à Dieu par les déceptions, les mécomptes, les chagrins ! Qui n'a entendu la sagesse antique nous dire que la vertu languit, si elle n'éprouve pas de contradictions, qu'elle s'épure dans l'adversité comme l'or s'épure dans la fournaise ? qu'on la reconnaît à sa force au milieu des épreuves, que le plus beau spectacle est celui du juste aux prises avec l'infortune, et se montrant supérieur à elle? .. Si Dieu, lorsqu'il nous châtie, agit comme un père, qui retient ses enfants sous une discipline sévère, afin de les rendre vertueux, comme un médecin qui donne un breuvage amer pour rétablir la santé ou la fortifier, loin de se plaindre et de maudire à l'occasion des épreuves du juste, n'y a-t-il pas lieu, au contraire, de remercier et de bénir85? »
3° LE MAL MORAL — Sous ce titre nous comprendrons : — a) toutes les infractions à la loi du devoir, et — b) secondairement toutes les injustices morales qui sont dans le monde. Comment admettre que Dieu, qui est la sainteté même, permette le péché ? Et comment expliquer qu'un Etre souverainement juste ait réparti les biens de ce monde d'une manière si inégale ? Pourquoi, trop souvent, la fortune sourit-elle aux méchants tandis que les justes connaissent les insuccès et les revers ? Pourquoi ce mal social ?
Réponse- — «) II en est du mal moral comme du mal physique. Se demander pourquoi Dieu permet le péché alors qu'il aurait pu l'empêcher, c'est rechercher de quel autre bien il est la condition. Or il est facile d'apercevoir que le péché est une conséquence de la liberté. Pour supprimer le péché, il fallait donc supprimer la liberté. Mais alors il n'y avait plus de place pour le bien moral, plus de mérite ni de vertu. Qui oserait prétendre qu'un monde sans liberté ni moralité eût été meilleur qu'un monde avec la vertu et le péché?
b) L'inégale répartition des biens est un fait incontestable. La plainte ne doit pas cependant être exagérée : il s'en faut de beaucoup que la vertu soit toujours malheureuse et le vice toujours prospère. D'autre part, il est un bien qui n'abandonne pas le juste, même au sein de la misère, et qui n'appartient qu'à lui : c'est la paix, de l'âme que seul peut donner le témoignage d'une bonne conscience. Mais surtout il ne faut pas perdre de vue que les biens de la terre peuvent, être nuisibles, qu'ils sont toujours éphémères et que la vie présente n'est pas un terme, qu'il y a une autre vie où se feront les compensations nécessaires. Peu importent donc des privations passagères si elles sont le gage d'une récompense plus élevée.
La vie est un combat dont la palme est aux cieux.
Ainsi l'existence du ma] moral comme du mal physique, loin d'être un argument contre la Providence, démontre la nécessité d'un Dieu infiniment juste pour rétablir un jour l'équilibre que nous ne trouvons pas ici-bas, d'un Dieu sage qui se sert de la souffrance passagère comme d'un moyen pour nous conduire à une gloire éternelle86.
BIBLIOGRAPHIE. — Sur la Création. — Pinard, Art. Création, Dict. de la foi cath. — Mgr Farges, La Vie et l'Évolution des Espèces (Berche et Tralin). — Guibert, Les Origines (Letouzey) ; Les Croyances religieuses et les Sciences de la Nature (Beauchesne). — Duilhé de Saint-Projet et Sanderens, Apologie scientifique du christianisme (Poussielgue). — De Lapparent, Science et Apologétique (Bloud). Fantom, Les Radiobes de M. Burke (Rev. prat. d'Apol. 15 fév. 1906). — Wintrebert, Rev. prat. d'Apol., 15 janv. 1907. — Colin, Les théories récentes de l'évolution. Rev. prat. d'Apol., 19 mai 1910. — L'Ami du Clergé année 1925, N° 20. — La Presse médicale, 3 mai 1924. — Le Dantec, La crise du transformisme.
Sur la Providence. — Moisant. Pour discuter le problème du mal. Rev. prat. d'Apol., 15 avril 1910. Traités de philosophie du P. LAHR, de G. Sortais, etc. — Prunel., Les Fondements de la Doctrine catholique. — De Lapparent, La Providence créatrice (Bloud).
82 Devant certains cataclysmes, comme ceux de la Martinique et de Messine dont le souvenir est encore récent, on est tenté de maudire l'apparente sauvagerie des forces de la nature. Mais «le plus souvent, ces désastres n'atteignent que les régions où il a fallu à l'homme quelque témérité pour espérer d'y fonder une installation durable. Il a cru pouvoir braver un fléau dont les manifestations étaient espacées, et la plupart du temps cette hardiesse a été récompensée par de notables profits (fertilité du sol). Comment se plaindre, le jour où la nature reprend pour un moment des droits qu'elle n'avait jamais abdiqués? » (de Lapparent, La Providence créatrice.)
83 « Soyons, dit Mgr Frayssinous, plus modérés dans nos désirs... plus sobres, plus tempérants, plus éloignés des voluptés et des vices qui énervent a la fois l'âme et le corps, et nous verrons disparaître le plus grand nombre des maux dont nous souffrons. » (La Providence dans l'ordre moral.)
84 Ainsi comprise, la douleur peut se tourner en joie, comme l'atteste l'exemple des saints. Au plus fort des tourmentes, les grands chrétiens savent garder l’âme sereine et même se réjouir, parce que, alors, ils ressemblent mieux à l’objet de leur amour : Jésus crucifié et expérimentent en eux ces paroles de l’Imitation : « Lors donc que tu seras parvenu à ce point que la tribulation endurée pour l'amour du Christ te paraîtra douce et savoureuse, tu auras trouvé le paradis sur terre. » (Liv. II, Chap. XII, De la voie royale....)
85
Berseaux, La science sacrée, tome I.
86
La doctrine de l'Église dégage mieux encore la Providence de reproches qui lui sont faits (voir notre Doctrine catholique, fasc. I, N° 37).
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
SECTION II : L'HOMME
Chapitre I. — Nature de l'Homme.
DÉVELOPPEMENT
Nature de l'homme. L'erreur matérialiste. Division du Chapitre
102. — La religion consiste, avons-nous dit (N° 6), dans l'ensemble des rapports qui existent entre Dieu et l'homme. L'homme est donc le second objet qui s'impose à notre étude. Or, dans cette étude de l'homme, la première question qui intéresse l'apologiste, c'est celle de sa nature, car seule la nature d'un être permet d'en déduire l'origine et la destinée, et conséquemment, les relations qui en découlent entre lui et son créateur. A cette question capitale, deux réponses peuvent être faites : celle du matérialisme et celle du spiritualisme.
1° Le matérialisme. — La doctrine du matérialisme sur l'homme est une suite de sa doctrine sur Dieu, sur l'origine de la vie et des espèces, que nous avons exposée dans le chapitre précédent. Partant de ce principe, qu'il n'y a rien, en dehors de ce qui peut être expérimentalement vérifié, les matérialistes n'admettent qu'une seule substance : la matière éternelle qui a produit un jour la vie par génération spontanée, puis, grâce à des transformations successives, tous les êtres vivants, y compris l'homme.
Voici, du reste, les quelques points fondamentaux qui résument la théorie matérialiste sur l'homme : — a) L'homme est formé d'une seule substance : le corps. L'âme est une hypothèse inventée pour rendre compte de certains phénomènes que la matière paraît, à première vue, incapable d'expliquer. — b) Entre l'homme et l'animal il n'y a pas de différence essentielle. L'homme est un animal perfectionné qui doit sa supériorité au développement de son cerveau. — c) La pensée est un produit de la matière cérébrale, et le libre arbitre est une pure illusion.
A quelles conséquences graves aboutit le matérialisme, il est facile de le conclure de ces trois points de sa doctrine. Si l'homme est composé d'une seule substance, le corps, s'il n'y a qu'une différence de degré, et non de nature, entre l'homme et la brute, si la pensée n'est qu'un produit du cerveau ; en un mot, si l'homme n'a pas une âme spirituelle et libre, plus de religion, puisque les deux termes, Dieu et l'âme, sont supprimés ; plus de morale, plus de devoir, puisque, à supposer qu'il y ait lieu de faire une distinction entre certains actes, les uns bons, les autres mauvais, l'homme serait privé du libre arbitre et soumis au déterminisme de la matière.
103. — 2° Le spiritualisme. — Contre une doctrine aussi pernicieuse, nous allons démontrer, avec le spiritualisme chrétien, que l'homme est formé d'une double substance : le corps et l'âme ; que, entre lui et l'animal, il y a une différente essentielle qui fait que les deux êtres sont irréductibles et que l'un n'a pu sortir de l'autre par voie d'évolution ; que l'homme seul a une âme spirituelle et libre. En même temps nous exposerons et réfuterons les objections matérialistes. Ce chapitre comprendra donc trois articles : — 1. Existence ; — 2. Nature ; et — 3. Liberté de l'âme.
Chapitre I. — Nature de l'Homme.
DÉVELOPPEMENT
Nature de l'homme. L'erreur matérialiste. Division du Chapitre
102. — La religion consiste, avons-nous dit (N° 6), dans l'ensemble des rapports qui existent entre Dieu et l'homme. L'homme est donc le second objet qui s'impose à notre étude. Or, dans cette étude de l'homme, la première question qui intéresse l'apologiste, c'est celle de sa nature, car seule la nature d'un être permet d'en déduire l'origine et la destinée, et conséquemment, les relations qui en découlent entre lui et son créateur. A cette question capitale, deux réponses peuvent être faites : celle du matérialisme et celle du spiritualisme.
1° Le matérialisme. — La doctrine du matérialisme sur l'homme est une suite de sa doctrine sur Dieu, sur l'origine de la vie et des espèces, que nous avons exposée dans le chapitre précédent. Partant de ce principe, qu'il n'y a rien, en dehors de ce qui peut être expérimentalement vérifié, les matérialistes n'admettent qu'une seule substance : la matière éternelle qui a produit un jour la vie par génération spontanée, puis, grâce à des transformations successives, tous les êtres vivants, y compris l'homme.
Voici, du reste, les quelques points fondamentaux qui résument la théorie matérialiste sur l'homme : — a) L'homme est formé d'une seule substance : le corps. L'âme est une hypothèse inventée pour rendre compte de certains phénomènes que la matière paraît, à première vue, incapable d'expliquer. — b) Entre l'homme et l'animal il n'y a pas de différence essentielle. L'homme est un animal perfectionné qui doit sa supériorité au développement de son cerveau. — c) La pensée est un produit de la matière cérébrale, et le libre arbitre est une pure illusion.
A quelles conséquences graves aboutit le matérialisme, il est facile de le conclure de ces trois points de sa doctrine. Si l'homme est composé d'une seule substance, le corps, s'il n'y a qu'une différence de degré, et non de nature, entre l'homme et la brute, si la pensée n'est qu'un produit du cerveau ; en un mot, si l'homme n'a pas une âme spirituelle et libre, plus de religion, puisque les deux termes, Dieu et l'âme, sont supprimés ; plus de morale, plus de devoir, puisque, à supposer qu'il y ait lieu de faire une distinction entre certains actes, les uns bons, les autres mauvais, l'homme serait privé du libre arbitre et soumis au déterminisme de la matière.
103. — 2° Le spiritualisme. — Contre une doctrine aussi pernicieuse, nous allons démontrer, avec le spiritualisme chrétien, que l'homme est formé d'une double substance : le corps et l'âme ; que, entre lui et l'animal, il y a une différente essentielle qui fait que les deux êtres sont irréductibles et que l'un n'a pu sortir de l'autre par voie d'évolution ; que l'homme seul a une âme spirituelle et libre. En même temps nous exposerons et réfuterons les objections matérialistes. Ce chapitre comprendra donc trois articles : — 1. Existence ; — 2. Nature ; et — 3. Liberté de l'âme.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. I. — Existence de l'âme humaine. Objection.
104. — 1° Existence de l'âme humaine- — L'existence de l'âme, c'est-à-dire d'une substance qui se distingue du corps, qui est le principe de la connaissance et de la pensée, nous est attestée à la fois par l'expérience, par la conscience et par l'intuition.
A. Expérience. — L'observation nous montre qu'il y a en nous deux sortes de phénomènes : les phénomènes physiologiques, comme la nutrition, la digestion, la circulation du sang ; et les phénomènes psychologiques, comme la pensée, le jugement, le souvenir, etc. Or le plus simple raisonnement nous dit que des phénomènes de nature différente ne peuvent provenir du même principe : tel effet, telle cause. Nous devons donc admettre dans l'homme deux principes, qui expliquent, l'un, les faits physiologiques, et l'autre, les faits psychologiques.
B. CONSCIENCE. — La conscience perçoit dans notre être un principe qui, à travers les vicissitudes de l'existence, reste toujours le même. Quelque lointain que soit mon passé, j'en garde le souvenir ; je me rappelle ce que j'étais dans ma prime enfance, quels étaient mes goûts, mes inclinations, mes idées. Aussi me faut-il admettre qu'il y a eu, dans la marche de ma vie, autre chose qu'une suite plus ou moins longue de faits sans lien qui les rattache, car, de toute évidence, un phénomène ne porte pas en soi la mémoire de ceux qui l'ont précédé. Bien plus, je me sens responsable des fautes que j'ai commises, il y a de nombreuses années ; cela ne se comprendrait pas si la cause qui a posé ces actes avait changé depuis. Il faut donc conclure qu'il y a en nous un principe qui reste toujours identique, qui fait que je suis le même être, la même personne, aux différentes étapes de ma vie; en un mot, un principe permanent, qui constitue mon identité personnelle.
Or ce principe ne peut être le corps, car il est scientifiquement démontré qu'il est soumis au tourbillon vital, qu'il évolue et se transforme sans cesse, à tel point qu'en quelques mois, selon certains physiologistes (Flourens), en un mois seulement, d'après d'autres (Moleschott), le renouvellement est total, et qu'il y a un changement complet de toutes les molécules qui le composent. Donc la substance identique que nous révèle la conscience, ne doit pas être confondue avec le corps : ce principe c'est l'âme.
C. INTUITION. — En dehors des raisonnements qui précèdent et qui démontrent l'existence d'une substance immuable, l'intuition découvre au fond de notre être un principe qui produit notre pensée et notre action et qui ne peut être le corps. C'est ce principe distinct du corps que nous appelons l’âme.
Conclusion. — L'homme est donc composé de deux substances distinctes, différant totalement de nature : l'une, étendue, composée, changeante, autrement dit, matérielle : c'est le corps ; l'autre, inétendue, simple, identique, en d'autres termes, immatérielle : c'est l'âme.87
105. — 2° Objection. — Personne, disent les matérialistes, n'a jamais vu l'âme. Or la science expérimentale nous interdit de croire à ce qui ne peut être vérifié. « Un homme raisonnable, dit Broussais, ne peut admettre l'existence d'une chose qui n'est démontrée par aucun sens. » II faut donc considérer l'existence de l'âme comme une hypothèse sans fondement.
Réponse. — Assurément, l'âme ne tombe pas sous les sons. Mais est-il vrai que les sens, c'est-à-dire la perception extérieure, soient le seul moyen de connaître? Nous pensons, au contraire, que la conscience est un procédé tout aussi légitime, et nous venons d'établir qu'elle perçoit directement le moi, ses actes et ses modifications en même temps que sa permanence. Au reste, alléguer que l'âme n'existe pas, parce qu'on ne la voit pas, est un argument qu'on peut tout aussi bien retourner contre ceux qui vous l'opposent. Car si la pensée était un produit de la matière, une fonction du cerveau, comment se fait-il qu'ils n'en peuvent faire la preuve expérimentale ? Nous pouvons donc conclure que l'âme ne se voit pas, non parce qu'elle n'existe pas, mais parce qu'elle est spirituelle (voir N° 108).
104. — 1° Existence de l'âme humaine- — L'existence de l'âme, c'est-à-dire d'une substance qui se distingue du corps, qui est le principe de la connaissance et de la pensée, nous est attestée à la fois par l'expérience, par la conscience et par l'intuition.
A. Expérience. — L'observation nous montre qu'il y a en nous deux sortes de phénomènes : les phénomènes physiologiques, comme la nutrition, la digestion, la circulation du sang ; et les phénomènes psychologiques, comme la pensée, le jugement, le souvenir, etc. Or le plus simple raisonnement nous dit que des phénomènes de nature différente ne peuvent provenir du même principe : tel effet, telle cause. Nous devons donc admettre dans l'homme deux principes, qui expliquent, l'un, les faits physiologiques, et l'autre, les faits psychologiques.
B. CONSCIENCE. — La conscience perçoit dans notre être un principe qui, à travers les vicissitudes de l'existence, reste toujours le même. Quelque lointain que soit mon passé, j'en garde le souvenir ; je me rappelle ce que j'étais dans ma prime enfance, quels étaient mes goûts, mes inclinations, mes idées. Aussi me faut-il admettre qu'il y a eu, dans la marche de ma vie, autre chose qu'une suite plus ou moins longue de faits sans lien qui les rattache, car, de toute évidence, un phénomène ne porte pas en soi la mémoire de ceux qui l'ont précédé. Bien plus, je me sens responsable des fautes que j'ai commises, il y a de nombreuses années ; cela ne se comprendrait pas si la cause qui a posé ces actes avait changé depuis. Il faut donc conclure qu'il y a en nous un principe qui reste toujours identique, qui fait que je suis le même être, la même personne, aux différentes étapes de ma vie; en un mot, un principe permanent, qui constitue mon identité personnelle.
Or ce principe ne peut être le corps, car il est scientifiquement démontré qu'il est soumis au tourbillon vital, qu'il évolue et se transforme sans cesse, à tel point qu'en quelques mois, selon certains physiologistes (Flourens), en un mois seulement, d'après d'autres (Moleschott), le renouvellement est total, et qu'il y a un changement complet de toutes les molécules qui le composent. Donc la substance identique que nous révèle la conscience, ne doit pas être confondue avec le corps : ce principe c'est l'âme.
C. INTUITION. — En dehors des raisonnements qui précèdent et qui démontrent l'existence d'une substance immuable, l'intuition découvre au fond de notre être un principe qui produit notre pensée et notre action et qui ne peut être le corps. C'est ce principe distinct du corps que nous appelons l’âme.
Conclusion. — L'homme est donc composé de deux substances distinctes, différant totalement de nature : l'une, étendue, composée, changeante, autrement dit, matérielle : c'est le corps ; l'autre, inétendue, simple, identique, en d'autres termes, immatérielle : c'est l'âme.87
105. — 2° Objection. — Personne, disent les matérialistes, n'a jamais vu l'âme. Or la science expérimentale nous interdit de croire à ce qui ne peut être vérifié. « Un homme raisonnable, dit Broussais, ne peut admettre l'existence d'une chose qui n'est démontrée par aucun sens. » II faut donc considérer l'existence de l'âme comme une hypothèse sans fondement.
Réponse. — Assurément, l'âme ne tombe pas sous les sons. Mais est-il vrai que les sens, c'est-à-dire la perception extérieure, soient le seul moyen de connaître? Nous pensons, au contraire, que la conscience est un procédé tout aussi légitime, et nous venons d'établir qu'elle perçoit directement le moi, ses actes et ses modifications en même temps que sa permanence. Au reste, alléguer que l'âme n'existe pas, parce qu'on ne la voit pas, est un argument qu'on peut tout aussi bien retourner contre ceux qui vous l'opposent. Car si la pensée était un produit de la matière, une fonction du cerveau, comment se fait-il qu'ils n'en peuvent faire la preuve expérimentale ? Nous pouvons donc conclure que l'âme ne se voit pas, non parce qu'elle n'existe pas, mais parce qu'elle est spirituelle (voir N° 108).
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Comment deux substances de nature aussi opposée peuvent-elles s'unir, former un tout harmonieux, et exercer l'une sur l'autre une influence réciproque : c'est là un des problèmes les plus ardus que puisse aborder l'esprit humain. Aussi les solutions proposées n'ont-elles qu'une valeur relative. Au surplus, cette question intéresse plus le philosophe que l'apologiste. Nous renvoyons donc pour ce point aux traités de Philosophie. Signalons seulement la théorie de l'animisme, professée par Aristote, puis par saint Thomas et les scolastiques, d'après laquelle le corps et l'âme sont deux substances incomplètes, formant par leur union étroite un tout substantiel, appelé le composé humain, l'âme vivifiant le corps, devenant la forme qui anime ce corps et le différencie des autres. — Toutefois, bien qu'incomplète si on la considère dans l'ensemble de ses facultés dont quelques-unes (sensibilité, perception extérieure...) nécessitent le concours des organes, l'âme n'en reste pas moins, dans ses facultés supérieures, une substance complète, capable de vivre de sa vie propre.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. II. — Nature de l'âme humaine.
§ 1. L'ÂME HUMAINE ET L'ÂME DES BÊTES.
106. — L'homme a une âme, c'est-à-dire un principe qui est la cause des phénomènes psychologiques qu'on ne peut expliquer par les simples forces physico-chimiques. — Mais, dira-t-on, dans ce sens, les animaux aussi ont une âme. — La question qui se pose est donc de savoir s'il y a entre les deux des différences essentielles, telles qu'on ne puisse concevoir la transition de l'une à l'autre. Or deux facultés caractérisent l'âme humaine et la séparent totalement de l'âme des bêtes : ces deux facultés sont la raison et la liberté.
A. LA RAISON. — Sous le titre de raison, il ne faut pas entendre ici l'intelligence en général, c'est-à-dire la simple faculté de connaître. Car, à ce point de vue, il y a des traits communs entre l'intelligence de l'homme et celle de l'animal. Tous deux ont des connaissances sensibles qui embrassent des objets particuliers et déterminés ; ils ont la mémoire des choses sensibles, la faculté de se rappeler et d'associer les sensations, les impressions extérieures ; l'on admet même que les animaux ont la faculté imaginative. — La raison, dont il est ici question, c'est la faculté de penser et de raisonner qui appartient en propre à l'homme et qui met un abîme entre lui et l'animal. Par sa raison, l'homme a le pouvoir d'abstraire88, de dégager du particulier des idées générales : il aura, par exemple, la notion du triangle en général, sans envisager tel triangle pris en particulier ; il atteint les réalités immatérielles, comme le vrai, le bien, le beau, l'être, la substance, etc.
De cette faculté de penser, de raisonner et d'abstraire découlent des conséquences d'une extrême importance et qui dressent une barrière entre l'homme et l'animal. Tels sont : — 1. le langage. Sans doute, les animaux ont un langage naturel composé de signes extérieurs par lesquels ils manifestent les impressions de leur âme, mais ce qu'ils n'ont pu et ne pourront jamais créer, c'est le langage artificiel, conventionnel, qui sert à traduire la pensée ; et si leur impuissance est définitive, ce n'est pas que l'organe de la parole leur manque, — le singe a tous les organes requis, la luette y comprise, les perroquets répètent les mots qu'on leur apprend sans les comprendre, — c'est que la pensée leur fait défaut et que justement le langage conventionnel a pour but d'exprimer la pensée. — 2. Le jugement et le raisonnement. L'homme a le pouvoir de comparer les idées entre elles, d'étudier leurs rapports et de prononcer des jugements ; puis il peut rapprocher ces jugements, et ,par le raisonnement, en tirer des conclusions nouvelles. L'animal, lui, n'ayant pas la faculté de penser, est incapable, par le fait, de juger et de raisonner. — 3. Le progrès. Grâce au raisonnement et au langage, c'est-à-dire au pouvoir de se communiquer leurs pensées, les hommes développent sans cesse leurs connaissances, si bien que l'humanité suit une marche continue dans la voie du progrès et de la civilisation. L'animal a, pour le servir, d'admirables instincts, mais il n'invente ni ne progresse. L'art merveilleux avec lequel l'abeille construit sa ruche ne s'est pas modifié depuis le premier jour où il y a eu des abeilles : c'est toujours la même perfection, mais, pour ainsi dire, la perfection d'une machine, qui, de la première minute où elle marche, accomplit parfaitement sa tâche, mais ne peut en accomplir une autre. L'instinct est donc pour l'animal une précieuse faculté qui supplée la raison ; toutefois, il faut convenir qu'entre l'instinct et la raison il n'y a rien de commun : l'un ne peut pas conduire à l'autre. — 4. La moralité. Grâce à sa raison, l'homme perçoit les notions de bien et de mal, et sa conscience lui dit que les actions bonnes lui sont commandées tandis que les mauvaises lui sont défendues. L'animal ne fait point de semblable distinction ; s'il évite le mal, c'est par crainte du châtiment dont il garde le souvenir. — 5. La religiosité. Si l'homme est un être religieux, c'est que sa raison lui démontre l'existence d'un Créateur, tandis que l'animal, privé du pouvoir de penser et de raisonner, ne peut s'élever jusqu'à Dieu. «Seule, dit Bossuet, la nature humaine connaît Dieu, et voilà, par ce seul mot, les animaux au-dessous d'elle jusqu'à l'infini .»89
107. — B. LA LIBERTÉ. — La seconde faculté par laquelle l'homme se distingue de l'animal, c'est la liberté. La liberté est du reste une conséquence de la raison. Pour choisir entre deux alternatives, il faut connaître par la raison les motifs qui inclinent plutôt d'un côté que de l'autre. L'animal ne peut se laisser guider que par ses sensations, ses appétits et son instinct. Chaque impression reçue par ses organes des sens, en se transmettant au cerveau, provoque une action réflexe, c'est-à-dire une réaction en rapport avec l'impression reçue. Si les sensations aboutissent aussi chez l'homme à des vibrations cérébrales, au moins il a le pouvoir d'en modifier les effets, de diriger les forces mises en jeu et de les transformer. Nous prouverons d'ailleurs plus loin que l'homme a ce pouvoir (N° 111).
Il est donc permis de conclure que, grâce à ces deux facultés, raison et liberté, l'homme est séparé de l'animal par une distance infranchissable, que l'évolution ne peut expliquer le passage de l'âme animale à l'âme humaine, et que seule l'action divine a pu créer l'âme humaine90
§ 1. L'ÂME HUMAINE ET L'ÂME DES BÊTES.
106. — L'homme a une âme, c'est-à-dire un principe qui est la cause des phénomènes psychologiques qu'on ne peut expliquer par les simples forces physico-chimiques. — Mais, dira-t-on, dans ce sens, les animaux aussi ont une âme. — La question qui se pose est donc de savoir s'il y a entre les deux des différences essentielles, telles qu'on ne puisse concevoir la transition de l'une à l'autre. Or deux facultés caractérisent l'âme humaine et la séparent totalement de l'âme des bêtes : ces deux facultés sont la raison et la liberté.
A. LA RAISON. — Sous le titre de raison, il ne faut pas entendre ici l'intelligence en général, c'est-à-dire la simple faculté de connaître. Car, à ce point de vue, il y a des traits communs entre l'intelligence de l'homme et celle de l'animal. Tous deux ont des connaissances sensibles qui embrassent des objets particuliers et déterminés ; ils ont la mémoire des choses sensibles, la faculté de se rappeler et d'associer les sensations, les impressions extérieures ; l'on admet même que les animaux ont la faculté imaginative. — La raison, dont il est ici question, c'est la faculté de penser et de raisonner qui appartient en propre à l'homme et qui met un abîme entre lui et l'animal. Par sa raison, l'homme a le pouvoir d'abstraire88, de dégager du particulier des idées générales : il aura, par exemple, la notion du triangle en général, sans envisager tel triangle pris en particulier ; il atteint les réalités immatérielles, comme le vrai, le bien, le beau, l'être, la substance, etc.
De cette faculté de penser, de raisonner et d'abstraire découlent des conséquences d'une extrême importance et qui dressent une barrière entre l'homme et l'animal. Tels sont : — 1. le langage. Sans doute, les animaux ont un langage naturel composé de signes extérieurs par lesquels ils manifestent les impressions de leur âme, mais ce qu'ils n'ont pu et ne pourront jamais créer, c'est le langage artificiel, conventionnel, qui sert à traduire la pensée ; et si leur impuissance est définitive, ce n'est pas que l'organe de la parole leur manque, — le singe a tous les organes requis, la luette y comprise, les perroquets répètent les mots qu'on leur apprend sans les comprendre, — c'est que la pensée leur fait défaut et que justement le langage conventionnel a pour but d'exprimer la pensée. — 2. Le jugement et le raisonnement. L'homme a le pouvoir de comparer les idées entre elles, d'étudier leurs rapports et de prononcer des jugements ; puis il peut rapprocher ces jugements, et ,par le raisonnement, en tirer des conclusions nouvelles. L'animal, lui, n'ayant pas la faculté de penser, est incapable, par le fait, de juger et de raisonner. — 3. Le progrès. Grâce au raisonnement et au langage, c'est-à-dire au pouvoir de se communiquer leurs pensées, les hommes développent sans cesse leurs connaissances, si bien que l'humanité suit une marche continue dans la voie du progrès et de la civilisation. L'animal a, pour le servir, d'admirables instincts, mais il n'invente ni ne progresse. L'art merveilleux avec lequel l'abeille construit sa ruche ne s'est pas modifié depuis le premier jour où il y a eu des abeilles : c'est toujours la même perfection, mais, pour ainsi dire, la perfection d'une machine, qui, de la première minute où elle marche, accomplit parfaitement sa tâche, mais ne peut en accomplir une autre. L'instinct est donc pour l'animal une précieuse faculté qui supplée la raison ; toutefois, il faut convenir qu'entre l'instinct et la raison il n'y a rien de commun : l'un ne peut pas conduire à l'autre. — 4. La moralité. Grâce à sa raison, l'homme perçoit les notions de bien et de mal, et sa conscience lui dit que les actions bonnes lui sont commandées tandis que les mauvaises lui sont défendues. L'animal ne fait point de semblable distinction ; s'il évite le mal, c'est par crainte du châtiment dont il garde le souvenir. — 5. La religiosité. Si l'homme est un être religieux, c'est que sa raison lui démontre l'existence d'un Créateur, tandis que l'animal, privé du pouvoir de penser et de raisonner, ne peut s'élever jusqu'à Dieu. «Seule, dit Bossuet, la nature humaine connaît Dieu, et voilà, par ce seul mot, les animaux au-dessous d'elle jusqu'à l'infini .»89
107. — B. LA LIBERTÉ. — La seconde faculté par laquelle l'homme se distingue de l'animal, c'est la liberté. La liberté est du reste une conséquence de la raison. Pour choisir entre deux alternatives, il faut connaître par la raison les motifs qui inclinent plutôt d'un côté que de l'autre. L'animal ne peut se laisser guider que par ses sensations, ses appétits et son instinct. Chaque impression reçue par ses organes des sens, en se transmettant au cerveau, provoque une action réflexe, c'est-à-dire une réaction en rapport avec l'impression reçue. Si les sensations aboutissent aussi chez l'homme à des vibrations cérébrales, au moins il a le pouvoir d'en modifier les effets, de diriger les forces mises en jeu et de les transformer. Nous prouverons d'ailleurs plus loin que l'homme a ce pouvoir (N° 111).
Il est donc permis de conclure que, grâce à ces deux facultés, raison et liberté, l'homme est séparé de l'animal par une distance infranchissable, que l'évolution ne peut expliquer le passage de l'âme animale à l'âme humaine, et que seule l'action divine a pu créer l'âme humaine90
88 Le mot abstraire désigne cette opération de l'esprit qui consiste à considérer une qualité en dehors de l'objet qui la possède : par exemple, la blancheur d'un mur en l'isolant du mur qui la possède. Le mot abstrait est opposé au mot concret.
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On pourrait signaler encore le rire comme étant une des caractéristiques les plus curieuses qui distinguent l'homme de l'animal. Le comique ou le ridicule des choses qui provoquent le rire, supposent la raison pour les percevoir.
90 Cette impossibilité du passage de l'animal à l'homme peut être invoquée comme preuve de l'existence de Dieu. Si, en effet, l'âme de l'homme ne peut sortir par évolution de l'âme animale, de toute nécessité, il faut recourir à quelqu'un qui la crée directement.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 2. — Spiritualité de l'ame humaine. Objection matérialiste.
108. — La raison et la liberté sont les deux facultés par lesquelles l'âme humaine se différencie de l'âme des bêtes. Nous devons faire un pas plus loin, et nous demander de quelle nature est ce principe qui produit la pensée : il nous faut donc démontrer, avec le spiritualisme chrétien, que l'âme humaine est une substance spirituelle, et non pas matérielle, comme le prétendent les matérialistes.
1° Spiritualité de l'âme humaine. — A. CONCEPT. — Une substance spirituelle ou immatérielle est une substance indépendante de la matière dans son être et ses opérations. Une substance matérielle, au contraire, est celle qui, pour être et agir, dépend intrinsèquement de la matière : v. g. les âmes végétatives et animales qui n'ont d'être et d'action que par la matière et les organes auxquels elles sont liées. — L'on voit tout de suite combien grave est cette question de la spiritualité de l'âme. Car, si l'âme de l'homme n'était pas spirituelle, si elle dépendait du corps pour agir, elle ne pourrait pas lui survivre.
B. PREUVES. — De la définition qui précède il suit que, pour prouver la spiritualité de l'âme humaine, il faut établir qu'elle possède une existence et une action propres, au moins dans sa vie intellective.
a) Preuve tirée de la nature des opérations de l'âme. — C'est un principe admis en philosophie que l'opération suit l'être, en d'autres termes, que la nature des effets indique la nature des causes. L'on peut donc juger de l'essence d'un être par ses opérations ou encore par les objets de ses opérations. Or, nous concevons certains objets qui n'ont rien de commun avec la matière : telles sont les idées de vrai, de bien, de beau, d'idéal, de devoir, de vertu ; telles sont aussi toutes les idées abstraites. Il faut donc conclure que ces idées ont pour principe un agent de la même nature, c'est-à-dire un agent immatériel. Or, comme le corps est matériel, il faut admettre, en dehors de lui, un principe spirituel.
b) Preuve tirée de la nature de la volonté. — La liberté que nous avons de choisir entre deux objets, entre le bien et le mal, la faculté que nous avons d'agir ou de ne pas agir, prouve également que nous avons un principe d'action qui n'est pas la matière. Car la matière est inerte, indifférente au repos ou au mouvement et, de ce fait, incapable de modifier l'état où elle se trouve. Par conséquent, si l'âme est libre, si elle peut se mouvoir à son gré, c'est qu'elle n'est pas, comme le corps, soumise aux lois de la matière.
c) La spiritualité de l'âme apparaît encore dans ce fait, que l'intelligence, loin de s'affaiblir avec l'âge, se développe souvent et profite de l'expérience acquise. Tandis que les sens faiblissent avec le temps, que la vue, l’ouïe, le goût baissent avec leurs organes, il y a des vieillards qui gardent leur intelligence plus vigoureuse et plus lucide que jamais. Ce phénomène serait inexplicable dans l'hypothèse où l'âme, même dans ses facultés supérieures, serait dépendante du corps.
109. — 2° Objection matérialiste. — Le cerveau et la pensée. — A. Le grand argument des matérialistes contre l'existence de l'âme, ou du moins contre une âme spirituelle et distincte de la matière, est tirée des RAPPORTS DU CERVEAU ET DE LA PENSÉE. — Le cerveau, disent les matérialistes, est la cause unique qui produit la pensée. « Le cerveau, dit K. Vogt, sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile et les reins sécrètent l'urine. » Et Buchner, dans une formule plus habile et moins manifestement fausse, déclare « qu'il y a le même rapport entre la pensée et le cerveau qu'entre la bile et le foie, l'urine et les reins. » Et la preuve que le cerveau est la cause de la pensée, les matérialistes croient la trouver dans la corrélation étroite entre l'un et l'autre : dans ce fait que, plus le cerveau est développé ,plus l'intelligence est grande, et dans cet autre fait, que les accidents, — lésions, altérations morbides, — qui affectent le cerveau, ont leur contrecoup sur la pensée.
B. Veut-on savoir maintenant le PROCESSUS de la pensée? — Pour montrer comment le cerveau produit la pensée, les matérialistes font appel à la loi physique de la transformation des forces. « La pensée, dit Moles-chott, est un mouvement de la matière. » Elle est une forme de mouvement propre à la substance des centres nerveux, et il est permis de dire que le cerveau pense comme le muscle se contracte : des deux côtés, les faits s'expliquent par une transformation des forces. Ainsi, la vibration nerveuse devient sensation, émotion, pensée ; et inversement, la pensée se transforme en émotion, détermination volontaire, vibration nerveuse, puis mouvement musculaire et mécanique.
108. — La raison et la liberté sont les deux facultés par lesquelles l'âme humaine se différencie de l'âme des bêtes. Nous devons faire un pas plus loin, et nous demander de quelle nature est ce principe qui produit la pensée : il nous faut donc démontrer, avec le spiritualisme chrétien, que l'âme humaine est une substance spirituelle, et non pas matérielle, comme le prétendent les matérialistes.
1° Spiritualité de l'âme humaine. — A. CONCEPT. — Une substance spirituelle ou immatérielle est une substance indépendante de la matière dans son être et ses opérations. Une substance matérielle, au contraire, est celle qui, pour être et agir, dépend intrinsèquement de la matière : v. g. les âmes végétatives et animales qui n'ont d'être et d'action que par la matière et les organes auxquels elles sont liées. — L'on voit tout de suite combien grave est cette question de la spiritualité de l'âme. Car, si l'âme de l'homme n'était pas spirituelle, si elle dépendait du corps pour agir, elle ne pourrait pas lui survivre.
B. PREUVES. — De la définition qui précède il suit que, pour prouver la spiritualité de l'âme humaine, il faut établir qu'elle possède une existence et une action propres, au moins dans sa vie intellective.
a) Preuve tirée de la nature des opérations de l'âme. — C'est un principe admis en philosophie que l'opération suit l'être, en d'autres termes, que la nature des effets indique la nature des causes. L'on peut donc juger de l'essence d'un être par ses opérations ou encore par les objets de ses opérations. Or, nous concevons certains objets qui n'ont rien de commun avec la matière : telles sont les idées de vrai, de bien, de beau, d'idéal, de devoir, de vertu ; telles sont aussi toutes les idées abstraites. Il faut donc conclure que ces idées ont pour principe un agent de la même nature, c'est-à-dire un agent immatériel. Or, comme le corps est matériel, il faut admettre, en dehors de lui, un principe spirituel.
b) Preuve tirée de la nature de la volonté. — La liberté que nous avons de choisir entre deux objets, entre le bien et le mal, la faculté que nous avons d'agir ou de ne pas agir, prouve également que nous avons un principe d'action qui n'est pas la matière. Car la matière est inerte, indifférente au repos ou au mouvement et, de ce fait, incapable de modifier l'état où elle se trouve. Par conséquent, si l'âme est libre, si elle peut se mouvoir à son gré, c'est qu'elle n'est pas, comme le corps, soumise aux lois de la matière.
c) La spiritualité de l'âme apparaît encore dans ce fait, que l'intelligence, loin de s'affaiblir avec l'âge, se développe souvent et profite de l'expérience acquise. Tandis que les sens faiblissent avec le temps, que la vue, l’ouïe, le goût baissent avec leurs organes, il y a des vieillards qui gardent leur intelligence plus vigoureuse et plus lucide que jamais. Ce phénomène serait inexplicable dans l'hypothèse où l'âme, même dans ses facultés supérieures, serait dépendante du corps.
109. — 2° Objection matérialiste. — Le cerveau et la pensée. — A. Le grand argument des matérialistes contre l'existence de l'âme, ou du moins contre une âme spirituelle et distincte de la matière, est tirée des RAPPORTS DU CERVEAU ET DE LA PENSÉE. — Le cerveau, disent les matérialistes, est la cause unique qui produit la pensée. « Le cerveau, dit K. Vogt, sécrète la pensée comme le foie sécrète la bile et les reins sécrètent l'urine. » Et Buchner, dans une formule plus habile et moins manifestement fausse, déclare « qu'il y a le même rapport entre la pensée et le cerveau qu'entre la bile et le foie, l'urine et les reins. » Et la preuve que le cerveau est la cause de la pensée, les matérialistes croient la trouver dans la corrélation étroite entre l'un et l'autre : dans ce fait que, plus le cerveau est développé ,plus l'intelligence est grande, et dans cet autre fait, que les accidents, — lésions, altérations morbides, — qui affectent le cerveau, ont leur contrecoup sur la pensée.
B. Veut-on savoir maintenant le PROCESSUS de la pensée? — Pour montrer comment le cerveau produit la pensée, les matérialistes font appel à la loi physique de la transformation des forces. « La pensée, dit Moles-chott, est un mouvement de la matière. » Elle est une forme de mouvement propre à la substance des centres nerveux, et il est permis de dire que le cerveau pense comme le muscle se contracte : des deux côtés, les faits s'expliquent par une transformation des forces. Ainsi, la vibration nerveuse devient sensation, émotion, pensée ; et inversement, la pensée se transforme en émotion, détermination volontaire, vibration nerveuse, puis mouvement musculaire et mécanique.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Réfutation. — A. LES RAPPORTS ÉTROITS ENTRE LE CERVEAU ET LA PENSÉE ne sont pas contestables. Mais l'unique question est de savoir si le cerveau est cause ou condition.— a) S'il est cause, il doit toujours y avoir équation entre le cerveau et l’intelligence, car c'est un principe général que la même cause, dans les mêmes conditions, produit toujours les mêmes effets. Il faudrait donc nous dire comment on peut établir cette corrélation. La valeur de l'intelligence dépend-elle du poids ou du volume du cerveau, ou du nombre et de la finesse de ses circonvolutions, ou encore de la qualité de la substance qui le compose, de sa richesse en phosphore 1 Les matérialistes seraient bien embarrassés de le dire. Si en effet ils invoquent le poids, on leur objecte aussitôt que, à côté de cerveaux comme ceux de Cuvier dont le poids était de 1830 grammes, de lord Byron, 1795 grammes, on peut leur en citer d'autres comme celui de Gambetta, qui ne pesait que 1160 grammes. Allèguent-ils le volume? La cérébrologie, ou science des fonctions du cerveau, leur démontrera alors que le cubage des crânes oscille dans toutes les races dans d'étroites limites, entre 1477 et 1588 ce; et pourtant il faut bien admettre qu'il y a des races qui sont supérieures par le degré d'intelligence. Les rapprochements entre la pensée et le nombre, la finesse, la richesse en phosphore des circonvolutions n'ont guère plus de fondement. La corrélation entre le cerveau et la pensée est donc loin d'être une loi rigoureuse, et voilà, du même coup, la thèse matérialiste qui part d'un faux supposé.
Bien plus, la cérébrologie est parvenue à établir la parfaite ressemblance morphologique des cerveaux humain et simien. Comment se fait-il alors que, si les cerveaux sont identiques, l'homme seul pense et raisonne ?
En outre, deux autres faits s'élèvent contre la doctrine matérialiste : la folie et les localisations cérébrales. — 1. La folie. Il a été reconnu que la folie peut exister sans lésion cérébrale. Comment expliquer qu'un instrument, qui est l'unique cause de la pensée, fonctionne mal alors qu'il est intact? — 2. Les localisations cérébrales. Il fut un temps où les matérialistes fondaient grand espoir sur la théorie des localisations cérébrales : ils avaient déterminé la place des centres sensitifs et moteurs, de la mémoire, etc., ils croyaient même pouvoir loger la pensée dans les lobes frontaux. Or, leur théorie, déjà insuffisamment démontrée par l'expérimentation, a été complètement mise en échec par les constatations que les médecins ont faites au cours de la guerre 1914-1918. On a pu observer, en effet, de nombreux cas de lésions du cerveau, — perte considérable de substance cérébrale, ablation des prétendus centres sensitifs et moteurs, réduction en bouillie des lobes frontaux, — sans que les blessés s'en soient ressentis gravement et sans qu'ils aient cessé de jouir de leurs facultés, de sentir, de marcher, de penser et de parler, comme par le passé. Il faut donc conclure, à l'inverse de la théorie des localisations, qu'il n'y a dans le cerveau aucune région qui soit le siège et l'organe de la pensée.
b) En second lieu, si le cerveau est la cause de la pensée, il doit y avoir une similitude de nature entre la cause et l'effet. Si par conséquent la cause est matérielle, l'effet doit l'être aussi. La parole de K. Vogt retourne donc contre la thèse matérialiste. Il est bien vrai que le foie sécrète la bile, mais précisément l'effet est matériel comme sa cause. Pour que la comparaison fût vraie, il faudrait dès lors que le cerveau qui est matériel, composé et multiple, produisît un effet du même ordre. Or l'intelligence est une,et simple, elle a des idées qui n'ont rien de commun avec la matière. Elle ne peut donc procéder d'une cause matérielle ; elle suppose une activité immatérielle, qui est l'âme.
c) Enfin, comment concilier l'identité personnelle du moi, dont nous avons parlé plus haut (N° 104) avec les changements continuels du corps, et particulièrement, du cerveau ? Comment l'identique pourrait-il résulter du changement 1 Et comment les molécules nouvelles qui se sont substituées aux anciennes dans le cerveau, peuvent-elles garder le souvenir d'événements ou d'impressions qui ont affecté les molécules dont elles ont pris la place ?
d) II faut donc conclure, avec le spiritualisme, que le cerveau n'est pas la cause de la pensée ; il n'en est que la condition. Il n'est pas l'organe de l'intelligence ; il est tout simplement un instrument à son service, semblable à la harpe qui ne peut rendre de sons que sous les doigts du harpiste. L'âme seule est la cause de la pensée ; absolument parlant, elle n'a pas besoin d'organe, mais dans l'état actuel des choses, étant donné que nous ne pensons pas sans images et que les images sont transmises au cerveau par les organes des sens, le cerveau est un instrument nécessaire à l'exercice de la pensée. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que les accidents, les lésions qui surviennent dans les centres nerveux, paralysent les fonctions qu'ils ont à remplir. D'une harpe brisée le harpiste ne sait plus tirer de sons ; il n'en reste pas moins harpiste, après comme avant.
B. QUANT AU PROCESSUS DE LA PENSÉE, rien n'empêche qu'il soit le même dans les deux hypothèses. Que le cerveau soit cause, ou simplement condition, la manière dont il fonctionne ne varie pas. Par le fait que l'âme se sert, du cerveau comme instrument, la production de la pensée doit être accompagnée de phénomènes matériels qui relèvent de la physique. Rien donc d'étonnant qu'il entre en vibration, qu'il dégage de la chaleur et donne naissance à de nouvelles substances chimiques. L'erreur des matérialistes est de s'arrêter là et de conclure que la pensée n'est que mouvement, parce qu'elle est liée au mouvement.
De ce qui précède, nous pouvons conclure que le cerveau seul n'explique pas la pensée, que par conséquent, il n'en est pas la cause. Il n'en est que la condition nécessaire, au moins dans l'état présent de la nature humaine.
Bien plus, la cérébrologie est parvenue à établir la parfaite ressemblance morphologique des cerveaux humain et simien. Comment se fait-il alors que, si les cerveaux sont identiques, l'homme seul pense et raisonne ?
En outre, deux autres faits s'élèvent contre la doctrine matérialiste : la folie et les localisations cérébrales. — 1. La folie. Il a été reconnu que la folie peut exister sans lésion cérébrale. Comment expliquer qu'un instrument, qui est l'unique cause de la pensée, fonctionne mal alors qu'il est intact? — 2. Les localisations cérébrales. Il fut un temps où les matérialistes fondaient grand espoir sur la théorie des localisations cérébrales : ils avaient déterminé la place des centres sensitifs et moteurs, de la mémoire, etc., ils croyaient même pouvoir loger la pensée dans les lobes frontaux. Or, leur théorie, déjà insuffisamment démontrée par l'expérimentation, a été complètement mise en échec par les constatations que les médecins ont faites au cours de la guerre 1914-1918. On a pu observer, en effet, de nombreux cas de lésions du cerveau, — perte considérable de substance cérébrale, ablation des prétendus centres sensitifs et moteurs, réduction en bouillie des lobes frontaux, — sans que les blessés s'en soient ressentis gravement et sans qu'ils aient cessé de jouir de leurs facultés, de sentir, de marcher, de penser et de parler, comme par le passé. Il faut donc conclure, à l'inverse de la théorie des localisations, qu'il n'y a dans le cerveau aucune région qui soit le siège et l'organe de la pensée.
b) En second lieu, si le cerveau est la cause de la pensée, il doit y avoir une similitude de nature entre la cause et l'effet. Si par conséquent la cause est matérielle, l'effet doit l'être aussi. La parole de K. Vogt retourne donc contre la thèse matérialiste. Il est bien vrai que le foie sécrète la bile, mais précisément l'effet est matériel comme sa cause. Pour que la comparaison fût vraie, il faudrait dès lors que le cerveau qui est matériel, composé et multiple, produisît un effet du même ordre. Or l'intelligence est une,et simple, elle a des idées qui n'ont rien de commun avec la matière. Elle ne peut donc procéder d'une cause matérielle ; elle suppose une activité immatérielle, qui est l'âme.
c) Enfin, comment concilier l'identité personnelle du moi, dont nous avons parlé plus haut (N° 104) avec les changements continuels du corps, et particulièrement, du cerveau ? Comment l'identique pourrait-il résulter du changement 1 Et comment les molécules nouvelles qui se sont substituées aux anciennes dans le cerveau, peuvent-elles garder le souvenir d'événements ou d'impressions qui ont affecté les molécules dont elles ont pris la place ?
d) II faut donc conclure, avec le spiritualisme, que le cerveau n'est pas la cause de la pensée ; il n'en est que la condition. Il n'est pas l'organe de l'intelligence ; il est tout simplement un instrument à son service, semblable à la harpe qui ne peut rendre de sons que sous les doigts du harpiste. L'âme seule est la cause de la pensée ; absolument parlant, elle n'a pas besoin d'organe, mais dans l'état actuel des choses, étant donné que nous ne pensons pas sans images et que les images sont transmises au cerveau par les organes des sens, le cerveau est un instrument nécessaire à l'exercice de la pensée. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que les accidents, les lésions qui surviennent dans les centres nerveux, paralysent les fonctions qu'ils ont à remplir. D'une harpe brisée le harpiste ne sait plus tirer de sons ; il n'en reste pas moins harpiste, après comme avant.
B. QUANT AU PROCESSUS DE LA PENSÉE, rien n'empêche qu'il soit le même dans les deux hypothèses. Que le cerveau soit cause, ou simplement condition, la manière dont il fonctionne ne varie pas. Par le fait que l'âme se sert, du cerveau comme instrument, la production de la pensée doit être accompagnée de phénomènes matériels qui relèvent de la physique. Rien donc d'étonnant qu'il entre en vibration, qu'il dégage de la chaleur et donne naissance à de nouvelles substances chimiques. L'erreur des matérialistes est de s'arrêter là et de conclure que la pensée n'est que mouvement, parce qu'elle est liée au mouvement.
De ce qui précède, nous pouvons conclure que le cerveau seul n'explique pas la pensée, que par conséquent, il n'en est pas la cause. Il n'en est que la condition nécessaire, au moins dans l'état présent de la nature humaine.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. III. — Liberté de l'âme.
§ 1. Le libre arbitre. Notion. Existence.
110. — 1° Notion. — Étymologiquement, être libre (latin liber) c'est être affranchi de tout lien. Et comme il y a des liens physiques et matériels (chaînes), et des liens moraux (lois), il y a aussi deux sortes de libertés : la liberté physique et la liberté morale. Il est clair que nous ne jouissons pas de ces deux libertés, toujours et d'une façon complète. Ainsi le prisonnier qui est enchaîné, n'a pas la liberté physique ; aucun de nous n'a une liberté morale absolue, car la loi morale la restreint dans la mesure ou elle nous impose ses commandements. Nous n'avons donc de liberté sur ce point qu'en tout ce qui n'est pas défendu par notre conscience.
La liberté dont il est ici question, ou plutôt le libre arbitre, c'est le pouvoir que la volonté a de choisir entre deux alternatives, d'agir ou de ne pas agir, de se déterminer pour une chose ou pour une autre sans qu'elle y soit contrainte par une force extérieure ou intérieure. Tandis que la matière obéit nécessairement aux lois qui la régissent et que les animaux suivent irrésistiblement les impulsions de leur instinct, l'homme est maître de ses décisions et peut prendre le parti qu'il lui plaît. C'est donc la liberté qui fait de l'homme seul un être moral, responsable, capable de mérite et de démérite. L'on peut juger par là combien il importe de prouver l'existence du libre arbitre.
111. — 2° Existence. — A. PREUVE DIRECTE. Témoignage de la conscience. — « Nous sommes tellement assurés de notre liberté morale, dit Descartes, qu'il n'y a rien que nous connaissions plus clairement.» Avant d'agir, nous délibérons ; au moment d'agir, nous fixons notre choix. Or, délibérer et choisir sont deux actes qui témoignent que nous sommes libres. Encore que théoriquement certains nient la liberté, pratiquement personne n'en doute. Et nous nous croyons d'autant plus libre et responsables que nous avons mieux réfléchi, pesé d'avance le pour et le contre, et que nous n'avons pas suivi notre premier mouvement.
B. PREUVE INDIRECTE. — a) Preuves morales. — 1. L'existence de la loi morale implique la liberté. Nous admettons tous qu'il y a des règles de conduite qui s'imposent à notre volonté, que certains actes nous sont défendus tandis que d'autres nous sont commandés. Or cet état de choses serait absurde si nous n'avions pas la liberté d'accomplir les devoirs qui nous sont prescrits. — 2. l'éducation postule également la liberté. Quel est en effet le but de l'éducateur ? C'est de diriger la volonté de celui qu'il éduque, de la pousser à certains actes, et de la détourner de certains autres. Chose qui serait tout à fait irréalisable s'il n'y avait pas possibilité d'opter entre deux alternatives.
b) Preuves sociales. — 1. Maintes institutions sociales supposent la liberté : tels sont, par exemple, les contrats, les engagements, les promesses, qui n'auraient pas de valeur si ceux qui les font n'étaient pas libres de les tenir. —- 2. Les défenses édictées par les lois civiles ne se comprendraient pas davantage si les individus n'avaient pas la possibilité d'agir de plusieurs manières dans une circonstance donnée. — 3. Les pénalités, qui sanctionnent les lois, n'auraient pas de fondement moral en dehors du libre arbitre. Il y aurait cruauté et tyrannie à châtier des actes que la nécessité aurait imposés. A cela les adversaires de la liberté objectent que, dans toute hypothèse, les punitions sont utiles parce qu'elles sont pour la société le seul moyen de garantir l'ordre et d'assurer la protection réciproque des citoyens. La remarque est juste, mais si le châtiment des coupables ne laisse pas d'être utile, même si les hommes ne sont pas libres, il n'en est pas moins vrai qu'il perd alors tout caractère de moralité. Les faits parlent, du reste, contre cette manière de voir ; car les juges, avant de prononcer leur sentence, recherchent toujours s'il y a des raisons, — ignorance, faiblesse d'esprit, manque de préméditation, — qui diminuent la responsabilité et constituent autant de circonstances atténuantes : ce qui serait superflu si la peine n'avait d'autre but que de corriger et de guérir.
C. PREUVE TIRÉE DU CONSENTEMENT UNIVERSEL. — « Non seulement, dit J. Simon (Le devoir), tous les hommes, depuis que le monde est monde, croient à la liberté ; mais cette croyance est naturelle et invincible... Le sauvage croit à sa liberté, comme le citoyen d'une société civilisée, l'enfant comme le vieillard... Celui qui, à force de méditer, s'est créé un système où la liberté ne trouve pas de place, parle, sent et vit comme s'il croyait à la liberté. Il ne doute pas, il s'efforce de douter, et c'est tout le résultat de sa science. Trouvez un fataliste qui n'ait ni orgueil ni remords... Ou il faut dire que l'homme est libre, ou il faut dire qu'il a été créé pour croire invariablement à l'erreur. »
§ 1. Le libre arbitre. Notion. Existence.
110. — 1° Notion. — Étymologiquement, être libre (latin liber) c'est être affranchi de tout lien. Et comme il y a des liens physiques et matériels (chaînes), et des liens moraux (lois), il y a aussi deux sortes de libertés : la liberté physique et la liberté morale. Il est clair que nous ne jouissons pas de ces deux libertés, toujours et d'une façon complète. Ainsi le prisonnier qui est enchaîné, n'a pas la liberté physique ; aucun de nous n'a une liberté morale absolue, car la loi morale la restreint dans la mesure ou elle nous impose ses commandements. Nous n'avons donc de liberté sur ce point qu'en tout ce qui n'est pas défendu par notre conscience.
La liberté dont il est ici question, ou plutôt le libre arbitre, c'est le pouvoir que la volonté a de choisir entre deux alternatives, d'agir ou de ne pas agir, de se déterminer pour une chose ou pour une autre sans qu'elle y soit contrainte par une force extérieure ou intérieure. Tandis que la matière obéit nécessairement aux lois qui la régissent et que les animaux suivent irrésistiblement les impulsions de leur instinct, l'homme est maître de ses décisions et peut prendre le parti qu'il lui plaît. C'est donc la liberté qui fait de l'homme seul un être moral, responsable, capable de mérite et de démérite. L'on peut juger par là combien il importe de prouver l'existence du libre arbitre.
111. — 2° Existence. — A. PREUVE DIRECTE. Témoignage de la conscience. — « Nous sommes tellement assurés de notre liberté morale, dit Descartes, qu'il n'y a rien que nous connaissions plus clairement.» Avant d'agir, nous délibérons ; au moment d'agir, nous fixons notre choix. Or, délibérer et choisir sont deux actes qui témoignent que nous sommes libres. Encore que théoriquement certains nient la liberté, pratiquement personne n'en doute. Et nous nous croyons d'autant plus libre et responsables que nous avons mieux réfléchi, pesé d'avance le pour et le contre, et que nous n'avons pas suivi notre premier mouvement.
B. PREUVE INDIRECTE. — a) Preuves morales. — 1. L'existence de la loi morale implique la liberté. Nous admettons tous qu'il y a des règles de conduite qui s'imposent à notre volonté, que certains actes nous sont défendus tandis que d'autres nous sont commandés. Or cet état de choses serait absurde si nous n'avions pas la liberté d'accomplir les devoirs qui nous sont prescrits. — 2. l'éducation postule également la liberté. Quel est en effet le but de l'éducateur ? C'est de diriger la volonté de celui qu'il éduque, de la pousser à certains actes, et de la détourner de certains autres. Chose qui serait tout à fait irréalisable s'il n'y avait pas possibilité d'opter entre deux alternatives.
b) Preuves sociales. — 1. Maintes institutions sociales supposent la liberté : tels sont, par exemple, les contrats, les engagements, les promesses, qui n'auraient pas de valeur si ceux qui les font n'étaient pas libres de les tenir. —- 2. Les défenses édictées par les lois civiles ne se comprendraient pas davantage si les individus n'avaient pas la possibilité d'agir de plusieurs manières dans une circonstance donnée. — 3. Les pénalités, qui sanctionnent les lois, n'auraient pas de fondement moral en dehors du libre arbitre. Il y aurait cruauté et tyrannie à châtier des actes que la nécessité aurait imposés. A cela les adversaires de la liberté objectent que, dans toute hypothèse, les punitions sont utiles parce qu'elles sont pour la société le seul moyen de garantir l'ordre et d'assurer la protection réciproque des citoyens. La remarque est juste, mais si le châtiment des coupables ne laisse pas d'être utile, même si les hommes ne sont pas libres, il n'en est pas moins vrai qu'il perd alors tout caractère de moralité. Les faits parlent, du reste, contre cette manière de voir ; car les juges, avant de prononcer leur sentence, recherchent toujours s'il y a des raisons, — ignorance, faiblesse d'esprit, manque de préméditation, — qui diminuent la responsabilité et constituent autant de circonstances atténuantes : ce qui serait superflu si la peine n'avait d'autre but que de corriger et de guérir.
C. PREUVE TIRÉE DU CONSENTEMENT UNIVERSEL. — « Non seulement, dit J. Simon (Le devoir), tous les hommes, depuis que le monde est monde, croient à la liberté ; mais cette croyance est naturelle et invincible... Le sauvage croit à sa liberté, comme le citoyen d'une société civilisée, l'enfant comme le vieillard... Celui qui, à force de méditer, s'est créé un système où la liberté ne trouve pas de place, parle, sent et vit comme s'il croyait à la liberté. Il ne doute pas, il s'efforce de douter, et c'est tout le résultat de sa science. Trouvez un fataliste qui n'ait ni orgueil ni remords... Ou il faut dire que l'homme est libre, ou il faut dire qu'il a été créé pour croire invariablement à l'erreur. »
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
§ 2. — Le Déterminisme.
112. — 1° Définition. — Par déterminisme il faut entendre tout système qui nie le libre arbitre, et qui prétend que la volonté de l'homme est toujours déterminée à tel parti plutôt qu'à tel autre par des influences nécessitantes.
113. — 2° Formes. — Selon la nature des influences, le déterminisme revêt différentes formes. Il s'appelle : — a) déterminisme théologique ou fatalisme, lorsqu'on suppose la volonté subissant l'influence divine d'une manière nécessaire ; — b) déterminisme scientifique si on considère l'homme comme soumis aux lois nécessaires de la matière ; — c) déterminisme soit physiologique, soit — d) psychologique, si l'on regarde l'homme comme entraîné nécessairement par les conditions de sa nature.
114. — A. Déterminisme théologique. — Cette première forme de déterminisme se subdivise en plusieurs espèces. Il y a : — 1. le fatalisme que nous trouvons à la base de certaines religions, qui fut comme le dogme fondamental de la religion grecque, et qui l'est encore aujourd'hui chez les Musulmans. Dans ce système, les hommes sont menés par une force aveugle, inexorable, appelée le Destin (lat. fatum, d'où le nom de fataliste) dont ils ne peuvent prévoir ni changer les effets. On n'échappe pas à sa destinée, tout ce qui doit arriver arrivera. « C'était écrit», disent les disciples de Mahomet ; d'où il suit que tout effort devient inutile, et que le parti le plus sage c'est de s'abandonner à son sort ; — 2. le fatalisme panthéistique. Toute doctrine panthéiste doit nécessairement aboutir au fatalisme. Il est clair, en effet, que si Dieu est l'unique substance, si tout est Dieu, il n'y a plus de place pour le libre arbitre, car Dieu est l'être nécessaire et il ne peut y avoir en lui rien de contingent ; — 3. le fatalisme théologique ou prédestinatianisme. La destinée de tous les hommes, des méchants comme des bons, est fixée d'avance par le choix»de la volonté divine qu'aucun moyen ne saurait changer. D'autre part, l'homme est incapable de faire le bien sans la grâce, et la grâce est un don purement gratuit. Nous ne sommes donc pas libres de faire notre destinée comme nous voudrions ; nous devons l'accepter, comme Dieu l'a décrété.
Réfutation. — 1. Il apparaît tout de suite que le fatalisme mahométan ,en détachant les effets des causes, en proclamant que les effets arrivent nécessairement, même en dehors des causes qui les produisent, et qu'il n'y a pas d'intérêt à fuir le danger, s'il est écrit qu'on doit en être victime, est un système absurde et tout à fait irrationnel. — 2. Le fatalisme panthéistique n'est pas plus soutenable. Il ne faut pas observer longtemps le monde pour y découvrir partout des choses qui commencent, qui se transforment et évoluent sans cesse : c'est donc que le monde est contingent, puisque tout changement est incompatible avec l'idée d'être nécessaire. — 3. Les difficultés soulevées par les prédestinatiens (Luther, Calvin), ont déjà été réfutées à propos de la prescience divine (N° 72). Il est vrai que nos actes sont prévus et prédéterminés par Dieu, mais ils le sont avec leur nature, c'est-à-dire que nos actes libres sont prévus et déterminés comme libres ; il est vrai encore que l'homme ne peut rien sans la grâce et que la grâce est un don purement gratuit, mais Dieu ne refuse sa grâce à personne et il appartient à la volonté de l'homme d'accepter ou de rejeter ce secours que Dieu met à sa disposition.
112. — 1° Définition. — Par déterminisme il faut entendre tout système qui nie le libre arbitre, et qui prétend que la volonté de l'homme est toujours déterminée à tel parti plutôt qu'à tel autre par des influences nécessitantes.
113. — 2° Formes. — Selon la nature des influences, le déterminisme revêt différentes formes. Il s'appelle : — a) déterminisme théologique ou fatalisme, lorsqu'on suppose la volonté subissant l'influence divine d'une manière nécessaire ; — b) déterminisme scientifique si on considère l'homme comme soumis aux lois nécessaires de la matière ; — c) déterminisme soit physiologique, soit — d) psychologique, si l'on regarde l'homme comme entraîné nécessairement par les conditions de sa nature.
114. — A. Déterminisme théologique. — Cette première forme de déterminisme se subdivise en plusieurs espèces. Il y a : — 1. le fatalisme que nous trouvons à la base de certaines religions, qui fut comme le dogme fondamental de la religion grecque, et qui l'est encore aujourd'hui chez les Musulmans. Dans ce système, les hommes sont menés par une force aveugle, inexorable, appelée le Destin (lat. fatum, d'où le nom de fataliste) dont ils ne peuvent prévoir ni changer les effets. On n'échappe pas à sa destinée, tout ce qui doit arriver arrivera. « C'était écrit», disent les disciples de Mahomet ; d'où il suit que tout effort devient inutile, et que le parti le plus sage c'est de s'abandonner à son sort ; — 2. le fatalisme panthéistique. Toute doctrine panthéiste doit nécessairement aboutir au fatalisme. Il est clair, en effet, que si Dieu est l'unique substance, si tout est Dieu, il n'y a plus de place pour le libre arbitre, car Dieu est l'être nécessaire et il ne peut y avoir en lui rien de contingent ; — 3. le fatalisme théologique ou prédestinatianisme. La destinée de tous les hommes, des méchants comme des bons, est fixée d'avance par le choix»de la volonté divine qu'aucun moyen ne saurait changer. D'autre part, l'homme est incapable de faire le bien sans la grâce, et la grâce est un don purement gratuit. Nous ne sommes donc pas libres de faire notre destinée comme nous voudrions ; nous devons l'accepter, comme Dieu l'a décrété.
Réfutation. — 1. Il apparaît tout de suite que le fatalisme mahométan ,en détachant les effets des causes, en proclamant que les effets arrivent nécessairement, même en dehors des causes qui les produisent, et qu'il n'y a pas d'intérêt à fuir le danger, s'il est écrit qu'on doit en être victime, est un système absurde et tout à fait irrationnel. — 2. Le fatalisme panthéistique n'est pas plus soutenable. Il ne faut pas observer longtemps le monde pour y découvrir partout des choses qui commencent, qui se transforment et évoluent sans cesse : c'est donc que le monde est contingent, puisque tout changement est incompatible avec l'idée d'être nécessaire. — 3. Les difficultés soulevées par les prédestinatiens (Luther, Calvin), ont déjà été réfutées à propos de la prescience divine (N° 72). Il est vrai que nos actes sont prévus et prédéterminés par Dieu, mais ils le sont avec leur nature, c'est-à-dire que nos actes libres sont prévus et déterminés comme libres ; il est vrai encore que l'homme ne peut rien sans la grâce et que la grâce est un don purement gratuit, mais Dieu ne refuse sa grâce à personne et il appartient à la volonté de l'homme d'accepter ou de rejeter ce secours que Dieu met à sa disposition.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
115. — B. Déterminisme scientifique. — Le déterminisme scientifique est le déterminisme à la mode. Il invoque deux principes de la science qui, d'après lui, ne peuvent être contestés : le déterminisme universel et le principe de la conservation de l'énergie. — 1. Déterminisme universel. Tout dans le monde obéit au déterminisme, c'est-à-dire à une loi d'après laquelle tous les phénomènes seraient reliés entre eux par des rapports nécessaires, tous les événements, tous nos actes dérivant d'autres faits, comme des effets sortent de leurs causes. Le déterminisme est d'ailleurs une condition de la science : celle-ci, en effet, dans l'hypothèse du libre arbitre, ne pourrait plus établir ses lois.
2. Conservation de l'énergie. D'après ce principe, la quantité d'énergie qui est dans le monde, reste constante; elle se transforme, mais elle n'augmente ni ne diminue. Il s'ensuit que nos déterminations, qui nous semblent libres, ne sont, en réalité, qu'un nouvel état des forces qui sont en nous et qui se transforment selon une loi nécessaire et absolue. — Le déterminisme scientifique fait partie de la doctrine matérialiste qui, ne voyant dans le monde qu'une seule substance, la matière, prétend que tous les phénomènes sont régis par les lois de la mécanique.
Réfutation.— 1. Dire que le déterminisme, que nous constatons dans le monde, est une règle universelle, c'est affirmer une chose qu'on aurait bien de la peine à démontrer. De ce que le déterminisme des lois paraît régir tous les phénomènes d'ordre physique, est-on en droit de conclure qu'il s'applique également au monde de l'esprit? Il est d'autant moins permis de le faire que les deux ordres de faits n'ont rien de commun entre eux et que ce qui est vrai pour l'un, peut ne pas l'être pour l'autre. — D'autre part, est-il vrai que le libre arbitre s'oppose à la science, c'est-à-dire à la détermination des lois ? En aucune manière. La loi dit que les mêmes causes produisent les mêmes effets dans les mêmes circonstances. Or, que ma volonté modifie les circonstances, qu'elle fasse par exemple, dévier un mouvement de sa direction normale, il est clair que, en dépit de mon intervention, la loi reste la même, bien que dans la circonstance elle n'ait pas son application et que la cause ne soit pas suivie de son effet. La science n'a donc rien à craindre du libre arbitre et peut continuer d'établir les lois qui régissent le monde matériel. — 2. Ce qui vient d'être dit du déterminisme des lois, vaut pour le principe de la conservation de l'énergie. Les déterministes ne peuvent pas démontrer que ce principe, qui s'applique aux forces de la nature, est également valable pour la volonté. Du reste, à supposer que nos déterminations soient des transformations des forces qui sont en nous, notre volonté n'en est pas moins libre de diriger ces forces dans un sens ou dans l'autre, et cela suffit à constituer la liberté.
116. — C. Déterminisme physiologique. — D'après le physiologique, nos actes que nous croyons libres, sont, en réalité, la résultante de causes physiques telles que le milieu, le climat, le tempérament, et tout ce qui fait le caractère de chaque individu. La chose est si vraie que, si nous connaissions le caractère d'un homme et les circonstances dans lesquelles il se trouve, nous pourrions toujours prévoir le parti qu'il prendra.
Réfutation. — Sans doute, le tempérament, le caractère, les circonstances de temps et de lieu sont des facteurs très importants qui ont une grande influence sur nos déterminations, mais ils ne rendent pas compte de tous nos actes. La preuve en est qu'il nous arrive assez souvent d'agir différemment dans des circonstances identiques. La prévisibilité ne saurait jamais être que relative, car le caractère change et c'est justement à la volonté qu'il appartient de le modifier. Dans l'hypothèse du déterminisme physiologique, la vertu se confondrait avec un heureux tempérament. N'est-il pas vrai, au contraire, et d'expérience quotidienne, que l'éducation redresse le caractère et que, selon le mot de Bossuet, une âme généreuse est maîtresse du corps qu'elle anime?
117. — D. Déterminisme psychologique. — Le déterminisme psychologique prétend que nos décisions sont toujours déterminées par le motif le plus fort, non pas évidemment par le motif qui a la plus grande valeur morale, par le devoir, par le plus grand bien en soi, mais par le motif qui exerce le plus d'attrait sur nous, sur notre intelligence et surtout sur notre sensibilité. C'est ainsi que l'égoïste se laisse guider par son intérêt, l'avare par l'amour de son trésor, l'ambitieux par ses rêves de gloire.
Réfutation. — II n'est pas vrai que nos déterminations soient toujours prises par le motif qui exerce sur nous l'attrait le plus puissant. Bien souvent, au contraire, l'homme résiste à ses tendances, préfère le sacrifice au plaisir: l'égoïste n'agit pas toujours en égoïste, l'avare en avare... Naturellement, le motif qui entraîne notre volonté est le plus fort, mais il s'agit de savoir si c'est le plus fort qui a été choisi ou s'il est le plus fort parce que la volonté l'a choisi.
Conclusion. — Aucun des systèmes que nous venons d'exposer rapidement, n'infirme les preuves de l'existence du libre arbitre. Nous pouvons donc conclure que Dieu a doté l'âme humaine de la noble prérogative de pouvoir choisir entre le bien et le mal et d'être la maîtresse de sa destinée. Mais, écrit Paul Janet (La Morale), « l'homme n'est vraiment libre que lorsqu'il s'est affranchi non seulement du joug des choses extérieures, mais encore du joug de ses passions. Tout le monde reconnaît que celui qui obéit à ses désirs d'une manière aveugle n'est pas maître de lui-même, qu'il est l'esclave de son corps, de ses sens, de ses désirs et de ses craintes... Dans ce sens n'est pas comprise la puissance de faire le bien ou le mal et de choisir entre l'un, et l'autre. Au contraire, faire le mal, c'est cesser d'être libre, et faire le bien, c'est l'être en effet. »
BIBLIOGRAPHIE. — Voir chap. suivant.
2. Conservation de l'énergie. D'après ce principe, la quantité d'énergie qui est dans le monde, reste constante; elle se transforme, mais elle n'augmente ni ne diminue. Il s'ensuit que nos déterminations, qui nous semblent libres, ne sont, en réalité, qu'un nouvel état des forces qui sont en nous et qui se transforment selon une loi nécessaire et absolue. — Le déterminisme scientifique fait partie de la doctrine matérialiste qui, ne voyant dans le monde qu'une seule substance, la matière, prétend que tous les phénomènes sont régis par les lois de la mécanique.
Réfutation.— 1. Dire que le déterminisme, que nous constatons dans le monde, est une règle universelle, c'est affirmer une chose qu'on aurait bien de la peine à démontrer. De ce que le déterminisme des lois paraît régir tous les phénomènes d'ordre physique, est-on en droit de conclure qu'il s'applique également au monde de l'esprit? Il est d'autant moins permis de le faire que les deux ordres de faits n'ont rien de commun entre eux et que ce qui est vrai pour l'un, peut ne pas l'être pour l'autre. — D'autre part, est-il vrai que le libre arbitre s'oppose à la science, c'est-à-dire à la détermination des lois ? En aucune manière. La loi dit que les mêmes causes produisent les mêmes effets dans les mêmes circonstances. Or, que ma volonté modifie les circonstances, qu'elle fasse par exemple, dévier un mouvement de sa direction normale, il est clair que, en dépit de mon intervention, la loi reste la même, bien que dans la circonstance elle n'ait pas son application et que la cause ne soit pas suivie de son effet. La science n'a donc rien à craindre du libre arbitre et peut continuer d'établir les lois qui régissent le monde matériel. — 2. Ce qui vient d'être dit du déterminisme des lois, vaut pour le principe de la conservation de l'énergie. Les déterministes ne peuvent pas démontrer que ce principe, qui s'applique aux forces de la nature, est également valable pour la volonté. Du reste, à supposer que nos déterminations soient des transformations des forces qui sont en nous, notre volonté n'en est pas moins libre de diriger ces forces dans un sens ou dans l'autre, et cela suffit à constituer la liberté.
116. — C. Déterminisme physiologique. — D'après le physiologique, nos actes que nous croyons libres, sont, en réalité, la résultante de causes physiques telles que le milieu, le climat, le tempérament, et tout ce qui fait le caractère de chaque individu. La chose est si vraie que, si nous connaissions le caractère d'un homme et les circonstances dans lesquelles il se trouve, nous pourrions toujours prévoir le parti qu'il prendra.
Réfutation. — Sans doute, le tempérament, le caractère, les circonstances de temps et de lieu sont des facteurs très importants qui ont une grande influence sur nos déterminations, mais ils ne rendent pas compte de tous nos actes. La preuve en est qu'il nous arrive assez souvent d'agir différemment dans des circonstances identiques. La prévisibilité ne saurait jamais être que relative, car le caractère change et c'est justement à la volonté qu'il appartient de le modifier. Dans l'hypothèse du déterminisme physiologique, la vertu se confondrait avec un heureux tempérament. N'est-il pas vrai, au contraire, et d'expérience quotidienne, que l'éducation redresse le caractère et que, selon le mot de Bossuet, une âme généreuse est maîtresse du corps qu'elle anime?
117. — D. Déterminisme psychologique. — Le déterminisme psychologique prétend que nos décisions sont toujours déterminées par le motif le plus fort, non pas évidemment par le motif qui a la plus grande valeur morale, par le devoir, par le plus grand bien en soi, mais par le motif qui exerce le plus d'attrait sur nous, sur notre intelligence et surtout sur notre sensibilité. C'est ainsi que l'égoïste se laisse guider par son intérêt, l'avare par l'amour de son trésor, l'ambitieux par ses rêves de gloire.
Réfutation. — II n'est pas vrai que nos déterminations soient toujours prises par le motif qui exerce sur nous l'attrait le plus puissant. Bien souvent, au contraire, l'homme résiste à ses tendances, préfère le sacrifice au plaisir: l'égoïste n'agit pas toujours en égoïste, l'avare en avare... Naturellement, le motif qui entraîne notre volonté est le plus fort, mais il s'agit de savoir si c'est le plus fort qui a été choisi ou s'il est le plus fort parce que la volonté l'a choisi.
Conclusion. — Aucun des systèmes que nous venons d'exposer rapidement, n'infirme les preuves de l'existence du libre arbitre. Nous pouvons donc conclure que Dieu a doté l'âme humaine de la noble prérogative de pouvoir choisir entre le bien et le mal et d'être la maîtresse de sa destinée. Mais, écrit Paul Janet (La Morale), « l'homme n'est vraiment libre que lorsqu'il s'est affranchi non seulement du joug des choses extérieures, mais encore du joug de ses passions. Tout le monde reconnaît que celui qui obéit à ses désirs d'une manière aveugle n'est pas maître de lui-même, qu'il est l'esclave de son corps, de ses sens, de ses désirs et de ses craintes... Dans ce sens n'est pas comprise la puissance de faire le bien ou le mal et de choisir entre l'un, et l'autre. Au contraire, faire le mal, c'est cesser d'être libre, et faire le bien, c'est l'être en effet. »
BIBLIOGRAPHIE. — Voir chap. suivant.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Chapitre II. — Origine et Destinée de l'homme. — Unité de l'Espèce humaine. — Antiquité de l'homme.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
118. — Après avoir établi la nature de l'homme» l'apologiste doit en rechercher l’origine et la destinée : deux questions, la seconde surtout, qui sont d'un intérêt capital pour la morale et la religion. Il y a lieu également de se demander si tous les hommes appartiennent à la même famille et sortent d'un tronc unique, et à quelle date il faut reporter l'apparition du premier homme. D'où quatre articles : 1° Origine ; 2° Destinée de l'homme ; 3° Unité de l'espèce humaine ; 4° Antiquité de l'homme.
Art. I. — Origine de l'homme.
119. — État de la question. — En étudiant sa nature, nous avons vu que l'homme est composé d'une double substance : l'une, spirituelle, qui s'appelle l'âme ; l'autre, matérielle, qui s'appelle le corps. Il en résulte que la question de l'origine de l'homme se subdivise en deux points : 1° l’origine de l’âme ; 2° l’origine du corps.
Évidemment, pour le matérialiste, le problème ne se présente pas sous le même aspect. N'admettant dans l'homme qu'une substance, faisant de l'homme un animal perfectionné, il n'a pas à se poser la question de l'origine de l'âme, puisque, pour lui, l'âme n'existe pas, tout au moins comme principe distinct : il lui suffit de rechercher l'origine du corps. Pour prouver sa thèse, il doit donc nous présenter les êtres de transition, intermédiaires entre l'animal et l'homme, et nous démontrer, documents en main, que le corps de l'animal a évolué, qu'il s'est transformé peu à peu pour aboutir à la forme humaine. Il l'a tenté en effet ; nous verrons plus loin si ses efforts ont été couronnés de succès.
120. — 1° Origine de l'âme. — L'âme, avons-nous dit, est un principe spirituel, distinct du corps, n'en dépendant que d'une manière toute relative et accidentelle, et pouvant subsister sans lui. Or l'origine d'une substance doit répondre à sa nature. Étant simple et immatérielle, elle ne peut être produite par le corps, qui est une substance composée et matérielle, car il n'y aurait pas proportion entre la cause et l'effet. L'âme ne peut pas sortir davantage de l'âme des parents, car celle-ci, du fait qu'elle est également simple et spirituelle, ne saurait se diviser : ce qui est simple ne se fractionne pas. Reste donc que l'âme soit directement l'œuvre de Dieu et vienne à l'existence par création. Il n'en va pas ainsi de l'âme de l'animal. Celle-ci en effet dépend totalement du corps et par conséquent, doit être produite comme lui, c'est-à-dire par voie de génération.
121. — 2° Origine du corps. — A propos de l'origine du corps, la question qui se pose est la suivante. Le corps du premier homme, considéré indépendamment de son âme, a-t-il été créé directement par Dieu, ou est-il le fruit de l’évolution, auquel cas le corps de l'animal se serait élevé, par étapes successives, à la forme humaine?
Remarquons, avant d'aller plus loin, que cette question n'est 'pas définie par l'Église, et que, de ce fait, une certaine latitude est laissée aux apologistes catholiques. Sans doute, il est dit au chapitre II de la Genèse que « Dieu forma l'homme du limon de la terre et lui souffla dans ses narines un souffle de vie » et qu'il forma la femme d'une des côtes d'Adam (v. 7, 21, 22). Il est vrai encore que la plupart des Pères de l'Église ont interprété ces paroles dans le sens obvie d'une création directe de Dieu, et que, conformément à cette opinion traditionnelle, l'Eglise réprouve comme téméraire la théorie des évolutionnistes catholiques, selon laquelle Dieu se serait borné à prendre le corps de l'animal le plus perfectionné et à lui infuser une âme humaine. Mais il y a une autre doctrine évolutionniste plus mitigée, qui ne semble pas inconciliable avec l'opinion traditionnelle de l'Eglise et avec les idées de saint Augustin (Traité sur la Genèse, l. VII, c. XXIV) et de saint Thomas (II-Ia q. 91, 2, ad 4) : c'est celle qui professe que Dieu, pour créer l'homme, se serait servi d'un corps déjà organisé auquel il aurait fait un certain nombre de retouches et ajouté quelques perfections avant d'y introduire l'âme. Le limon dont parle la Genèse aurait donc été, dans cette hypothèse, un organisme préparé peu à peu par un long travail d'évolution, et mis au point par une nouvelle intervention directe de Dieu91.
Cette remarque faite, voyons, en nous plaçant sur le seul terrain scientifique, ce que valent les arguments de la thèse matérialiste.
DÉVELOPPEMENT
Division du Chapitre.
118. — Après avoir établi la nature de l'homme» l'apologiste doit en rechercher l’origine et la destinée : deux questions, la seconde surtout, qui sont d'un intérêt capital pour la morale et la religion. Il y a lieu également de se demander si tous les hommes appartiennent à la même famille et sortent d'un tronc unique, et à quelle date il faut reporter l'apparition du premier homme. D'où quatre articles : 1° Origine ; 2° Destinée de l'homme ; 3° Unité de l'espèce humaine ; 4° Antiquité de l'homme.
Art. I. — Origine de l'homme.
119. — État de la question. — En étudiant sa nature, nous avons vu que l'homme est composé d'une double substance : l'une, spirituelle, qui s'appelle l'âme ; l'autre, matérielle, qui s'appelle le corps. Il en résulte que la question de l'origine de l'homme se subdivise en deux points : 1° l’origine de l’âme ; 2° l’origine du corps.
Évidemment, pour le matérialiste, le problème ne se présente pas sous le même aspect. N'admettant dans l'homme qu'une substance, faisant de l'homme un animal perfectionné, il n'a pas à se poser la question de l'origine de l'âme, puisque, pour lui, l'âme n'existe pas, tout au moins comme principe distinct : il lui suffit de rechercher l'origine du corps. Pour prouver sa thèse, il doit donc nous présenter les êtres de transition, intermédiaires entre l'animal et l'homme, et nous démontrer, documents en main, que le corps de l'animal a évolué, qu'il s'est transformé peu à peu pour aboutir à la forme humaine. Il l'a tenté en effet ; nous verrons plus loin si ses efforts ont été couronnés de succès.
120. — 1° Origine de l'âme. — L'âme, avons-nous dit, est un principe spirituel, distinct du corps, n'en dépendant que d'une manière toute relative et accidentelle, et pouvant subsister sans lui. Or l'origine d'une substance doit répondre à sa nature. Étant simple et immatérielle, elle ne peut être produite par le corps, qui est une substance composée et matérielle, car il n'y aurait pas proportion entre la cause et l'effet. L'âme ne peut pas sortir davantage de l'âme des parents, car celle-ci, du fait qu'elle est également simple et spirituelle, ne saurait se diviser : ce qui est simple ne se fractionne pas. Reste donc que l'âme soit directement l'œuvre de Dieu et vienne à l'existence par création. Il n'en va pas ainsi de l'âme de l'animal. Celle-ci en effet dépend totalement du corps et par conséquent, doit être produite comme lui, c'est-à-dire par voie de génération.
121. — 2° Origine du corps. — A propos de l'origine du corps, la question qui se pose est la suivante. Le corps du premier homme, considéré indépendamment de son âme, a-t-il été créé directement par Dieu, ou est-il le fruit de l’évolution, auquel cas le corps de l'animal se serait élevé, par étapes successives, à la forme humaine?
Remarquons, avant d'aller plus loin, que cette question n'est 'pas définie par l'Église, et que, de ce fait, une certaine latitude est laissée aux apologistes catholiques. Sans doute, il est dit au chapitre II de la Genèse que « Dieu forma l'homme du limon de la terre et lui souffla dans ses narines un souffle de vie » et qu'il forma la femme d'une des côtes d'Adam (v. 7, 21, 22). Il est vrai encore que la plupart des Pères de l'Église ont interprété ces paroles dans le sens obvie d'une création directe de Dieu, et que, conformément à cette opinion traditionnelle, l'Eglise réprouve comme téméraire la théorie des évolutionnistes catholiques, selon laquelle Dieu se serait borné à prendre le corps de l'animal le plus perfectionné et à lui infuser une âme humaine. Mais il y a une autre doctrine évolutionniste plus mitigée, qui ne semble pas inconciliable avec l'opinion traditionnelle de l'Eglise et avec les idées de saint Augustin (Traité sur la Genèse, l. VII, c. XXIV) et de saint Thomas (II-Ia q. 91, 2, ad 4) : c'est celle qui professe que Dieu, pour créer l'homme, se serait servi d'un corps déjà organisé auquel il aurait fait un certain nombre de retouches et ajouté quelques perfections avant d'y introduire l'âme. Le limon dont parle la Genèse aurait donc été, dans cette hypothèse, un organisme préparé peu à peu par un long travail d'évolution, et mis au point par une nouvelle intervention directe de Dieu91.
Cette remarque faite, voyons, en nous plaçant sur le seul terrain scientifique, ce que valent les arguments de la thèse matérialiste.
91
Cette opinion est celle de Russel Wallace, d'ailleurs transformiste convaincu, qui, après Darwin, fut le défenseur le plus ardent de la théorie de la sélection naturelle.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
122.— Théorie matérialiste.—A. Ses arguments. — Pour prouver que l'homme sort de l'animal par voie d'évolution, qu'il n'est pas un être à part, qu'il est tout simplement un animal perfectionné, les matérialistes invoquent un triple argument : — a) l'évolution disent-ils, est la loi générale qui gouverne le monde. Le système de Laplace la suppose comme une hypothèse nécessaire pour expliquer la formation du monde physique. L'évolution est également admise, du moins d'une manière générale, pour rendre compte des espèces végétales et animales. Mais, s'il en est ainsi pourquoi l'homme seul ferait-il exception et échapperait-il à la loi générale ?
b) Les ressemblances qu'il y a entre l'homme et l'animal indiquent leur parenté et leur origine commune. En examinant l'homme, au point de vue de son organisation corporelle (anatomie) et au point de vue de ses fonctions vitales (physiologie), les naturalistes le rangent parmi les mammifères, dans l'ordre supérieur des Primates. Même au-dessus des autres animaux par la perfection de ses organes et de leurs fonctions, il reste cependant par tous ses caractères généraux l'un d'entre eux. « Dans cette hiérarchie des êtres, dit M. Charles Richet, l'homme est au premier rang, mais il n'est pas hors rang. Mêmes organes, mêmes appareils, mêmes fonctions, même naissance, même vie, même mort. » II serait donc assez étrange, concluent les matérialistes, que Dieu aurait fait de l'homme l'objet d'une création à part, pour le former sur le même plan et le même modèle que les animaux.
c) Les matérialistes veulent en outre prouver la descendance animale de l'homme par l'histoire, ou plutôt, la préhistoire92. Si l'homme a pour ancêtre un animal quelconque, le singe ou le kangourou, la paléontologie doit retrouver, parmi les fossiles, les êtres de transition qui, conformément à la loi de l'évolution, auraient marqué le passage entre le point de départ et le point d'arrivée. Ces formes transitoires existent-elles? A plusieurs reprises, les matérialistes l'ont pensé. Voici, du reste, en suivant, l'ordre de leur découverte, les principaux fossiles dans lesquels ils ont cru retrouver le précurseur de l'homme : — 1. le crâne de Neandertal, en Prusse Rhénane (1856), le crâne de Gibraltar (1866), les deux squelettes de Spy, en Belgique (1886) ; les fameux ossements (fragments de crâne, fémur et quelques dents) retrouvés dans l'île de Java par le docteur Dubois et baptisés par lui du nom de Pithécanthrope de Java (1895) ; dix à douze crânes et squelettes humains, de l'abri de Krapina, en Croatie (1899) ; -2. plus récemment, la mâchoire de Mauer, près de Heidelberg, et celle de Piltdown, en Angleterre (1907) ; les squelettes de la chapelle-aux- Saints, en Corrèze, de Moustier, en Dordogne (1908) ; les deux squelettes de la Ferrassie, en Dordogne, l'un d'homme, l'autre de femme (1909) ; le crâne de la Rhodésie, dans l'Afrique du Sud (1921). Tous ces fossiles sont des représentants des deux plus anciennes races connues : la race chelléenne et la race moustérienne dont les types les plus caractéristiques sont, pour la première, le Pithécanthrope de Java et le crâne de la Rhodésie, et pour la seconde, le crâne de Neandertal et l'homme de la Chapelle-aux-Saints. Or, les fossiles paraissent, aux yeux des transformistes, présenter les caractères réclamés par leur théorie : le crâne fuyant, prolongé en avant par des arcades sourcilières très saillantes, extrême petitesse de l'angle facial (V. note 4, p. 117), grand développement de la face qui se termine en museau, nez large et profondément enfoncé, réduction ou même inexistence du menton, bref, tout un ensemble qui rapproche de la forme pithécoïde (singe) ; d'autre part, des bras, des jambes, des mains, des doigts qui tiennent de l'homme par leurs dimensions. Tel est, disent les transformistes, l'être intermédiaire ; en tout cas, si ce n'est pas lui, rien ne nous empêche de conjecturer qu'il peut avoir existé à l'époque tertiaire et que les paléontologistes l'y retrouveront un jour.
D'ailleurs, ajoutent-ils, il n'est même pas besoin de recourir au passé pour découvrir les échelons intermédiaires entre l'homme et l'animal. D'une part, le sauvage actuel est un témoin vivant de ce type primitif: il lui ressemble par sa structure physique et il n'est guère supérieur à l'animal, ni par son intelligence ni par sa moralité. D'autre part, l'enfant, dans sa lente évolution, reproduit toutes les phases de transition qu'a dû traverser l'intelligence humaine avant de sortir complètement de l'animalité.
b) Les ressemblances qu'il y a entre l'homme et l'animal indiquent leur parenté et leur origine commune. En examinant l'homme, au point de vue de son organisation corporelle (anatomie) et au point de vue de ses fonctions vitales (physiologie), les naturalistes le rangent parmi les mammifères, dans l'ordre supérieur des Primates. Même au-dessus des autres animaux par la perfection de ses organes et de leurs fonctions, il reste cependant par tous ses caractères généraux l'un d'entre eux. « Dans cette hiérarchie des êtres, dit M. Charles Richet, l'homme est au premier rang, mais il n'est pas hors rang. Mêmes organes, mêmes appareils, mêmes fonctions, même naissance, même vie, même mort. » II serait donc assez étrange, concluent les matérialistes, que Dieu aurait fait de l'homme l'objet d'une création à part, pour le former sur le même plan et le même modèle que les animaux.
c) Les matérialistes veulent en outre prouver la descendance animale de l'homme par l'histoire, ou plutôt, la préhistoire92. Si l'homme a pour ancêtre un animal quelconque, le singe ou le kangourou, la paléontologie doit retrouver, parmi les fossiles, les êtres de transition qui, conformément à la loi de l'évolution, auraient marqué le passage entre le point de départ et le point d'arrivée. Ces formes transitoires existent-elles? A plusieurs reprises, les matérialistes l'ont pensé. Voici, du reste, en suivant, l'ordre de leur découverte, les principaux fossiles dans lesquels ils ont cru retrouver le précurseur de l'homme : — 1. le crâne de Neandertal, en Prusse Rhénane (1856), le crâne de Gibraltar (1866), les deux squelettes de Spy, en Belgique (1886) ; les fameux ossements (fragments de crâne, fémur et quelques dents) retrouvés dans l'île de Java par le docteur Dubois et baptisés par lui du nom de Pithécanthrope de Java (1895) ; dix à douze crânes et squelettes humains, de l'abri de Krapina, en Croatie (1899) ; -2. plus récemment, la mâchoire de Mauer, près de Heidelberg, et celle de Piltdown, en Angleterre (1907) ; les squelettes de la chapelle-aux- Saints, en Corrèze, de Moustier, en Dordogne (1908) ; les deux squelettes de la Ferrassie, en Dordogne, l'un d'homme, l'autre de femme (1909) ; le crâne de la Rhodésie, dans l'Afrique du Sud (1921). Tous ces fossiles sont des représentants des deux plus anciennes races connues : la race chelléenne et la race moustérienne dont les types les plus caractéristiques sont, pour la première, le Pithécanthrope de Java et le crâne de la Rhodésie, et pour la seconde, le crâne de Neandertal et l'homme de la Chapelle-aux-Saints. Or, les fossiles paraissent, aux yeux des transformistes, présenter les caractères réclamés par leur théorie : le crâne fuyant, prolongé en avant par des arcades sourcilières très saillantes, extrême petitesse de l'angle facial (V. note 4, p. 117), grand développement de la face qui se termine en museau, nez large et profondément enfoncé, réduction ou même inexistence du menton, bref, tout un ensemble qui rapproche de la forme pithécoïde (singe) ; d'autre part, des bras, des jambes, des mains, des doigts qui tiennent de l'homme par leurs dimensions. Tel est, disent les transformistes, l'être intermédiaire ; en tout cas, si ce n'est pas lui, rien ne nous empêche de conjecturer qu'il peut avoir existé à l'époque tertiaire et que les paléontologistes l'y retrouveront un jour.
D'ailleurs, ajoutent-ils, il n'est même pas besoin de recourir au passé pour découvrir les échelons intermédiaires entre l'homme et l'animal. D'une part, le sauvage actuel est un témoin vivant de ce type primitif: il lui ressemble par sa structure physique et il n'est guère supérieur à l'animal, ni par son intelligence ni par sa moralité. D'autre part, l'enfant, dans sa lente évolution, reproduit toutes les phases de transition qu'a dû traverser l'intelligence humaine avant de sortir complètement de l'animalité.
92
On appelle préhistoire l'histoire des temps sur lesquels il n'existe aucun document écrit. Cette histoire doit donc être faite par d'autres moyens ; par la découverte, par exemple, des ossements de l'homme (fossiles), d'objets (outils, armes, parures), d'habitations qui ont été à son usage A ses yeux, le corps de l'homme doit à la fois à la sélection naturelle et à l'intervention divine les facultés qui le caractérisent : il y aurait eu intervention de Dieu pour donner la forme humaine à un organisme déjà préparé par l'évolution.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
123. — B. Ce que valent les arguments matérialistes. — Reprenons les arguments matérialistes et voyons ce qu'ils valent. — a) l'évolution, disent les matérialistes, est partout ou elle n'est nulle part. Or il est difficile de contester qu'elle existe, au moins dans le monde physique. Donc elle s'étend à tous les êtres, sans qu'il y ait lieu de faire d'exception pour l'homme. C'est là un argument que les fixistes n'ont pas de peine à rétorquer. « Si l'évolution, disent-ils, est la loi qui régit la vie dans la plus large acception du mot, la vie végétale comme la vie animale, elle ne peut être qu'une loi générale embrassant tous les êtres qui ont habités ou qui habitent le globe, s'étendant à tous les temps et à toutes les régions. Or, dans les temps actuels comme dans les temps préhistoriques, aussi haut que nous puissions remonter, nous ne voyons aucune trace de l'évolution, aucune espèce, aucun genre, aucun ordre en voie de formation, et nous pouvons dire que les espèces quaternaires, qui ont encore des représentants parmi nous, n'ont pas éprouvé de modification organique qui autorise l'idée d'une transformation du type spécifique.»93 En d'autres termes, si l'évolution est une loi générale qui s'applique à tous les temps et à tous les êtres, les transformistes devraient être en mesure de nous fournir des exemples actuels d'animaux en train d'évoluer, de singes, — si les singes sont nos ancêtres, — en voie de devenir hommes. On ne peut donc pas dire que l'évolution est la loi générale qui gouverne le monde94, et pas davantage, que la théorie du transformisme soit établie scientifiquement (V. N° 94 et 95).
b) Les ressemblances entre l'homme et l'animal, dont les matérialistes font grand état, sont singulièrement contrebalancées par les divergences sur lesquelles ils insistent moins. Si l'on compare le corps de l'homme, avec celui du singe, par exemple, il y a des différences essentielles : l'attitude verticale propre à l'homme95, l'existence de deux mains seulement, l'angle facial96, qui, dans la race humaine, flotte entre 70 et 90°, tandis qu'il n'atteint chez le singe qu'un maximum de 50° — sans parler des facultés de l'âme, raison et liberté, qui mettent un abîme entre les deux. Par ailleurs, comment expliquer, dans l'hypothèse de la descendance animale de l'homme, que l'animal soit supérieur à l'homme par ses organes des sens (ex : odorat du chien), quand la sélection naturelle aurait dû développer chez l'homme les qualités qui existaient déjà chez l'animal? Pourquoi l'homme a-t-il été jeté nu sur la terre nue, nudus in nuda humo, comme dit Pline l'Ancien? Si les poils étaient pour l'animal un précieux avantage pour le garantir du froid, n'auraient-ils pas pu rendre le même service à l'homme? Ainsi, tandis que l'animal porte en soi des armes de défense qui lui permettent de lutter contre ses adversaires, l'homme en est réduit à les chercher dans les forces de la nature. Donc, même à ne considérer que le corps, la parenté directe entre l'homme et l'animal n'existe pas.
c) Quant aux formes de transition, invoquées par les évolutionnistes matérialistes, il est permis de dire que la paléontologie n'a pas encore fait jusqu'ici de découvertes bien concluantes. Huxley, dont le témoignage ne saurait être suspect, n'a-t-il pas dit, à propos des ossements trouvés à Neandertal, qu'ils « ne peuvent être considérés comme ceux d'un intermédiaire entre l'homme et le singe ?» Les autres documents paléontologiques qui nous restent, ont souvent d'ailleurs une valeur douteuse : ainsi il est bien difficile de dire si les ossements qu'on a attribués au pithécanthrope de Java, ont réellement appartenu au même individu. « Au surplus, les squelettes, nous dit M. Bonnier (L'enchaînement des organismes), ainsi que plusieurs crânes humains des dépôts quaternaires les plus anciens, indiquent des races humaines évidemment supérieures aux plus dégradées de celles qui sont actuellement vivantes. »
Cela nous amène à envisager le cas du sauvage qui, dans l'hypothèse matérialiste, serait aujourd'hui encore, un représentant de la forme intermédiaire entre l'animal et l'homme. Les évolutionnistes prétendent qu'il y a moins de distance entre l'animal et le sauvage? qu'entre-le sauvage et l'homme civilisé. C'est là une assertion dont l'absurdité est manifeste, car il est incontestable qu'entre le sauvage et le civilisé il n'y a aucune différence de nature, et que seul le développement diffère. Le sauvage, tout sauvage qu'il est, reste homme dans toute la force du terme, c'est-à-dire doué d'une âme raisonnable qui le rend apte au progrès, alors que l'animal, même dressé, ne devient jamais capable de penser, de raisonner, d'inventer, etc. Sans doute, l'intelligence des sauvages est inférieure parce qu'elle n'est pas cultivée, mais elle ne représente pas un moyen terme entre l'intelligence du civilisé et l'instinct de l'animal.
Nous pouvons en dire autant de l'enfant. L'évolution, par laquelle il passe, avant de devenir homme, ne répète nullement les phases qu'aurait traversées l'humanité ; il ne faut pas considérer l'enfant comme s'il était simple animal d'abord, et s'élevait peu à peu à la forme humaine. L'enfant obéit seulement aux lois du développement qui régissent la nature de l'homme.
Conclusion. — De ce qui précède il ressort que, dans l'état actuel de la science, les matérialistes ne peuvent apporter aucune preuve de la descendance animale de l'homme. — 1. Au point de vue de l'âme, il y a une démarcation radicale entre l'homme et la brute ; le passage de l'un à l'autre n'a pu se faire, car l'évolution développe bien ce qui existe déjà, mais ne crée pas ce qui n'est pas en germe. — 2. Au point de vue du corps, l'hypothèse évolutionniste n'est aucunement vérifiée. Tous les squelettes humains que renferment nos musées appartiennent à la même humanité que la nôtre ; l'homme a fait son apparition sur la terre avec tous les caractères qui le distinguent aujourd'hui et le séparent de l'animal. Que si les recherches scientifiques démontrent un jour le contraire, l'Église sera la première à adopter une solution qu'elle n'a jamais combattue officiellement97.
b) Les ressemblances entre l'homme et l'animal, dont les matérialistes font grand état, sont singulièrement contrebalancées par les divergences sur lesquelles ils insistent moins. Si l'on compare le corps de l'homme, avec celui du singe, par exemple, il y a des différences essentielles : l'attitude verticale propre à l'homme95, l'existence de deux mains seulement, l'angle facial96, qui, dans la race humaine, flotte entre 70 et 90°, tandis qu'il n'atteint chez le singe qu'un maximum de 50° — sans parler des facultés de l'âme, raison et liberté, qui mettent un abîme entre les deux. Par ailleurs, comment expliquer, dans l'hypothèse de la descendance animale de l'homme, que l'animal soit supérieur à l'homme par ses organes des sens (ex : odorat du chien), quand la sélection naturelle aurait dû développer chez l'homme les qualités qui existaient déjà chez l'animal? Pourquoi l'homme a-t-il été jeté nu sur la terre nue, nudus in nuda humo, comme dit Pline l'Ancien? Si les poils étaient pour l'animal un précieux avantage pour le garantir du froid, n'auraient-ils pas pu rendre le même service à l'homme? Ainsi, tandis que l'animal porte en soi des armes de défense qui lui permettent de lutter contre ses adversaires, l'homme en est réduit à les chercher dans les forces de la nature. Donc, même à ne considérer que le corps, la parenté directe entre l'homme et l'animal n'existe pas.
c) Quant aux formes de transition, invoquées par les évolutionnistes matérialistes, il est permis de dire que la paléontologie n'a pas encore fait jusqu'ici de découvertes bien concluantes. Huxley, dont le témoignage ne saurait être suspect, n'a-t-il pas dit, à propos des ossements trouvés à Neandertal, qu'ils « ne peuvent être considérés comme ceux d'un intermédiaire entre l'homme et le singe ?» Les autres documents paléontologiques qui nous restent, ont souvent d'ailleurs une valeur douteuse : ainsi il est bien difficile de dire si les ossements qu'on a attribués au pithécanthrope de Java, ont réellement appartenu au même individu. « Au surplus, les squelettes, nous dit M. Bonnier (L'enchaînement des organismes), ainsi que plusieurs crânes humains des dépôts quaternaires les plus anciens, indiquent des races humaines évidemment supérieures aux plus dégradées de celles qui sont actuellement vivantes. »
Cela nous amène à envisager le cas du sauvage qui, dans l'hypothèse matérialiste, serait aujourd'hui encore, un représentant de la forme intermédiaire entre l'animal et l'homme. Les évolutionnistes prétendent qu'il y a moins de distance entre l'animal et le sauvage? qu'entre-le sauvage et l'homme civilisé. C'est là une assertion dont l'absurdité est manifeste, car il est incontestable qu'entre le sauvage et le civilisé il n'y a aucune différence de nature, et que seul le développement diffère. Le sauvage, tout sauvage qu'il est, reste homme dans toute la force du terme, c'est-à-dire doué d'une âme raisonnable qui le rend apte au progrès, alors que l'animal, même dressé, ne devient jamais capable de penser, de raisonner, d'inventer, etc. Sans doute, l'intelligence des sauvages est inférieure parce qu'elle n'est pas cultivée, mais elle ne représente pas un moyen terme entre l'intelligence du civilisé et l'instinct de l'animal.
Nous pouvons en dire autant de l'enfant. L'évolution, par laquelle il passe, avant de devenir homme, ne répète nullement les phases qu'aurait traversées l'humanité ; il ne faut pas considérer l'enfant comme s'il était simple animal d'abord, et s'élevait peu à peu à la forme humaine. L'enfant obéit seulement aux lois du développement qui régissent la nature de l'homme.
Conclusion. — De ce qui précède il ressort que, dans l'état actuel de la science, les matérialistes ne peuvent apporter aucune preuve de la descendance animale de l'homme. — 1. Au point de vue de l'âme, il y a une démarcation radicale entre l'homme et la brute ; le passage de l'un à l'autre n'a pu se faire, car l'évolution développe bien ce qui existe déjà, mais ne crée pas ce qui n'est pas en germe. — 2. Au point de vue du corps, l'hypothèse évolutionniste n'est aucunement vérifiée. Tous les squelettes humains que renferment nos musées appartiennent à la même humanité que la nôtre ; l'homme a fait son apparition sur la terre avec tous les caractères qui le distinguent aujourd'hui et le séparent de l'animal. Que si les recherches scientifiques démontrent un jour le contraire, l'Église sera la première à adopter une solution qu'elle n'a jamais combattue officiellement97.
93 DE Nadaillac, L'homme et le singe.
94 A supposer que l'évolution fût une loi définitivement établie, elle ne supprimerait pas Dieu. Nous avons prouvé ailleurs (N° 45) qu'il n'en faudrait pas moins recourir à un Etre tout-puissant pour créer la matière et régler son développement selon la loi de révolution.
95 « L'homme, dit de Lapparent, est le seul mammifère dont la station soit absolument verticale, et dont le visage soit fait pour regarder en face, en respirant à pleins poumons, le Ciel où sa destinée l'appelle. » La Providence créatrice. — Le poète latin avait dit déjà :
Os homini sublime dédit, coelumque tueri
Jussit...
96
L'angle facial est l'angle formé par la rencontre de deux lignes hypothétiques; l'une, verticale, allant des incisives supérieures au point le plus saillant du front ; l'autre, horizontale, allant du conduit auditif aux mêmes dents.
97 Le livre de M. Boule, professeur au Muséum national d'Histoire naturelle, paru au début de 1921, et qui a pour titre : « Les hommes fossiles », ne saurait modifier notre conclusion. Après avoir rappelé les principales découvertes de fossiles faites jusqu'à nos jours, ce savant paléontologiste prétend que de la reconstitution anatomique des hommes préhistoriques qu'il est permis de faire d'après les squelettes qu'on a retrouvés, il ressort que l'homme primitif diffère moins des singes anthropoïdes que ceux-ci des singes inférieurs. S'appuyant alors sur ce principe que « la ressemblance prouve la parenté », M. Boule conclut que le corps de l'homme provient par filiation soit d'un singe, soit d'un ancêtre commun au singe et à l'homme. Cette déduction n'est qu'une hypothèse que nous sommes en droit de ne pas admettre, tant qu'elle n'est pas vérifiée. (V. N« 94 et 95). De toute façon, elle ne concerne que le corps ; l'abîme entre l'âme de l'homme et l'âme des bêtes reste Infranchissable
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. II. — Destinée de l'homme. Immortalité de l'âme
124. — 1° Importance de la question. — La question de la destinée de l'homme n'offre pas moins d'intérêt pour l'apologiste que celle de son origine, car, plus encore que celle-ci, elle est grosse de conséquences. « Toutes nos actions et nos pensées, dit Pascal, doivent prendre des routes si différentes, selon qu'il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu'il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement, qu'en la réglant par la vue de ce point, qui doit être notre dernier objet... Notre premier intérêt et notre premier devoir est de nous éclaircir sur ce sujet, d'où dépend toute notre conduite... Je trouve bon qu'on n'approfondisse pas l'opinion de Copernic, mais ceci ! Il importe à toute la vie de savoir si l'âme est mortelle ou immortelle. » (Pensées, art. IX et art. XXIV, 17).
125. — 2° Définition de l'immortalité. — Que faut-il entendre d'abord par l’immortalité ? Évidemment il faut écarter : — 1. la conception des positivistes pour qui « l'immortalité réside tout entière dans les suites que peuvent avoir nos actes pour l'avenir et le bonheur de l'espèce » (H. Spencer), ou encore dans le long souvenir que nous laisserons dans la postérité ; — 2. la conception panthéiste qui considère l'âme comme une parcelle de la divinité, appelée à rentrer un jour dans le Grand Tout dont elle a été momentanément détachée, et à se confondre avec lui en perdant sa propre personnalité.
L'immortalité, comme les spiritualistes chrétiens l'entendent, c'est la survivance de l'âme qui, à sa séparation d'avec le corps, continue de vivre de sa vie propre, gardant ses facultés supérieures, son identité, le souvenir de son passé et le sentiment de sa responsabilité. D'une immortalité ainsi comprise, nous allons voir quelles sont les preuves.
126. — 3° Preuves de l'immortalité de l'âme. — Trois arguments nous démontrent l'immortalité de l'âme : un argument métaphysique, un argument psychologique et un argument moral.
A. ARGUMENT MÉTAPHYSIQUE. — L'immortalité de l'âme découle de sa nature, c'est-à-dire de la double propriété qu'elle a d'être une substance simple et spirituelle — 1. Etant simple, —non composée de parties, — elle ne peut pas périr par décomposition, à la manière des corps matériels, dont la mort consiste précisément dans la dissolution des éléments qui les composent. — 2. Etant spirituelle, — ne dépendant pas essentiellement du corps, — elle ne saurait être entraînée dans la destruction de celui-ci, vu qu'elle a tout ce qu'il lui faut pour pouvoir lui survivre. Il est vrai que l'âme humaine, comme toutes les créatures, est contingente : de même qu'elle aurait pu ne pas exister, de même elle pourrait être annihilée. Mais la raison démontre qu'urne telle annihilation répugne aux attributs de Dieu, en particulier à sa bonté et à sa justice, comme nous allons le voir dans les deux arguments qui suivent98.
B. ARGUMENT PSYCHOLOGIQUE. — II doit y avoir équation entre les penchants naturels d'un être et les moyens de les satisfaire, autrement, cet être serait mal fait, et la «sagesse et la bonté de Dieu seraient en défaut. Or les aspirations de l'homme réclament l'immortalité de son âme. Son cœur en effet est plein d'un immense désir de bonheur et soupire après une vie où il puisse connaître le vrai, contempler le beau et aimer le bien. Il est évident, par ailleurs, qu'il ne rencontre ici-bas que vérités incomplètes, imperfections et joies éphémères. Il faut donc une autre vie où l'âme étanche sa soif de bonheur, et une vie sans fin, car on ne peut jouir pleinement d'un bien qu'autant qu'il n'y a pas crainte de le perdre un jour. Il faut que Dieu qui a mis dans notre âme le besoin d'infini, en même temps que le sentiment de ne l'atteindre jamais dans cette vie, nous réserve un avenir où il y ait proportion entre nos désirs et les moyens de les réaliser ; sinon, l'homme, qui est l'être le plus parfait de la terre, serait aussi le plus malheureux : au lieu que l'animal trouve les jouissances que réclame son instinct, lui seul serait condamné par sa nature à poursuivre une fin à laquelle il lui serait impossible de parvenir.
C. ARGUMENT MORAL. — L'immortalité de l'âme est une condition de la morale. Il est conforme, en effet, à la justice de Dieu que chacun reçoive selon ses œuvres, que le bien soit récompensé, et le vice puni. Or il est assez évident que dans la vie présente cet ordre n'est pas toujours observé ; il n'est pas rare que la force prime le droit et que le vice l'emporte sur la vertu. C'est là assurément une situation injuste et anormale que Dieu ne peut tolérer que passagèrement. Il faut donc admettre que Dieu ne dit pas son dernier mot ici-bas, qu'il attend une autre vie où il fera les compensations nécessaires et où chacun recevra selon son mérite. Pour cela, l'âme humaine doit être immortelle et garder sa vie individuelle, consciente de son passé, de ses fautes comme de ses vertus.
D. CONSENTEMENT UNIVERSEL. — Aux preuves qui précèdent, la croyance de tous les peuples peut être ajoutée comme un confirmatur. Nous trouvons des traces de la croyance à l'immortalité de l'âme dans tous les temps et dans tous les pays. Que le séjour des bons s'appelle Ciel ou Elysée ; le séjour des méchants, Enfer ou Tartare, c'est toujours de la même foi à une survie des âmes qu'il est question. Les cérémonies funèbres, le culte des morts, les prières en leur faveur, n'auraient guère de sens en dehors de la croyance à l'immortalité de l'âme. Ajoutons enfin que cette croyance n'est pas un fruit de la civilisation, car elle se retrouve aussi bien chez les peuples sauvages : « Quelle que soit la dégradation de certaines peuplades sauvages, dit Livingstone, il est deux choses qu'on n'a pas besoin de leur enseigner, c'est l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme. »
124. — 1° Importance de la question. — La question de la destinée de l'homme n'offre pas moins d'intérêt pour l'apologiste que celle de son origine, car, plus encore que celle-ci, elle est grosse de conséquences. « Toutes nos actions et nos pensées, dit Pascal, doivent prendre des routes si différentes, selon qu'il y aura des biens éternels à espérer ou non, qu'il est impossible de faire une démarche avec sens et jugement, qu'en la réglant par la vue de ce point, qui doit être notre dernier objet... Notre premier intérêt et notre premier devoir est de nous éclaircir sur ce sujet, d'où dépend toute notre conduite... Je trouve bon qu'on n'approfondisse pas l'opinion de Copernic, mais ceci ! Il importe à toute la vie de savoir si l'âme est mortelle ou immortelle. » (Pensées, art. IX et art. XXIV, 17).
125. — 2° Définition de l'immortalité. — Que faut-il entendre d'abord par l’immortalité ? Évidemment il faut écarter : — 1. la conception des positivistes pour qui « l'immortalité réside tout entière dans les suites que peuvent avoir nos actes pour l'avenir et le bonheur de l'espèce » (H. Spencer), ou encore dans le long souvenir que nous laisserons dans la postérité ; — 2. la conception panthéiste qui considère l'âme comme une parcelle de la divinité, appelée à rentrer un jour dans le Grand Tout dont elle a été momentanément détachée, et à se confondre avec lui en perdant sa propre personnalité.
L'immortalité, comme les spiritualistes chrétiens l'entendent, c'est la survivance de l'âme qui, à sa séparation d'avec le corps, continue de vivre de sa vie propre, gardant ses facultés supérieures, son identité, le souvenir de son passé et le sentiment de sa responsabilité. D'une immortalité ainsi comprise, nous allons voir quelles sont les preuves.
126. — 3° Preuves de l'immortalité de l'âme. — Trois arguments nous démontrent l'immortalité de l'âme : un argument métaphysique, un argument psychologique et un argument moral.
A. ARGUMENT MÉTAPHYSIQUE. — L'immortalité de l'âme découle de sa nature, c'est-à-dire de la double propriété qu'elle a d'être une substance simple et spirituelle — 1. Etant simple, —non composée de parties, — elle ne peut pas périr par décomposition, à la manière des corps matériels, dont la mort consiste précisément dans la dissolution des éléments qui les composent. — 2. Etant spirituelle, — ne dépendant pas essentiellement du corps, — elle ne saurait être entraînée dans la destruction de celui-ci, vu qu'elle a tout ce qu'il lui faut pour pouvoir lui survivre. Il est vrai que l'âme humaine, comme toutes les créatures, est contingente : de même qu'elle aurait pu ne pas exister, de même elle pourrait être annihilée. Mais la raison démontre qu'urne telle annihilation répugne aux attributs de Dieu, en particulier à sa bonté et à sa justice, comme nous allons le voir dans les deux arguments qui suivent98.
B. ARGUMENT PSYCHOLOGIQUE. — II doit y avoir équation entre les penchants naturels d'un être et les moyens de les satisfaire, autrement, cet être serait mal fait, et la «sagesse et la bonté de Dieu seraient en défaut. Or les aspirations de l'homme réclament l'immortalité de son âme. Son cœur en effet est plein d'un immense désir de bonheur et soupire après une vie où il puisse connaître le vrai, contempler le beau et aimer le bien. Il est évident, par ailleurs, qu'il ne rencontre ici-bas que vérités incomplètes, imperfections et joies éphémères. Il faut donc une autre vie où l'âme étanche sa soif de bonheur, et une vie sans fin, car on ne peut jouir pleinement d'un bien qu'autant qu'il n'y a pas crainte de le perdre un jour. Il faut que Dieu qui a mis dans notre âme le besoin d'infini, en même temps que le sentiment de ne l'atteindre jamais dans cette vie, nous réserve un avenir où il y ait proportion entre nos désirs et les moyens de les réaliser ; sinon, l'homme, qui est l'être le plus parfait de la terre, serait aussi le plus malheureux : au lieu que l'animal trouve les jouissances que réclame son instinct, lui seul serait condamné par sa nature à poursuivre une fin à laquelle il lui serait impossible de parvenir.
C. ARGUMENT MORAL. — L'immortalité de l'âme est une condition de la morale. Il est conforme, en effet, à la justice de Dieu que chacun reçoive selon ses œuvres, que le bien soit récompensé, et le vice puni. Or il est assez évident que dans la vie présente cet ordre n'est pas toujours observé ; il n'est pas rare que la force prime le droit et que le vice l'emporte sur la vertu. C'est là assurément une situation injuste et anormale que Dieu ne peut tolérer que passagèrement. Il faut donc admettre que Dieu ne dit pas son dernier mot ici-bas, qu'il attend une autre vie où il fera les compensations nécessaires et où chacun recevra selon son mérite. Pour cela, l'âme humaine doit être immortelle et garder sa vie individuelle, consciente de son passé, de ses fautes comme de ses vertus.
D. CONSENTEMENT UNIVERSEL. — Aux preuves qui précèdent, la croyance de tous les peuples peut être ajoutée comme un confirmatur. Nous trouvons des traces de la croyance à l'immortalité de l'âme dans tous les temps et dans tous les pays. Que le séjour des bons s'appelle Ciel ou Elysée ; le séjour des méchants, Enfer ou Tartare, c'est toujours de la même foi à une survie des âmes qu'il est question. Les cérémonies funèbres, le culte des morts, les prières en leur faveur, n'auraient guère de sens en dehors de la croyance à l'immortalité de l'âme. Ajoutons enfin que cette croyance n'est pas un fruit de la civilisation, car elle se retrouve aussi bien chez les peuples sauvages : « Quelle que soit la dégradation de certaines peuplades sauvages, dit Livingstone, il est deux choses qu'on n'a pas besoin de leur enseigner, c'est l'existence de Dieu et l'immortalité de l'âme. »
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Malgré sa force, cette preuve ne doit pas être isolée des deux autres. Car, d'une part, l'anéantissement, qui est la base de l'argument, n'est nullement inconcevable : Dieu peut rendre au néant ce qu'il lui a pris ; d'autre part, l'immortalité de la substance n'est pas nécessairement l'immortalité de la personne. Il importe donc de compléter cette preuve par les deux autres preuves : psychologique et morale.
Re: Pour bien défendre sa foi devant les dénigreurs
Art. III. — Unité de l'espèce humaine.
127. — État de la question. — Tous les hommes qui composent l'humanité ont-ils une descendance commune et appartiennent-ils à la même espèce99? Voilà bien une question qu'il importe de résoudre, car le monogénisme, c'est-à-dire la provenance de tous les hommes d'un couple unique, est impliqué dans les dogmes du péché originel et de la rédemption, qui sont à la base de la religion chrétienne. Il s'agit donc de savoir si la science est en opposition ou s'accorde avec la foi qui, s'appuyant sur l'Écriture, affirme que le genre humain tout entier est issu d'un seul homme, Adam, et d'une seule femme, Eve.
Le monogénisme a été nié, au XVIIe siècle, par un gentilhomme protestant, delà Peyrère, qui, se figurant que les hommes dont la Genèse rapporte la création au VIe jour (Gen., i, 26 et suiv.), n'étaient pas les mêmes qu'Adam et Eve dont il n'est parlé qu'au chapitre II, crut qu'il y avait eu deux créations, et partant, deux espèces : la première, les Préadamites d'où seraient venus les Gentils, la seconde, les Adamites d'où seraient issus les Juifs. Cette opinion qui s'appuie uniquement sur une fausse interprétation de la Bible, et qui fut rétractée par son auteur, lorsqu'il passa au catholicisme, fut reprise par les philosophes du XVIIe siècle, au nom de la science et de la raison. Mais depuis que de Quatrefages a accumulé, dans son ouvrage l’Espèce humaine, les faits et les preuves qui démontrent le monogénisme, la question est résolue dans ce sens. Nous allons, du reste, passer rapidement en revue les arguments des polygénistes, et nous verrons comment les monogénistes y répondent.
128. — 1° Arguments des polygénistes. — Si l'on compare les différents groupes humains et que l'on considère les principaux caractères morphologiques qui les distinguent, tels que la couleur de la peau, la nature des cheveux, la conformation du crâne et de la face, l'angle facial, l'on peut partager l'humanité en trois types fondamentaux : le type blanc ou caucasien, le type jaune ou mongolique, le type nègre ou éthiopique. — a) La race blanche se caractérise par la couleur blanche de la peau, par les cheveux soyeux, lisses ou bouclés», par un crâne bien développé, un front large et élevé, par des arcades sourcilières peu saillantes, par l'ouverture des yeux horizontale, le nez droit, le menton non fuyant et par un angle facial voisin de 90°. Cette race que nous trouvons en Europe, au nord de l'Afrique et de l'Amérique et dans une partie du sud-ouest de l'Asie, comprend 42 % de la population totale du globe. — b) La race jaune se distingue par la couleur jaune, les cheveux raides, le crâne brachycéphale c'est-à-dire court d'avant en arrière, la face large, les pommettes saillantes, les yeux obliques et étroits, le nez plus large que chez le blanc, mais non aplati, comme chez le nègre, un angle facial un peu plus petit que chez le blanc. La race jaune qui occupe presque toute l'Asie, sauf le sud-ouest, représente 44 % de l'humanité. — c) La race nègre se caractérise par la couleur, qui va du brun foncé jusqu'au noir le plus pur, les cheveux laineux, le crâne dolichocéphale c'est-à-dire allongé d'avant en arrière, le front étroit et fuyant, les arcades sourcilières saillantes, les yeux grands et noirs, le nez court et aplati, lés mâchoires prognathes (du grec pro, en avant et gnathos, mâchoires) c'est-à-dire projetées en avant et terminées par des lèvres épaisses, ce qui rend le menton fuyant, par un angle facial qui descend quelquefois à 70°. La race nègre qui peuple l'Afrique, sauf le Nord, les îles africaines méridionales, Madagascar, quelques îlots asiatiques, l'Australie et la Mélanésie, et qui se trouve disséminée en Amérique, compte 12 % de l'espèce humaine. — L'on pourrait ajouter à ces trois types principaux les races mixtes, comprenant des groupes aux caractères mélangés, tels que les Peaux-rouges qui sont dispersés dans toute l'Amérique et forment 1 ou 2 % de l'humanité.
Ainsi, les polygénistes, insistant sur les différences qui caractérisent les trois types que nous venons de passer en revue, concluent que l'humanité n'a pas une descendance commune et se rattache à plusieurs ancêtres.
127. — État de la question. — Tous les hommes qui composent l'humanité ont-ils une descendance commune et appartiennent-ils à la même espèce99? Voilà bien une question qu'il importe de résoudre, car le monogénisme, c'est-à-dire la provenance de tous les hommes d'un couple unique, est impliqué dans les dogmes du péché originel et de la rédemption, qui sont à la base de la religion chrétienne. Il s'agit donc de savoir si la science est en opposition ou s'accorde avec la foi qui, s'appuyant sur l'Écriture, affirme que le genre humain tout entier est issu d'un seul homme, Adam, et d'une seule femme, Eve.
Le monogénisme a été nié, au XVIIe siècle, par un gentilhomme protestant, delà Peyrère, qui, se figurant que les hommes dont la Genèse rapporte la création au VIe jour (Gen., i, 26 et suiv.), n'étaient pas les mêmes qu'Adam et Eve dont il n'est parlé qu'au chapitre II, crut qu'il y avait eu deux créations, et partant, deux espèces : la première, les Préadamites d'où seraient venus les Gentils, la seconde, les Adamites d'où seraient issus les Juifs. Cette opinion qui s'appuie uniquement sur une fausse interprétation de la Bible, et qui fut rétractée par son auteur, lorsqu'il passa au catholicisme, fut reprise par les philosophes du XVIIe siècle, au nom de la science et de la raison. Mais depuis que de Quatrefages a accumulé, dans son ouvrage l’Espèce humaine, les faits et les preuves qui démontrent le monogénisme, la question est résolue dans ce sens. Nous allons, du reste, passer rapidement en revue les arguments des polygénistes, et nous verrons comment les monogénistes y répondent.
128. — 1° Arguments des polygénistes. — Si l'on compare les différents groupes humains et que l'on considère les principaux caractères morphologiques qui les distinguent, tels que la couleur de la peau, la nature des cheveux, la conformation du crâne et de la face, l'angle facial, l'on peut partager l'humanité en trois types fondamentaux : le type blanc ou caucasien, le type jaune ou mongolique, le type nègre ou éthiopique. — a) La race blanche se caractérise par la couleur blanche de la peau, par les cheveux soyeux, lisses ou bouclés», par un crâne bien développé, un front large et élevé, par des arcades sourcilières peu saillantes, par l'ouverture des yeux horizontale, le nez droit, le menton non fuyant et par un angle facial voisin de 90°. Cette race que nous trouvons en Europe, au nord de l'Afrique et de l'Amérique et dans une partie du sud-ouest de l'Asie, comprend 42 % de la population totale du globe. — b) La race jaune se distingue par la couleur jaune, les cheveux raides, le crâne brachycéphale c'est-à-dire court d'avant en arrière, la face large, les pommettes saillantes, les yeux obliques et étroits, le nez plus large que chez le blanc, mais non aplati, comme chez le nègre, un angle facial un peu plus petit que chez le blanc. La race jaune qui occupe presque toute l'Asie, sauf le sud-ouest, représente 44 % de l'humanité. — c) La race nègre se caractérise par la couleur, qui va du brun foncé jusqu'au noir le plus pur, les cheveux laineux, le crâne dolichocéphale c'est-à-dire allongé d'avant en arrière, le front étroit et fuyant, les arcades sourcilières saillantes, les yeux grands et noirs, le nez court et aplati, lés mâchoires prognathes (du grec pro, en avant et gnathos, mâchoires) c'est-à-dire projetées en avant et terminées par des lèvres épaisses, ce qui rend le menton fuyant, par un angle facial qui descend quelquefois à 70°. La race nègre qui peuple l'Afrique, sauf le Nord, les îles africaines méridionales, Madagascar, quelques îlots asiatiques, l'Australie et la Mélanésie, et qui se trouve disséminée en Amérique, compte 12 % de l'espèce humaine. — L'on pourrait ajouter à ces trois types principaux les races mixtes, comprenant des groupes aux caractères mélangés, tels que les Peaux-rouges qui sont dispersés dans toute l'Amérique et forment 1 ou 2 % de l'humanité.
Ainsi, les polygénistes, insistant sur les différences qui caractérisent les trois types que nous venons de passer en revue, concluent que l'humanité n'a pas une descendance commune et se rattache à plusieurs ancêtres.
99
L'espèce est définie par de Quatrefages « l'ensemble des individus plus ou moins semblables entre eux qui peuvent être regardés comme descendus d'une paire primitive unique par une succession ininterrompue et naturelle de familles. »
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