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Du moi humain – Du père Jésuite français Grou -18 eme siecle

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Message par MichelT Mer 5 Fév 2014 - 21:19

Du moi humain –

Du père Jésuite français – Jean-Nicolas Grou ( Extrait) 18 eme siècle.

Chassé de France par la révolution française, au 18 eme siècle, le père Grou a fini sa vie en exil dans une famille catholique anglaise. (Manuel des âmes intérieures)

Dieu seul a proprement le droit de dire moi, et de rapporter tout a lui, d`être la règle, la mesure, le centre de tout, parce que Dieu seul est, et que le reste n`est que par sa volonté, n`est que pour lui, n`a de prix que celui qu`il lui donne et, pris en lui-même, n`est rien, ne vaut rien, ne mérite rien. Cela est vrai dans l`ordre de la nature et encore plus dans celui de la Grace.

Ce fondement posé, il est aisé de sentir toute l`injustice du moi humain. Cette injustice consiste en ce que l`homme, se considérant en lui-même, s`estime, s`aime et se croit digne d`estime et d`amour; en ce qu`il s`établit centre de tout et qu`il rapporte tout a lui; en ce que l`amour qu`il a pour lui-même et pour ses intérêts est le motif secret de ses pensées, de ses discours, de toute sa conduite. Il s`envisage en tout, il se cherche en tout, il semble que tout l`univers, que tous les hommes, que Dieu lui-même ne soient que pour lui.

Il n`estime les autres, il ne les aime que a proportion de l`estime et de l`amitié qu`ils lui portent. S`il les prévient, s`il les oblige, s`il les sert c`est, pour l`ordinaire, son propre intérêt qu`il a en vue et si ce n`est pas l`intérêt, c`est la vaine gloire. Cette estime, cet amour de soi-même, se glissent partout, jusque dans le service de Dieu, et sont la source de toutes les imperfections, de toutes les fautes ou l`on tombe.

Le moi humain, est le principe de l`orgueil et, par conséquent de tout péché. Il est l`ennemi de Dieu qu`il attaque dans son domaine universel et absolu. Il est l`ennemi des hommes qu`il tourne les uns contre les autres à cause de l`opposition de leurs intérêts. Il est l`ennemi de tout homme parce que il l`éloigne de son vrai bien, parce que il le porte au mal et qu`il loi ôte la paix et le repos.

Anéantissez le moi humain,  et tous les crimes disparaissent de dessus la terre, tous les hommes vivent comme des frères, partagent sans envie les biens de la terre, se soulagent mutuellement dans leurs maux et chacun regarde dans autrui un autre soi-même. Anéantissez le moi humain, et toutes les pensées de l`homme, tous ses désirs, toutes ses actions se porterons vers Dieu sans aucun retour sur soi. Dieu sera aimé, adoré, servi pour lui-même à cause de ses infinies perfections, a cause de ses bienfaits. Il sera aimé, soit qu`il console l`homme, soit qu`il l`afflige, soit qu`il le caresse soit qu`il l`éprouve, soit qu`il l`attire avec douceur, soit qu`il paraisse le rejeter et le rebuter. Anéantissez le moi humain et l`homme toujours innocent coulera ses jours dans une paix inaltérable, parce que ni au-dedans, ni au-dehors, rien de pourra le troubler.

Il y a deux sortes de moi humain. Le moi humain grossier, animal, terrestre, qui n`a pour objet que les choses d`ici-bas. C`est celui de ceux qui aiment ce monde, toujours occupés d`eux-mêmes dans la recherche, dans la jouissance, dans le regret des honneurs, des richesses, des plaisirs de la terre. C`est celui des prétendus sages qui, par un orgueil raffiné et pour se singulariser, affectent d`être indépendants des préjugés et opinions vulgaires, et recherchent la gloire par le mépris même qu`ils paraissent en faire. Tous les vices qui avilissent l`homme et qui désolent l`univers, sont les enfants de ce moi grossier, qui fait le malheur de la plupart des humains dans cette vie et dans l`autre.

L`autre moi, plus subtil et plus délicat, est le moi spirituel, le moi des personnes adonnées a la piété. Qui pourrait dire combien ce moi est nuisible a la dévotion, combien il la rétrécit et la rapetisse, a combien de travers et d`illusions il l`expose, combien il la rend ridicule et méprisable aux yeux du monde, censeur malin et impitoyable de tous les serviteurs de Dieu?
Qui pourrait dire encore combien de misères, de faiblesses, de chutes il est la source, comment il rend les dévots minutieux, scrupuleux, inquiets, empressés, inconstants, bizarres, jaloux, critiques, médisants, fâcheux, insupportables à eux-mêmes et aux autres? Qui pourrait dire combien il traverse et arrête les opérations de la Grace, combien il favorise les ruses, et les embuches de l`ange déchu; combien il nous rend faible dans les tentations, lâches dans les épreuves, réservés dans les sacrifices, combien de desseins généreux il fait avorter, combien de bonnes actions il injecte de son poison, combien de défauts il déguise et travestit en vertus?

Le propre du moi humain, qu`il soit, sensuel ou spirituel est de nous plonger dans le plus pitoyable aveuglement. On ne se voit pas, on ne se connait pas et l`on croit se voir et se connaitre. Rien ne peut nous ouvrir les yeux et l`on se fâche contre quiconque entreprend de le faire. On impute a la mauvaise volonté, ou du moins à l`erreur, les avis et les corrections. On a beau nous ménager et nous dire les choses avec toute la douceur et la circonspection possibles,  l`amour-propre blessé s`offense, se révolte et ne pardonne pas un discours inspiré par le zèle et la charité.

Par le même principe, on se croit en état de se conduire et de se juger soi-même. On veut même diriger ceux qui sont préposés pour nous gouverner et leur enseigner comment ils doivent s`y prendre avec nous. On ne se croit bien conduit que par ceux qui nous flattent et qui donnent dans notre sens. Quand on nous parle de combattre l`amour-propre, de forcer nos répugnances, de surmonter nos aversions, quand on nous ouvre les yeux sur certains défauts chéris, quand on nous fait toucher au doigt l`imperfection et l`impureté de nos motifs, quand on nous demande de certains sacrifices, c`est un langage que l`on ne veut point entendre, c`est un joug intolérable qu`on nous impose, on nous connaît mal, on se trompe, on exagère, on a vu au-delà de la loi et même du conseil.

Cependant il est vrai que toute la sainteté consiste dans la destruction du moi humain. Il est vrai que la morale chrétienne n`a point d`autres buts, que l`objet de toutes les opérations de la Grace est de nous humilier et d`anéantir l`amour de nous-mêmes. Il est vrai que l`amour de Dieu et l`amour-propre sont comme deux poids d`une balance, dont l`un ne peut que baisser que l`autre ne hausse. Ainsi l`unique moyen de perfection, la grande pratique qui embrasse toutes les autres est de travailler à combattre l`amour-propre.

Mon grand ennemi, celui par lequel nos autres ennemis, l`ange déchu et le monde, peuvent tout contre moi, c`est moi-même, c`est le vieil homme, ce funeste rejeton d`Adam pécheur, c`est cet amour-propre, né avec moi, développé en moi avant l`usage de ma raison, fortifié par mes passions, par les ténèbres de mon entendement, par la faiblesse de ma volonté, par l`abus que j`ai fait de ma liberté, par mes péchés et mes mauvaises habitudes.

Comment combattre et vaincre ce terrible ennemi? Comment s`y prendre, et par ou commencer? Prions le Seigneur pour qu`il nous aide dans cette guerre contre nous même. L`amour-propre n`est mon ennemi parce qu’il est le vôtre Seigneur. Ainsi soit-il.

MichelT

Date d'inscription : 06/02/2010

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